EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Comme il l'avait été en septembre 2010 1 ( * ) , le Sénat est une nouvelle fois saisi, en procédure accélérée, d'un projet de loi organique 2 ( * ) appliquant aux magistrats de l'ordre judiciaire des mesures relatives aux retraites adoptées dans une autre loi.
En effet, le Gouvernement a souhaité accélérer, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, le calendrier de relèvement progressif de l'âge d'ouverture des droits à pension (de 60 à 62 ans) et de l'âge de départ à la retraite sans décote (de 65 à 67 ans).
L'application de cette réforme aux magistrats de l'ordre judiciaire requiert l'adoption d'une loi organique.
En effet, en consacrant l'indépendance des magistrats, la Constitution impose que ceux-ci bénéficient d'un statut spécifique qui la garantisse. Or, aux termes du troisième alinéa de l'article 64 de la Constitution : « une loi organique porte statut des magistrats ». Ce statut se trouve ainsi placé sous la protection de la loi organique et par conséquent, l'examen systématique du Conseil constitutionnel.
L'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature définit l'ensemble des règles qui s'appliquent à l'entrée en fonction des magistrats, au déroulement de leur carrière, aux positions statutaires qu'ils peuvent occuper, à leurs droits et obligations, à la discipline et à la cessation de leurs fonctions 3 ( * ) .
Toutes les dispositions relatives aux retraites ne relèvent pas de la loi organique. Seules les dispositions spécifiques, en lien avec les garanties d'indépendance des magistrats, sont de nature organique. Pour le surplus, les magistrats sont soumis au code des pensions civiles et militaires de retraite 4 ( * ) .
Ainsi, les dispositions relatives à l'âge d'ouverture des droits à pension, n'offrent aux intéressés qu'une faculté de partir avant l'âge limite. Elles ne mettent pas en cause leur indépendance, puisqu'ils ne peuvent être contraints de partir en retraite avant cet âge limite. Les magistrats sont donc soumis en cette matière aux règles générales de la fonction publique. Il a par conséquent suffi que la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites prévoie le relèvement de 60 à 62 ans de l'âge d'ouverture des droits à pension pour que cette mesure s'applique aux magistrats. L'accélération du calendrier de ce relèvement obéit au même régime et ne nécessite pas l'adoption d'une loi organique.
En revanche, la limite d'âge de départ en retraite pour les magistrats de l'ordre judiciaire s'impose aux intéressés, qui cessent leur fonction à la date où ils atteignent cet âge : il s'agit d'une garantie de leur indépendance, qui relève de leur statut organique. Sur ce point précis, l'accélération du calendrier de déploiement de la réforme des retraites adoptée l'année dernière ne peut être décidé que par une loi organique. C'était l'objet initial unique du présent texte.
Toutefois, le Gouvernement a saisi l'occasion de l'examen d'un texte organique pour y ajouter plusieurs dispositions relatives au statut des magistrats, par voie d'amendements déposés à peine une semaine après l'adoption du projet de loi organique en Conseil des ministres. Le texte soumis au Sénat dépasse ainsi largement son strict objet initial.
I. LE PROJET DE LOI ORGANIQUE
A. UN OBJET INITIAL STRICTEMENT LIMITÉ : L'ACCÉLÉRATION DU CALENDRIER DE DÉPLOIEMENT DE LA RÉFORME DES RETRAITES
L'exposé des motifs atteste que le présent projet de loi organique avait pour unique objet « d'appliquer aux magistrats de l'ordre judiciaire le nouveau calendrier proposé par le Gouvernement de relèvement de la limite d'âge par génération applicable à l'ensemble des fonctionnaires civils ».
Le nouveau calendrier évoqué est celui qui résulte de l'adoption en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale d'un amendement du Gouvernement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
Initialement, la réforme des retraites, qui repoussait de deux ans l'âge d'ouverture des droits à pension et la limite d'âge de départ en retraite, devait, par application du principe de garantie générationnelle, monter en charge progressivement, par paliers de quatre mois par générations, pour les générations nées après 1951.
L'accélération du calendrier retenu par le Gouvernement consiste à ajouter un mois à chaque palier, ce qui, au total, avance d'une année l'achèvement de la réforme.
L'article initial unique du présent projet de loi organique, devenu article premier , substitue, pour les magistrats, ce nouveau calendrier de déploiement de la réforme à l'ancien, fixé par la loi organique n° 2010-1341 du 10 novembre 2010.
Le nouveau calendrier de limite d'âge résultant de l'accélération de la mise en place de la réforme des retraites
Date de naissance |
Limite d'âge prévu par la réforme des retraites de novembre 2010 |
Mesure proposée par le présent projet de loi organique |
Différence |
Avant le 1 er juillet 1951 |
65 ans |
65 ans |
- |
Second semestre 1951 |
65 ans et 4 mois |
65 ans et 4 mois |
- |
1952 |
65 ans et 8 mois |
65 ans et 9 mois |
+ 1 mois |
1953 |
66 ans |
66 ans et 2 mois |
+ 2 mois |
1954 |
66 ans et 4 mois |
66 ans et 7 mois |
+ 3 mois |
1955 |
66 ans et 8 mois |
67 ans |
+ 4 mois |
1956 et postérieurs |
67 ans |
67 ans |
- |
* 1 Rapport n° 728 (2009-2010) de M. Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi organique relatif à la limite d'âge des magistrats de l'ordre judiciaire, 29 septembre 2010. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://senat.fr/rap/l09-728/l09-728.html .
* 2 Projet de loi organique n° 187 (2011-2012) relatif à la limite d'âge des magistrats de l'ordre judiciaire.
* 3 Ce dernier point est traité au chapitre IX de cette ordonnance
* 4 Article L. 2 du code des pensions civiles et militaires de retraite.