C. LA NÉGOCIATION DES DIRECTIVES
La rédaction finale des deux directives, en particulier la directive MPDS, est le résultat de divers compromis entre des intérêts divergents des Etats membres, mais aussi des industriels.
S'agissant des Etats-membres le clivage attendu était celui opposant les pays producteurs d'armement, essentiellement les six pays de la LoI et les autres, mais aussi entre la France et la Grande-Bretagne, en raison du lien particulier de ce pays avec les Etats-Unis.
Concernant les industriels, leurs intérêts différaient en fonction de leur taille ou de leur position dans la chaîne d'acquisition (grands groupes - équipementiers - PME - maîtres d'oeuvre - fournisseurs).
1. Ce qui a été obtenu
L'action combinée des industriels et des autorités françaises chargées de la négociation a permis :
• d'introduire le considérant 18 dans la Directive, permettant de disposer d'une référence rappelant que l'accès aux marchés de défense et de sécurité demeure dans le champ de la souveraineté des Etats membres, ce qui leur permet notamment d'autoriser ou non des opérateurs économiques de pays tiers à participer à une procédure de passation de marché organisée par eux ;
• de préciser que les marchés de R&T au sens français sont, soit exclus du champ d'application de la directive, soit l'objet d'une procédure sans mise en compétition, afin de préserver la possibilité de mener une politique industrielle visant à développer et maintenir des compétences critiques ou sensibles ;
• de conserver l'exclusion des marchés en coopération ;
• d'instituer la procédure négociée comme procédure de droit commun ;
• d'inciter à plus de transparence dans l'attribution des sous contrats, ce qui devrait réduire drastiquement, comme le souhaitait la Commission, les demandes de compensation.
2. Ce qui n'a pas été obtenu
Les négociations n'ont pas permis d'obtenir :
• la prise en compte formelle de la préférence communautaire, qui était une demande de la France sous PFUE dans le cadre des négociations. Cette demande n'a été soutenue par aucun autre Etat membre. Elle a même été considérée par le gouvernement britannique comme une proposition anti-américaine. Il n'était pas question que la France puisse dicter des conduites en matière d'achat susceptible d'empêcher le gouvernement britannique d'acheter à son partenaire habituel, les Etats-Unis. Les autres Etats membres qui habituellement achetaient américain, en particulier la Pologne, ont fermement soutenu le gouvernement britannique. La Commission estima quant à elle, que ce n'était pas le rôle de la directive de traiter ce sujet. La France n'a obtenu que le considérant 18 dans la directive, qui n'institue pas en droit la préférence communautaire puisqu'il n'est pas juridiquement contraignant.
• la prise en compte dans les appels d'offre de la « valeur ajoutée européenne », qui eût été une façon moins tranchée d'instaurer une clause de préférence communautaire, a elle aussi été écartée pour les mêmes raisons ;
• la prise en compte de la notion de réciprocité. L'action du CIDEF en ce sens n'a pas été soutenue par ses homologues européens à de rares exceptions près (Allemagne et Espagne) ;
• l'extension de la procédure négociée sans publicité préalable étendue aux développements en spirale, ou aux contrats de production à la suite des contrats de développement industriels ;
• la non-communication par les Etats d'informations sur leurs projets de contrats en coopération (coût global, part de R&D, cost-sharing entre Etats, quantités commandées par Etat), étant donné que ces contrats en coopération n'entrent pas dans le champ de cette directive. Cette disposition a été maintenue, la Commission européenne voulant éviter que des Etats, avec un minimum d'investissement en R&D, n'utilisent ce dispositif afin d'acquérir sans mise en concurrence des équipements.
• la prise en compte des contrats du type FMS ( Foreign Military Sales - vente d'Etat à l'Etat) dans le champ de la Directive.
En conclusion, le point le plus important nous semble être l'absence de reconnaissance juridique formelle de la clause de préférence communautaire et de l'obligation de réciprocité pour l'ouverture des marchés.
Il n'existe pas non plus de procédure de reconnaissance réciproque des autorisations d'exportation et d'importation, le contrôle des Etats sur les entreprises d'armement restant complet à tous les stades de la production à la commercialisation.