B. UNE NOUVELLE HYPOTHÈSE D'APPLICATION DU DÉLIT DE RISQUES CAUSÉS À AUTRUI : LA COMMISSION D'UNE FAUTE D'IMPRUDENCE GRAVE
La proposition de loi prévoit que le risque causé à autrui pourra être constitué non seulement par « la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou les règlements » mais aussi par « la commission d'une faute d'imprudence grave et qui expose autrui à un risque d'une particulière gravité que l'auteur de cette faute ne pouvait ignorer ».
Cette nouvelle hypothèse de mise en jeu de l'infraction prévue par l'article 223-1 s'inspire de l'une des conditions posées par le quatrième alinéa de l'article 121-3 -introduit par la loi du 10 juillet 2000- pour engager la responsabilité d'une personne physique dont le comportement a été la cause indirecte du dommage- cette responsabilité pouvant être mise en jeu lorsque l'intéressé a commis « une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité » qu'il ne pouvait ignorer.
Cette nouvelle hypothèse d'application du délit prévu par l'article 223-1 implique la réunion de trois conditions :
- il doit d'abord s'agir d'une « faute d'imprudence grave », expression qui ne correspond toutefois pas exactement à celle de « faute caractérisée » mentionnée au quatrième alinéa de l'article 121-3 du code pénal ;
- il faut ensuite que cette faute expose autrui à un risque d'une particulière gravité . Cette condition peut toutefois paraître redondante avec la définition du délit visée par l'article 223-1 dont l'un des éléments constitutifs est « le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures ». Les termes proposés par la proposition de loi sont en outre moins précis que ceux figurant déjà à l'article 223-1 : une deuxième référence au sein du même article à la notion de risque causé à la personne d'autrui pourrait ainsi être source de confusion ;
- la personne ne saurait ignorer le risque auquel elle expose autrui . Cette exigence qui n'est pas requise en cas de violation d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité pourrait être considérée comme une contrepartie au fait que la faute d'imprudence n'exige ni une réglementation préexistante ni une violation manifestement délibérée.
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Votre commission a estimé que la proposition de loi soulevait, en l'état, des interrogations.
D'une part, elle paraît ouvrir le champ de la responsabilité pour faute d'imprudence que les lois du 13 mai 1996 et du 10 juillet 2000 avaient cherché à mieux encadrer . Faut-il remettre en cause des dispositions récentes dont l'interprétation jurisprudentielle semble équilibrée ?
D'autre part, s'il s'agit de trouver une réponse juridique plus adaptée aux catastrophes sanitaires ou industrielles pour lesquelles il n'est pas toujours possible d'établir un lien de causalité entre la faute et le dommage, les pénalités actuelles prévues par l'article 223-1 du code pénal et conservées par la proposition de loi ne semblent pas adéquates (un an d'emprisonnement et 15.000 euros d'amende).
La proposition de loi est néanmoins nourrie par une réflexion juridique ambitieuse - faire évoluer les fondements de la responsabilité pénale en matière de délinquance non intentionnelle - que votre commission juge utile de poursuivre . Les effets d'une telle inflexion de notre droit pénal doivent en effet être mieux mesurés.
Aussi votre commission a-t-elle décidé de ne pas établir de texte et d'adopter une motion tendant au renvoi en commission de la présente proposition de loi .