C. UN VASTE CHANTIER POST-PLFSS : MODERNISER L'ARCHITECTURE DE LA POLITIQUE FAMILIALE
A l'occasion de l'examen de ce projet de loi de financement, votre rapporteure entend insister sur la nécessité de faire évoluer les outils actuels de la politique familiale afin de mieux répondre aux besoins des familles , au premier rang desquelles les plus modestes.
La littérature publiée ces dernières années sur ce sujet est abondante. Il est grand temps, désormais, de s'atteler à ce vaste chantier.
1. L'avis du Haut Conseil de la famille sur l'évolution de l'architecture de la politique familiale
Le Haut Conseil de la famille (HCF) a mené d'importants travaux sur l'architecture de la politique familiale en 2010 et 2011, lesquels ont donné lieu à la publication de plusieurs notes et avis, riches d'enseignements et de propositions.
a) Des résultats satisfaisants, mais qui risquent de ne pas perdurer faute d'adaptations du système
Rappelant que l'investissement de la Nation en direction des familles représente entre 4 % et 6 % de la richesse nationale (selon le périmètre retenu), le HCF dresse un bilan positif de l'architecture de la politique de la famille telle qu'elle existe aujourd'hui.
Cette politique a, jusqu'ici, donné globalement de bons résultats :
- l'une de ses réussites réside dans la conciliation d'un haut niveau de fécondité et d'un taux d'activité féminine relativement élevé, même si l'équilibre atteint aujourd'hui n'est pas pleinement satisfaisant ;
- l'architecture actuelle permet également une réduction des inégalités et de la pauvreté, même si certains de ses outils sont discutés (notamment la fiscalité et les droits familiaux de retraite) et certains de ses résultats jugés encore insuffisants.
Malgré ce constat positif, le Haut Conseil de la famille estime que « le maintien de l'architecture actuelle ne permettrait pas de répondre aux principales faiblesses identifiées aujourd'hui dans notre système d'aide aux familles » :
- la compensation du coût de l'enfant et le soutien au revenu des familles les plus fragiles (familles monoparentales, familles modestes) se dégraderaient davantage pour ces familles en l'absence d'évolution des aides actuelles ;
- la pauvreté des enfants et des familles augmenterait de façon sensible sans réforme ;
- les dispositifs permettant une bonne articulation entre vie familiale et vie professionnelle restent encore à améliorer ;
- les politiques d'accompagnement des familles et de soutien à la parentalité méritent d'être déployées.
Tels sont les principaux axes de réforme développés par le Haut Conseil de la famille.
b) Une meilleure articulation entre vie familiale et vie professionnelle
Si l'accroissement de l'effort en faveur de l'accueil des jeunes enfants fait consensus au sein du Haut Conseil de la famille, un débat existe sur l'opportunité d'introduire une obligation légale de couverture des besoins d'accueil pour les communes et les regroupements de communes.
Certains membres sont favorables à la poursuite d'une politique incitative (élaboration, par les collectivités territoriales, d'un schéma d'accueil des jeunes enfants), tandis que d'autres estiment qu'une obligation légale est désormais indispensable pour un développement rapide des capacités d'accueil et une réduction des inégalités de couverture sur le territoire.
Par ailleurs, certains membres du conseil prônent un réexamen complet de l'ensemble des dispositifs pouvant contribuer à dissuader la biactivité (plafonds de ressource ne tenant pas compte de la biactivité, quotient conjugal).
c) Une meilleure compensation des charges des familles
En matière de compensation, deux mesures semblent prioritaires aux yeux du Haut Conseil de la famille :
- une meilleure indexation des prestations visant les familles modestes, moyennes ou nombreuses (allocation de rentrée scolaire, allocation de soutien familial, complément familial, aides au logement). Le Haut Conseil de la famille, favorable à une autre forme d'indexation que celle sur les prix mais conscient du surcoût que cela induirait, demande à ce qu'une telle mesure concerne prioritairement les prestations les plus sélectives ;
- un meilleur ciblage des aides en direction des familles modestes , au premier rang desquelles les aides au logement et le RSA.
Dans son état des lieux de la redistribution en France 1 , l'Insee constate que les prestations sociales ont fait l'objet d'importantes modifications législatives depuis vingt ans : la majoration de l'allocation de rentrée scolaire puis l'élargissement de l'assiette de ses bénéficiaires (en 1993 et 1998), les allocations familiales pour les enfants jusqu'à vingt et un ans au lieu de dix-neuf ans (en 1998 et 1999), l'harmonisation des allocations logement (2001 et 2002), la refonte des aides pour l'accueil du jeune enfant (2004) et la mise en place récente du RSA. Ces réformes vont dans le sens d'une accentuation de la progressivité des prestations. Cependant leurs montants sont, le plus souvent, revalorisés en fonction de l'inflation qui a augmenté en moyenne moins vite que les revenus sur la période.
Au total,
l'effet dégressif de l'indexation sur
les prix des prestations l'a emporté sur l'effet progressif des
réformes conduites entre 1990 et 2010
. Les prestations sociales
sont donc moins progressives que par le passé et cette perte de
progressivité concerne surtout les personnes aux revenus les plus
modestes.
1
Insee, « Etat des lieux de
la redistribution en France », 2011.
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d) Un renforcement de l'accompagnement des familles et du soutien à la parentalité
Le Haut Conseil de la famille préconise une analyse plus approfondie des actions sociales de la branche famille pour améliorer l'adéquation entre l'offre et les besoins en matière d'accompagnement des parents.
Cette politique d'accompagnement, qui doit prioritairement viser les parents en difficulté, nécessite non seulement des moyens supplémentaires, mais aussi une meilleure formation initiale et continue des professionnels de l'enfance et de la famille.
e) Quelles ressources pour financer ces objectifs ?
Pour certains membres du conseil, l'absence de ressources nouvelles affectées à la politique familiale n'est pas compatible avec la poursuite de ces objectifs .
Pour d'autres, si l'apport de nouvelles ressources permettrait de mieux financer les priorités de la politique familiale, il ne faut pas s'interdire de chercher à mieux utiliser les ressources existantes. A enveloppe constante, des redéploiements de crédits sont possibles, notamment en aménageant la fiscalité et les droits familiaux de retraite .