Article 5 - Relations commerciales entre éditeurs et détaillants
I - Le droit en vigueur
L'article 2 de la loi du 10 août 1981 prévoit que « les conditions de vente établies par l'éditeur ou l'importateur, en appliquant un barème d'écart sur le prix de vente au public hors taxes, prennent en compte la qualité des services rendus par les détaillants en faveur de la diffusion du livre. Les remises correspondantes doivent être supérieures à celles résultant de l'importance des quantités acquises par les détaillants. »
Il établit clairement que les remises commerciales accordées par l'éditeur au libraire ne doivent pas reposer exclusivement sur des critères de nature quantitative, mais doivent prendre en compte des critères qualitatifs liés aux services que ce professionnel rend en faveur de la diffusion du livre.
En application de cette disposition, un Protocole d'accord sur les usages commerciaux de l'édition avec la librairie a été conclu le 26 juin 2008.
En effet, en 1991, les représentants des éditeurs et les représentants des libraires ont signé cet accord, appelé protocole Cahart, auquel ont succédé un nouveau protocole en mars 2001, puis un autre en juin 2008.
Extrait du Protocole d'accord sur les usages commerciaux de l'édition avec la librairie Remises : les critères qualitatifs 1. Stock du libraire composé au moins pour moitié de titres de fonds, tous éditeurs réunis. Sont considérés comme titres de fonds, les ouvrages brochés ou « au format de poche », dont la parution remonte à un an au moins. 2. Présence, chez le libraire, d'un nombre de titres d'ouvrages du fonds, brochés ou au format de poche de l'éditeur considéré au moins égal à un certain pourcentage du nombre de titres de fonds figurant au catalogue de cet éditeur. 3. Existence d'un personnel en contact direct avec le public et ayant reçu une formation de libraire interne ou externe. La qualité de l'équipe de vente intègre tout ce qui renforce le conseil au public : lecture des nouveautés, connaissance des catalogues, « coups de coeur », bulletins rédigés, vitrines... 4. Réception par le libraire, ou son représentant qualifié et pourvu d'un pouvoir décisionnaire, si possible sur rendez-vous, des représentants de l'éditeur ou du diffuseur. Ce rendez-vous doit permettre, après présentation et argumentation, une décision sur les achats. 5. Utilisation par le libraire d'outils bibliographiques sous forme papier, de CD-rom ou de base de données. 6. Utilisation de moyens informatisés de transmission des commandes, via Dilicom ou via des moyens propres aux différents distributeurs. 7. Participation, par le libraire, à des campagnes nationales ou locales de promotion de livres, ou organisation par lui de séances d'animation. 8. Acceptation par le libraire d'un des services de nouveautés tel qu'ils sont définis par le présent accord et notamment respect du délai de garde pour les ventes mises à l'office selon les conditions générales de vente de l'éditeur/diffuseur. |
De l'application de ces divers critères et du type d'ouvrages considérés résultent des marges extrêmement variables pour les détaillants : la fourchette de cette remise est comprise entre 25 % et 40 % du prix de vente public du livre.
II - Le texte de la proposition de loi
Cet article vise les relations commerciales entre éditeurs et détaillants. Ce terme de « détaillant » permet de bien qualifier l'acteur concerné, comme étant celui qui réalise la transaction auprès du consommateur final par opposition au « grossiste », qui n'est qu'un intermédiaire.
Il est le corollaire naturel de la restriction de la liberté commerciale des détaillants. En effet, avec la fixation du prix par l'éditeur, les détaillants ne détiennent pas la maîtrise de leur marge commerciale, donc de leur rémunération. Par conséquent, il convient d'obliger l'éditeur à rémunérer la qualité de leurs services, à l'instar des usages respectés dans le domaine du livre « papier ».
Les conditions de fixation de la remise qualitative consentie par l'éditeur au détaillant sont renvoyées à un accord interprofessionnel, à l'image de ce qui est déjà pratiqué dans le cadre de la mise en oeuvre de l'article 2 de la loi du 10 août 1981. Il reviendra donc aux professionnels de transposer dans l'univers numérique la définition de « la qualité des services rendus par les détaillants en faveur de la diffusion du livre ».
Il s'agit ici de s'inscrire dans le droit fil du Protocole d'accord sur les usages commerciaux de l'édition avec la librairie susmentionné.
III - La position de votre commission
Les critères retenus dans ce protocole pour la fixation de la remise qualitative consentie par l'éditeur au détaillant montrent bien l'importance et la diversité des missions remplies par les libraires, acteurs essentiels de la diversité et de la richesse de l'offre éditoriale proposée aux lecteurs qui bénéficient de leurs conseils. Leur présence et leur action sur l'ensemble de notre territoire sont essentielles à l'aménagement culturel de notre pays.
Leur économie est néanmoins fragile, en particulier pour ce qui concerne les libraires indépendants, pour lesquels la rentabilité moyenne est de 1,4 % du chiffre d'affaires.
Il est donc indispensable que, dans l'univers numérique également, les services qualitatifs rendus par les libraires soient pris en compte pour la définition des remises.
Outre une précision rédactionnelle, votre commission a adopté un amendement tendant à mieux qualifier la nature des services que l'éditeur est tenu de prendre en compte pour définir la remise commerciale sur les prix publics qu'il accorde aux détaillants.
En effet, l'éditeur doit, dans ses conditions de vente relatives au livre numérique, continuer à récompenser les services qualitatifs essentiels qu'exercent nombre de libraires, notamment en termes d'animation, de médiation et de conseils aux lecteurs, grâce entre autre à un personnel formé à cet effet.
Tel est bien l'objet de cet article et la rédaction proposée permet de répondre au souhait de valoriser les services qualitatifs ainsi rendus. Ceci n'exclut pas, bien entendu, que l'éditeur puisse également prendre en compte d'autres types de services.
Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.