EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. UN SYSTÈME DE RÉGULATION DES IMPLANTATIONS COMMERCIALES INEFFICACE
Dans le droit en vigueur, les implantations commerciales les plus importantes sont soumises à une double autorisation administrative (A). Ce système, hérité des lois Royer et Raffarin et bâti pour répondre à des objectifs mixtes de régulation de la concurrence et d'aménagement du territoire, a été profondément réformé par la loi de modernisation de l'économie (LME) afin de le rendre compatible avec le droit européen et d'intensifier la concurrence au service des consommateurs (B). Les règles d'urbanisme commercial issues de la loi de modernisation de l'économie ont cependant montré qu'elles n'étaient pas capables de répondre aux exigences d'aménagement du territoire (C).
A. AUTORISATION D'EXPLOITATION COMMERCIALE ET PERMIS DE CONSTRUIRE
Avant l'entrée en vigueur de la LME, la régulation des implantations commerciale se fondait sur les dispositions du titre V du livre VII du code de commerce. Les commissions départementales d'équipement commercial (CDEC) délivraient les autorisations d'exploitation commerciale pour les projets d'équipement les plus importants, mentionnés à l'article L. 752-1 du code de commerce 1 ( * ) , et appuyaient leurs décisions sur les critères exposés à l'article L. 752-6 du code précité. Ces critères soumettaient le projet à une évaluation de son impact sur l'aménagement du territoire (impact global du projet sur les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison ; qualité de la desserte en transport public ou avec des modes alternatifs ; capacités d'accueil pour le chargement et le déchargement des marchandises) mais aussi à un test économique (densité d'équipement en moyennes et grandes surfaces dans cette zone ; effet potentiel du projet sur l'appareil commercial et artisanal de cette zone et des agglomérations concernées, ainsi que sur l'équilibre souhaitable entre les différentes formes de commerce, impact en termes d'emplois salariés et non salariés, etc.).
Dans un deuxième temps, les projets autorisés par les CDEC faisaient l'objet d'une seconde autorisation administrative, sous la forme d'un permis de construire, pour vérifier leur conformité aux règles d'urbanisme.
B. UNE LÉGISLATION RÉCEMMENT RÉFORMÉE PAR LA LOI DE MODERNISATION DE L'ÉCONOMIE
1. Une législation sous les fourches caudines du droit européen
Les règles en vigueur avant 2009 contrevenaient, selon la Commission européenne, à l'article 43 du Traité CE relatif à la liberté d'installation et à la directive 2006/113/CE sur les services dans le marché intérieur (article 14).
Concernant l'article 43 du traité, la Commission européenne indiquait ainsi, dans un communiqué du 13 décembre 2006, qu'elle reconnaissait que « les objectifs de protection de l'environnement et de l'urbanisme, ou l'aménagement du territoire, sont des raisons d'intérêt général de nature à justifier des restrictions aux libertés fondamentales garanties par le Traité CE », mais que, de son point de vue, « la procédure française, qui se fonde pour une grande part sur des considérations de nature économique telles que l'impact de l'implantation sur les commerces existants, qui prévoit des critères insuffisamment précis et objectifs, devant faire l'objet d'une évaluation par le demandeur, et permet enfin la participation dans la prise de décision de représentants des intérêts économiques déjà présents, n'est pas justifiée et proportionnée aux objectifs d'intérêt général poursuivis ».
Concernant la directive 2006/113/CE sur les services dans le marché intérieur, son article 14 dispose que : « Les États membres ne subordonnent pas l'accès à une activité de services ou son exercice sur leur territoire au respect de (...) l'application au cas par cas d'un test économique consistant à subordonner l'octroi de l'autorisation à la preuve de l'existence d'un besoin économique ou d'une demande de marché, à évaluer les effets économiques potentiels ou actuels de l'activité ou à évaluer l'adéquation de l'activité avec les objectifs de programmation économique fixés par l'autorité compétente ».
Outre ces contraintes découlant du droit européen, la réforme française des règles d'urbanisme commercial par la LME se justifiait également par des objectifs de politique économique interne : redonner du pouvoir d'achat aux ménages en supprimant les freins à l'installation de nouveaux équipements commerciaux et en intensifiant la concurrence entre commerçants.
2. Des implantations libéralisées
La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME) n'a pas supprimé le principe d'une régulation des implantations commerciales, mais elle limite fortement son champ d'application par :
- le relèvement des seuils de saisine des CDAC, ou commission départementales d'aménagement commercial. Est soumise à autorisation d'exploitation commerciale la création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 1 000 m², résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant, et l'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail ayant déjà atteint le seuil des 1 000 m² ou devant le dépasser par la réalisation du projet. Par exception à cette règle, la possibilité d'abaisser ce seuil de saisine à 300 m² a été donnée aux le communes de moins de 20 000 habitants, à l'initiative du maire ou du président du SCOT ;
- la suppression des critères de test économique. Les critères de décision des CDAC sont précisés par le nouvel article L. 752-6 du code de commerce. En matière d'aménagement du territoire, sont pris en compte l'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne et l'effet du projet sur les flux de transport. En matière de développement durable, entrent en ligne de compte la qualité environnementale du projet et son insertion dans les réseaux de transports collectifs .
* 1 Projets de création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 300 m² ; d'extension d'un magasin faisant déjà plus de 300 m² ou devant les dépasser à cause de cette extension ; etc. Huit cas étaient prévus au total.