Rapport n° 366 (2011-2012) de M. Jean-Pierre MICHEL , fait au nom de la commission des lois, déposé le 15 février 2012

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N° 366

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 février 2012

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE , relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives ,

Par M. Jean-Pierre MICHEL,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Sueur , président ; MM. Jean-Pierre Michel, Patrice Gélard, Mme Catherine Tasca, M. Bernard Saugey, Mme Esther Benbassa, MM. François Pillet, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Nicolas Alfonsi, Mlle Sophie Joissains , vice-présidents ; Mme Nicole Bonnefoy, MM. Christian Cointat, Christophe-André Frassa, Mme Virginie Klès , secrétaires ; MM. Jean-Paul Amoudry, Alain Anziani, Philippe Bas, Christophe Béchu, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Corinne Bouchoux, MM. François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Michel Delebarre, Félix Desplan, Christian Favier, Louis-Constant Fleming, René Garrec, Gaëtan Gorce, Mme Jacqueline Gourault, MM. Jean-Jacques Hyest, Jean-René Lecerf, Jean-Yves Leconte, Antoine Lefèvre, Roger Madec, Jean Louis Masson, Jacques Mézard, Thani Mohamed Soilihi, Hugues Portelli, André Reichardt, Alain Richard, Simon Sutour, Mme Catherine Troendle, MM. André Vallini, René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto.

Voir le(s) numéro(s) :

Première lecture : 3706 , 3724 , 3726 , 3766 , 3787 et T.A. 750

Commission mixte paritaire : 4185

Nouvelle lecture : 4153 , 4217 et T.A. 836

Première lecture : 33 , 214 , 223 , 224 , 225 , 227 et T.A. 43 (2011-2012)

Commission mixte paritaire : 266 (2011-2012)

Nouvelle lecture : 320 (2011-2012)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 15 février 2012, sous la présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président, la commission a examiné le rapport, en nouvelle lecture, de M. Jean-Pierre Michel sur la proposition de loi n° 320 (2011-2012), adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relative à la simplification du droit et à l' allègement des démarches administratives .

M. Jean-Pierre Michel a rappelé que les motifs qui avaient conduit la commission à adopter la question préalable, lors de la première lecture, n'avaient pas disparu et ont même été renforcés par l'adoption de certains amendements par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. Il a également regretté le recours à la procédure accélérée sur cette proposition de loi alors que le nombre de sujets abordés mériterait une analyse et un débat plus approfondis.

M. Jean-Pierre Michel s'est enfin étonné des propos du rapporteur de l'Assemblée nationale selon lequel les arguments du Sénat témoigneraient d'une « certaine frilosité face aux méthodes et aux mesures novatrices » que les députés entendent promouvoir.

En conséquence, tout en rappelant la nécessité de mettre fin à des lois « fourre-tout » et de discuter de lois plus sectorielles afin de poursuivre le processus de simplification, la commission des lois a décidé, à l'initiative de son rapporteur, de ne pas établir de texte et de déposer une motion tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est invité à se prononcer en nouvelle lecture sur la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives.

Déposé par notre collègue député Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, le 28 juillet 2011, ce texte a été adopté en première lecture par les députés le 18 octobre 2011 après engagement de la procédure accélérée par le Gouvernement.

La commission des lois du Sénat, compétente au fond, s'est saisie de 71 articles de la proposition de loi, déléguant l'examen au fond des 82 articles restants aux commissions des finances, de l'économie, des affaires sociales et de la culture.

Le 21 décembre dernier, votre commission des lois a adopté une motion tendant à opposer la question préalable présentée, d'une part, par notre collègue Jacques Mézard au nom du groupe Rassemblement Démocratique et Social Européen, et, d'autre part, par notre collègue Nicole Borvo Cohen-Séat, au nom du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Lors de la séance publique du 10 janvier 2012, le Sénat a confirmé la position de votre commission en adoptant la question préalable défendue par votre rapporteur, rejetant ainsi cette proposition de loi dans son ensemble.

Réunie le 18 janvier 2012, la commission mixte paritaire n'a pu parvenir à un texte commun. L'Assemblée nationale, invitée à se prononcer en nouvelle lecture le 31 janvier 2012, a adopté la proposition de loi modifiée par quelques amendements en commission des lois et en séance publique, dont plusieurs dispositions additionnelles.

Il appartient désormais à notre Assemblée de se prononcer à nouveau sur ce texte. A l'issue de cette nouvelle lecture, si le Sénat n'adopte pas conforme le texte voté par l'Assemblée nationale, le Gouvernement pourra, s'il le souhaite, conformément au dernier alinéa de l'article 45 de la Constitution, demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement. Dans ce cas, cette dernière ne pourrait adopter que le dernier texte voté par elle, modifié, le cas échéant, par un ou plusieurs amendements adoptés par le Sénat.

Cette dernière proposition de loi a pour objet de simplifier, à titre principal, la vie des entreprises, qu'il s'agisse du droit des sociétés, du droit du travail, du droit de la sécurité sociale ou de certains droits sectoriels intéressant la vie économique. Son objet apparaît plus circonscrit que les précédentes propositions de loi de simplification, pour lesquelles notre collègue Bernard Saugey avait relevé qu'elles avaient l'apparence d'un « assemblage hétéroclite de « cavaliers législatifs en déshérence » ».

Toutefois, malgré cet effort louable, ce texte a appelé, de la part de votre commission, un certain nombre de remarques sur la méthode suivie, le concept même de simplification ainsi que sur le fond :

- plusieurs dispositions de la proposition de loi vont parfois bien au-delà d'une stricte simplification du droit et s'apparentent plus à des novations juridiques qui méritent une réflexion approfondie . Votre rapporteur estime qu'entre 20 % et 30 % des dispositions contenues dans la proposition de loi de notre collègue Jean-Luc Warsmann relèvent, stricto sensu , d'une réelle démarche de simplification. Les autres dispositions, à savoir la majorité d'entre elles, sont en réalité des réformes de fond sur des sujets sensibles. Citons, à titre d'exemple, les articles 14 à 20 qui procèdent à une dépénalisation partielle du droit des sociétés en substituant des sanctions civiles à des sanctions pénales, ou l'article 77 qui réforme le statut des agences de presse, ce qui excède le strict champ de la simplification, a fortiori compte tenu du rôle des agences de presse dans la fourniture d'informations pour les médias ;

- la proposition de loi sert, comme l'a d'ailleurs relevé votre rapporteur, de « pavillon de complaisance à des marchandises de toutes natures ». Cette logique conduit à placer dans plusieurs textes législatifs en cours de navette la même disposition afin de s'assurer de sa promulgation rapide. Il en est ainsi, à titre d'exemple, de l'article 83, identique à l'article 21 de la proposition de loi de notre collègue Éric Doligé de simplification des normes applicables aux collectivités locales ou des articles 25 et 49 bis A qui ont déjà été censurés par le Conseil constitutionnel dans des lois antérieures ;

- la simplification répétée de notre droit , comme l'a relevé votre rapporteur, « contribue à l'instabilité comme à l'inflation législatives ». Pourtant, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a été constante sur ce point : la stabilité et la permanence du droit sont des objectifs aussi impérieux que sa simplification. Or, force est de constater que plusieurs dispositions de la présente proposition de loi visent à revenir sur des dispositions votées récemment et dont on s'aperçoit, a posteriori , qu'elles posent certaines difficultés, en raison de leur manque d'adaptation aux réalités économiques. Il en est ainsi de l'article 10 qui constitue un recul proposé en matière de responsabilité sociale et environnementale des entreprises, pourtant posé par l'article 225 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dit « Grenelle II », ou encore de l'article 27 bis qui modifie la loi relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée promulguée le 15 juin 2010 en proposant de fixer à seize ans l'âge minimal pour le statut de mineur entrepreneur. D'autres dispositions s'apparentent, quant à elles, à une véritable dérèglementation, comme en témoignent les dispositions en matière de droit du travail ;

- enfin, le recours à la procédure accélérée , qui, rappelons-le, est engagée pour la première fois sur une proposition de loi de simplification, aggrave les conditions d'examen de ce texte alors que certaines dispositions mériteraient un débat et un examen approfondis.

Sur ces quatre points, la position de votre commission demeure inchangée.

Au demeurant, votre commission s'étonne des divers arguments développés par nos collègues députés quant à la position de notre Haute Assemblée.

En effet, notre collègue Etienne Blanc estime-t-il que nos « arguments, en plus d'être infondés, révèlent [...] une certaine frilosité face aux méthodes et aux mesures novatrices que [l'Assemblée nationale] entend promouvoir et mettre en oeuvre maintenant, plutôt que de les remettre à demain ». Cet argument ne résiste pas à une analyse sérieuse.

Un certain nombre de propositions de loi sénatoriales, de nature novatrice et réclamées par les acteurs de terrain, n'ont pas été examinés par l'Assemblée nationale.

Citons, par exemple, la proposition de loi de notre collègue Anne-Marie Escoffier visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l'heure du numérique, adoptée par notre Assemblée le 23 mars 2010 et jamais inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, ou la proposition de loi de notre collègue Bernard Saugey visant à renforcer l'attractivité et à faciliter l'exercice du mandat local, adoptée à l'unanimité le 30 juin 2011.

Ainsi, notre collègue Etienne Blanc se félicite-t-il de la mise en place du « coffre-fort électronique » afin d'éviter aux entreprises la production répétée d'un même document à une même administration ou à des administrations différentes, telle que prévue à l'article 52. Or, la mise en place de ce dispositif nécessite une habilitation du Gouvernement par voie d'ordonnance, dans un délai de dix-huit mois. Ainsi, le décalage entre l'annonce politique et sa concrétisation , alors que le projet revêt en effet une grande complexité technique et administrative, s'avère ici particulièrement long. Pourtant, il s'agit d'une mesure, selon le Gouvernement et l'Assemblée nationale, destinée à soutenir le développement des entreprises en temps de crise, d'où l'importance de son adoption rapide alors que sa mise en oeuvre ne sera, au mieux, effective qu'au deuxième semestre 2013 !

Notre collègue Etienne Blanc rejette également l'idée, rappelée par votre rapporteur et partagée par une grande majorité de votre commission, selon laquelle « la méthode employée tend à altérer la clarté et la sincérité des débats parlementaires ».

Le recours à la procédure accélérée, dont la justification apparaît douteuse, ne permet pas au Parlement de bénéficier du temps nécessaire pour approfondir certaines dispositions qui, sous couvert de simplification, aboutissent à une dérèglementation. Votre commission ne peut que déplorer le caractère factice de cette discussion parlementaire . Or, dans un contexte de crise économique, l'amélioration et la simplification de l'environnement dans lequel évoluent les entreprises est une nécessité absolue mais mérite davantage que l'adoption de mesures qui se résument à de simples effets d'annonces.

*

* *

Pour l'ensemble de ces raisons, qui demeurent valables à l'égard du texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, votre commission ne peut que réitérer son opposition à l'ensemble de la proposition de loi et vous propose, en conséquence, d'adopter derechef une motion tendant à lui opposer la question préalable.

EXAMEN EN COMMISSION

Mardi 15 février 2012

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur . - Après l'échec de la commission mixte paritaire, nous sommes appelés à examiner à nouveau cette proposition de loi, mais les raisons qui nous ont conduits en première lecture à y opposer la question préalable n'ont pas changé, et se sont même aggravées : outre les nouveaux amendements introduits par les députés, le rapport de M. Etienne Blanc est fort déplaisant, qui critique notre « frilosité » devant « des méthodes et des mesures novatrices ». Le Sénat a souvent fait preuve de son esprit novateur, par exemple dans le rapport de Mme Escoffier et M. Yves Détraigne sur la vie privée à l'ère du numérique.

Je vous propose donc d'adopter cette fois encore la question préalable.

M. Jean-Pierre Sueur, président . - Nous avons déjà examiné plusieurs propositions de loi Warsmann de simplification du droit. Face à cette législation bizarre, à ces textes attrape-tout, il faut marquer un coup d'arrêt.

M. Jean-Jacques Hyest, président . - La position du rapporteur est cohérente, mais je regrette de ne pas poursuivre l'examen du texte. Certaines dispositions, par exemple de droit commercial, mériteraient d'être corrigées ou supprimées. Nous laissons la main aux députés. En ce qui concerne les normes techniques applicables aux aéronefs, nous avons été alertés par plusieurs syndicats de pilotes, et beaucoup d'entre nous souhaitions supprimer la mesure introduite par l'Assemblée nationale. Malheureusement, elle subsistera. Souvenez-vous des précédentes propositions de loi Warsmann : le Sénat a souvent corrigé le tir, par exemple sur l'expropriation pour cause d'utilité publique.

M. Jean-Pierre Sueur, président . - Je comprends votre frustration.

M. Jean-Jacques Hyest . - Mon regret !

M. Jean-Pierre Sueur, président . - J'aurais moi-même eu plaisir à discuter de certains articles : il aurait fallu supprimer certaines mesures et en ajouter d'autres. Mais pouvons-nous continuer à légiférer ainsi ? Tel est notre dilemme.

M. Jean-Pierre Michel . - Je partage vos regrets, mais la responsabilité en incombe au Gouvernement : l'engagement de la procédure accélérée sur une proposition de loi est inadmissible.

M. Patrice Gélard . - M. Michel n'a pas tout à fait tort...

M. Jean-Pierre Michel . - Ni la commission des lois, ni les commissions saisies pour avis n'ont eu le temps d'examiner attentivement ce texte. J'ai moi-même mené une cinquantaine d'heures d'auditions. Dans des conditions normales, nous aurions pu et dû poursuivre la discussion. Je ne manquerai pas d'en faire la remarque au ministre.

M. Philippe Bas . - Ces arguments méritent d'être entendus. Mais pour protester contre l'engagement de la procédure accélérée, vous proposez de l'accélérer encore en coupant court à la discussion !

M. Jean-Pierre Sueur, président . - Le problème est double : la succession de textes fourre-tout et la banalisation de la procédure accélérée.

M. Patrice Gélard . - Il faut en finir avec les textes de ce genre : la simplification du droit est nécessaire, mais doit passer par des lois plus ciblées, centrées sur un domaine ou un code. Les propositions de loi Warsmann ont pris des dimensions invraisemblables, et multiplient les cavaliers, au mépris de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

M. Jean-Pierre Michel . - Puissent les autorités supérieures vous entendre !

La motion tendant à opposer la question préalable est adoptée.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Motion tendant à opposer la question préalable

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. J.P. MICHEL, rapporteur

3

Motion tendant à opposer la question préalable

Adopté

Articles additionnels après l'article 56 ter

M. REICHARDT

1

Clarification de la situation des anciens commerçants et artisans au regard de la faillite civile d'Alsace-Moselle

Non examiné

M. REICHARDT

2

Informatisation de la publicité foncière
et du cadastre dans les départements d'Alsace et de la Moselle

Non examiné

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