CHAPITRE III - PARTICIPATION DES
CITOYENS AU JUGEMENT DES CRIMES ET AMÉLIORATION DE LA PROCÉDURE
DEVANT LA COUR D'ASSISES
SECTION 1 - Dispositions relatives au
déroulement de l'audience et à la motivation des
décisions
Article 6 (art. 327 du code de procédure pénale) - Substitution d'un exposé des faits à la lecture de la décision de renvoi
Cet article tend à proposer une nouvelle rédaction de l'article 327 du code de procédure pénale afin de substituer à la lecture de la décision de renvoi qui marque le début des débats devant la cour d'assises la présentation d'un rapport synthétique par le président de la juridiction.
Actuellement, aux termes de l'article 327, le président invite l'accusé et les jurés à écouter « avec attention » la lecture faite par le greffier, de la décision de renvoi ainsi que, lorsque la cour statue en appel, des questions posées à la cour d'assises ayant statué en premier ressort, des réponses faites aux questions, de la décision et de la condamnation prononcée.
Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, cette lecture est une formalité indispensable pour que les parties et la cour d'assises aient connaissance de l'accusation qui doit être oralement exposée et discutée 30 ( * ) . L'omission de cette formalité est une cause de nullité de la procédure 31 ( * ) .
La lecture de la décision de renvoi, formalité parfois lourde, ne contribue pas nécessairement à éclairer les jurés. M. Henri-Claude Le Gall, président de l'association nationale des praticiens de la cour d'assises, a cité le cas d'ordonnances de renvoi de trois cents pages dont la lecture peut s'étaler sur une ou deux journées.
Aussi, selon les termes d'ailleurs identiques à ceux proposés par le projet de loi pour l'information des citoyens assesseurs du tribunal correctionnel (voir article 3 - article 461-3 nouveau), il est proposé de la remplacer par l'exposé par le président de la cour d'assises, de façon concise, des faits reprochés à l'accusé et des éléments à charge et à décharge figurant dans le dossier tels qu'ils résultent de la décision de renvoi.
De même, le formalisme actuellement requis en appel serait simplifié : le président se bornerait, outre l'exposé de synthèse, à donner connaissance du sens de la décision rendue en premier ressort et le cas échéant de la condamnation prononcée. La lecture exhaustive des réponses faites aux différentes questions ne serait donc plus imposée.
Le rapport oral ne doit pas donner lieu à la manifestation d'une opinion sur la culpabilité de la personne. Cette disposition est conforme au principe selon lequel, durant l'interrogatoire, le président « a le devoir de ne pas manifester son opinion sur la culpabilité » (article 328 du code de procédure pénale).
Par ailleurs, à l'issue de ce rapport, le président donne lecture de la qualification légale des faits objets de l'accusation.
Plusieurs des interlocuteurs de votre rapporteur ont souligné la difficulté de l'exercice auquel devrait se livrer le président afin de ne manifester aucun présupposé sur la culpabilité de l'accusé. M. Christophe Régnard, président de l'USM a fait remarquer que ce rapport exposera le président au soupçon de partialité de la même manière que l'ancien résumé avant délibération, abrogé en 1881. Les représentants des avocats ont marqué une nette préférence pour le maintien de la lecture de l'ordonnance de renvoi qui, depuis le renforcement du caractère contradictoire de la procédure suivant la clôture de l'instruction 32 ( * ) , doit se faire l'écho des observations de toutes les parties. Ils ont indiqué que le dispositif proposé, si les éléments à décharge n'étaient pas suffisamment pris en compte, ne manquerait pas de donner lieu à des incidents contentieux , au risque d'allonger la procédure à rebours de l'objectif recherché 33 ( * ) .
Votre commission a toutefois considéré que le président de la cour d'assises -un président de chambre ou un conseiller de cour d'appel- possède l'expérience requise pour exposer l'affaire de manière équilibrée. M. Dominique Schaffhauser, ancien président de cour d'assises, a indiqué à votre rapporteur que cet exposé pourrait éventuellement être communiqué, avant lecture, aux parties afin de recueillir d'éventuelles observations et d'écarter toute contestation ultérieure.
Votre commission a adopté l'article 6 sans modification .
Article 7 (art. 365-1 nouveau du code de procédure pénale) - Motivation des arrêts des cours d'assises
Cet article tend à insérer un nouvel article 365-1 au sein du code de procédure pénale afin de prévoir la motivation des arrêts en matière criminelle.
Aujourd'hui, par dérogation à l'obligation de motivation des décisions de justice 34 ( * ) , les arrêts de cour d'assises ne sont pas motivés. Cette exception, posée par les constituants de 1791, trouve son origine dans le caractère souverain, au sens politique, de la cour constituée par les représentants du peuple 35 ( * ) : la décision se fonde sur l'intime conviction forgée au cours du débat oral. L'absence de motivation a reçu encore d'autres justifications : lorsque les jurés siégeaient seuls, il leur aurait été difficile de formaliser en toute rigueur les motifs de leur décision ; depuis novembre 1941, date à laquelle ils siègent avec des magistrats professionnels, l'exigence de motivation aurait renforcé le poids de ces derniers aux dépens des jurés.
Actuellement, à l'issue des débats, le président donne lecture des questions auxquelles la cour et le jury ont à répondre afin que les parties puissent contester leur rédaction (cette lecture n'est pas obligatoire lorsque les questions sont posées dans les termes de la mise en accusation ou si l'accusé ou son défenseur y renonce).
Ces questions sont de trois types :
- les questions principales relatives aux infractions, circonstances aggravantes et causes d'exemption ou de diminution de peine visées dans la décision de renvoi (« L'accusé est-il coupable d'avoir commis tel fait ? ») - article 349 du code de procédure pénale ;
- les questions spéciales relatives aux circonstances aggravantes non mentionnées dans l'arrêt de renvoi (article 350 du code de procédure pénale) ;
- les questions subsidiaires s'il résulte des débats que les faits comportent une qualification légale autre que celle donnée par la décision de mise en accusation (article 351 du code de procédure pénale) 36 ( * ) .
Avant que la cour d'assises ne se retire, le président donne lecture de l'instruction figurant à l'article 353 du code de procédure pénale 37 ( * ) : « La loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve ; elle leur prescrit de s'interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l'accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : « Avez-vous une intime conviction ? » .
Lorsqu'ils se sont retirés, les magistrats de la cour et les jurés commencent par délibérer oralement sur la culpabilité de l'accusé, en s'interrogeant sur le fait principal, puis le cas échéant, sur les causes d'irresponsabilité pénale, sur chacune des circonstances aggravantes, sur les questions subsidiaires et, enfin, sur chacun des faits constituant une cause légale d'exemption ou de diminution de la peine. Ils se prononcent ensuite secrètement par « oui » ou « non » sur chacune de ces questions.
Toute décision défavorable à l'accusé se forme à la majorité de huit voix au moins lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et à la majorité de dix voix au moins lorsqu'elle statue en appel.
Si la culpabilité est reconnue, la cour statue alors dans les mêmes conditions pour déterminer la peine (vote au scrutin secret et séparé pour chaque accusé, adoption de la décision à la majorité absolue des votants, le maximum de la peine privative de liberté encourue ne pouvant être prononcé qu'à la majorité de huit voix lorsque la cour statue en premier ressort et à la majorité de dix voix lorsqu'elle statue en appel).
La Cour de cassation a cassé des arrêts qui, au-delà des questions prévues par la loi relataient, pour éclairer le sens de la décision, les circonstances de l'espèce au motif que ces éléments de motivation contreviennent aux principes posés en particulier par l'article 353 du code de procédure pénale 38 ( * ) .
Elle estime que les exigences du procès équitable sont satisfaites dès lors que, comme le prévoit la procédure devant la cour d'assises, l'accusé a été préalablement informé des charges fondant l'accusation et a pu exercer librement ses droits de la défense et bénéficier de débats publics et contradictoires 39 ( * ) . Selon la Cour de cassation, tient lieu de motivation « l'ensemble des réponses données par les magistrats et les jurés aux questions posées conformément à l'arrêt de renvoi » 40 ( * ) . La Cour de cassation veille à la précision des questions posées à la cour et au juré au regard des faits et du dispositif de l'acte d'accusation. Elle censure les décisions lorsqu'elle relève des questions complexes ou alternatives.
Cette position est-elle compatible avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ? La Cour de Strasbourg a admis que l'exigence de motivation déduite de l'article 6, paragraphe 1 de la convention européenne des droits de l'homme relatif au procès équitable, pouvait se décliner de manière différente selon les spécificités de la procédure. Tel est le cas plus particulièrement devant les cours d'assises où les jurés ne motivent pas leur intime conviction. Ainsi, dans l'affaire Papon c. France 41 ( * ) , la Cour a jugé que les questions posées par le président « formaient une trame », sur laquelle s'est fondée la décision du jury, la précision de ces questions ayant permis de « compenser adéquatement l'absence de motivation ».
Si la Cour semble s'être montrée plus exigeante dans un arrêt de chambre ( Taxquet c. Belgique , du 13 janvier 2009) 42 ( * ) , elle est revenue à sa jurisprudence antérieure dans un arrêt de grande chambre du 16 novembre 2010 : « la convention ne requiert pas que les jurés donnent les raisons de leur décision et (...) l'article 6 [de la CEDH] ne s'oppose pas à ce qu'un accusé soit jugé par un jury populaire même dans le cas où son verdict n'est pas motivé ». L'intéressé doit bénéficier de certaines garanties procédurales sous la forme, en particulier, de « questions précises, non équivoques, soumises au jury [par le président de la cour d'assises] de nature à former une trame apte à servir de fondement au verdict » 43 ( * ) . Il importe, en conséquence, que l'accusé bénéficie des garanties suffisantes de nature à écarter tout risque d'arbitraire et à lui permettre de comprendre les raisons de sa condamnation.
Si l'absence de motivation semble ainsi conforme aux exigences conventionnelles, elle paraît également respectueuse des principes constitutionnels. En effet, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité sur la non motivation des arrêts de cour d'assises, le Conseil constitutionnel dans sa décision QPC n° 2011-113/115 du 1 er avril 2011 a écarté le grief selon lequel le mode de délibération de la cour d'assises méconnaîtrait le principe du droit à une procédure juste et équitable.
Certes, selon le Conseil constitutionnel, l'obligation de motivation, en matière pénale, constitue une garantie légale de l'exigence constitutionnelle faite au législateur d'empêcher tout pouvoir arbitraire des juridictions en vertu du principe de légalité des délits et des peines. Toutefois, elle ne présente pas un caractère général et absolu : « l'absence de motivation en la forme ne peut trouver de justification qu'à la condition que soient instituées par la loi des garanties propres à exclure l'arbitraire ».
Pour le Conseil constitutionnel, la procédure devant la cour d'assises apporte ces garanties :
- les principes d'oralité (la cour d'assises ne peut prendre en compte dans son délibéré que les éléments de preuve produits oralement et débattus contradictoirement devant l'accusé) et de continuité des débats (qui implique que les magistrats et les jurés délibèrent ensemble immédiatement après la fin des débats) ;
- l'obligation pour la cour d'assises de statuer sur la base d'un acte juridictionnel motivé (ordonnance de renvoi du juge d'instruction ou arrêt de renvoi de la chambre de l'instruction) ;
- la détermination détaillée des modalités de délibération de la cour d'assises (l'ordre d'examen des questions posées à la cour, l'organisation du scrutin et les règles selon lesquelles les réponses doivent être apportées) ;
- l'obligation pour le président de la cour d'assises et pour la cour d'assises de veiller « à ce que les questions posées à la cour d'assises soient claires, précises et individualisées » ;
- le principe selon lequel la décision rendue soit l'expression directe de l'intime conviction des jurés puisque toute décision défavorable à l'accusé ne peut être adoptée sans un vote d'au moins la majorité d'entre eux.
Quelles raisons ont conduit, dans ces conditions, le Gouvernement à prévoir l'obligation de motivation des décisions criminelles ?
En premier lieu, le principe de motivation, est compatible avec le mode de délibération de la cour. L'argument souvent invoqué de l'intime conviction ne saurait complètement convaincre. Toute la procédure pénale française, y compris la procédure correctionnelle et contraventionnelle (article 427 du code de procédure pénale), est gouvernée par le principe de l'intime conviction. Cette notion a été promue sous la Révolution en opposition au système de preuves légales qui, dans l'ancien droit et en droit romain, fixait par avance la valeur de chaque preuve.
L'intime conviction ne se confond pas avec l'arbitraire. Comme l'a souligné Mme Mireille Delmas-Marty 44 ( * ) , elle définit une méthode d'appréciation des preuves produites devant le juge. Elle autorise la liberté d'appréciation de ces éléments qui pourront être estimés suffisants ou non pour entrer en voie de condamnation. Elle peut donc parfaitement s'accorder avec la motivation des décisions.
La motivation des décisions d'assises n'est pas seulement possible. Elle peut apparaître souhaitable pour les motifs qui avaient déjà conduit à l'inscrire dans le projet de loi portant réforme de la procédure criminelle présenté par M. Jacques Toubon au Parlement en 1996. Comme le rappelait alors le rapport du Haut comité consultatif sur la procédure de jugement présidé par M. Jean-François Deniau, il faut regarder comme un paradoxe qu'un jugement correctionnel ou contraventionnel soit motivé « tandis qu'un arrêt criminel dont le retentissement est souvent bien plus grand et les conséquences plus lourdes ne l'est pas ». Ensuite, comme le constatait le comité : « la motivation de première instance est inhérente au droit d'appel. Elle permet au condamné de savoir pourquoi il l'a été et de décider, en connaissance de cause, s'il doit ou non exercer une voie de recours. Elle fournit également à la juridiction du second degré un cadre de référence, en permettant de centrer les débats sur les questions importantes ».
Comme le relevait alors le rapporteur de votre commission des lois pour ce texte, M. Jean-Marie Girault, la motivation pourrait aussi introduire une certaine rationalité dans un processus qui fait parfois une trop large part à l'émotivité.
Les modifications apportées par le projet de loi renforcent encore la justification d'une motivation. En effet, en instituant pour certains crimes une cour d'assises simplifiée composée de trois magistrats professionnels et de deux citoyens assesseurs, il rapproche jusqu'à la confondre la composition de la juridiction criminelle avec celle du tribunal correctionnel comprenant des citoyens assesseurs -juridiction qui est tenue de motiver ses décisions. Il n'est pas sûr d'ailleurs que la jurisprudence de la CEDH qui exonère de l'obligation de motivation les cours d'assises au regard des spécificités de la cour d'assises composée majoritairement de jurés puisse aussi valoir pour les cours d'assises dans leur formation simplifiée telle que la propose le présent texte.
Le projet de loi n'a pas entendu par ailleurs mettre en place deux régimes distincts selon que les cours d'assises statuent avec des citoyens assesseurs ou avec des jurés. Les raisons de fond précédemment rappelées militent pour une application homogène de l'obligation de motiver.
En Allemagne, en Espagne et en Suisse où le jugement des infractions pénales les plus graves est le fait de juges professionnels et de jurés ou d'échevins, les décisions sur la culpabilité et sur la peine sont motivées.
Dès lors que le principe de la motivation est admis, deux systèmes sont possibles.
Le premier tend à compléter la liste des questions prévues par le code de procédure pénale afin de les rattacher aux faits de l'espèce sans prévoir une motivation formalisée. Une telle solution a parfois été retenue par des cours d'assises. A titre d'exemple, M. Dominique Schaffhauser, président de la cour d'assises du département du Pas-de-Calais, a indiqué lors de l'audience publique du 24 novembre 2010 « que les questions préparées par lui et dont il a été donné lecture, [étaient] précises de manière à permettre la compréhension du verdict, tel que l'exige l'article 6 de la Cour européenne des droits de l'homme ». Dans l'affaire soumise à la cour d'assises, les questions portaient sur les circonstances précises de l'infraction « si bien que les réponses qu'elles ont entraînées permettent de comprendre les différentes étapes par lesquelles la cour et le jury ont passé pour forger leur intime conviction et prononcer une décision d'acquittement » 45 ( * ) .
Le Gouvernement n'a toutefois pas adopté cette formule au motif, selon l'étude d'impact, qu'elle « aurait conduit, si les questions étaient orientées, à biaiser la réponse, qui ne peut dès lors être qu'affirmative ou négative et interdit toute nuance ».
Le second système repose sur une motivation expresse , formalisée de manière distincte. Tel est le dispositif proposé par le projet de loi, les réponses aux questions ne dispensant pas de justifier la décision finale de culpabilité au vu des faits de l'espèce.
Le nouvel article 365-1 comporte quatre séries de précisions :
- la formalisation de la motivation ne serait obligatoire qu'en cas de condamnation . Les décisions d'acquittement resteraient non motivées ;
- la rédaction de la motivation de l'arrêt incomberait au président de la cour ou à l'un de ses assesseurs. Seul un magistrat professionnel semble en mesure d'assumer cette fonction. Cette disposition est appliquée en Allemagne, en Italie et en Espagne où un magistrat de la cour d'assises est désigné pour rédiger la motivation. En Angleterre ou au Pays de Galles, où les jurés délibèrent seuls, le principe même d'une motivation a, en revanche, été écarté ;
- la motivation reprendrait l'« énoncé des principales raisons qui, pour chacun des faits reprochés à l'accusé, ont convaincu la cour d'assises ». En d'autres termes, la motivation ne saurait présenter un caractère général sans pour autant revêtir un caractère exhaustif (le texte mentionne les « principales » raisons). Le projet de loi entend par ailleurs conjurer le risque que les raisons ne soient reconstituées a posteriori une fois la culpabilité reconnue. Ainsi ces raisons doivent être celles qui font l'objet des délibérations menées par la cour et le jury « préalablement aux votes sur les questions » comme le précise le projet de loi. La motivation ne met pas en cause le secret du vote : avant le scrutin, chaque juré peut prendre la parole sur l'affaire pour expliquer sa position et éclairer ainsi le sens de son choix 46 ( * ) ;
- sur la forme, la motivation devrait figurer sur un document annexé à la feuille des questions ; elle sera désignée comme « feuille de motivation ». La feuille des questions est signée séance tenante par le président et le premier juré désigné par le sort (ou s'il ne peut signer, par celui désigné par la majorité des membres de la cour d'assises).
Si votre commission a souscrit au principe de la motivation, elle s'est cependant interrogée sur les modalités d'une telle disposition.
Plusieurs des interlocuteurs de votre rapporteur ont observé que certains jurés n'émettaient aucune opinion lors de la délibération ou voteraient à bulletin secret dans un sens différent de celui exprimé publiquement. Dans ces conditions, il n'est pas toujours aisé de reconstituer les raisons qui ont déterminé le choix du jury. En pratique, la feuille de motivation sera sans doute préparée à l'avance par le président et adaptée éventuellement en fonction du déroulement des débats.
A l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement de réécriture de cet article afin d'apporter cinq séries de modifications :
- la motivation serait exigée pour un acquittement et pas seulement pour une condamnation ;
- la référence aux « éléments à charge », notion figurant déjà dans le code de procédure pénale, serait substituée à celle de « raisons » qui paraît moins s'accorder avec le principe de l'intime conviction ;
- la feuille de motivation serait signée par le président et le premier juré afin de garantir le contrôle du jury sur la motivation retenue par le magistrat ;
- la motivation serait lue par le président immédiatement après le prononcé de l'arrêt dans la salle d'audience ;
- enfin, une modification, limitée, serait apportée au serment des jurés afin d'éviter une contradiction, au moins apparente, avec l'exigence de motivation.
Votre commission a adopté l'article 7 ainsi modifié .
* 30 Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 janvier 1999.
* 31 Cour de cassation, Chambre criminelle, 31 janvier 1973.
* 32 Loi du 5 mars 2007 relative à l'équilibre de la procédure pénale.
* 33 Sous la forme d'un « donné-acte », une partie peut relever un fait qu'elle estime préjudiciable à son intérêt. Si le président n'y fait pas droit, il appartient à la cour de le trancher.
* 34 Ce principe a été imposé par l'article 15 de la loi du 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire. Il figure actuellement à l'article 485 dans le titre II, consacré au jugement des délits du livre 2 ème du code de procédure pénale -« tout jugement doit contenir des motifs et un dispositif ». L'article 543 du code de procédure pénale le rend applicable au jugement des contraventions.
* 35 La règle a été fixée pour la première fois par l'article 24 du titre VI de la loi du 16-29 septembre 1791, repris par l'article 342 du code d'instruction criminelle, et, enfin, par l'article 353 du code de procédure pénale.
* 36 Par exemple, dans le cas où les débats font naître un doute sur l'intention homicide en cas de poursuites pour meurtre.
* 37 Cette instruction est affichée en outre en gros caractères, dans le lieu le plus apparent de la chambre des délibérations.
* 38 Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 décembre 1999.
* 39 Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 octobre 2009.
* 40 Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 décembre 2009.
* 41 CEDH, 15 novembre 2001.
* 42 La Cour a expressément affirmé l'importance « dans un souci d'expliquer le verdict à l'accusé mais aussi à l'opinion publique, (...) de mettre en avant les considérations qui ont convaincu le jury de la culpabilité ou de l'innocence de l'accusé et d'indiquer les raisons concrètes pour lesquelles il a été répondu positivement ou négativement à chacune des questions ».
* 43 En l'espèce, la Belgique a été condamnée car les questions posées ne permettaient pas au requérant de savoir quels éléments de preuve et circonstances de fait, parmi tous ceux ayant été discutés durant le procès, avaient en définitive conduit les jurés à répondre par l'affirmative aux questions le concernant.
* 44 Mireille Delmas-Marty, La preuve pénale, in Droits, revue française de théorie, de philosophie et de culture politique, PUF, avril 1996.
* 45 La motivation des arrêts de la cour d'assises et les exigences du procès équitable, Haritimi Matsopoulou, La Semaine juridique, 13 décembre 2010.
* 46 La motivation n'est pas d'une manière plus générale incompatible avec la délibération à bulletins secrets : la cour de justice de la République qui vote à bulletins secrets rend des décisions motivées.