F. LA PERFORMANCE EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ
1. Des indicateurs de performance en voie d'amélioration ?
Alors que le volet « performance » du programme « Gendarmerie nationale » comportait 21 indicateurs jusqu'en 2012, Le projet annuel de performances (PAP) comprend désormais 5 objectifs et 17 indicateurs pour la police, 7 objectifs et 20 indicateurs pour la gendarmerie. Pour 2013, l'indicateur portant sur l'évolution du nombre d'infractions révélées par l'action des services a en effet été supprimé.
a) Une réflexion en cours sur la maquette
Une réflexion est actuellement en cours sur les objectifs et les indicateurs de performance de la mission « Sécurité » et elle devrait aboutir à une révision de la maquette de performance actuelle.
Le ministre de l'intérieur, Manuel Valls, a ainsi annoncé la constitution d'un groupe de travail autour de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) 9 ( * ) et de personnalités qualifiées afin de définir de nouveaux indicateurs .
Les conclusions du groupe de travail sont attendues pour la fin de l'année 2012. Les premières mesures devraient donc intervenir dès 2013 .
D'ores et déjà , la maquette pour 2013 intègre quelques évolutions. En effet, un nouvel indicateur (indicateur 1.6), de qualité de service rendu aux usagers, relatif au délai moyen d'intervention de nuit est mis en place conjointement pour la police et de la gendarmerie nationales.
En outre, pour la grande majorité des indicateurs, des tendances, à la hausse ou à la baisse, se sont substituées aux valeurs cibles chiffrées , laissant place ainsi à une logique de qualité et d'exigence de sécurité.
Votre rapporteur spécial se félicite de cette avancée qui correspond à une rupture salutaire avec la « politique du chiffre » à marche forcée, conduite depuis plusieurs années au sein du ministère de l'intérieur. Il estime toutefois que ce progrès en appelle d'autres .
b) Des indicateurs et des statistiques biaisés
Il convient en effet de regretter que le volet « performance » du PAP de la présente mission continue actuellement de s'appuyer sur des indicateurs et des statistiques biaisés .
A cet égard, la critique de votre rapporteur spécial porte sur la méthodologie même retenue pour bâtir le PAP. Ainsi, les indicateurs relatifs à l'objectif 1 « Réduire l'insécurité » et à l'objectif 4 « Améliorer le taux d'élucidation des crimes et délits » souffrent du mélange de faits, certes tous qualifiés de crimes ou de délits, mais en réalité de nature très différente .
Par exemple, l'indicateur 1.2 « Evolution du nombre de crimes et délits en matière d'atteintes volontaires à l'intégrité physique des personnes constatées [en zone police ou gendarmerie] » traite de façon identique les violences sexuelles et les simples menaces de violence.
De même, l'indicateur 1.3 « Evolution du nombre de crimes et délits en matière d'escroqueries et d'infractions économiques et financières constatées [en zone police ou gendarmerie] » opère un amalgame entre les différentes infractions financières et l'emploi d'étrangers sans titre de séjour. En revanche, cet indicateur ne tient pas précisément compte de la cybercriminalité.
Enfin, l'intérêt pour le contribuable de connaître le « taux d'engagement des effectifs sur le terrain » (indicateur 1.5) paraît relativement intéressant, mais là encore ce ratio est biaisé. En effet, ainsi que l'indique le PAP, « le système d'information ne permet pas de distinguer le type des emplois », « tous les personnels sont pris en compte » (administratifs, scientifiques, techniques) et la part du travail administratif que doit effectuer un policier n'apparaît pas du tout.
Les indicateurs gagneraient donc à être revus, afin de s'aligner sur la volonté d'une démarche plus qualitative dans l'appréciation des résultats des forces de police et de gendarmerie qu'appelle le ministre de ses voeux.
c) Les propositions d'amélioration de la mesure de la performance
Afin de remédier aux lacunes décrites supra et de fournir un tableau réellement représentatif de la performance de la police et de la gendarmerie, votre rapporteur spécial propose la création de plusieurs nouveaux indicateurs, ces créations pouvant être compensées par la suppression de certains indicateurs actuels .
Tout d'abord, un indicateur rendant compte du sentiment d'insécurité pourrait utilement venir enrichir le volet « performance » de la mission. Il serait mesuré par un organisme indépendant et se déclinerait par secteurs (par exemple, les transports publics, les espaces publics, les zones de sécurité prioritaires, les zones rurales, les zones urbaines ou les zones périurbaines).
En outre, un indicateur évaluant la part de l'action des agents consacrée à la prévention et celle dédiée à la répression apporterait un éclairage utile sur la politique menée.
Par ailleurs, le nombre de gardes à vue entrainant une condamnation devrait également figurer dans le PAP.
En matière de vidéosurveillance , un indicateur pourrait aussi utilement venir enrichir le volet « performance » de la présente mission, en mesurant par exemple le nombre d'affaires élucidées grâce à ce type de dispositif.
S'agissant de l'utilisation des fichiers de police judiciaire , la performance pourrait être mesurée par le « taux d'exactitude » des fiches du système de traitement des infractions constatées (STIC) et du système judiciaire de documentation et d'exploitation (JUDEX). La Commission nationale informatique et libertés (CNIL) procède d'ores et déjà à cette mesure à partir des vérifications qu'elle effectue chaque année.
Alors que la cybercriminalité revêt une importance croissante, aucun indicateur ne permet de mesurer les actions engagées. Les résultats de la lutte contre la fraude et l'usurpation d'identité sur internet pourraient utilement être portés à l'appréciation du Parlement.
Concernant la sécurité routière , il serait nécessaire de recenser le nombre d'accidents de la route pour cause d'ivresse, de vitesse ou de drogue (notamment) afin d'observer l'évolution dans le temps de ces types d'accidents ainsi que l'impact des choix politiques en la matière.
La politique du ministère en faveur d'un Etat exemplaire en matière de protection de l'environnement et de développement durable pourrait également trouver une traduction concrète dans le PAP de la police et de la gendarmerie. Un indicateur évaluant la prise en compte de la démarche environnementale dans la politique d'achats courants, la gestion énergétique des bâtiments et le renouvellement du parc de véhicules serait ainsi le bienvenu.
En contrepartie de ces créations, certaines suppressions paraissent possible sans dommage pour la lecture du tableau de la performance des deux forces de sécurité. C'est le cas de l'indicateur 1.4 « Indice d'évolution de l'efficacité de la surveillance générale sur les atteintes aux biens », qui n'apporte aucun élément d'information pertinent, ou de l'indicateur 1.5 relatif au « taux d'engagement des effectifs sur le terrain » pour les raisons exposées supra . La suppression de ces indicateurs, tels qu'ils sont présentés, semble s'imposer ou, à tout le moins, ces statistiques appellent-elles une modification dans la méthodologie de leur calcul.
De même, en matière de renforcement de l'efficacité dans la lutte contre l'insécurité routière (objectif 3), les indicateurs 3.2 « Indice d'efficacité du dépistage d'alcoolémie sur les accidents corporels dus à l'alcool » et 3.3 « Indice d'efficacité du dépistage des stupéfiants sur les accidents mortels impliquant l'usage de stupéfiants » ne permettent pas d'observer l'impact réel de la politique menée. En outre, les chiffres présentés en prévision pour 2012 et en cible pour 2013 (soit un indice « supérieur à un ») se prêtent très mal à l'analyse. Au total, ces indicateurs pourraient sans préjudice être également retirés du PAP pour l'avenir.
S'agissant précisément de la méthodologie utilisée pour bâtir les indicateurs actuellement présents dans le PAP, votre rapporteur spécial préconise l'emploi de statistiques judiciaires , qui permettent une meilleure vision de la chaîne pénale ( via la chaîne d'application pénale Cassiopée).
Au total, votre rapporteur spécial se félicite du choix du Gouvernement pour une approche plus qualitative dans la mesure de l'action des forces de sécurité. Dès lors que l'action sur le terrain est indissociable de la prévention, celle-ci doit également être bien prise en compte dans l'évaluation de la performance. Car l'un des objectifs de la police et de la gendarmerie est de renouer le lien avec la population et travailler dans un climat de confiance et de respect avec elle.
2. La lutte contre la délinquance : les atteintes aux biens et à l'intégrité physique des personnes reculent
La baisse de la délinquance, sous toutes ses formes, est le premier objectif de la mission des forces de police et de gendarmerie . La performance en l'espèce est mesurée par l'évolution du nombre de crimes et délits constatés, tant en zone police qu'en zone gendarmerie.
En 2012, la délinquance constatée en matière d'atteintes aux biens aura reculé de 2 % en zone police comme en zone gendarmerie (prévision actualisée pour 2012). Au total, le nombre de crimes et délits constatés devrait passer de 2 146 479 en 2011 à 2 103 549 en 2012 (prévision actualisée), soit une baisse de 42 930 faits constatés .
Dans le domaine des atteintes volontaires à l'intégrité physique des personnes , la délinquance constatée diminue de 0,5 % en zone police et de 1 % en zone gendarmerie (prévisions actualisées). Au total, le nombre de crimes et délits constatés est passé de 468 012 à 465 188 (prévision actualisée), soit une baisse de 2 824 faits constatés .
L'évolution du nombre de crimes et délits en matière d'escroqueries et d'infractions économiques et financières, aussi bien en zone de police qu'en zone gendarmerie (indicateur 1.3), est satisfaisante : la prévision actualisée pour 2012 (- 1,5 %) est en effet conforme à la prévision initiale.
Parallèlement, le taux d'élucidation a connu une évolution différenciée selon les zones. En zone police, il atteint 15 % (prévision actualisée) pour les atteintes aux biens (contre 14,21 % en 2011), 58 % (prévision actualisée) pour les atteintes à l'intégrité physique des personnes (contre 53,92 % en 2011) et 47 % (prévision actualisée) pour les escroqueries et les infractions économiques et financières (contre 45,35 % en 2011). En revanche, en zone gendarmerie, les résultats sont les suivants : 17 % (prévision actualisée) pour les atteintes aux biens (contre 17,13 % en 2011), 80 % (prévision actualisée) pour les atteintes à l'intégrité physique des personnes (contre 84,74 % en 2011) et 68,5 % (prévision actualisée) pour les escroqueries et les infractions économiques et financières (contre 72,63 % en 2011).
Menée au cours des dernières années, la politique du chiffre et de l'interpellation a trouvé ses limites , comme en attestent les statistiques en matière de stupéfiants. Alors qu'en 2005 on dénombrait 106 773 usages de stupéfiants et 6 057 interpellations pour fait de trafic, on en relève respectivement 156 625 et 5 721 entre les mois d'octobre 2011 et de septembre 2012 (c'est-à-dire sur les douze derniers mois écoulés), soit une hausse de 46,7 % et une baisse de 5,5 % 10 ( * ) .
3. Le bilan de la lutte contre l'insécurité routière
L'exercice 2012 enregistre des résultats satisfaisants en matière de sécurité routière. En zone police , le nombre d'accidents a reculé de 4 % en prévision actualisée (48 912 accidents), tandis que le nombre de tués a fléchi de 2 % en prévision actualisée (1 106 tués).
En zone gendarmerie , le nombre d'accidents a lui aussi baissé : - 4 % en prévision actualisée (pour un nombre total de 16 452 accidents). Les accidents y sont également moins mortels qu'en 2011, avec un nombre de tués passant de 3 070 en 2011 à 2 855 en prévision actualisée (- 7 %).
En réponse aux bilans de l'accidentalité dans sa zone de compétence, la gendarmerie concentre ses efforts sur trois principaux leviers : la lutte contre les conduites addictives (alcool et stupéfiants) , le respect des limitations de vitesse ainsi que le comportement des jeunes conducteurs et des utilisateurs de deux-roues motorisées.
* 9 Dans son bulletin d'août 2012, l'ONDRP rappelait que « confondre la délinquance enregistrée avec la délinquance commise (...) est une erreur ». Le taux de plaintes varie en effet de moins de 10 % pour les actes de vandalisme ou les violences sexuelles, à près de 100 % pour les vols de voiture. L'ONDRP souligne aussi l'existence de mois « atypiques ». Lorsqu'un mois s'achève par un week-end ou un jour férié, la collecte se termine le dernier jour ouvrable. Cela donne des mois à 27 ou 28 jours qui jettent un doute sur la fiabilité des comptes .
* 10 ONDRP, bulletins mensuel de janvier 2006 et d'octobre 2012.