D. UNE MAJORATION DE LA DÉCOTE POUR COMPENSER LA DÉSINDEXATION ?
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, le Gouvernement a souhaité « rétablir la progressivité de l'imposition des personnes » et notamment mettre fin à la situation inéquitable qui a résulté de la désindexation du barème de l'impôt sur le revenu. Aussi l'article 2 du projet de loi précité prévoit-il :
- d'une part de majorer la décote applicable à l'impôt sur le revenu , de manière à maintenir en dehors du champ de l'impôt les contribuables qui sont devenus imposables à la suite du gel du barème et à neutraliser l'effet de cette mesure pour les foyers situés dans les deux premières tranches ;
- d'autre part, de relever en fonction de l'indice des prix les plafonds de revenus pris en compte pour accorder les exonérations, plafonnements et dégrèvements de taxe d'habitation et de taxe foncière .
Votre rapporteure spéciale a souhaité procéder à une analyse de la revalorisation de la décote annoncée par le Gouvernement et en évaluer l'opportunité.
1. La majoration de la décote limite les effets de la désindexation...
Le mécanisme proposé par le Gouvernement repose sur une revalorisation de la décote combinée au minimum de perception prévu à l'article 1657 du code général des impôts (CGI). Ce dernier dispose que les cotisations d'impôt sur le revenu ne sont pas recouvrées lorsque leur montant est inférieur à 61 euros.
Le dispositif de la décote est décrit, quant à lui, par l'article 197 du même code. En l'état actuel du droit, il prévoit que lorsque le montant de l'impôt sur le revenu est inférieur à 878 euros 13 ( * ) , celui-ci est diminué de la différence entre 439 euros et la moitié de son montant 14 ( * ) .
Ainsi, lorsque le montant de l'imposition est inférieur à 878 euros, l'impôt à payer se calcule de la manière suivante :
Impôt à payer = Montant de l'impôt - [439 - (Montant de l'impôt/2)]
Par conséquent, combiné au minimum de perception, la décote aboutit à ce que les personnes imposables mais dont le montant des cotisations est inférieur 333,3 euros (ce qui correspond à un revenu imposable de 11 935 euros par part) soient, de fait, exonérés d'impôt sur le revenu. A titre d'exemple, si un contribuable est redevable d'un montant de 250 euros d'impôt :
Impôt à payer = 250 - [439 - (250/2)]
L'impôt acquitté est égal à 0 dans la mesure où le montant de la décote (439-250/2=314) est supérieur au montant de l'impôt . Si le montant de l'impôt est de 310 euros :
Impôt à payer = 310 - [439 - (310/2)] = 26
Aussi l'impôt à payer devrait-il être de 26 euros. Seulement, le minimum de perception étant de 61 euros, il ne sera pas recouvré . De fait, un contribuable se trouvant dans une telle situation ne serait pas imposé.
C'est précisément ce levier que souhaite actionner le Gouvernement dans le dispositif proposé à l'article 2 du projet de loi de finances pour 2013. En effet, ce dernier article relève le montant de la décote de 439 à 480 euros, soit une revalorisation de 9 %. Dès lors, seraient concernés les foyers dont le montant de l'impôt est inférieur à 960 euros.
Le montant de cette revalorisation a été fixé pour neutraliser les effets de la désindexation pour les ménages dont les revenus sont inférieurs ou égaux à la limite supérieure de la deuxième tranche du barème , soit 11 896 euros et qui ont augmenté comme l'inflation en 2012 (soit de 2 %).
Aussi, selon le Gouvernement, « pour un contribuable célibataire ayant un revenu de 11 896 euros, la cotisation d'impôt compte tenu de la décote est de 50 euros, inférieure au seuil de mise en recouvrement. L'augmentation de 41 euros de la décote permet de préserver totalement la situation de cette personne dont les revenus ont augmenté de 2 % ».
En effet :
- pour un contribuable célibataire ayant un revenu imposable net de 11 896 euros en 2011, le montant de l'impôt était de 50 euros après application de la décote de 439 euros. Aussi celui-ci n'a-t-il pas été imposé, le montant d'impôt étant inférieur au minimum de perception ;
- si ce même contribuable a été augmenté avec l'inflation en 2012 (+ 2 %), alors son montant d'impôt sera de 59 euros après application de la nouvelle décote de 480 euros. De ce fait, il restera non imposé, alors que sans la revalorisation de la décote, ce dernier aurait payé 100 euros d'impôt .
De toute évidence, la majoration de la décote proposée permet de neutraliser la désindexation pour les ménages dont les revenus sont inférieurs ou égaux à la limite supérieure de la deuxième tranche du barème d'impôt sur le revenu. A cela s'ajoute le relèvement de l'indice des prix les plafonds de revenus pris en compte pour accorder les exonérations, plafonnements et dégrèvements de taxe d'habitation et de taxe foncière qui permet de limiter les effets induits par le gel du barème. Cependant, tous ces effets ne sont pas compensés : les pertes occasionnés au titre des dépenses fiscales ne sont pas prises en compte .
2. ...mais crée inutilement de la complexité
Par ailleurs, le mécanisme prévu par le Gouvernement crée de la complexité, ce qui laisse penser à votre rapporteure spéciale que la revalorisation de la décote ne constitue pas une solution pleinement satisfaisante .
En effet, le dispositif proposé est difficilement intelligible pour les contribuable s et sa complexité impliquera nécessairement des difficultés d'application par les services de l'administration fiscale . Dès lors, ces derniers seront mobilisés par le contrôle du calcul de la décote par les contribuables et seront d'autant moins disponibles pour des tâches présentant une priorité plus grande, à l'instar de la lutte contre la fraude.
Aussi votre rapporteure spéciale souhaite-t-elle souligner qu'il est nécessaire de s'assurer d' un meilleur usage de la dépense publique .
3. Un dégel accompagné d'un renforcement de la progressivité du barème semble plus approprié
C'est pourquoi, elle considère que le dégel du barème accompagné d'un renforcement de sa progressivité constituerait une solution plus adaptée, plus équitable et surtout plus lisible .
Le Gouvernement a estimé qu'une indexation au taux de 2 % des deux premières tranches du barème 15 ( * ) représenterait une moindre recette de près de 850 millions d'euros en 2013 . Néanmoins, celle-ci pourrait être aisément compensée par un relèvement des taux marginaux supérieurs, sachant que les contribuables concernés seraient également bénéficiaires de dégel des deux premières tranches.
A titre d'exemple, si le taux de 41 % et celui de 45 %, dont la création est proposée par le présent projet de loi de finances pour les revenus supérieurs à 150 000 euros par an, sont relevés respectivement à 46 % et 55 %, le coût du dégel des deux premières tranches du barème serait compensé à due concurrence , selon les estimations de votre rapporteure spéciale.
* 13 Après application, le cas échéant, du plafonnement des effets du quotient familial et des abattements de 30 % ou de 40 % pour les contribuables résidant en outre-mer.
* 14 Les éventuels réductions et crédits d'impôt s'imputent après application de la décote.
* 15 Passage du seuil d'entrée dans la tranche à 5,5 % de 5 963 euros à 6 082 euros et du seuil de 11 896 euros à 12 134 euros pour la tranche à 14 %.