2. Un retour de la norme guidé par trois principes : transversalité, transparence et responsabilité

Le chantier de la réforme destinée à contenir et mieux prévenir les errements des acteurs financiers est pour le moins vaste. Les engagements politiques et les mesures déjà prises ou en projet illustrent cependant l'application de trois grands principes interdépendants :

1) La transversalité et l'exhaustivité : l'impact de la dégradation de la notation des véhicules de titrisation durant l'été 2007, puis de la faillite de Lehman Brothers, a renforcé la nécessité pour les régulateurs de disposer d'une vision consolidée de l'ensemble des risques , plus particulièrement ceux de nature systémique, qui sont au coeur des débats. Ce décloisonnement de l'analyse et de la surveillance, qui se traduit par la mise en place de structures transversales aux niveaux national et international 8 ( * ) , doit contribuer à améliorer la capacité de prévention et d'évaluation des risques comme la réactivité des régulateurs, par la mise en place de « systèmes d'alerte ». Elle implique cependant qu'en-deçà du niveau de la supervision, les autorités de régulation de différents secteurs et Etats coopèrent et échangent des informations.

2) La transparence : plusieurs responsables politiques ou d'autorités de régulation ont légitimement appelé à une réduction des « angles morts », pour qu'aucun acteur ou produit financier n'échappe à une information ni à des règles adaptées . Cette ambition passe par un renforcement de la transparence - donc une information fiable sur la nature, les parties et les risques inhérents aux opérations - et l'établissement d'une règlementation proportionnée à ces risques. En effet, la solution ne réside pas dans un corpus de règles très détaillées et qui auraient la prétention de couvrir toutes les dérives possibles. Outre que la précision des interdits peut engendrer ses propres contournements, il est nécessaire de ne pas annihiler l'innovation financière, qui peut contribuer à améliorer l'allocation de l'épargne et le financement de l'économie, mais dont les risques éventuels doivent pouvoir être assumés en pleine connaissance de cause.

3) La responsabilité : ainsi que le relevait votre rapporteur dans son rapport d'information précité, au nom du groupe de travail de votre commission sur la crise financière et la régulation des marchés, « bien qu'il soit souvent délicat de mêler droit, morale et économie, on ne peut désormais plus se fonder uniquement sur le postulat de la maximisation de l'utilité des agents. Il est donc nécessaire de réhabiliter le sens de la responsabilité individuelle , qui permet de ne pas s'engager dans la voie sans doute trop ambitieuse de la réglementation exhaustive. Cette responsabilité repose naturellement sur la fermeté de la volonté et des valeurs de chacun ; elle peut aussi être renforcée par des mesures qui font apparaître et assumer plus clairement le vrai coût du risque ».

Appliqué aux banques, ce principe de restauration du prix et de la responsabilité du risque conduit à une remise en question de leur modèle économique et au franchissement d'une étape décisive dans le renforcement de leurs exigences prudentielles, sous l'égide du Comité de Bâle. Le dispositif de « Bâle III », qui a fait l'objet d'un accord le 12 septembre 2010 et dont la mise en oeuvre sera échelonnée de 2013 au 1 er janvier 2019, imposera ainsi un fort relèvement de la qualité et de la quantité des fonds propres 9 ( * ) et garantira la liquidité sur un mois. Le renchérissement du capital bancaire devrait aboutir à une révision à la baisse des normes tacites de rendement des fonds propres , qui avaient atteint un niveau insoutenable 10 ( * ) au cours des dernières années.

La combinaison de ces trois principes, qui se confortent mutuellement, doit contribuer à relever la sécurité du système financier, tant pour les prestataires que pour leurs clients professionnels ou de détail.


* 8 En particulier :

- le Conseil de stabilité financière, mis en place à l'échelon international en avril 2009 ;

- le futur Comité européen du risque systémique, qui traduit une des préconisations du groupe de haut niveau présidé par Jacques de Larosière et est introduit par un des règlements du paquet « supervision financière » ;

- le Conseil de surveillance de la stabilité financière (« Financial Stability Oversight Council » - FSOC) créé par la loi américaine dite « Dodd-Franck » ;

- le Comité de politique financière (« Financial Policy Council ») en projet au Royaume-Uni ;

- et en France, le nouveau Conseil de régulation financière et du risque systémique, introduit par l'article premier du présent projet de loi ( cf . infra ).

* 9 Le ratio minimum du noyau dur des fonds propres (« Core Tier 1 ») sera ainsi, selon l'accord du 12 septembre 2010, progressivement relevé de 2 % à 4,5 % et assorti d'un « coussin de conservation » de 2,5 % ayant fonction d'amortisseur, et le ratio des fonds propres « Tier 1 » passera de 4 % à 6 % . Le calcul du nouveau ratio d'endettement sera détaillé début 2015.

* 10 Les plus grandes banques affichaient jusqu'en 2008 un rendement des fonds propres généralement supérieur à 20 %, grâce aux importants revenus dégagés par les activités de marché, de gestion d'actifs et la négociation sur compte propre, et les plus rentables pouvaient atteindre 40 %.

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