EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er A (nouveau) - Habilitation du Gouvernement à ratifier la convention d'Oviedo
Objet : Cet article additionnel a pour objet d'autoriser le Gouvernement à ratifier la convention du Conseil de l'Europe pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine, signée à Oviedo le 4 avril 1997.
La convention d'Oviedo est le seul instrument juridique international contraignant en matière de bioéthique.
Elle s'inspire très largement des lois françaises de bioéthique de 1994.
Comme le souligne l'étude d'impact annexée au projet de loi, aucun obstacle n'empêche sa ratification par la France ; seule une réserve « sans gravité » relative au champ des donneurs de moelle osseuse devra être présentée. Les quatre protocoles additionnels à la convention sont également compatibles avec les lois françaises en vigueur et le présent projet de loi.
Si l'on veut favoriser une harmonisation européenne proche des conceptions françaises en matière de bioéthique, il est impératif que la France, qui fut l'un des tout premiers signataires de cette convention, la ratifie.
Le Conseil d'Etat également, dans son étude de 2009 sur la révision des lois de bioéthique, estime souhaitable cette ratification, considérant que son rôle doit aujourd'hui être renforcé « pour lutter contre le risque de « moins disant » éthique à l'échelon international ».
A l'initiative de son rapporteur et de Marie-Thérèse Hermange, votre commission a adopté cet article additionnel ainsi rédigé.
TITRE IER - EXAMEN DES CARACTÉRISTIQUES GÉNÉTIQUES
Article 1er (art. L. 1131-1, L. 1131-1-1 et L. 1131-1-2 (nouveaux) du code de la santé publique) - Information de la parentèle en cas de détection d'une anomalie génétique grave
Objet : Cet article a pour objet de mettre en place un nouveau dispositif d'information médicale à caractère familial en cas de diagnostic d'une anomalie génétique grave.
I - Les dispositions initiales du projet de loi
L'étude d'impact annexée au projet de loi mentionne cet article comme l'un des deux points justifiant la présente intervention législative, au motif que les dispositions de la loi de 2004 relatives à l'information de la parentèle en cas de maladie génétique grave se sont révélées inapplicables .
L'article 5 de la loi relative à la bioéthique du 6 août 2004, codifié aux articles L. 1131-1 et suivants du code de la santé publique, a en effet prévu qu'en cas de diagnostic d'une anomalie génétique grave, posé lors de l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne, le médecin doit l'informer des risques que son silence pourrait faire courir aux membres de sa famille potentiellement concernés, dès lors que des mesures de prévention ou de soins peuvent leur être proposées.
La personne concernée peut alors choisir d'informer elle-même sa famille ou utiliser la procédure de l'information médicale à caractère familial . Dans ce cas, elle indique au médecin le nom et l'adresse des membres de sa famille dont elle dispose, en précisant le lien de parenté qui les unit. Ces informations sont transmises par le médecin à l'agence de la biomédecine qui informe, par l'intermédiaire d'un médecin, les membres de la famille de l'existence d'une information médicale à caractère familial susceptible de les concerner et des modalités leur permettant d'y accéder.
Un décret en Conseil d'Etat, après avis de la Cnil, devait organiser cette procédure ; il n'a jamais été pris. Un groupe de travail réuni à cet effet n'a en effet pu aboutir compte tenu des difficultés pratiques et juridiques rencontrées, au nombre desquelles figurent :
- la complexité de l'intervention de l'agence de la biomédecine et de son rôle dans le choix des médecins ;
- la remise en cause du principe du secret médical ;
- l'absence de prise en compte du cas où la personne souhaite être tenue dans l'ignorance de son diagnostic.
Le présent article vise donc à régler ces difficultés. Il supprime les quatre derniers alinéas de l'article L. 1131-1, y laissant seulement les principes, et insère deux nouveaux articles à la suite de celui-ci :
- l'article L. 1131-2 définit la nouvelle procédure applicable : comme précédemment, préalablement à la réalisation d'un examen des caractéristiques génétiques d'une personne, le médecin prescripteur informe celle-ci des risques qu'un silence ferait courir aux membres de sa famille potentiellement concernés si une anomalie génétique grave, dont les conséquences sont susceptibles de mesures de prévention ou de soins, était diagnostiquée. Il prévoit alors avec elle, dans un document écrit, les modalités de l'information destinée aux membres de la famille potentiellement concernés, afin d'en préparer l'éventuelle transmission.
En cas de diagnostic d'une anomalie génétique grave, et sauf si la personne a exprimé par écrit sa volonté d'être tenue dans l'ignorance du diagnostic, l'information médicale lui est communiquée par écrit.
La personne est alors tenue d'informer les membres de sa famille potentiellement concernés. Toutefois, si elle estime ne pas être en mesure de le faire, ou si elle a souhaité être tenue dans l'ignorance du diagnostic, elle peut demander au médecin prescripteur de procéder à l'information. Le médecin porte alors à la connaissance des membres de la famille, dont il a reçu les coordonnées, l'existence d'une information médicale à caractère familial susceptible de les concerner et les invite à se rendre à une consultation de génétique, sans dévoiler ni le nom de la personne ayant fait l'objet de l'examen, ni l'anomalie génétique, ni les risques qui lui sont associés ;
- l'article L. 1131-3 institue un monopole du médecin prescripteur pour la communication des résultats d'un examen des caractéristiques génétiques, aussi bien à la personne ayant fait le test qu'aux autres membres de sa famille.
II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté, en commission spéciale, plusieurs amendements du rapporteur tendant à prévoir, outre des améliorations rédactionnelles, que :
- toutes les dispositions s'appliquent soit à la personne elle-même, soit, le cas échéant, à son représentant légal ;
- lors de l'annonce du diagnostic, le médecin propose à la personne de prendre contact avec une association agréée capable d'apporter des renseignements complémentaires sur l'anomalie génétique diagnostiquée ;
- si la personne souhaite être tenue dans l'ignorance du diagnostic, le médecin lui remet un document décrivant l'obligation d'information qui pèse sur elle, ainsi que les conditions dans lesquelles sa responsabilité pourrait être engagée .
III - Le texte adopté par la commission
Cet article pose des questions essentielles : doit-on privilégier l'intérêt de la famille ou celui de la santé publique ? Peut-on concilier la nécessité de prévenir la famille avec le respect du secret médical ?
L'exposé des motifs du projet de loi affirme que, dans cet article, « il n'est dérogé au secret médical que dans la limite du strict nécessaire : l'information transmise préserve en effet à la fois le souhait de la personne qui a réalisé l'examen de ne pas être identifiée et le droit des apparentés de ne pas savoir ».
Votre commission le constate également et s'en félicite. Le recours à un autre médecin que le médecin prescripteur pour l'information d'une personne apparentée est sans doute le meilleur moyen de respecter les principes du secret médical et du droit de ne pas savoir.
Il est en tout état de cause important de respecter les préconisations du comité consultatif national d'éthique qui considère qu'il n'y a pas lieu de faire des tests sur une maladie en l'absence de traitement possible.
De leur côté, les professionnels auditionnés par votre commission ont fait valoir leur souci de ne pas stigmatiser la maladie génétique et de ne pas mettre une obligation et une responsabilité trop lourdes aussi bien à la charge des personnes concernées que des médecins .
Dans les faits d'ailleurs, se tourner vers la famille n'est pas forcément malaisé car une consultation génétique commence toujours par l'histoire de la famille et l'arbre généalogique de la personne concernée.
Dans ce contexte, votre commission a modifié la rédaction de l'Assemblée nationale sur plusieurs points :
sur proposition de son rapporteur, elle a ajouté le conseil génétique aux mesures de prévention qui peuvent être proposées aux personnes soumises à un examen de leurs caractéristiques génétiques ; la notion de conseil est en effet fondamentale en matière de risque génétique ; celui-ci est une démarche médicale qui a pour objet d'évaluer les risques de maladies héréditaires auxquelles peuvent être confrontées certaines personnes, de les informer sur la nature et les conséquences de la maladie diagnostiquée, et de leur proposer différentes options dans le but de prévenir, éviter ou améliorer leur situation ;
sur proposition de son rapporteur, du rapporteur pour avis de la commission des lois, de Marie-Thérèse Hermange et des membres du groupe socialiste, elle a supprimé la phrase ajoutée par l'Assemblée nationale qui insiste sur l'obligation d'information de la personne et les conditions dans lesquelles elle engage sa responsabilité , la jugeant redondante et inutilement stigmatisante ;
sur proposition de son rapporteur et du rapporteur pour avis de la commission des lois, elle a supprimé le troisième alinéa du nouvel article L. 1131-1-2, le considérant inutile ;
sur proposition de Marie-Thérèse Hermange, elle a remplacé les mots « simple et compréhensible » s'appliquant au document écrit résumant l'information médicale liée au diagnostic, par les mots « loyale, claire et appropriée », plus conformes aux dispositions actuelles du code de la santé publique ;
sur proposition du rapporteur pour avis de la commission des lois, elle a supprimé la référence au représentant légal .
Au total, le texte adopté permet à la fois de simplifier la procédure d'information de la parentèle et de l'inscrire dans le cadre du droit commun de la responsabilité civile et de la représentation légale.
Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 2 (art. L. 1131-2 du code de la santé publique) - Définition des règles de bonnes pratiques pour les examens génétiques
Objet : Cet article a pour objet de préciser les conditions dans lesquelles sont définies les règles de bonnes pratiques applicables à l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne.
I - Les dispositions initiales du projet de loi
L'article L. 1131-2 du code de la santé publique dispose que le ministre chargé de la santé peut, par arrêté, soumettre à des bonnes pratiques ainsi qu'à des règles techniques et sanitaires la prescription et la réalisation de l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne à des fins médicales, ainsi que, le cas échéant, les modalités de son suivi médical.
Or, aucun arrêté n'a jamais été pris. Il est vrai aussi que le décret organisant la procédure devant conduire à cet arrêté n'a été pris que le 4 avril 2008, soit près de quatre années après le vote de la loi.
Ce décret, codifié à l'article R. 1131-3, prévoit une procédure complexe : l'arrêté doit être pris sur proposition du directeur général de l'agence de la biomédecine après avis de l'Afssaps et la prise en compte des recommandations de la Haute Autorité de santé.
Le présent article remplace cette procédure. La nouvelle rédaction proposée pour l'article L. 1131-2 :
- supprime le caractère facultatif de l'arrêté du ministre ;
- prévoit que l'arrêté est pris sur proposition de l'agence de la biomédecine ;
- supprime la référence à des règles techniques et sanitaires, au motif que celles-ci sont comprises dans les bonnes pratiques que l'arrêté doit définir ;
- maintient l'objet de ce qu'il faut encadrer, à savoir la prescription et la réalisation de l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne et de son identification par empreintes génétiques à des fins médicales, ainsi que, le cas échéant, le suivi médical de la personne.
II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté, en commission spéciale, un amendement rédactionnel.
III - Le texte adopté par la commission
Interrogée par votre rapporteur, l'agence de la biomédecine a fait valoir que des groupes d'experts et de professionnels étaient actuellement mobilisés pour préparer l'élaboration de ces bonnes pratiques qui seront ensuite soumises au ministre.
Votre commission estime indispensable d'associer la Haute Autorité de santé à ces travaux de définition des règles de bonnes pratiques. En effet, même si l'agence de la biomédecine a une compétence spécifique en matière génétique et connait bien les professionnels concernés, elle ne possède pas la même expertise que la Haute Autorité de santé dans le domaine des pratiques médicales.
C'est pourquoi, sur proposition de son rapporteur, elle a adopté un amendement pour préciser que l'arrêté du ministre de la santé est pris sur proposition des deux organismes, agence de la biomédecine et Haute Autorité de santé . Dans les faits d'ailleurs, ces deux instances travaillent souvent ensemble.
Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 3 (art. L. 1131-2-1 (nouveau), L. 1131-3, L. 1133-6-1 (nouveau) du code de la santé publique) - Régime d'autorisation des laboratoires de biologie médicale effectuant des examens génétiques
Objet : Cet article instaure un régime légal d'autorisation des laboratoires réalisant des activités de génétique à des fins médicales ; il définit également les conditions que doivent remplir les laboratoires établis dans les autres pays membres de l'Union européenne ; il introduit enfin une nouvelle sanction pour les laboratoires réalisant ces examens sans y être autorisés.
I - Les dispositions initiales du projet de loi
Le paragraphe I insère un nouvel article L. 1131-2 dans le code de la santé publique afin de prévoir que les examens des caractéristiques génétiques d'une personne ou son identification par empreintes génétiques à des fins médicales ne peuvent être pratiqués que dans des laboratoires de biologie médicale autorisés à cet effet et accrédités.
L' autorisation est accordée par l'agence régionale de santé dans les conditions prévues aux articles L. 6122-1 et suivants du code. Il s'agit d'une autorisation spécifique liée au fait que les laboratoires concernés seront appelés à réaliser des examens génétiques. En effet, les autres laboratoires de biologie médicale sont simplement tenus d'effectuer une déclaration auprès de l'agence régionale de santé.
Lorsque le laboratoire dépend d'un établissement de santé, l'autorisation est délivrée à cet établissement.
L' accréditation a lieu, dans les conditions fixées aux articles L. 6221-1 et suivants du code, par l'instance nationale d'accréditation.
Les laboratoires de biologie médicale établis dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen sont autorisés à réaliser la phase analytique 16 ( * ) de l'examen des caractéristiques génétiques ou de l'identification par empreintes génétiques, s'ils satisfont aux conditions prévues à l'article L. 6221-4 du code et s'ils ont été autorisés dans cet Etat à pratiquer cette activité, sous réserve d'avoir adressé une déclaration et que les conditions d'autorisation dans cet Etat ont été reconnues comme équivalentes, ou bien, si ce n'est pas le cas, à la condition d'avoir obtenu une autorisation après vérification que leurs normes de fonctionnement sont équivalentes à celles qui résultent de la loi française.
Les autorisations ainsi prévues peuvent être retirées ou suspendues en cas de manquement, non seulement aux règles de droit commun régissant les laboratoires de biologie médicale, mais également aux prescriptions législatives et réglementaires applicables à l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ou à son identification par empreintes génétiques.
Le paragraphe II effectue une coordination au sein de l'article L. 1131-3 afin de dispenser les praticiens travaillant pour un laboratoire établi dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen de l'agrément accordé par l'agence de la biomédecine pour les praticiens procédant à l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ou à son identification par empreintes génétiques à des fins médicales.
Le paragraphe III insère un nouvel article L. 1133-6-1 dans le code afin de punir de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende le fait de procéder à un examen ou une identification génétique sans avoir reçu l'autorisation nécessaire.
II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale
Outre des modifications rédactionnelles, l'Assemblée nationale a étendu le régime de sanction pénale, prévu au paragraphe III, aux personnes morales.
III - Le texte adopté par la commission
Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement de coordination rédactionnelle qui vise :
- à inscrire dans le code pénal la nouvelle incrimination pénale prévue au III de l'article, celle-ci étant ensuite simplement dupliquée dans le code de la santé publique qui est ici le « code suiveur » ;
- à prendre en compte l'article 6 récemment voté de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite « loi Loppsi 2 », dans la rédaction de l'article L. 1133-4 du code de la santé publique ;
- à supprimer les alinéas 9 et 10, redondants avec les dispositions actuelles de l'article L. 1133-6 du même code.
Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 4 (art. L. 1131-6 du code de la santé publique) - Renvoi au pouvoir réglementaire pour fixer les conditions d'information de la parentèle et d'autorisation des laboratoires habilités à effectuer des examens génétiques
Objet : Cet article comporte diverses mesures de coordination rendues nécessaires du fait des modifications apportées au code de la santé publique par les articles précédents.
I - Les dispositions initiales du projet de loi
Le paragraphe I modifie l'intitulé du titre III du livre I er de la première partie du code de la santé publique, actuellement « Examen des caractéristiques génétiques, identification génétique et recherche génétique », qui deviendrait « Examen des caractéristiques génétiques, identification par empreintes génétiques et profession de conseiller en génétique ».
Il s'agit d'harmoniser cet intitulé avec le contenu du titre. D'une part, en effet, la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique a créé la profession de conseiller en génétique et son statut figure dans l'un des trois chapitres du titre III.
D'autre part, la notion d'identification par empreintes génétiques à des fins médicales, introduite par le 1° du paragraphe II à l'article L. 1131-6, est également inscrite dans l'intitulé du titre III.
Le 2° du paragraphe II complète le contenu du décret en Conseil d'Etat prévu pour l'application des procédures liées à l'examen des caractéristiques génétiques ou à l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques, en y ajoutant :
- les conditions d'application de la nouvelle procédure d'information de la parentèle , prévue à l'article L. 1131-1-2, en application de l'article premier du présent texte ;
- les conditions que doivent réunir les laboratoires mentionnés à l'article L. 1131-2-1 (inséré dans le code par l'article 3 du projet de loi) pour être autorisés à pratiquer l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ou son identification par empreintes génétiques à des fins médicales.
II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté, en commission spéciale, un amendement rédactionnel et un amendement de coordination.
III - Le texte adopté par la commission
Sur proposition des membres du groupe socialiste, votre commission a adopté un amendement tendant à préciser que le décret en Conseil d'Etat qui déterminera les conditions d'application de la nouvelle procédure d'information de la parentèle devra être pris après avis de l'agence de la biomédecine.
Elle a adopté cet article ainsi modifié.
Article 4 bis (art. 16-11 du code civil) - Extension de la possibilité d'identifier une personne par ses empreintes génétiques
Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, a pour objet d'étendre la possibilité d'identifier une personne par ses empreintes génétiques à des cas exceptionnels fixés par décret en Conseil d'Etat.
I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale
L'article 16-11 du code civil, introduit par la première loi de bioéthique - loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain - a posé le principe selon lequel l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que dans un nombre de cas limité.
Jusqu'à la dernière modification de cet article par la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure du 14 mars 2011, trois cas étaient visés :
- les mesures d'enquête ou d'instruction diligentées lors d'une procédure judiciaire ;
- des fins médicales ou de recherche scientifique ;
- l'identification d'un militaire décédé à l'occasion d'une opération conduite par les forces armées ou les formations rattachées.
Les auteurs de l'amendement adopté à l'Assemblée nationale ont jugé nécessaire d'y ajouter d'autres cas, arguant du fait que « les empreintes génétiques doivent pouvoir être utilisées afin de permettre, dans des conditions très exceptionnelles, l'identification d'un corps avant sa mise en sépulture », évoquant, à titre d'exemple, la possibilité d'établir l'identité de corps retrouvés dans des charniers, comme ceux de fusillés civils de 1944, ou de victimes d'accidents ou de catastrophes naturelles survenus à l'étranger pour lesquels aucune instruction n'a été ouverte en France.
Pour ces circonstances qualifiées de « très exceptionnelles », dont la liste ou la définition seraient fixées par décret en Conseil d'Etat, une identification des corps concernés à partir des empreintes génétiques pourrait être effectuée, à la demande exprès des familles.
II - Le texte adopté par la commission
Depuis le vote de cet article à l'Assemblée nationale, la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, qui était alors encore en navette, est entrée en vigueur (loi n° 2011-267 du 14 mars 2011) et son article 6 a, dans une autre rédaction, réglé la question.
Ainsi, l'article 16-11 du code civil distingue désormais clairement les différents cas dans lesquels l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques est possible. Trois séries de circonstances sont reconnues :
- le cadre des mesures d'enquête ou d'instruction diligentées lors d'une procédure judiciaire ;
- les fins médicales ou de recherche scientifique ;
- l'établissement de l'identité de personnes décédées lorsque cette identité est inconnue.
Entrent dans cette dernière catégorie, non plus seulement les militaires décédés à l'occasion d'une opération conduite par les forces armées ou les formations rattachées, mais également les victimes de catastrophe naturelle ou les personnes disparues faisant l'objet de recherches et dont la mort est supposée .
Dans ce cas, des prélèvements destinés à recueillir les traces biologiques de la personne concernée peuvent être réalisés dans des lieux qu'elle est susceptible d'avoir habituellement fréquentés, avec l'accord du responsable des lieux ou, en cas de refus de celui-ci ou d'impossibilité de recueillir cet accord, avec l'autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance. Des prélèvements aux mêmes fins sur les ascendants, descendants ou collatéraux supposés de cette personne peuvent également être réalisés. Le consentement exprès de chaque personne concernée est alors recueilli par écrit, préalablement à la réalisation du prélèvement, après que celle-ci a été dûment informée de la nature de ce prélèvement, de sa finalité ainsi que du caractère à tout moment révocable de son consentement. Le consentement mentionne la finalité du prélèvement et de l'identification.
Les modalités de mise en oeuvre de ces recherches d'identification devront être précisées par décret en Conseil d'Etat. Celui-ci devra en particulier organiser les conditions dans lesquelles les demandes des familles pourront être reçues dans le cadre de la procédure mise en place.
Constatant que la disposition votée à l'Assemblée nationale est devenue redondante avec le droit récemment entré en vigueur, votre commission a, sur proposition de son rapporteur et du rapporteur pour avis de la commission des lois, supprimé cet article .
Article 4 ter (art. L. 1131-3 du code de la santé publique) - Encadrement du recours à des tests génétiques à des fins médicales
Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, a pour objet d'interdire le recours à des examens génétiques à des fins médicales en dehors des laboratoires agréés par l'agence de la biomédecine.
I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale
Le premier alinéa de l'article L. 1131-3 du code de la santé publique dispose que seuls sont habilités à procéder à des examens des caractéristiques génétiques d'une personne ou à son identification par empreintes génétiques à des fins médicales les praticiens agréés à cet effet par l'agence de la biomédecine.
L'alinéa qu'il est proposé d'ajouter à cet article étend cet encadrement, en interdisant le recours à des laboratoires qui ne sont pas agréés par l'agence de la biomédecine.
Selon les auteurs de l'amendement, « il est important de lutter contre le développement sans aucun encadrement médical de la réalisation de tests génétiques sur internet et de labelliser les laboratoires qui peuvent, dans les conditions fixées par la loi, réaliser de tels tests ».
II - Le texte adopté par la commission
Votre commission partage pleinement l'objectif recherché par cette disposition. Le Conseil d'Etat prônait également une telle mesure dans son étude sur la révision des lois de bioéthique.
Elle est néanmoins aussi consciente de la difficulté qu'il y a à contrôler l'ensemble de l'offre, notamment sur internet, en matière de tests génétiques. Or, il est essentiel que les personnes qui peuvent être tentées d'y recourir soient averties des aléas d'un tel choix. D'une part, la fiabilité de ces tests est très inégale . D'autre part et surtout, ces tests ne donnent lieu à aucun accompagnement , notamment pour l'interprétation du résultat fourni, alors que, dans le domaine des examens génétiques à des fins médicales, l'assistance et le conseil d'un spécialiste sont une véritable nécessité.
Elle a donc accepté le principe de la mesure adoptée par l'Assemblée nationale, mais en a, sur proposition de son rapporteur, réécrit le dispositif, afin que celui-ci soit plus efficace sur le plan juridique et plus correct sur le plan de la syntaxe.
Ainsi, désormais, nul ne pourra recourir à l'examen des caractéristiques génétiques le concernant ou concernant un tiers sans disposer d'une prescription médicale et sans avoir recours à un laboratoire agréé par l'agence de la biomédecine.
Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 4 quater - Abrogation de l'ordonnance du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale
Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, a pour objet d'abroger l'ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale.
I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale
L'article 69 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HSPT, a habilité le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance pour réformer les conditions de création, d'organisation et de fonctionnement des laboratoires de biologie médicale.
Elaborée en concertation avec les différents acteurs concernés et conformément à l'habilitation, l'ordonnance prise le 13 janvier 2010 a entièrement redéfini le statut de la biologie médicale .
Elle a en particulier :
- réaffirmé le statut médical de la discipline ;
- donné une définition du biologiste médical - un médecin ou un pharmacien spécialiste en biologie médicale ;
- harmonisé les règles de fonctionnement des laboratoires de biologie médicale entre les secteurs public et privé ;
- cherché à garantir la continuité de l'offre de biologie médicale sur un même territoire de santé ;
- maintenu une limite territoriale de l'activité d'un laboratoire ;
- garanti la pluralité de l'offre de biologie médicale sur un territoire donné ;
- institué un mécanisme d'accréditation obligatoire de tous les laboratoires de biologie médicale.
Depuis sa publication, trois points font l'objet de vives critiques par un certain nombre d'acteurs :
- l'impossibilité de recruter en centres hospitaliers universitaires des biologistes médicaux ne disposant pas du diplôme d'études spécialisées de biologie médicale et la réorganisation des laboratoires de biologie médicale dans les CHU sous la forme de laboratoire unique d'établissement ;
- l'impossibilité de ristournes sur les examens de biologie médicale ;
- l'autorisation de prélèvement d'échantillons biologiques en cabinet d'infirmier.
Le principal grief des députés auteurs de l'amendement ayant conduit à abroger l'ordonnance est lié à la première de ces critiques, expliquant que le texte actuel « interdit à d'éminents professeurs de continuer d'occuper une chaire, faute d'avoir fait des études qui mènent directement à la biologie ».
II - Le texte adopté par la commission
Votre commission estime que les difficultés soulevées ne justifient pas à elles seules l'abrogation de l'ordonnance toute entière, alors même que celle-ci a commencé à être appliquée .
Par ailleurs, parmi les points critiqués, l'un peut être réglé par décret, à savoir le prélèvement en cabinet infirmier, ce que prévoit d'ailleurs l'ordonnance, les deux autres sont susceptibles de faire l'objet de négociations entre les organisations professionnelles concernées et le Gouvernement ; celui-ci s'est d'ailleurs engagé à le faire.
Aussi, votre commission a décidé de revenir sur l'abrogation votée à l'Assemblée nationale, tout en interpellant le Gouvernement sur la manière dont il envisage de régler les problèmes soulevés par certains professionnels.
Sur proposition de son rapporteur, de Jacqueline Gourault et de Marie-Thérèse Hermange, votre commission a supprimé cet article.
* 16 La phase analytique , c'est-à-dire l'analyse technique de l'échantillon prélevé, intervient après la phase pré-analytique qui comprend notamment le prélèvement d'un échantillon biologique, le recueil des éléments cliniques pertinents et l'acheminement vers le lieu de l'analyse, et avant la phase post-analytique qui comprend la validation, l'interprétation et la communication du résultat.