B. DES PRÉOCCUPATIONS PARTAGÉES PAR D'AUTRES PAYS EUROPÉENS

Les études menées dans les pays européens ou au Canada montrent que le phénomène du port du voile intégral dans les lieux publics ne concerne qu'un très faible nombre de femmes, alors pourtant que le débat public est, dans ces États, souvent passionné.

La mission d'information de l'Assemblée nationale a rassemblé les données disponibles dans les pays européens afin de mettre en évidence la faiblesse quantitative de la pratique du port du voile intégral. Ainsi, au Danemark, de 150 à 200 femmes porteraient le niqab , tandis que 270 personnes seraient concernées en Belgique et que les Pays-Bas recensaient en 2006 entre 50 et 100 femmes adoptant cette pratique 10 ( * ) .

Peu de pays européens ont pu se dispenser d'un débat public sur le port du voile intégral, même si les initiatives législatives ont rarement abouti.

En Belgique , une série de règlements locaux de police adoptés en 2004 ont interdit le port de la burqa, conformément aux instructions du ministre de l'intérieur de la région de Flandre 11 ( * ) . Le fondement juridique de ces interdictions repose sur la notion d'ordre public à travers la nécessité d'identifier les personnes dans l'espace public. Ces interdictions prévoient en général la possibilité de prononcer des sanctions administratives, dont le montant est par exemple de 30 euros maximum dans la commune de Dison qui a édicté une telle mesure.

Par ailleurs, les initiatives parlementaires visant à une interdiction directe ou indirecte du port du voile intégral se sont multipliées au cours des dernières années. Des propositions de lois ou de résolutions ont été déposées en ce sens. Le 29 avril 2010, la Chambre des représentants a adopté une proposition de loi tendant à interdire le port de tout vêtement cachant totalement ou de manière principale le visage. Les sanctions qui pourraient être prononcées sur le fondement de ce texte seraient une amende de quinze à vingt-cinq euros et / ou une peine d'emprisonnement de un à sept jours.

En Espagne , les règlements locaux d'interdiction du port du voile intégral se sont multipliés dans la communauté autonome de Catalogne. Le débat a gagné la scène nationale puisque l'opposition a déposé au Sénat une motion visant à enjoindre au Gouvernement d'étendre les interdictions édictées au niveau local à l'échelon national. Cette motion a été adoptée avec le soutien d'un parti nationaliste catalan.

En dehors de l'Europe, l'exemple du Canada témoigne de la diversité des approches juridiques. Si le débat sur le port du voile intégral concerne l'ensemble du pays, le Québec s'oriente vers une règlementation générale, conforme à la tradition juridique d'un État doté d'un code civil. Ainsi, le projet 12 ( * ) du gouvernement québécois vise à encadrer les accommodements 13 ( * ) accordés à un membre du personnel de l'administration ou à un usager de l'administration. Ce texte précise en particulier qu'est « d'application générale la pratique voulant qu'un membre du personnel de l'Administration gouvernementale ou d'un établissement et une personne à qui des services sont fournis par cette administration ou cet établissement aient le visage découvert lors de la prestation des services » 14 ( * ) .

En revanche, les provinces anglophones rejettent le principe d'une interdiction générale. Tel est d'ailleurs le cas au Royaume-Uni bien que ce pays s'expose, comme le relevait le rapport d'information de l'Assemblée nationale, « à une multiplication des demandes particulières qui, de la part de certains groupes religieux radicaux, peuvent s'assimiler à une surenchère » 15 ( * ) .


* 10 Rapport d'information n° 2262 (A.N., XIII e lég.).

* 11 Par exemple, dans la zone de police de Bruxelles-Ouest, le règlement vise l'interdiction de « se présenter dans l'espace public masqué ou déguisé ».

* 12 Projet de loi n° 94, Québec, A.N., 39 e législature.

* 13 Il s'agit, selon l'article 1 er du projet, d'un « aménagement, dicté par le droit à l'égalité, d'une norme ou d'une pratique d'application générale fait en vue d'accorder un traitement différent à une personne qui, autrement, subirait des effets préjudiciables en raison de l'application de cette norme ou de cette pratique. »

* 14 Article 6 du projet de loi n° 94, Québec, A.N., 39 e législature ( http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-94-39-1.html ).

* 15 Rapport d'information n° 2262 (A.N., XIIIe lég.), p. 84.

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