III. LE PROJET DE LOI : VERS UN NOUVEL ÉQUILIBRE, PLUS RESPECTUEUX DES DROITS DE LA DÉFENSE

Dans ses conclusions, le comité de réflexion sur la réforme du code pénal et du code de procédure pénale, présidé par M. Philippe Léger, avait recommandé en 2009 de modifier le régime de la garde à vue afin de renforcer la place de l'avocat tout en préservant l'efficacité de l'enquête. Il avait ainsi suggéré :

- la limitation du champ d'application de la garde vue aux délits et crimes punis d'une peine d'emprisonnement ;

- la possibilité d'un nouvel entretien avec l'avocat à la 12 ème heure, l'avocat ayant alors accès aux procès-verbaux des auditions de son client ;

- la présence possible de l'avocat aux auditions si la mesure de garde à vue est prolongée à l'issue de la 24 ème heure.

Le comité Léger avait estimé nécessaire de limiter l'application de ces règles plus protectrices aux gardes à vue de droit commun : les régimes spécifiques pour la criminalité organisée, le trafic de stupéfiants et le terrorisme devaient être concernés « sous peine de rendre la justice dangereusement impuissante pour le traitement de ces formes graves de délinquance » -le comité avait cependant souhaité que l'arrivée de l'avocat intervienne en matière de trafic de stupéfiants non à la 72 ème heure mais à la 48 ème heure.

Par ailleurs, le Comité avait conçu un système de « retenue judiciaire » pour toute personne soupçonnée d'une infraction pour laquelle la peine d'emprisonnement est inférieure à cinq ans. Le procureur de la République serait avisé de cette mesure dont la durée maximale était fixée à six heures. La personne aurait eu le droit de s'entretenir avec un avocat dès la première heure. Si au cours de la retenue, il apparaissait que des investigations plus importantes devaient être menées, la mesure aurait été transformée en garde à vue -les heures écoulées étant alors décomptées du délai de garde à vue.

Sur la base, notamment, de ces propositions, le Gouvernement avait initialement envisagé de nouvelles règles pour la garde à vue dans le cadre de la réforme d'ensemble du code de procédure pénale. Le dispositif proposé présentait quelques avancées. Dès le début de la mesure, l'avocat pouvait obtenir, à sa demande, copie de la communication des procès-verbaux d'auditions. En cas de prolongation, la personne pouvait demander à être assistée par l'avocat lors des auditions. Lorsqu'un tel droit n'était pas exercé, l'enregistrement audiovisuel devenait possible en matière délictuelle sur décision de l'officier de police judiciaire ou du procureur de la République ou à la demande de la personne gardée à vue. Une « audition libre », d'une durée maximale de quatre heures, pouvait être décidée même lorsque « la personne a été appréhendée et ramenée par la contrainte dans les locaux du service de police judiciaire » à condition que la peine encourue ne soit pas supérieure à cinq ans.

Les décisions successives du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation ont imposé une réforme séparée et plus ambitieuse de la garde à vue.

A. UN DISPOSITIF INITIAL COMPORTANT DES AVANCÉES CERTAINES, ENCORE AMÉLIORÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le projet de loi vise à renforcer les garanties données à la personne gardée à vue mais aussi, selon les termes de l'exposé des motifs du texte présenté par le Gouvernement, à « maîtriser » le nombre de gardes à vue .

1. Définition et conditions de recours à la garde à vue (article 1er)


• L'« audition libre »
(articles 62-2 et 62-4 du code de procédure pénale)

Le projet de loi dans sa version initiale fixait expressément un cadre à l'audition libre d'une personne suspecte : hors les cas où celle-ci a fait l'objet d'un mandat de recherche ou a été conduite par la force publique dans les locaux des services de police, la nécessité de l'entendre sur les faits dont elle est soupçonnée n'imposait pas son placement en garde à vue dès lors que la personne consentait à être entendue librement -ce consentement exprès devant être recueilli par un officier ou un agent de police judiciaire et renouvelé à chaque nouvelle audition.

L'insuffisance des droits conférés au suspect entendu librement -défaut de notification des droits (en particulier celui de se taire), absence de l'avocat- a conduit l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois, à supprimer ce dispositif.


• Définition
(article 62-3 du code de procédure pénale)

La garde à vue fait, pour la première fois dans le code de procédure pénale, l'objet d'une définition, précisée par les députés à l'initiative de leur commission des lois qui a regroupé dans une seule formule des éléments que le texte initial du Gouvernement avait intégré dans deux articles distincts (articles 62-3 et 62-6). Elle est présentée comme une « mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, par laquelle une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs », dès lors que cette mesure constitue l' unique moyen de parvenir à l'un des six objectifs suivants :

- permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ;

- garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l'enquête ;

- empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;

- empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille. Un amendement voté en séance publique à l'initiative de plusieurs membres du groupe SRCDG a également visé les pressions sur les « proches » des victimes ;

- empêcher que la personne ne se concerte avec d'autres personnes susceptibles d'être un coauteur ou complice ;

- garantir la mise en oeuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit.

Le recours à la garde à vue est ainsi strictement encadré. La mesure présente un caractère subsidiaire . En outre, elle n'est possible, en matière délictuelle, que pour les cas dans lesquels une peine d'emprisonnement est encourue alors que cette condition n'est aujourd'hui requise ni dans le cadre de l'enquête préliminaire, ni dans celui de l'instruction.

Les motifs de la garde à vue doivent être communiqués par les enquêteurs au procureur de la République au moment où celui-ci est avisé de la mesure. Ils doivent aussi être mentionnés dans le procès-verbal récapitulatif de la garde à vue (articles 63 et 64 du code de procédure pénale).

2. Les modalités de contrôle de la garde à vue (article premier)

Conformément au droit en vigueur, le projet de loi, dans la version déposée à l'Assemblée nationale, confie au procureur de la République la responsabilité du contrôle de la garde à vue. Le magistrat apprécie si le maintien de la garde à vue et, le cas échéant, la prolongation de cette mesure sont nécessaires à l'enquête et proportionnés à la gravité des faits dont la personne est soupçonnée. En outre, le procureur de la République assure la sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne gardée à vue et peut ordonner à tout moment que la personne gardée à vue soit présentée devant lui ou remise en liberté.

La commission des lois de l'Assemblée nationale, dans le texte qu'elle a adopté, a transféré, contre l'avis de son rapporteur, le contrôle de la garde à vue au juge des libertés et de la détention . Les partisans de cette modification ont en effet distingué la « gestion » de la garde à vue, confiée au parquet, et son contrôle qui, sur le fondement de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, devrait revenir à un magistrat indépendant.

Les députés sont revenus sur cette position en séance publique en adoptant un amendement rétablissant le principe posé par le projet de loi initial.

3. La durée de la garde à vue et les conditions de prolongation (article 2)

Aux termes du texte du Gouvernement, seul un officier de police judiciaire peut, d'office ou sur instruction du procureur de la République, placer en garde à vue une personne lorsque les conditions prévues par la loi sont réunies. Il doit alors en informer le procureur de la République dès le début de la mesure.

La commission des lois a supprimé la référence au procureur de la République. Toutefois, en séance publique, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement afin de revenir au texte initial au motif que le procureur de la République, directeur de l'enquête, doit explicitement pouvoir demander un placement en garde à vue (nouvelle rédaction du I de l'article 63 du code de procédure pénale).

La durée de la garde à vue demeure fixée à 24 heures. La possibilité de prolongation pour une même durée, décidée par le procureur de la République, est désormais limitée aux crimes ou aux délits punis d'une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à un an (nouvelle rédaction du II de l'article 63 du code de procédure pénale).

Cette prolongation ne peut être accordée qu'après présentation préalable de la personne à ce magistrat, le cas échéant, par un moyen de communication audiovisuelle. Elle peut cependant, à titre exceptionnel , être accordée par une décision écrite et motivée, sans présentation préalable.

Les députés ont précisé par un amendement de leur rapporteur, adopté en séance publique, que l'heure du début de la mesure était fixée à l'heure à laquelle la personne a été appréhendée.

4. Les droits de la personne gardée à vue


• Le droit de se taire

Le projet de loi réintroduit dans le code de procédure pénale la notification du droit de se taire qui avait été instaurée par la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence. La personne est ainsi informée qu'elle a le choix, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire (II de l'article 63-1 du code de procédure pénale).

A l'initiative de M. Philippe Gosselin, rapporteur, les députés ont prévu, en séance publique, que cette notification devait intervenir en même temps que la notification des autres droits et non au début de l'audition.


• Le droit de faire prévenir un proche et l'employeur

En l'état du droit, la personne peut demander à faire prévenir soit son employeur, soit une personne avec laquelle elle vit habituellement ou un parent en ligne directe. Désormais, elle pourra faire prévenir l'un et l'autre (I de l'article 63-1).


• Les modalités de notification

Les députés ont adopté en séance publique un amendement présenté par M. Noël Mamère et plusieurs de ses collègues afin de préciser que le recours à un formulaire écrit pour informer la personne gardée à vue ne peut avoir lieu que pour une information immédiate et ne dispense pas de l'intervention d'un interprète (I de l'article 63-1).


• Le procès-verbal

L'Assemblée nationale a approuvé deux modifications apportées par sa commission des lois, la première précisant qu'il est établi un procès-verbal unique décrivant le déroulement de la garde à vue, la seconde que les « circonstances insurmontables » justifiant un report des diligences qu'impliquent les droits de la personne gardée à vue doivent être mentionnées au procès-verbal (I de l'article 63-1).


• Le droit à l'assistance d'un avocat
(article 7)

Au-delà du droit de demander à s'entretenir avec son avocat au début de la garde à vue, le projet de loi accroît les droits de la défense à travers deux innovations marquantes :

- la consultation dès le début de la mesure du procès-verbal de notification de placement de la personne en garde à vue et de notification de ses droits ainsi que des procès-verbaux d'audition de la personne gardée à vue qui ont déjà été réalisés (article 63-4-1 du code de procédure pénale). Les députés ont adopté en séance publique un amendement présenté par M. Noël Mamère et plusieurs de ses collègues incluant dans ces documents le certificat médical établi par le médecin à la suite de l'examen auquel il a, le cas échéant, procédé ;

- le droit pour la personne gardée à vue à être assistée par son avocat lors de ses auditions dès le début de la mesure (article 63-4-2 du code de procédure pénale). Cependant, le projet de loi apporte un tempérament à ces droits en permettant à l'officier de police judicaire de demander au procureur de la République l'autorisation de ne pas faire droit, pendant une durée ne pouvant excéder douze heures, aux demandes de consultation du procès-verbal et d'assistance aux auditions. Cette dérogation ne peut être accordée que de manière exceptionnelle, selon une formulation reproduite du considérant 28 de la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, lorsqu'elle apparaît indispensable, en considération des circonstances particulières de l'enquête, soit pour permettre le bon déroulement des investigations urgentes tenant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte immédiate aux personnes.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a complété ce dispositif afin de prévoir un « délai de carence » de deux heures avant l'expiration duquel la première audition de la personne gardée à vue ne pourra commencer. Il s'agit en effet de renforcer l'effectivité du droit accordé à la personne gardée à vue en tenant compte de certains obstacles susceptibles de retarder l'arrivée de l'avocat (éloignement géographique, insuffisance des effectifs du barreau).

Elle a également complété la rédaction des motifs justifiant la dérogation aux droits nouveaux liés à la présence de l'avocat en exigeant, selon une terminologie inspirée de la Cour européenne des droits de l'Homme, des « raisons impérieuses » tenant aux circonstances de l'enquête.

Afin de tenir compte de l'introduction du délai de carence de deux heures, elle a aussi donné au procureur de la République la faculté d'autoriser l'officier de police judiciaire, pour les raisons identiques à celles retenues pour retarder l'assistance de l'avocat ou la consultation du procès-verbal, à commencer les auditions avant le début de l'audition.

En outre, la commission des lois de l'Assemblée nationale a intégré dans le texte qu'elle a élaboré un amendement du Gouvernement permettant, pour les infractions punies d'au moins cinq ans d'emprisonnement, un deuxième report -de la 12 ème heure à la 24 ème heure- de la présence de l'avocat lors des auditions. La décision est prise par le juge des libertés et de la détention statuant à la demande du procureur de la République.

En contrepartie, les députés ont adopté en séance publique un amendement du Gouvernement inscrivant dans l'article préliminaire du code de procédure pénale le principe, maintes fois rappelé dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, selon lequel aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne, en matière criminelle et correctionnelle, sur le seul fondement de déclarations qu'elle a faites sans avoir pu s'entretenir avec un avocat ou être assistée par lui (article 1 er A).

- Le déroulement des auditions (article 63-4-3 du code de procédure pénale)

Le texte initial présenté par le Gouvernement prévoyait que l'avocat pouvait présenter des observations écrites à l'issue de l'entretien ou des auditions auxquelles il assiste, excluant ainsi toute intervention du conseil pendant l'audition elle-même. La commission des lois a jugé cette restriction incompatible avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme -qui reconnaît au suspect le droit de bénéficier de la « vaste gamme d'interventions qui sont propres à l'affaire »- ainsi qu'avec le renforcement nécessaire du caractère contradictoire de la procédure pénale. Elle a, en conséquence, ouvert à l'avocat le droit de poser des questions à la fin de l'audition -l'officier ou l'agent de police judiciaire pouvant toutefois « s'opposer aux questions de nature à nuire au bon déroulement de l'enquête ou à la dignité de la personne ». Elle a prévu que la question refusée serait portée au procès-verbal ; les députés ont toutefois indiqué en séance publique, à l'initiative de leur rapporteur, que seul le refus serait mentionné dans le procès-verbal.

La police des auditions a retenu l'attention des députés lors des débats en séance publique. Ainsi l'Assemblée nationale a adopté un amendement de M. Jean-Paul Garraud et plusieurs de ses collègues afin de permettre à l'officier de police judicaire d'informer le procureur de la République s'il estime que l'avocat perturbe le bon déroulement d'une audition. Ce magistrat peut alors aviser le bâtonnier aux fins de désignation d'un nouvel avocat.

Par ailleurs, en adoptant en séance publique un amendement présenté par M. Philippe Goujon et plusieurs de ses collègues, les députés ont souhaité régler les difficultés pratiques que susciterait la désignation d'un même avocat par plusieurs personnes placées concomitamment en garde à vue dans une même affaire. Dans ce cas, le procureur de la République d'office ou saisi par l'officier de police judiciaire ou l'agent de police judiciaire peut demander au bâtonnier de désigner un autre défenseur (article 63-3-1 du code de procédure pénale).

- Le droit à l'assistance d'un avocat pour la victime (article 7 bis )

L'exigence d'équilibre entre les parties, rappelée par l'article préliminaire du code de procédure pénale, a conduit la commission des lois de l'Assemblée nationale à compléter le projet de loi (article 7 bis ) afin de donner à la victime, si elle est confrontée à une personne gardée à vue assistée d'un avocat lors de son audition, le droit d'être également assistée par un avocat (article 63-4-5 nouveau du code de procédure pénale).


• Le régime des fouilles
(article 9)

Alors que seule la question des investigations corporelles internes est actuellement réglée par le code de procédure pénale, le projet de loi fixe pour la première fois un cadre légal aux fouilles. Les fouilles à corps intégrales ne pourront désormais plus être décidées à titre de mesure de précaution ; elles devront être justifiées par les nécessités de l'enquête. En outre, les députés ont adopté un amendement présenté par les membres du Nouveau centre afin de prévoir que la personne peut demander à conserver au cours de son audition les objets dont le port ou la détention sont nécessaires au respect de sa dignité.

5. Les régimes dérogatoires (article 12)

Le texte présenté par le Gouvernement (article 12) excluait l'application des nouvelles règles introduites par le projet de loi pour les régimes dérogatoires en matière de délinquance et de criminalité organisée. Les décisions rendues le 19 octobre 2010 par la Cour de cassation, six jours après le dépôt du projet de loi sur le bureau de l'Assemblée nationale, impliquaient de remanier ces dispositions. En effet, le régime dérogatoire prévu par le 7 ème alinéa de l'article 63-4 et à l'article 706-88 du code de procédure pénale a été jugé contraire à l'article 6 de la CEDH.

Aussi, la commission des lois de l'Assemblée nationale a-t-elle adopté une nouvelle rédaction de l'article 12 sur la base d'un amendement du Gouvernement. L'intervention de l'avocat au cours de la garde à vue pourrait être reportée jusqu'à la 48 ème heure pour toutes les infractions visées à l'article 706-73 du code de procédure pénale, à l'exception du trafic de stupéfiants et du terrorisme pour lesquels elle pourrait être reportée à la 72 ème heure.

Ce report serait assorti d'une double condition :

- sur le fond, il devrait être subordonné à l'existence de « raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête » et avoir pour objet soit de permettre le recueil ou la conservation des preuves, soit de prévenir une atteinte aux personnes ;

- sur la compétence, le report serait décidé, en enquête préliminaire ou de flagrance, par le procureur de la République jusqu'à la 24 ème heure, par le juge des libertés et de la détention au-delà. Si une information judiciaire est ouverte, la décision relèverait du juge d'instruction. La décision du magistrat devrait être écrite et motivée.

Par ailleurs, en matière de terrorisme, le juge des libertés et de la détention pourrait décider que la personne sera assistée par un avocat désigné par le bâtonnier sur une liste d'avocats spécialement habilités à intervenir dans ce domaine. Le texte adopté par la commission des lois prévoyait que les avocats inscrits sur cette liste seraient élus par les membres du Conseil de l'ordre du barreau de Paris. Les députés ont voté en séance publique un amendement de leur rapporteur indiquant que l'élection serait faite par le Conseil national des barreaux.

6. Les autres régimes de privation de liberté


• Audition des témoins
(article 11)

Depuis l'adoption de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, le code de procédure pénale dispose expressément que les simples témoins ne peuvent pas être placés en garde à vue. L'article 11 du projet de loi propose de préciser les modalités selon lesquelles ils sont entendus : en cohérence avec les dispositions relatives aux contrôles d'identité (article 78-3 du code de procédure pénale), la rétention des témoins, strictement limitée au temps nécessaire à leur audition, ne pourrait en toute hypothèse excéder quatre heures. En outre, dès lors que l'audition du témoin ferait apparaître des indices permettant de soupçonner qu'il a commis ou tenté de commettre une infraction, celui-ci ne pourrait être maintenu sous la contrainte à la disposition des enquêteurs que sous le régime de la garde à vue, conformément aux principes dégagés par le Conseil constitutionnel.


• Caractère non systématique de la garde à vue dès lors que la personne n'est pas conduite par la force publique devant l'officier de police judiciaire
(article 11 bis )

L'Assemblée nationale a adopté en séance publique un amendement du Gouvernement afin de prévoir, comme le permet d'ores et déjà la jurisprudence de la Cour de cassation, que le placement en garde à vue ne doit pas intervenir systématiquement lorsqu'une personne n'a pas été conduite par la force publique devant l'officier de police judiciaire. Ce principe serait applicable lorsque la personne a fait l'objet :

- d'une interpellation au cours de l'enquête de flagrance en application des dispositions du code de procédure pénale :

-  d'une mesure de dégrisement en raison de son état d'ivresse en application des dispositions du code de la santé publique,

- des épreuves de dépistage et des vérifications prévues par le code de la route pour les contrôles d'alcoolémie ou d'usage de stupéfiants.


• La retenue douanière
(article 14 bis )

Le dispositif a été inséré par la commission des lois dans le projet de loi à la suite de la décision n° 2010-32 QPC du 22 septembre 2010 déclarant contraire à la Constitution le régime actuel de la retenue douanière.

Le texte adopté à la suite d'un amendement du Gouvernement aligne pour l'essentiel le régime de la retenue douanière sur celui retenu par le présent projet de loi pour la garde à vue s'agissant en particulier de la notification du droit de se taire et du droit à l'assistance d'un avocat.


Le « petit dépôt » (articles 13, 15 ter et 15 quater )

L'article 13 du projet de loi prévoyait d'ores et déjà d'adapter le régime du « petit dépôt » défini à l'article 803-3 du code de procédure pénale, afin de permettre, notamment, à l'avocat de demander à consulter le dossier de la procédure avant la présentation de la personne au procureur de la République ou au juge d'instruction.

Les députés ont par ailleurs adopté en séance publique deux amendements de M. Dominique Raimbourg sous-amendés par le Gouvernement afin de consacrer dans le code de procédure pénale la décision QPC n° 2010-80 du 17 décembre 2010 du Conseil constitutionnel qui impose de prévoir :

- d'une part, qu'en cas de dépôt faisant suite à une garde à vue, le magistrat devant lequel l'intéressé est appelé à comparaître doit être informé sans délai de l'arrivée de la personne dans les locaux de la juridiction ;

- d'autre part, que dans le cas où la garde à vue a été prolongée par le procureur de la République, la personne déférée doit être présentée dans un délai de 20 heures à la juridiction saisie ou, à défaut, au juge des libertés et de la détention.


Modalités d'exécution d'un mandat d'amener ou d'arrêt lors la personne recherchée est interpellée à plus de 200 kilomètres du juge mandant (article 15 bis )

Sur proposition du Gouvernement, les députés ont inséré dans le projet de loi un nouvel article 15 bis tendant à préciser, dans le respect des principes définis par la Cour européenne des droits de l'homme, les modalités d'exécution d'un mandat d'amener ou d'arrêt lorsque la personne recherchée est interpellée à plus de 200 kilomètres du juge mandant. Conformément à l'arrêt France Moulin contre France du 23 novembre 2010, les députés ont précisé que la personne interpellée dans de telles conditions devrait être présentée à un magistrat du siège - en l'espèce, le juge des libertés et de la détention - avant son transfèrement, et non plus au procureur de la République comme le prévoit actuellement le code de procédure pénale.


La garde à vue des mineurs (article 15)

L'article 15 du projet de loi procède enfin aux coordinations rendues nécessaires par le présent projet de loi au sein de l'ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, qui encadre de façon plus rigoureuse les conditions dans lesquelles un mineur peut être retenu (mineurs de 10 à 13 ans) ou placé en garde à vue (mineurs de 13 à 18 ans).

7. Mesures annexes

Soucieux de conjuguer au mieux droits de la personne gardée à vue et efficacité des enquêtes, les députés ont par ailleurs adopté un amendement de MM. Dominique Raimbourg et Jean-Jacques Urvoas, réécrit en séance publique sur proposition du Gouvernement, tendant à élargir la compétence territoriale des officiers de police judiciaire : aux termes de l'article 11 A du projet de loi, ceux-ci auraient désormais le faculté de se transporter dans le ressort des tribunaux de grande instance limitrophes du tribunal ou des tribunaux auxquels ils sont rattachés afin d'y poursuivre leurs investigations et de procéder à des auditions, perquisitions et saisies, non seulement dans le cadre d'une enquête de flagrance comme le code de procédure pénale le prévoit aujourd'hui, mais également dans le cadre de l'enquête préliminaire.

En outre, les députés ont souhaité que puissent être limités les placements en cellule de dégrisement. Sur proposition de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a ainsi complété le code de la santé publique afin de prévoir que, dès lors qu'il n'est pas nécessaire de procéder à l'audition de la personne trouvée en état d'ivresse dans un lieu public immédiatement après qu'elle a recouvré la raison, elle peut être confiée à un tiers qui se porte garant d'elle (article 14 ter ).

Enfin, l'article 16 du projet de loi procède aux coordinations rendues nécessaires par le présent projet de loi au sein de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

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