B. UN PROCESSUS MENACÉ PAR LE MAINTIEN DE PRATIQUES FISCALES DOMMAGEABLES
1. La retenue à la source des accords « Rubik » : la résurgence d'une pratique dommageable
L'Allemagne et le Royaume-Uni ont respectivement conclu en août 2011 avec la Suisse des accords dits « Rubik » visant d'une part, à régulariser les avoirs non fiscalisés des résidents allemands et britanniques dans des banques suisses et, d'autre part, à appliquer des retenues à la source libératoires sur les revenus de la fortune et du capital en lieu et place de l'échange automatique de renseignements.
S'agissant du stock , une formule mathématique l'établirait à un taux compris entre 19 % et 34 % en fonction notamment de la durée de l'investissement et du montant. Quant au flux , le taux varierait selon la législation en vigueur dans chacun des pays. Il serait de 26,375 % pour l'Allemagne alors que le fisc britannique recouvrirait 48 % des intérêts, 40 % des dividendes et 27 % des gains en capital.
Cette taxation devrait être accompagnée d'un acompte versé aux deux Etats ainsi que d'une clause de loyauté de ne pas aider activement leurs clients à délocaliser leur fortune vers d'autres territoires défiscalisés.
Enfin, les accords permettraient à chaque Etat de formuler :
- d'une part, des échanges à la demande, sans restriction ;
- d'autre part, cinq cents demandes de renseignements annuellement dans des conditions très souples.
En contrepartie, les banques suisses pourraient accéder plus facilement aux marchés financiers allemands et britanniques.
Sur un plan strictement juridique, les accords « Rubik » concernent l'échange automatique et non l'échange sur demande . Certains font valoir qu'ils ne contredisent donc pas les accords bilatéraux d'échange de renseignements qui concernent les demandes d'information des Etats parties aux conventions.
Quant au principe d'échange automatique posé par la directive « Epargne » ( cf . infra ), le commissaire européen à la fiscalité, Algirdas Semeta, a affirmé que « c'est la règle au sein de l'UE. L'application par l'Autriche et le Luxembourg du système de la retenue à la source n'a été autorisée que pendant une période transitoire. Pour les pays tiers, c'est différent : l'Union réclame d'eux qu'ils appliquent des mesures équivalentes aux siennes, pas des mesures identiques. Ce qui compte, c'est qu'ils respectent les standards de l'OCDE sur l'échange d'informations à la demande » 24 ( * ) . En d'autres termes, les accords « Rubik » ne modifieraient pas, en théorie, la démarche communautaire de mise en oeuvre de l'échange automatique dans la mesure où un Etat membre de l'Union peut prévoir des modalités d'échange de renseignements moins contraignantes avec un Etat tiers que dans le cadre de l'Union.
En réponse aux interrogations de votre rapporteure sur la portée des accords « Rubik », les services de la Direction de la législation fiscale ont fait valoir que « Ces accords sont conclus sur des bases purement bilatérales et ne remettent pas en cause les accords bilatéraux de la France avec ces trois Etats . La France considère que ces accords ne doivent pas remettre en cause les projets actuels de l'UE et en particulier la mise en oeuvre de l'échange automatique d'informations entre Etats-membres, comme à l'égard des Etats tiers. »
Pour autant un article 25 ( * ) a été introduit par voie d'amendement 26 ( * ) dans le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2011, prévoyant la remise d'un rapport au Parlement avant le 1 er décembre 2011 sur « les avantages et les inconvénients en matière de lutte contre la fraude fiscale de signer une convention entre la République française et la Confédération suisse portant création d'une taxe forfaitaire sur les revenus de placement financier en Suisse des résidents français n'ayant pas fait l'objet de déclarations. »
Votre rapporteure tient à souligner la menace qu'un tel dispositif peut représenter pour la promotion de la transparence fiscale.
En effet, nul ne saurait sous-estimer les conséquences politiques induites par la signature de tels accords, qui privilégient le mécanisme de retenue à la source par opposition à celui de l'échange automatique de renseignements. Or, une telle orientation s'oppose aux objectifs même de la directive « Epargne » qui est actuellement en cours de révision afin de renforcer la transparence fiscale au sein de l'Union.
* 24 In Europolitique du jeudi 8 septembre 2011 intitulé « Les accords « Rubik » risquent de semer la zizanie dans l'Union ».
* 25 Cf. article 11 de la loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011 de finances rectificative pour 2011.
* 26 Amendement n° 169 http://www.assemblee-nationale.fr/13/amendements/3713/371300169.asp