B. UNE RÉPONSE INITIALEMENT FRANÇAISE
La France a souhaité articuler les problématiques liées aux migrations et au codéveloppement depuis 2003. Cette orientation trouve sa concrétisation normative dès la loi du 26 novembre 2003 concernant la maîtrise de l'immigration. Cet axe a été renforcé par l'adoption de dispositifs complémentaires proposés par les gouvernements successifs tels que la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, qui prévoit les cartes « compétences et talents » puis celle du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile qui prévoit notamment les comptes épargne co-développement.
Les accords de gestion concertée des flux migratoires, signés notamment avec le Gabon, le Bénin, le Congo, le Sénégal et la Tunisie, s'inscrivent dans cette logique de développement solidaire.
Ces accords ont pour objectif d'institutionnaliser une relation plus partenariale sur la base d'un dialogue avec les pays d'origine sur la question des migrations. Cette politique s'adresse prioritairement à 28 pays, pour l'essentiel africains, mais aussi voisins des départements français d'outre-mer, comme le Surinam.
Votre commission a considéré, à l'occasion de l'adoption des précédents accords, que l'instauration d'un dialogue institutionnalisé sur l'immigration entre pays d'origine et pays d'accueil pouvait être un élément important de nos relations avec les pays du Sud.
C. QUI SE DÉVELOPPE DANS UNE APPROCHE EUROPÉENNE
1. L'enjeu démographique en Europe
La France a imposé la question migratoire au coeur des réflexions européennes.
Cette question est d'autant plus primordiale pour le continent européen que, d'une part, la politique communautaire des questions migratoires apparaît comme un complément indispensable au grand espace de libre circulation issu des accords de Schengen et que, d'autre part, l'Europe devrait subir une baisse de la population dans les trente prochaines années.
La population actuelle de l'Europe pourrait en effet perdre 48 millions d'individus d'ici 2050. Face à de telles projections démographiques, l'Union européenne sera conduite à repenser sa politique migratoire, la plupart des pays de la zone étant amenés, sans apport migratoire, à connaître un déclin de la population en âge de travailler.
2. La mise en oeuvre de la politique européenne liant migration et développement
Sous la présidence française, le Pacte européen sur l'immigration et l'asile a été adopté à l'unanimité par l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne les 15 et 16 octobre 2008.
Ce pacte comprend cinq engagements fondamentaux parmi lesquels celui de créer un partenariat global avec les pays d'origine et de transit favorisant les synergies entre les migrations et le développement. Le Conseil européen convient notamment : - de conclure, au niveau communautaire ou à titre bilatéral, des accords avec les pays d'origine et de transit, comportant des dispositions relatives au développement des pays d'origine et de transit à côté de possibilités de migration légale et de mesures pour lutter contre l'immigration irrégulière. Les Etats membres sont invités à s'informer mutuellement et à se concerter sur les objectifs et les limites de ces accords bilatéraux ; - d'examiner comment les politiques migratoires et de développement peuvent profiter aux régions d'origine de l'immigration, en cohérence avec les autres aspects de la politique du développement ; - d'identifier des projets de développement solidaire ; - de promouvoir des actions de co-développement qui permettent aux migrants de participer au développement de leurs pays ; - d'adopter des instruments financiers spécifiques pour favoriser des transferts au meilleur coût de l'épargne des migrants ; - d'accélérer le déploiement de Plateformes de coopération et les Partenariats pour la mobilité (la France est partie prenante dans les partenariats qui se nouent avec le Cap Vert, la Moldavie et la Géorgie) ; - d'intervenir pour insuffler de la cohérence entre ces actions territoriales et la politique de voisinage qui elle-même doit s'articuler au Sud avec le processus de Barcelone. |
La proposition française de faire des accords de gestion concertée des flux migratoires et du développement solidaire des instruments de la politique migratoire européenne a été retenue.
Depuis, les canaux de financement développés pour les actions concernant les migrations et le développement sont multiples.
Des financements de l'Union européenne, consacrés au développement solidaire, existent, d'une part, sous la rubrique « Liberté, sécurité et justice » et, d'autre part, sous la rubrique « Actions extérieures » du budget européen.
Les financements sous la rubrique « Liberté, sécurité et justice » sont regroupés dans le programme-cadre « Solidarité et gestion des flux migratoires ».
Ce programme-cadre regroupe les quatre fonds suivants :
- le Fonds européen pour les frontières extérieures est doté de 1,82 milliard d'euros sur la période 2007-2013. Il doit permettre d'améliorer l'efficacité des contrôles aux frontières, de garantir une application des règles communautaires plus harmonisée et d'améliorer la délivrance des visas. Les actions financées sont variées : infrastructures, équipements, programmes d'échanges, formations et études ;
- le Fonds européen pour les réfugiés est doté de 628 millions d'euros sur la période 2007-2013. Il a pour objectif de soutenir les efforts des Etats membres pour accueillir les demandeurs d'asile et les réfugiés ;
- le Fonds européen pour l'intégration des ressortissants des pays tiers est doté de 825 millions d'euros pour la période 2007-2013. Il a pour objectif de favoriser l'intégration des ressortissants des pays tiers, notamment sur le marché du travail ;
- le Fonds européen pour le retour est doté de 676 millions d'euros. Il a pour objet d'aider les Etats membres à financer aussi bien des actions pour les retours forcés ou volontaires de personnes en situation régulière ou irrégulière que des personnes déboutées du droit d'asile. Les aides concernent autant les aspects logistiques (transport, hébergement) que les mesures d'accompagnement avant le départ et/ou à l'arrivée.
Les financements, sous la rubrique « Actions extérieures », dans le domaine des migrations, sont répartis entre plusieurs instruments de l'action extérieure de l'Union européenne.
Créé depuis le 1er janvier 2007, l'instrument de voisinage et de partenariat représente, sur la période budgétaire 2007-2013, un montant de 11,18 milliards d'euros, avec un minimum de 95 % alloués aux programmes nationaux et multinationaux et jusqu'à 5 % alloués à des programmes de coopération transfrontière. Cet instrument se fixe notamment pour objectif de financer des projets assurant la protection des travailleurs migrants, une gestion frontalière efficace et sûre, un soutien aux réformes et au renforcement des capacités dans des domaines tels que la justice et les affaires intérieures, y compris l'asile, la migration et la réadmission, les actions destinées à combattre et à prévenir la traite des êtres humains.
En application d'une règle de 3 % souhaitée par le Conseil, les ressources de l'instrument destiné aux actions consacrées aux migrations devraient représenter un total de 335 millions d'euros sur la période 2007-2013.
L'instrument de coopération au développement est destiné à financer des actions géographiques et des actions thématiques, dans le cadre d'une enveloppe globale de 16,897 milliards d'euros pour la période 2007-2013.
Les actions géographiques sont le soutien à la coopération et aux réformes, dans le domaine de la sécurité et la justice, ainsi que de la lutte contre le trafic des êtres humains et le soutien à la coopération et aux réformes, dans le domaine des migrations et de l'asile, en aidant à la mise en oeuvre de politiques orientées vers le développement.
La règle des 3 % pour le financement d'actions consacrées aux migrations porterait le montant à environ 500 millions d'euros sur la période 2007-2013.
Les actions thématiques couvrent l'ensemble des pays avec lesquels l'Union européenne entretient des relations.
Le « programme d'assistance financière et technique aux pays tiers dans les secteurs de l'immigration et de l'asile » (Aeneas) prend en considération toutes les dimensions du phénomène migratoire (migration et développement, migration légale, immigration clandestine et traite des êtres humains, droits des migrants, asile et protection internationale) avec les objectifs suivants :
- stimuler les liens entre la migration et le développement ;
- encourager une gestion efficace de la migration des travailleurs ;
- lutter contre l'immigration clandestine et faciliter la réadmission des immigrés clandestins ;
- protéger les migrants contre l'exploitation et l'exclusion et soutenir la lutte contre la traite des êtres humains ;
- promouvoir l'asile et la protection internationale.
Le budget de 384 millions d'euros pour 2007-2013 fait l'objet d'une programmation pluriannuelle par la Commission sur laquelle reposent les appels à propositions. Le financement communautaire des projets compris entre 500 000 et 2 millions d'euros ne dépasse pas 80 % du montant total.
En marge de l'appel à proposition, des projets ciblés peuvent être retenus par la Commission. Il s'agit d'initiatives négociées directement avec la Commission. Il en est ainsi :
- d'un projet « Migration et développement » géré par un consortium dont le chef de file est le Programme des Nations unies pour le développement, qui associe l'Organisation internationale pour les migrations, l'Organisation internationale du travail, le Fonds des Nations unies pour la population et le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés, et qui est financé par le programme thématique à hauteur de 15 millions d'euros pour trois années ;
- de la Banque européenne d'investissement et de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, qui offriront également un instrument financier qui n'est pas encore accessible (la Commission a prévu d'investir 700 millions d'euros pour la période 2007-2013).
Ce bilan des différentes interventions communautaires illustre les moyens considérables que l'Union européenne a ainsi dégagés pour une politique qui a vocation à être un domaine de souveraineté partagé entre l'Union et les Etats membres.