ANNEXE I : PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu les articles 14, 106, 107 et 108 ainsi que le protocole n° 26 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE),
Vu l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne rendu le 24 juillet 2003 dans l'affaire Altmark , qui définit quatre critères cumulatifs permettant de considérer qu'une compensation financière à un SIEG n'est pas constitutive d'une aide d'État,
Vu les trois documents de la Commission européenne présentés le 28 novembre 2005, à savoir :
- la décision de la Commission 2005/842/CE du 28 novembre 2005 concernant l'application des dispositions de l'article 86, paragraphe 2, du traité CE aux aides d'État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général,
- la directive 2005/81/CE du 28 novembre 2005 modifiant la directive 80/723/CEE relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques ainsi qu'à la transparence financière dans certaines entreprises,
- l'encadrement communautaire des aides d'État sous forme de compensations de service public (2005/C 297/04) du 28 novembre 2005,
Vu le règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis ,
Vu les quatre documents de la Commission européenne soumis à consultation publique le 16 septembre 2011, à savoir,
- le projet de Communication de la Commission relative à l'application des règles de l'Union européenne en matière d'aides d'État aux compensations octroyées pour la prestation de services d'intérêt économique général, qui clarifie les concepts,
- le projet de Communication de la Commission intitulée « Encadrement de l'Union européenne applicable aux aides d'État sous forme de compensations de service public », qui définit à quelles conditions une compensation constitutive d'une aide d'État à un SIEG et notifiée à la Commission européenne est compatible avec les règles de la concurrence,
- la proposition de Décision de la Commission tendant à exempter de notification à la Commission certaines compensations de service public constitutives d'aides d'État,
- la proposition de règlement de la Commission établissant un règlement « de minimis » spécifique aux services d'intérêt économique général, qui définit les seuils en deçà desquels une compensation à un SIEG est considérée ne pas affecter les échanges entre les États membres et par voie de conséquence ne pas constituer une aide d'État,
Considérant que ces quatre textes doivent se substituer au paquet dit « Monti-Kroes » de 2005 qui expire au 29 novembre 2011 et qui définit dans quelles conditions les opérateurs chargés d'un service d'intérêt économique général par des autorités publiques (État et collectivités territoriales) peuvent recevoir des compensations financières pour faire face à leurs obligations de service public,
Considérant que, conformément aux articles 106 et 107 du TFUE, la Commission européenne statue seule, après une simple consultation des États membres, et qu'elle a annoncé une entrée en vigueur de ce nouveau paquet législatif au plus tard le 31 janvier 2012,
Considérant la demande forte et constante des collectivités territoriales françaises pour des règles plus simples, plus claires et mieux adaptées à la réalité des services publics locaux,
Considérant que le Sénat a plusieurs fois appelé de ses voeux une directive-cadre relative aux services publics, laquelle ne saurait se borner à la seule question de la compatibilité de leur financement au regard des règles de la concurrence,
Sur l'équilibre d'ensemble des propositions :
- déplore que les objectifs annoncés de simplification et de clarification ne soient pas tenus,
- constate au contraire que la Commission européenne ajoute de nouveaux critères pour juger de la légalité des aides d'État octroyées aux entreprises chargées de la gestion de SIEG et qu'elle complique la définition de notions qui commençaient seulement à être maîtrisées par les acteurs de terrain,
- regrette que les quelques avancées positives (notamment l'exemption de notification pour certains SIEG) s'arrêtent à mi-chemin, de telle sorte qu'elles sont peu opérationnelles ou source d'incertitude,
- craint que certains opérateurs soient découragés de continuer à fournir des SIEG compte tenu de l'insécurité juridique accrue,
- rappelle que les traités reconnaissent le large pouvoir discrétionnaire des autorités nationales et locales pour fournir des SIEG, et non un simple « large pouvoir d'appréciation » comme le répète la Commission européenne,
- estime que l'article 106 du TFUE est la base juridique adéquate pour réviser le paquet « Monti-Kroes », mais juge que cet article ne fournit pas la base juridique nécessaire à certaines dispositions qui excèdent manifestement le strict champ du contrôle des aides d'État,
- observe que les projets de décision et d'Encadrement ne sont pas suffisamment motivés,
- considère qu'il n'est pas acceptable que les services d'intérêt économique général soient traités sous le seul angle de leur conformité aux règles de concurrence,
- regrette que la Commission n'ait pas présenté, en même temps que les quatre projets de textes, une étude d'impact permettant d'en mesurer toute la portée,
- demande en conséquence que la publication des quatre textes présentés par la Commission soit repoussée après l'adoption d'un cadre général et transversal tel qu'une directive-cadre relative aux services d'intérêt économique général ou aux services sociaux d'intérêt général,
- considère que, dans l'attente de l'adoption d'une directive-cadre, le Parlement européen et les États membres devraient, en application de l'article 14 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, établir par voie de règlement les principes et les conditions qui permettent aux services d'intérêt économique général, notamment sociaux, d'accomplir leurs missions,
- rappelle que ces actes devraient respecter pleinement le principe de subsidiarité et les larges prérogatives reconnues aux États membres par le protocole n° 26 annexé aux traités,
Sur le règlement de minimis spécifique aux SIEG :
- accueille favorablement cette initiative qui prend en compte les spécificités des SIEG par rapport aux autres secteurs d'activités,
- estime néanmoins que les critères cumulatifs retenus pour considérer qu'une aide à un SIEG n'est pas une aide d'État réduisent considérablement la portée effective de ce règlement,
- craint également une articulation délicate entre ce règlement et le règlement de minimis général du 15 décembre 2006,
- demande le retrait de la condition de taille de la collectivité,
- propose de retenir comme critère unique le montant de l'aide - au moins 450 000 euros - calculé sur trois ans,
Sur la décision d'exemption de notification des aides à la Commission européenne :
- ne comprend pas les raisons qui pourraient justifier l'abaissement du seuil, en deçà duquel les compensations n'ont pas à être notifiées, de 30 millions à 15 millions d'euros, et estime cet abaissement inopportun,
- se réjouit en revanche de la reconnaissance de la spécificité des services sociaux d'intérêt général qui bénéficieraient de l'exemption de notification,
- s'interroge néanmoins sur le recours à l'expression de « services répondant à des besoins sociaux essentiels » en lieu et place de celle bien connue de services sociaux d'intérêt général ainsi que sur l'opportunité d'énumérer une liste de ces services,
- souhaite à défaut que cette liste soit expressément indicative et non exhaustive,
- constate enfin que, contrairement à l'objectif d'allègement des charges administratives, les États membres seraient contraints de contrôler plus fréquemment l'absence de surcompensation,
Sur la Communication :
- remarque un effort de clarification des concepts, qui reste malgré tout insuffisant et n'atteint pas toujours son objectif,
- demande que soit expressément précisé que le quatrième critère de la jurisprudence Altmark du 24 juillet 2003 est satisfait dès lors que l'opérateur a été sélectionné par tout type de procédure de mise en concurrence conforme aux principes des traités, comme la délégation de service public,
Sur le projet de communication intitulé « Encadrement de l'UE applicable aux aides d'État sous forme de compensations de service public (2011) » :
- souligne que ce document, qui n'a pas de valeur juridique propre, doit se borner à expliciter la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne,
- considère que toute disposition qui irait au-delà n'y a pas sa place,
- juge contraire au principe de subsidiarité la proposition de la Commission européenne de subordonner la création d'un SIEG à la preuve de son utilité, notamment par le biais d'une consultation publique préalable,
- estime que la Commission européenne commet un contresens en érigeant le recours à une procédure de marché public en critère de compatibilité des aides d'État aux SIEG, alors même que la Cour de justice de l'Union européenne dans sa jurisprudence Altmark du 24 juillet 2003 en a fait un critère de qualification d'aide d'État,
- s'oppose à l'introduction d'un critère d'efficacité et de qualité des SIEG pour juger de la compatibilité d'une aide, cet aspect ne relevant manifestement pas du contrôle des aides d'État,
En conclusion :
- compte tenu de l'ensemble des observations qui précèdent, demande au Gouvernement de marquer fermement son opposition à l'adoption, en l'état, de ces quatre textes et réitère son voeu d'une directive-cadre relative aux services d'intérêt économique général,
- invite le Gouvernement à étudier et, le cas échéant, mettre en oeuvre les procédures prévues par le droit de l'Union européenne pour s'opposer à l'entrée en vigueur ou à l'application des quatre textes concernés, dans l'hypothèse où la Commission européenne les publierait sans prendre suffisamment en compte le nécessaire respect du principe de subsidiarité et des prérogatives des États membres, ou en outrepassant le champ de compétences qui lui est assigné par les articles 106 à 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne concernant le contrôle des aides d'État,
- demande que, lors du prochain renouvellement de la Commission européenne, soit créé un poste de commissaire chargé des services d'intérêt général qui serait le garant de leur prise en compte dans toutes les politiques communautaires, de leur niveau de qualité et de leur bon fonctionnement.