ANNEXE 3 L' « EXPÉRIENCE » DE CHÂTEAU-THIERRY
Le « modèle » de Château-Thierry « Prison de fous » mais aussi exemple d'un établissement pénitentiaire où le premier contact entre le détenu et le surveillant prend la forme d'une poignée de main, Château-Thierry apparait à bien des égards comme une structure hors normes. Le quartier « maison centrale » (101 places pour une cinquantaine de personnes détenues) se distingue des autres établissements relevant de la même catégorie dans la mesure où sa vocation sanitaire prévaut sur la dimension sécuritaire. En décembre 2007, une mission d'appui et d'expertise avait conclu que 85 % des détenus étaient psychotiques . La décision d'affectation dans cette structure relève de la direction centrale de l'administration pénitentiaire et se fonde sur trois critères : - un critère relevant strictement du champ pénal : le reliquat de peine au moment de l'affectation doit être supérieur ou égal à dix-huit mois ; - un critère médico-psychiatrique : le détenu ne doit relever ni d'une hospitalisation en SMPR ni d'une hospitalisation d'office - ce qui doit être attesté par un psychiatre - ; - un critère relevant de la gestion pénitentiaire : le détenu « n'arrive pas à s'intégrer à un régime de détention classique ». Selon la note du 5 mars 2001 relative à la modification de la procédure d'affectation des condamnés au quartier maison centrale du centre pénitentiaire de Château-Thierry, « ce lieu est destiné à permettre à un détenu, qui rencontre des sérieuses difficultés pour s'intégrer à un régime de détention classique ou qui est resté longtemps en isolement, de restaurer des liens sociaux et de se réadapter à la détention ordinaire après un séjour temporaire dans cet établissement ». Le « profil type » des détenus correspond à un homme majeur dont l'âge moyen est compris entre vingt-cinq et quarante ans, généralement condamné à une lourde peine pour des atteintes contre les personnes. 40 % des détenus sont affectés pour des séjours allant de six mois à moins d'un an et 24 % pour des séjours de moins de six mois. Les séjours dépassant cinq ans sont très minoritaires. Les personnes incarcérées sont souvent, alors, dans un état de « sur-adaptation » à la structure et incapables de se réinsérer dans une structure de détention classique. Si la prise en charge médicale a pu connaître des aléas au cours des années passées, la volonté d'un traitement individualisé de la part de l'administration pénitentiaire semble, au contraire, avoir été une constante, l'attention et le sens des responsabilités des personnels de surveillance ayant, pour partie, suppléé au vide laissé par le départ du médecin psychiatre en 2006. Si la dimension de la structure, à échelle humaine, favorise cette individualisation, le principal atout de Château-Thierry tient dans les pratiques tout à fait originales développées par l'administration pénitentiaire dans cet établissement. Le ratio personnel de surveillance/détenus est de l'ordre de 0,7, ce qui autorise une disponibilité réelle des agents et la connaissance de chaque détenu, particulièrement précieuse pour éviter les incidents. Les personnels pénitentiaires sont dans leur grande majorité volontaires. Leur mode d'intervention dans un établissement aussi particulier est pour l'essentiel issu d'un savoir-faire empirique. Cependant, progressivement, un effort de formation a été engagé : une semaine de tutorat pour tout nouvel agent sous la responsabilité d'un agent plus ancien, ainsi que, depuis 2006, différents modules de formation psychopathologique. Le groupe de travail a pu constater que les personnels de surveillance travaillaient en bonne entente avec l'équipe médicale. Ils effectuent un travail de repérage permettant de signaler des comportements inhabituels et bénéficient en retour de la forte réactivité des personnels de soins. Malgré des aspects positifs évidents, les conditions de prise en charge de la population pénale à Château-Thierry présentent aussi de réelles limites. L'organisation des soins, d'abord, ne semble pas à la mesure des besoins d'une population dont une partie importante souffre de troubles psychiatriques très graves. Il n'est pas nécessaire de revenir ici sur une implication médicale marquée par bien des vicissitudes : les pouvoirs publics paraissent désormais pleinement conscients des particularités de l'établissement et les effectifs médicaux sont stabilisés. L'offre de soins rencontre les limites inhérentes au système carcéral et à l'ancienneté de l'infrastructure (exigüité des cellules, faiblesse des installations collectives). Quant aux pratiques spécifiques développées par l'administration pénitentiaire, elles sont issues d'un savoir-faire empirique, et donc susceptibles d'être fragilisées par le départ à la retraite des surveillants les plus expérimentés. L'effort de formation ainsi que la procédure d'accueil des nouveaux agents - accompagnés dans un premier temps par un surveillant plus ancien pour se familiariser avec le fonctionnement de l'établissement - visent à conjurer les effets de telles perspectives. |