2. La création de nouvelles juridictions spécialisées
La complexité croissante de certains contentieux, conjuguée parfois à un nombre limité d'affaires, conduit à envisager la création de juridictions spécialisées. Cette spécialisation peut assurer une harmonisation de la jurisprudence et éviter l'imprévisibilité du droit.
Ainsi, les juridictions inter-régionales spécialisées (JIRS) en matière de criminalité organisée d'une part et en matière économique et financière d'autre part ont été créées par la loi n° 203-2004 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
Par ailleurs, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a établi le principe d'une compétence inter-régionale de certains tribunaux de grande instance pour les affaires concernant les produits de santé et les produits alimentaires. La loi du 9 mars 2004 a étendu leur compétence à certaines atteintes environnementales.
Le projet de loi crée de nouvelles juridictions spécialisées, afin de renforcer l'efficacité de la justice pénale dans des contentieux qui se distinguent par leur complexité et leur technicité.
L'article 16 crée un pôle judiciaire spécialisé pour les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre au sein du TGI de Paris (proposition n°18 du rapport Guinchard).
L'article 17 crée des juridictions spécialisées pour les accidents collectifs (grandes catastrophes en matière de transport ou liées à un risque technologique), selon un modèle identique à celui des JIRS (proposition n°19).
Enfin, l'article 18 aligne les règles de compétence des juridictions du littoral spécialisées en matière de pollution involontaire et volontaire en mer (proposition n°20).
Par ailleurs, s'agissant de l'ensemble des infractions pour lesquelles, en application de conventions internationales auxquelles la France est partie, les juridictions françaises exercent une compétence universelle, l'article 19 du projet de loi donne une compétence concurrente au TGI de Paris, ce qui permettra, le cas échéant, un meilleur traitement de contentieux très complexes.
3. L'extension du champ des procédures pénales simplifiées
Reprenant pour partie les préconisations formulées par le rapport Guinchard, le projet de loi propose d'étendre le champ de trois procédures pénales simplifiées - l'ordonnance pénale, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et l'amende forfaitaire - dans un souci d'améliorer l'efficacité du traitement des contentieux simples et/ou ne donnant pas lieu à contestation.
a) Un élargissement limité du champ de l'ordonnance pénale délictuelle
La procédure de l'ordonnance pénale est une procédure rapide de jugement permettant de condamner l'auteur d'une infraction, par la voie d'une procédure écrite et non contradictoire, à une peine d'amende ainsi qu'éventuellement à une ou plusieurs peines complémentaires, dès lors que les faits ont été établis par l'enquête de police et que le parquet dispose d'éléments suffisants sur la personnalité de l'intéressé pour permettre au juge de se prononcer sur la peine en pleine connaissance de cause.
Initialement limité à certaines contraventions, le champ d'application de l'ordonnance pénale a progressivement été élargi à un certain nombre de délits à partir de l'adoption de la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice. Aujourd'hui, 93% des ordonnances pénales concernent des infractions en matière de circulation routière 12 ( * ) .
Considérant cette procédure simple, rapide et peu coûteuse particulièrement adaptée aux contentieux de masse, la commission Guinchard a préconisé d'en étendre le champ à l'ensemble des délits, quelle que soit la peine encourue, et d'élargir le spectre des sanctions susceptibles d'être prononcées par cette voie aux peines d'emprisonnement avec sursis de trois mois maximum.
A deux reprises, votre commission des lois s'est opposée à une telle perspective 13 ( * ) . En effet, si la procédure de l'ordonnance pénale a montré son utilité dans le traitement de contentieux extrêmement simples (tels que les infractions au code de la route notamment), votre commission considère qu'elle n'est pas nécessairement adaptée pour des contentieux plus complexes, en particulier dans le cadre du traitement en temps réel des affaires pénales où l'analyse du parquet se fonde exclusivement sur les éléments recueillis au cours de l'enquête de police. Or, la procédure de l'ordonnance pénale ne permet à aucun moment à la personne d'être entendue par un magistrat, à moins qu'elle ne fasse opposition.
Ces arguments semblent avoir été entendus par le Gouvernement, puisque l'article 20 du projet de loi propose d'étendre le champ de l'ordonnance pénale de façon strictement encadrée :
- d'une part, son champ serait étendu à un certain nombre de délits précisément énumérés. Par ailleurs, le parquet ne pourrait avoir recours à cette voie de poursuite que lorsque les faits sont « simples et établis » et « de faible gravité » ;
- d'autre part, non seulement le projet de loi ne reprend pas la proposition, formulée dans le rapport Guinchard, d'ouvrir la possibilité de prononcer des peines d'emprisonnement avec sursis par cette voie, mais, en outre, le montant maximal de l'amende susceptible d'être prononcée serait limité à la moitié du montant de l'amende encourue, sans pouvoir excéder 5.000 euros.
Reprenant en revanche sur ce point une proposition du rapport Guinchard, le projet de loi ouvre par ailleurs au président du tribunal la possibilité de se prononcer sur la demande de dommages et intérêts ou de restitution formulée au cours de l'enquête de police par la victime, dans des conditions préservant les droits de l'ensemble des parties.
* 12 Source : casier judiciaire national. Données provisoires pour l'année 2009.
* 13 A l'occasion de la loi du 9 mars 2004 relative à l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité puis de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures.