B. L'ÉVOLUTION POLITIQUE AYANT DONNÉ NAISSANCE AU PAQUET DÉFENSE
1. Les premières interventions de la Commission européenne en faveur d'une base industrielle et technologique de défense européenne
En 1996, l'OCCAR , (organisation conjointe de coopération en matière d'armements) est créée par l'Allemagne, la France, l'Italie et le Royaume-Uni afin de gérer de façon intelligente les programmes en coopération.
En 1997, la Commission européenne publie une communication intitulée « mettre en oeuvre la stratégie de l'Union européenne en matière d'industries liées à la défense » dans laquelle elle prône pour la première fois la naissance d'un marché européen des équipements de défense. Mais cette communication restera lettre morte, en raison de l'opposition formelle du Conseil européen.
Néanmoins en juillet 2000 au salon de Farnborough, six nations européennes (Allemagne, France, Espagne, Royaume-Uni, Belgique, Turquie) désignent l'A400M d'Airbus Military comme le prochain avion de transport militaire européen et donnent enfin un tour concret à cette volonté de créer un MEED.
En 1998, outre la déclaration franco-britannique de Saint Malo en faveur d'une défense européenne, est mise en place une « lettre d'intention » ( Letter of Intent ou LoI) entre les six nations qui sont les plus gros producteurs d'armements européens et dont l'objet est de définir des mesures facilitant la restructuration des industries de défense.
En 2001, au sommet européen de Laeken, la défense européenne est déclarée « opérationnelle » avec la mise en place du COPS (comité politique et de sécurité), du CMUE (comité militaire) et de l'EMUE (état-major).
2. Le début des années 2000 et la « stratégie industrielle »
En 2003, la Commission européenne publie la communication : « vers une politique européenne communautaire en matière d'armements ». Il s'agit d'un programme d'action destiné à encourager la mise sur pied d'un authentique marché européen des équipements de défense (MEED). Ce programme d'action vise d'une part, à améliorer le cadre réglementaire régissant le MEED et, d'autre part, à rendre plus cohérent l'effort européen en matière de recherche.
Dans cette perspective, sept initiatives ont été proposées dans les domaines de la normalisation, de la connaissance statistique des entreprises, des transferts intracommunautaires de composants d'équipement de défense, des règles de concurrence, des règles de passation des marchés, du contrôle des exportations de biens à double usage et enfin de l'identification des besoins communs en matière de recherche, préfiguration fonctionnelle de l'Agence européenne de défense.
Le 12 juillet 2004, l'Agence européenne de défense (AED) est créée afin de soutenir les efforts de défense de l'Union européenne. L'Agence est créée par une action commune du Conseil et de la Commission. La mise en place de cette agence était du reste prévue depuis la publication en 2003 du projet de traité constitutionnel de la Convention européenne. Le principe de cette création a été confirmé par le Conseil européen de Thessalonique en juin 2003. L'Agence est alors placée sous l'autorité de Javier Solana, secrétaire général à la fois du Conseil de l'Union Européenne et de l'Union de l'Europe Occidentale, et Haut responsable pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Depuis le 1 er décembre 2009, c'est Catherine Ashton, en qualité de Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui en est le « chef » et, depuis décembre 2010, une française, Claude-France Arnould en est le troisième directeur.
En septembre 2004, la Commission publie un Livre vert sur les marchés publics de défense présentant une analyse sans concession de la situation et ouvrant une consultation aux Etats, aux entreprises et aux groupes de réflexion. Les contributions recueillies ont confirmé la mauvaise application, largement répandue, de l'article 296 du traité instituant la communauté européenne (TICE)
Selon la Commission, le recours excessif à cet article a eu pour effet de retarder les indispensables restructurations de l'industrie européenne de l'armement, singulièrement de l'armement terrestre. Il en est résulté un marché fragmenté, une duplication des programmes et certainement un accroissement des coûts, dont le contribuable a finalement payé la note. C'est pourquoi la Commission a souhaité instituer des règles communes permettant de limiter progressivement le recours à l'article 296.
Les voies ouvertes par le livre vert à la consultation présentaient clairement l'alternative :
- mieux expliciter le cadre réglementaire communautaire existant au travers d'un instrument législatif non contraignant tel qu'une « communication interprétative » de la Commission ;
- compléter le cadre réglementaire communautaire par un instrument spécifique, tel qu'une directive.
Dans le même esprit, les ministres européens de la défense réunis en comité de pilotage de l'Agence européenne de défense ont adopté le 21 novembre 2005 un « code de conduite » pour les marchés de l'armement. Ce code de conduite concerne tous les contrats de fourniture de biens et services de défense d'une valeur d'au moins un million d'euros. Il a pour objectif, sur une base volontaire et non contraignante, de permettre un traitement juste et égal des fournisseurs en assurant une transparence égale entre concurrents européens.
Mais cette réponse hâtive et ambigüe ne faisait que traduire la division des Etats sur la question et leur hostilité à voir cette question échapper au domaine des relations intergouvernementales pour entrer dans le champ de compétence de la Commission. La dynamique de ce régime intergouvernemental semble s'être essoufflée assez rapidement, certains Etats membres ne respectant pas la philosophie de publication volontaire des appels d'offre.
En décembre 2005, la Commission a annoncé deux initiatives :
- une « communication interprétative sur l'application de l'article 296 du traité dans le domaine des marchés publics de la défense », qui sera finalement adoptée le 7 décembre 2006 ; cette communication souligne le caractère exceptionnel de la dérogation offerte par l'article 296 et donne des indications aux autorités adjudicatrices nationales pour évaluer si les contrats de marchés publics peuvent être exemptés des règles communautaires ou non ;
- une consultation ciblée, réalisée auprès des acteurs concernés, en 2006. Un questionnaire a été rédigé à cet effet par la Commission et envoyé à plus de cent quarante organisations, Etats-membres et syndicats industriels. Les résultats de cette consultation firent apparaître que, pour la grande majorité des parties intéressées, les conditions générales prévalant sur le marché étaient impropres à garantir la compétitivité à long terme des besoins en capacités de l'Europe de la défense. Bon nombre d'entre elles évoquaient des obstacles tels que l'absence de règles communes applicables à un marché européen des équipements de défense, la relation commerciale déséquilibrée en matière de défense entre l'Union et les Etats-Unis et le manque de coordination entre les Etats-membres en ce qui concerne la recherche et les technologies relevant de la défense.
Forte des résultats de cette consultation, la Commission européenne a présenté à l'automne 2007, un ensemble de trois propositions formant ensemble le « paquet défense ».
Après une longue période de négociation, les deux directives formant le « paquet défense » ont présentées à la Commission en décembre 2007 et adoptée définitivement par le Parlement européen le 14 janvier 2009. Transmises aux Etats membres, elles doivent être transposées en droit national avant le 30 juin 2011 (directive TIC) et avant le 21 août 2011 (directive MPDS).