Rapport n° 216 (2011-2012) de Mme Nicole BRICQ , fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 décembre 2011
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N° 216
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012
Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 décembre 2011 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Panama en vue d' éviter les doubles impositions et de prévenir l' évasion et la fraude fiscales en matière d' impôts sur le revenu ,
Par Mme Nicole BRICQ,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc, Mmes Michèle André, Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; M. Philippe Dallier, Mme Frédérique Espagnac, MM. Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Pierre Caffet, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Jean Germain, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Marc Massion, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung. |
Voir le(s) numéro(s) :
Première lecture : 4023 , 4037 et T.A. 796
Nouvelle lecture : 4099 , 4107 et T.A. 806 |
Première lecture : 186 , 190 , 191 et 29 (2011-2012)
Commission mixte paritaire : 209 (2011-2012)
Nouvelle lecture : 215 et 217 (2011-2012) |
Mesdames, Messieurs,
Sur les recommandations de sa commission des finances, le Sénat a, une première fois, rejeté, le jeudi 15 décembre 2011, le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Panama en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu.
La commission mixte paritaire, réunie ce lundi 19 décembre 2011 à l'Assemblée nationale, n'a pas permis de rapprocher les points de vue des deux assemblées et s'est conclue par un échec.
Appelée à examiner le projet de loi en nouvelle lecture, ce mardi 20 décembre, l'Assemblée nationale a exprimé un nouveau vote positif sur ce texte dont le Sénat est ainsi, à son tour, saisi en nouvelle lecture.
Réunie ce mercredi 21 décembre matin, sous la présidence de M. François Marc, vice-président, votre commission des finances a entendu le rapport de Mme Nicole Bricq, rapporteure, et a confirmé sa décision de rejet du projet de loi.
En premier lieu, le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales 1 ( * ) , en charge de l'examen en deux phases 2 ( * ) de la mise en oeuvre des standards en matière de transparence fiscale, a considéré en septembre 2010 que le Panama ne dispose pas du cadre normatif approprié permettant l'échange de renseignements, aux termes de l'examen de la première phase.
Ainsi, ce Forum estime, d'une part, que le réseau fiscal conventionnel panaméen est trop sélectif, et que, d'autre part, la disponibilité et l'accès aux informations concernant les actions au porteur ainsi que les comptes des sociétés off shore, immatriculées au Panama mais n'y réalisant pas d'opérations économiques, sont insuffisants, voire lacunaires. En conséquence, le Forum mondial procédera à une nouvelle évaluation au titre de la première phase du système légal du pays avant la fin du premier semestre 2012.
En deuxième lieu, les modifications législatives intervenues depuis l'évaluation du Forum mondial sont de nature insuffisante à garantir la capacité du Panama à transmettre les informations requises. Ainsi, la portée de l'obligation de l'avocat de « connaître son client », aux termes de la loi du 1 er février 2011 intitulée « Las medidas para conocer al cliente » 3 ( * ) , n'est pas absolue mais relative.
L'encadrement du secret professionnel des avocats, tel que prévu par la loi précitée, ne lève pas l'ensemble des obstacles à l'accès effectif aux informations relatives à l'identité des actionnaires au porteur. De surcroît, le droit panaméen ne permet toujours pas d'obtenir des renseignements sur les comptes des sociétés off shore.
En troisième lieu, l'examen du texte a été conduit dans des conditions d'urgence que la radiation de la liste française des Etats et territoires non coopératifs, mise en avant par le Gouvernement français, ne saurait justifier, eu égard aux incertitudes pesant sur les moyens juridiques panaméens nécessaires à une coopération fiscale effective.
En quatrième lieu, la mise en place du cadre juridique approprié est une condition préalable et nécessaire à toute ratification. Or, votre commission constate qu'il n'a pas été établi, ni par le Forum mondial, ni par le Gouvernement français, que ce cadre normatif panaméen permettait la disponibilité, l'accès et l'échange de renseignement conformément à la convention.
Il est tout particulièrement regrettable que l'annexe au projet de loi de finances initiale, prévue à l'article 136 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2011 de finances pour 2011 et visant à présenter un bilan annuel des contrôles des filiales détenues à l'étranger par des entreprises françaises, n'ait pas été transmise au Parlement. Cette annexe doit fournir « le nombre de demandes d'assistance abouties, et ce afin d'actualiser annuellement la liste nationale des territoires non coopératifs ».
En dernier lieu, la crédibilité de la politique française de lutte contre les pratiques fiscales dommageables des Etats et territoires non coopératifs est en jeu, en cas de radiation de la liste française des Etats et territoires non coopératifs en dépit de l'absence d'éléments garantissant la mise en place au Panama d'un système légal lui permettant de se conformer à ses engagements conventionnels.
Votre commission des finances n'ayant pas adopté de texte, la discussion portera en séance, en application de l'article 42, alinéa premier, de la Constitution, sur le texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
La commission propose à nouveau au Sénat de ne pas adopter le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République Française et le Gouvernement de la République de Panama en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu .
* 1 Enceinte multilatérale de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
* 2 La première porte sur l'analyse du cadre normatif de l'Etat. Ce dernier doit disposer des outils juridiques lui permettant d'échanger effectivement les renseignements. Est également étudiée, lors de cette première phase, la qualité de son réseau conventionnel afin d'éviter la conclusion d'accords entre Etats et territoires non coopératifs (ETNC). La seconde phase dresse un bilan qualitatif et quantitatif de la mise en application des accords.
* 3 Loi n° 2 du 1 er février 2011 « que regula las medidas para conocer al cliente par los agentes residentes de entitades jurídicas exístentes de acuerdo con las leyes de la Repûblica de Panamá» publiée à la Gazette officielle n° 26713 C.