ARTICLE 2 quinquies
(Art. L. 632-17 du code monétaire et financier)

Adaptation du régime juridique de transmission d'informations
entre les infrastructures de marché françaises
et les autorités de régulation étrangères

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Jérôme Chartier, rapporteur, propose d'étendre à l'ensemble des infrastructures de marché le champ des structures habilitées à transmettre, sous le contrôle des autorités de régulation française, des informations à leurs homologues et aux régulateurs étrangers. Cet échange est également conditionné à l'existence d'un accord de coopération entre autorités.

I. UN ÉCHANGE D'INFORMATIONS STRICTEMENT ENCADRÉ

A. LE CADRE GÉNÉRAL DE LA « LOI DE BLOCAGE »

La loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères, dite « loi de blocage », modifiée à plusieurs reprises, encadre strictement la communication à des autorités publiques étrangères de documents présentant un caractère stratégique .

L'article premier de cette loi dispose ainsi que « sous réserve des traités ou accords internationaux, il est interdit à toute personne physique de nationalité française ou résidant habituellement sur le territoire français et à tout dirigeant, représentant, agent ou préposé d'une personne morale y ayant son siège [social] ou un établissement de communiquer par écrit, oralement ou sous toute autre forme, en quelque lieu que ce soit, à des autorités publiques étrangères, les documents ou les renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique dont la communication est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, aux intérêts économiques essentiels de la France ou à l'ordre public, précisés par l'autorité administrative en tant que de besoin ».

Aux termes de l'article premier bis de cette loi, cette interdiction s'applique également aux documents ou renseignements de même nature « tendant à la constitution de preuves en vue de procédures judiciaires ou administratives étrangères ou dans le cadre de celles-ci ».

B. LE CADRE PARTICULIER DU SECTEUR FINANCIER

L'article L. 632-17 du code monétaire et financier prévoit une dérogation à cette interdiction au profit des seules entreprises de marché et des chambres de compensation des marchés réglementés . Ces dernières peuvent ainsi communiquer à leurs homologues étrangers ainsi qu'aux autorités homologues de l'Autorité des marchés financiers (AMF) certaines informations, sous quatre conditions :

- ces informations sont celles nécessaires à l'accomplissement des missions des entités destinataires relatives à l'accès, à l'organisation et à la sécurité des marchés. Elles recouvrent les positions prises sur le marché, les dépôts de garantie ou de couverture et leur composition ainsi que les appels de marge ;

- les organismes homologues doivent être eux-mêmes soumis au secret professionnel dans un cadre législatif offrant des garanties équivalentes à celles applicables en France ;

- la réciprocité doit s'appliquer. La transmission s'inscrit donc dans le cadre d'un échange ;

- enfin les informations recueillies ne peuvent être utilisées que conformément aux indications de l'autorité compétente qui les a transmises.

En pratique, la transmission d'informations par un acteur de marché se fait par l'intermédiaire de l'autorité nationale compétente (AMF ou Commission bancaire, à laquelle a succédé l'Autorité de contrôle prudentiel - ACP), qui les communique à son homologue étrangère en application d'un accord de coopération , dont l'article L. 632-7 du code monétaire et financier fixe le cadre.

Le I de cet article prévoit ainsi que, par dérogation à la loi n° 68-678 précitée, l'ACP et l'AMF peuvent conclure des accords de coopération, prévoyant notamment l'échange d'informations, avec des autorités homologues relevant d'un Etat tiers non membre de la Communauté européenne et non partie à l'accord sur l'Espace économique européen (EEE). Il reprend les conditions afférentes à l'équivalence du secret professionnel et à l'exécution des missions desdites autorités.

Par cohérence avec le champ extensif des missions de l'ACP et de l'AMF, le II de l'article L. 632-7 vise également les autorités ou personnes 83 ( * ) responsables de la surveillance, du contrôle légal des comptes ou des procédures collectives de tous les acteurs financiers.

L'AMF a, par exemple, conclu des accords de coopération avec la Securities and Exchange Commission (SEC), l'Autorité fédérale de supervision des marchés financiers des Emirats Arabes Unis ou avec son homologue de la Fédération de Russie, le Service fédéral des affaires financières (le 27 novembre 2009). Au total, 44 accords et conventions ont été signés par l'AM F, ou précédemment par la Commission des opérations de bourse, avec des autorités étrangères.

Par réciprocité , les informations provenant d'une autorité étrangère ne peuvent être divulguées sans l'accord exprès de cette autorité et, le cas échéant, aux seules fins pour lesquelles elle a donné son accord.

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article, introduit par la commission des finances de l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Jérôme Chartier, rapporteur, réécrit l'article L. 632-17 du code monétaire et financier, précité, pour étendre le champ ratione personae des structures de marché habilitées à échanger des informations avec leurs homologues et les régulateurs étrangers, et conditionner cet échange à l'existence d'un accord de coopération entre autorités.

Cette faculté serait ainsi étendue à l'ensemble des infrastructures de marché qui diffusent ou tiennent à la disposition de l'AMF ou de l'ACP des informations relatives aux transactions sur instruments financiers. Sont donc essentiellement concernées les chambres de compensation , mais aussi les entreprises de marché et les plates-formes multilatérales de négociation, concurrentes des marchés réglementés. Les « internalisateurs systématiques » ne sont a priori pas couverts puisqu'il ne s'agit pas à proprement parler d'infrastructures de marché, mais d'un mode de négociation bilatéral par lequel une entreprise d'investissement se porte directement contrepartie, sur son bilan, des ordres d'achat ou de vente de ses clients.

Les conditions relatives aux garanties équivalentes de secret professionnel et à la réciprocité sont maintenues, et une condition relative à l'existence d'un accord de coopération est désormais expressément prévue. Le champ des informations susceptibles d'être transmises est quelque peu élargi puisqu'il recouvre « notamment » les positions prises sur le marché, les dépôts de garantie ou de couverture et leur composition ainsi que les appels de marge.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Les dispositions introduites par cet article sont pragmatiques et adaptent le droit à la réalité du développement international et de l'ouverture croissante des infrastructures de marché. Les nombreux accords que l'AMF a conclus, en particulier avec des Etats non européens, témoignent à la fois de la nécessité pour le régulateur de tenir compte de l'interconnexion des marchés et d'établir des contacts réguliers avec des pays disposant d'une importante base d'investisseurs et d'émetteurs potentiels, comme d'une certaine attractivité du modèle français de régulation financière auprès des pays émergents.

Tout en préservant les conditions essentielles de réciprocité et de secret professionnel, le présent dispositif permet de donner une substance réelle à ces accords, de conforter l'établissement en France d'infrastructures de marché et d'encadrer les échanges d'informations auxquelles elles sont susceptibles de recourir.

En revanche, l'expression « infrastructures de marché », communément utilisée par les professionnels des marchés, paraît trop imprécise et n'a pas de fondement légal dans le code monétaire et financier. Outre un amendement rédactionnel, votre commission a ainsi adopté un amendement tendant à faire préciser cette notion par décret .

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.


* 83 Le cas échéant privées et investies de missions de régulation par délégation, comme ce peut être le cas aux Etats-Unis avec la National Association of Securities Dealers (NASD) par exemple.

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