N° 555
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011
Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 mai 2011 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi présentée par Mme Claire-Lise CAMPION, MM. Jean-Pierre BEL, Serge ANDREONI, Mmes Maryvonne BLONDIN, Nicole BONNEFOY, M. Didier BOULAUD, Mme Bernadette BOURZAI, M. Jean-Louis CARRÈRE, Mme Françoise CARTRON, M. Bernard CAZEAU, Mme Monique CERISIER-ben GUIGA, MM. Pierre-Yves COLLOMBAT, Roland COURTEAU, Yves DAUDIGNY, Mmes Christiane DEMONTÈS, Josette DURRIEU, M. Bernard FRIMAT, Mme Samia GHALI, MM. Jean-Pierre GODEFROY, Jean-Noël GUÉRINI, Didier GUILLAUME, Ronan KERDRAON, Serge LAGAUCHE, Serge LARCHER, Mmes Claudine LEPAGE, Raymonde LE TEXIER, MM. François MARC, Jean-Pierre MICHEL, Gérard MIQUEL, Jean-Jacques MIRASSOU, Robert NAVARRO, Jean-Marc PASTOR, Bernard PIRAS, Mme Gisèle PRINTZ, MM. Daniel RAOUL, Daniel REINER, Mme Patricia SCHILLINGER, MM. Jean-Pierre SUEUR, Simon SUTOUR, Mme Catherine TASCA, MM. Jean-Marc TODESCHINI, Richard YUNG et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, relative à la modernisation du congé maternité en faveur de la protection de la santé des femmes et de l' égalité salariale et sur les conditions d' exercice de la parentalité ,
Par Mme Claire-Lise CAMPION,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : Mme Muguette Dini , présidente ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mmes Annie David, Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe , Alain Milon , vice - présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; M. Alain Vasselle, rapporteur général ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mme Roselle Cros, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Gérard Dériot, Mme Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Mme Valérie Létard, MM. Jean-Louis Lorrain, Mme Isabelle Pasquet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, François Vendasi, André Villiers. |
Voir le(s) numéro(s) :
Sénat : |
492 (2009-2010) |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
La présente proposition de loi est le fruit à la fois d'un constat et d'un contexte.
Le constat est le suivant : malgré la politique familiale volontariste menée par les pouvoirs publics depuis les années 1990, qui explique en grande partie les bons résultats démographiques que notre pays connaît aujourd'hui, la conciliation des vies familiale et professionnelle demeure source de difficultés, en particulier pour les parents aux ressources les plus faibles. Qui plus est, l'égalité entre les hommes et les femmes reste un principe éloigné des réalités car dans les faits, les mères continuent de porter l'essentiel de la charge du travail domestique et des soins aux enfants, et ce sont elles qui en paient le plus lourd tribut en termes d'emploi et de carrière professionnelle.
Le contexte, lui, est européen . Le 3 octobre 2008, la commission européenne a transmis au Conseil et au Parlement européen une proposition de directive relative à la sécurité et à la santé au travail des femmes enceintes ou ayant accouché. Ce texte, qui est une refonte de la directive fondatrice de 1992, contient deux mesures « phares » :
- l'allongement de la durée minimale européenne du congé de maternité, qui passerait de quatorze à dix-huit semaines ;
- la garantie d'une indemnisation à 100 % du salaire mensuel moyen, dans la limite d'un plafond déterminé par chaque Etat membre.
Notre commission a déjà eu l'occasion d'exprimer sa position sur ce texte puisque, à l'initiative de notre collègue Annie David, elle a adopté, le 27 mai 2009, une proposition de résolution européenne 1 ( * ) . Celle-ci est devenue résolution du Sénat le 15 juin 2009, conformément à l'article 73 quinquies du Règlement de la Haute assemblée.
Depuis cette date, les négociations européennes ont suivi leur cours. Le 20 octobre 2010, le Parlement européen a, à une très large majorité, modifié la proposition de directive en proposant notamment de porter cette fois la durée du congé de maternité à vingt semaines, intégralement rémunérées. Le Conseil a, pour sa part, consacré au mois de décembre dernier un débat d'orientation à cette proposition de directive, mais n'est pas encore parvenu à définir une position commune. Lors de ce débat, la France s'est déclarée ouverte à l'idée d'un passage de la durée du congé de maternité de quatorze à dix-huit semaines, mais a indiqué ne pas souhaiter aller au-delà. S'agissant de la rémunération à 100 % du salaire, elle considère que seule la faculté pour les Etats membres de définir un plafond d'indemnisation peut rendre cette proposition acceptable.
Ces négociations européennes, qui se révèlent particulièrement vives, offrent l'occasion de lancer le débat sur le plan national et incitent les parlementaires nationaux à se positionner.
Telle est la démarche des auteurs de cette proposition de loi, laquelle poursuit trois objectifs :
- moderniser le congé de maternité ;
- renforcer la protection juridique des femmes enceintes ou ayant accouché, qu'elles exercent une activité salariée ou non salariée ;
- adapter le congé de paternité aux évolutions des structures familiales.
En application de l'article 2 du protocole organisant, à titre expérimental, la concertation avec les partenaires sociaux préalablement à l'examen par le Sénat des propositions de loi relatives aux relations individuelles et collectives du travail, à l'emploi et à la formation professionnelle, les organisations syndicales et patronales ont été sollicitées d'abord par Muguette Dini, présidente de la commission, puis par votre rapporteure, afin qu'elles fassent part de leur avis sur le présent texte 2 ( * ) . |
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I. LA PROTECTION DES FEMMES ENCEINTES EN FRANCE
La protection des femmes enceintes répond à deux objectifs : sur le plan sanitaire et social, assurer les femmes contre l'ensemble des risques liés à l'enfantement et, sur le plan politique, soutenir le taux de natalité national.
L'enfantement, défini comme la période couvrant la grossesse, l'accouchement et la maternité, comporte trois risques principaux :
- un risque médical : fausse couche, prématurité, problèmes de santé survenant pendant la grossesse, l'accouchement et la période postnatale ;
- un risque professionnel : discrimination, licenciement, retard d'avancement en raison de la grossesse ou de la maternité ;
- un risque dit « existentiel » : perte de revenus et impossibilité de subvenir à ses besoins 3 ( * ) .
Le premier est couvert par l'assurance maternité dont bénéficie, selon diverses modalités, la totalité des femmes résidant en France, y compris les ressortissantes de pays étrangers ne disposant pas d'un titre de séjour. L'assurance maternité prend en charge la surveillance médicale de la grossesse et des suites de l'accouchement, en particulier les huit examens prénataux et postnataux obligatoires.
La couverture des deuxième et troisième risques est assurée respectivement par le droit du travail et la législation régissant le congé de maternité.
A. LE CONGÉ DE MATERNITÉ POUR LES FEMMES SALARIÉES
Le congé de maternité remplit deux fonctions :
- il donne la possibilité aux femmes de terminer leur grossesse sans être obligées de travailler, ce qui contribue à protéger leur santé et celle de l'enfant à naître ;
- il permet aux mères de récupérer de l'accouchement, de s'occuper elles-mêmes de leur enfant durant les premières semaines afin de nouer avec lui un lien souvent intense et déterminant pour son avenir, ainsi que d'organiser, d'un point de vue matériel, la nouvelle vie familiale.
Toute salariée qui justifie d'une durée et d'un montant minimum de cotisations au début du neuvième mois avant la date présumée de l'accouchement a droit au congé maternité 4 ( * ) .
Le congé de maternité implique la suspension du contrat de travail pendant une durée qui varie en fonction de plusieurs facteurs et ouvre droit à une indemnisation dont le montant est proportionné au salaire.
1. La suspension du contrat de travail pendant seize semaines
La durée du congé de maternité dépend de plusieurs éléments : nombre préalable d'enfants à charge, naissances simple ou multiple, éventualité d'un état pathologique, naissance prématurée avec hospitalisation de l'enfant.
Pour la naissance d'un enfant sans complications médicales, la durée minimale du congé de maternité est de seize semaines dont, en principe, un congé prénatal de six semaines avant la date présumée de l'accouchement et un congé postnatal de dix semaines après l'accouchement .
Une femme enceinte peut cependant transférer jusqu'à trois semaines du congé prénatal vers le congé postnatal à deux conditions : le professionnel de santé qui suit la grossesse doit donner un avis favorable et la future mère doit en faire la demande expresse.
Par ailleurs, en cas d'état pathologique attesté par certificat médical, le repos prénatal peut être augmenté de deux semaines au plus 5 ( * ) .
Durée du congé de maternité |
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Type de grossesse |
Durée totale du congé
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Période prénatale
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Période postnatale
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Grossesse simple |
L'assurée ou le ménage a moins de deux enfants |
16 |
6 |
10 (3) |
L'assurée ou le ménage assume déjà la charge d'au moins deux enfants ou l'assurée a déjà mis au monde au moins deux enfants nés viables |
26 |
8 (1) |
18 (2) (3) |
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Grossesse gémellaire |
34 |
12 (2) |
22 (2) (3) |
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Grossesse de triplés ou davantage |
46 |
24 |
22 (3) |
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Source : commission des affaires sociales |
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(1) La période prénatale peut être augmentée de deux semaines maximum sans justification médicale. La période postnatale est alors réduite d'autant. |
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(2) La période prénatale peut être augmentée de quatre semaines maximum sans justification médicale. La période postnatale est alors réduite d'autant. |
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(3) En cas de naissance prématurée plus de six semaines avant la date prévue exigeant l'hospitalisation de l'enfant, le congé est prolongé du nombre de jours courant entre la naissance et le début du congé normalement prévu. |
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(4) Possibilité de reporter, dans la limite de trois semaines, et à certaines conditions, le point de départ du congé prénatal, le congé postnatal étant augmenté d'autant. |
Contrairement à une idée très répandue, il n'existe pas de congé prénatal obligatoire . L'article L. 1225-29 du code du travail dispose en effet qu' « il est interdit d'employer la salariée pendant une période de huit semaines au total avant et après son accouchement » . Le deuxième alinéa précise ensuite qu' « il est interdit d'employer la salariée dans les six semaines qui suivent son accouchement » .
Aucune disposition légale n'empêche donc une femme enceinte qui le souhaite de travailler jusqu'au jour de l'accouchement : elle devra simplement, après la naissance, s'arrêter au moins huit semaines. L'employeur qui recourt aux services d'une salariée jusqu'au jour présumé de l'accouchement et suspend ensuite son contrat de travail pendant huit semaines respecte bien les huit semaines de congé « au total avant et après » l'accouchement.
Sur ce point, le code du travail est d'ailleurs bien coordonné avec celui de la sécurité sociale qui dispose, à l'article L. 331-3, que le versement des indemnités journalières de maternité est subordonné à la cessation de toute activité salariée pendant au moins huit semaines.
Ceci étant, même si ni le code du travail ni celui de la sécurité sociale n'instituent de congé prénatal obligatoire, les femmes enceintes sont fortement incitées à arrêter leur travail avant la date présumée de l'accouchement , car il leur est interdit de reporter plus de trois semaines de congé de la période prénatale à la période postnatale. Dans les trois semaines qui précèdent la date présumée de l'accouchement, toute journée de repos qui n'est pas prise est donc perdue.
2. L'indemnisation du congé de maternité
On l'a vu, lorsque la salariée utilise son congé de maternité, son contrat de travail est suspendu. Elle a droit, en contrepartie, à des indemnités journalières de maternité servies pendant toute la durée légale du congé .
Pour bénéficier de ces indemnités, la mère doit néanmoins remplir les trois conditions suivantes :
- justifier de dix mois d'immatriculation (possession d'un numéro d'assurée sociale) à la date présumée de l'accouchement ;
- cesser son activité professionnelle pendant au moins huit semaines ;
- avoir travaillé au moins deux cents heures au cours des trois mois précédant la date de début de grossesse ou la date de début du congé prénatal.
Les indemnités journalières de maternité sont égales au salaire journalier de base, calculé à partir de la moyenne des salaires des trois derniers mois et diminué de la part salariale des cotisations sociales et de la CSG, dans la limite du plafond de la sécurité sociale . Ce plafond est, pour l'année 2011, fixé à 162 euros par jour, soit 2 946 euros par mois.
* 1 Rapport n° 439 (2008-2009) d'Annie David, fait au nom de la commission des affaires sociales.
* 2 cf. annexe p. 55.
* 3 Le risque professionnel se distingue du risque existentiel dans la mesure où l'on peut imaginer qu'une femme enceinte perde son emploi mais continue à bénéficier de revenus, en percevant par exemple des indemnités journalières, et qu'à l'inverse, une femme enceinte conserve son emploi, son contrat de travail étant simplement suspendu, mais soit privée de revenus, aucun système d'indemnités ne venant compenser la perte de salaire.
* 4 Articles R. 313-1 et R. 313-2 du code de la sécurité sociale. Plusieurs modes de calcul de la durée et du montant minimum de cotisations ont été institués afin de prendre en compte la diversité des situations professionnelles des salariées et de couvrir ainsi le plus grand nombre d'entre elles. Pour avoir droit au congé de maternité, il suffit par exemple, au cours de l'année écoulée, d'avoir effectué soixante heures de travail salarié pendant un mois ou d'avoir effectué au moins cent vingt heures de travail salarié ou assimilé pendant trois mois consécutifs.
* 5 Article L. 1225-21 du code du travail.