EXAMEN DES ARTICLES
Article premier - (article L. 213-16 à L. 213-23 (nouveau) du code du cinéma et de l'image animée) - Modalités de l'équipement numérique des cinémas
I - Le droit en vigueur
Afin qu'une partie de l'économie réalisée par les distributeurs grâce à la numérisation des films soit reversée aux exploitants pour couvrir une partie du financement de l'équipement numérique des salles, un dispositif a été créé aux États-Unis : le principe des frais de copie virtuelle (VPF ou « Virtual Print Fee »). Ainsi, pour chaque film distribué en numérique dans un établissement, le distributeur paye une somme forfaitaire représentant une partie de la différence entre le coût d'une copie « 35 mm » photochimique, et celui d'une copie numérique. Ce principe d'une « contribution numérique » des distributeurs s'est, par la suite, imposé partout. La numérisation des exploitations les plus importantes peut ainsi être financée par le marché.
Néanmoins, en l'état actuel du droit, le versement d'une telle contribution est uniquement régi par le droit des contrats et donc par les dispositions contractuelles que peuvent signer certains exploitants, les tiers investisseurs et certains distributeurs. Il ne fait donc l'objet d'aucune réglementation spécifique.
C'est pourquoi la présente proposition de loi vise à encadrer le financement de l'équipement des établissements de spectacles cinématographiques en matériels de projection numérique ainsi que les conséquences de cette mutation sur la diffusion des oeuvres et sur les rapports entre exploitants et distributeurs.
II - Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale
L'article premier du présent texte crée une nouvelle section 4 dans le chapitre III du titre I er du livre II du code du cinéma et de l'image animée, intitulée « Équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques ». Cette section comporte huit articles, L. 213-16 à L. 213-23, l'Assemblée nationale ayant ajouté à la proposition de loi initiale les articles L. 213-21 à L. 213-23.
Rappelons que l'article L. 212-1 de ce code définit un établissement de spectacles cinématographiques comme « toute salle ou tout ensemble de salles de spectacles publics spécialement aménagées, de façon permanente, pour y donner des représentations cinématographiques, quels que soient le procédé de fixation ou de transmission et la nature du support des oeuvres ou documents cinématographiques ou audiovisuels qui y sont représentés ». Un établissement peut donc compter une ou plusieurs salles - ou écrans - de cinéma.
Le cadre légal ainsi proposé répond à plusieurs objectifs :
- rendre obligatoire pour les distributeurs le versement d'une contribution numérique aux exploitants sous certaines conditions (articles L. 213-16, L. 213-17 et L. 213-19) ;
- élargir les compétences du Médiateur du cinéma aux litiges pouvant résulter de l'application de ces dispositions (article L. 213-18) ;
- créer un comité de concertation professionnelle, sous l'égide du président du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), chargé d'élaborer les recommandations de bonne pratique relatives à l'équipement numérique des salles de cinéma (article L. 213-20) ;
- renforcer les obligations des exploitants :
. d'une part, en garantissant la transparence du dispositif (articles L. 213-21 et L. 213- 22 nouveaux) ;
. et, d'autre part, en soumettant les aides sélectives à la numérisation des salles à des engagements de programmation de la part des exploitants concernés (article L. 213-23 nouveau).
A - L'article L. 213-16 : généraliser la contribution numérique
Le texte proposé pour l'article L. 213-16 du code de la cinématographie et de l'image animée comporte trois paragraphes :
- le paragraphe I rend obligatoire, sous réserve d'une exception, le principe de versement aux exploitants de salles de cinéma d'une contribution numérique par les distributeurs de fichiers ou données numériques, ou par les locataires de salles équipées numériquement ;
- le paragraphe I bis (nouveau), introduit par l'Assemblée nationale, couvre les cas de mutualisations d'établissements cinématographiques ;
- et le paragraphe II prévoit la durée et les modalités de versement de la contribution ainsi qu'un compte rendu au distributeur ou à l'intermédiaire portant sur l'amortissement de l'investissement de l'exploitant.
1 - Paragraphe I de l'article L. 213-16 (alinéas 4 à 7 du texte) : le principe, le champ d'application et les modalités de la contribution numérique
Le paragraphe I rend obligatoire le versement d'une contribution numérique au bénéfice des exploitants et établit la liste des acteurs ainsi tenus de contribuer au financement de la numérisation des salles.
? En application de l'alinéa 4, il s'agit ainsi de contribuer au financement des « investissements nécessaires à l'installation initiale des équipements de projection numérique », ce qui recouvre les coûts liés à l'acquisition des matériels de projection numérique (serveur et projecteur notamment), les éventuels frais annexes (tels que l'extension de garantie de ces matériels, les frais d'installation et les frais financiers en cas d'emprunt), ainsi que les coûts liés à la transformation technique des cabines de projection (climatisation, extension du hublot de projection, etc.).
Le CNC a établi, pour les salles bénéficiant d'une aide, une liste des coûts éligibles et un plafond. Pour les autres salles, le comité de concertation professionnelle - évoqué ci-après - devra dès que possible établir une recommandation sur la liste des coûts éligibles, à titre indicatif de bonne pratique, la liberté commerciale s'appliquant.
Est concernée l'installation initiale des équipements de projection numérique :
- d'une part, des salles de cinéma existantes à la date de promulgation du présent texte ;
- et, d'autre part, des salles homologuées avant le 31 décembre 2012. Il s'agit ainsi de prévoir le cas des exploitations ou des salles créées après l'entrée en vigueur de la loi mais homologuées par le CNC avant le 31 décembre 2012, afin que les projets engagés puissent être conduits dans des conditions équitables et économiques viables.
Par conséquent, les frais de renouvellement des équipements ne sont pas couverts par le dispositif. On estime leur durée de vie à environ 7 ans.
Par ailleurs, la prise en charge des frais de maintenance des équipements - plus élevés que pour des équipements en 35 mm - relève de négociations contractuelles entre exploitants et distributeurs, le cas échéant via les tiers intermédiaires. En outre, ces frais sont éligibles au titre du soutien automatique à l'exploitation attribué par le CNC et certaines collectivités territoriales allouent aux salles des aides de fonctionnement.
Enfin, l'alinéa 4 précise que la contribution numérique peut être versée directement par les professionnels concernés ou indirectement , c'est-à-dire par un intermédiaire. Dans ce dernier cas, la contribution n'est pas versée à l'exploitant mais à ce dernier. Cet intermédiaire peut être :
- un tiers investisseur, qui acquiert et finance le matériel de projection numérique des exploitants, en tout ou partie, et recouvre son investissement et ses frais de gestion, plus une marge, en collectant les contributions des distributeurs pour les salles qu'il a équipées ;
- un tiers collecteur, qui - comme son nom l'indique - collecte les contributions des distributeurs pour les salles avec lesquelles il a contracté et à qui il verse, de manière régulière et pendant une durée donnée, une somme destinée à couvrir une part de l'investissement des exploitants concernés ;
- un regroupement d'exploitants, établi sous la forme de coopérative ou de société commerciale, qui récolte les contributions des distributeurs pour l'ensemble des salles adhérentes et redistribue celles-ci de manière mutualisée.
? Les alinéas 5 et 6 de l'article L. 213-16 fixent la liste des professionnels devant ainsi contribuer au financement de la numérisation des salles de cinéma. Plusieurs types d'acteurs sont concernés :
- les distributeurs d'oeuvres cinématographiques de longue durée inédites en salles, c'est à dire les films de long métrage 10 ( * ) , transmis sous forme de fichiers numériques 11 ( * ) :
. lors des deux premières semaines de diffusion suivant leur date de sortie nationale, cette dernière étant définie par les usages professionnels ;
. au-delà de ce délai en cas de mise à disposition de l'oeuvre dans le cadre d'un « élargissement » de ce plan de sortie.
Cette notion d'élargissement recouvre le cas du retirage d'une nouvelle copie numérique et donc d'augmentation du nombre total de copies en circulation. En revanche, aucune contribution numérique ne sera due en cas de « continuation », c'est-à-dire de circulation d'une copie existante.
Ces termes font partie du « jargon » professionnel. C'est pourquoi l'alinéa 5 renvoie utilement aux usages professionnels la définition des notions de « date de sortie nationale » 12 ( * ) , d'« élargissement du plan initial de sortie » et d'« exploitation en continuation ». Relevons que le comité de concertation professionnelle, dont la création est prévue par l'article L. 213-20, pourra veiller à leur bonne compréhension et interprétation par tous.
La contribution numérique sera donc due sur le pic maximal du nombre de copies en circulation, c'est-à-dire sur le pic de diffusion des films et non exclusivement sur une période de référence. Le fait de fonder le calcul sur la semaine au cours de laquelle le nombre maximum d'écrans est occupé par un film permet de rester au plus près de la logique économique actuelle de diffusion en 35 mm Cette disposition permettra donc de préserver l'exposition des films en salles. Ce raisonnement logique est fondé sur les économies réalisées par les distributeurs sur le coût des copies numériques, grâce au passage du photochimique à la technologie numérique. On calculera donc le nombre total d'établissements programmant un film une semaine donnée : s'il est supérieur à celui de la semaine de sortie nationale, il y a eu élargissement du plan de sortie ; sinon, il s'agit d'une exploitation en continuation, des établissements pouvant programmer le film pour la première fois grâce au déplacement d'une copie venant d'un autre établissement.
Ceci signifie que la contribution du distributeur est seulement due lors de la première mise à disposition d'une copie numérique, puisque l'économie n'est réalisée - par rapport à une copie photochimique - qu'en cas de retirage d'une copie nouvelle. La circulation ultérieure de cette copie ne génère pas, quant à elle, une telle économie.
Par ailleurs, le texte précise utilement que la contribution est due au titre de chaque salle . En effet, la multidiffusion, c'est-à-dire la diffusion simultanée d'un même film dans plusieurs des salles d'un établissement s'avère très facile à organiser avec la technologie numérique, qui donne une grande liberté de programmation à l'exploitant. Il est donc nécessaire que la contribution s'impose pour chaque écran occupé par la même oeuvre cinématographique ;
- les autres acteurs bénéficiant de l'équipement numérique des salles, soit qu'ils mettent à disposition de l'exploitant des oeuvres ou documents audiovisuels ou multimédia ou des oeuvres à caractère publicitaire, à l'exception notable des bandes annonces, soit qu'ils louent une salle de cinéma. La contribution numérique est due au titre de chaque projection (alinéa 6) ou de chaque location (alinéa 7).
Il s'agit ainsi de viser ce qu'il est convenu d'appeler le « hors film ». Ceci recouvre :
- d'une part, les oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles autres que le film de long métrage, telles que des séries audiovisuelles, des programmes télévisés divers ou des publicités. Les bandes annonces sont exclues du champ d'application de la contribution numérique dans la mesure où elles contribuent à la promotion des oeuvres cinématographiques. Ces oeuvres sont transmises sous forme de fichiers numériques (pour les films) ou de données numériques 13 ( * ) ;
- d'autre part, la diffusion de spectacles d'une autre nature, telle que la représentation - qui peut être en direct ou en différé - de spectacles vivants (pièces de théâtre, opéras, etc.) ou de manifestations sportives.
Ainsi, par exemple, des opéras du Metropolitan de New York sont proposés en semi-différé dans des cinémas Gaumont et Pathé les samedis soirs. Mais, comme indiqué précédemment, à l'heure actuelle, le « hors film » est, pour l'essentiel, constitué de manifestations sportives.
? Paragraphe I bis (nouveau) de l'article L. 213-16 (alinéas 8 à 11) : cas de la mutualisation du financement des équipements numériques
Ce paragraphe vise à autoriser et à encadrer la mutualisation du financement de l'installation initiale des équipements numériques qui pourrait être opérée entre un ensemble de salles afin de permettre à des salles de se regrouper pour percevoir les contributions jusqu'à amortissement de l'équipement de l'ensemble des salles appartenant à ce groupement.
La mutualisation est une formule intéressante qui permet à des établissements de taille parfois très variable de peser davantage dans le rapport de force à l'égard notamment des distributeurs. Votre rapporteur a pu recueillir le témoignage de petites exploitations qui, grâce à elle, peuvent s'enorgueillir à la fois d'une programmation riche, avec la diffusion de films dans de brefs délais suivant leur sortie nationale, et de la numérisation de leurs salles depuis l'automne 2009.
Ceci étant, la mutualisation doit être assurée dans la transparence et dans le respect des objectifs de la loi, notamment l'affectation de la contribution au financement effectif de la transition numérique et le maintien de la liberté de programmation.
Tel est l'objet de ce paragraphe qui prévoit que les contrats entre exploitants et distributeurs relatifs à la mutualisation et les contrats relatifs au financement de l'équipement passés entre tiers et exploitants devront, en cas de mutualisation, obligatoirement contenir des clauses bien définies par les alinéas 10 et 11 :
- les contrats relatifs au montant et aux conditions de versement de la contribution numérique devront fixer d'une part, la liste des établissements concernés et les modalités de leur mutualisation (notamment la répartition des contributions entre eux) et, d'autre part, les conditions dans lesquelles il sera rendu compte de l'affectation de cette contribution. Il est, en effet, essentiel que les autres acteurs concernés puissent avoir accès à ces informations pour assurer le suivi et le bien fondé de la poursuite du versement de leur contribution au groupement ;
- les contrats relatifs au financement des équipements numériques entre les exploitants et les intermédiaires ne sont soumis qu'à la première de ces obligations de transparence, les intermédiaires n'étant pas soumis à contribution.
3 - Paragraphe II de l'article L. 213-16 (alinéas 12 à 14 du texte) : conditions du terme du versement de la contribution numérique
Ce paragraphe répond, lui aussi, à une nécessité de précision et de transparence en fixant les conditions de versement de la contribution numérique ainsi que les modalités de l'information des distributeurs sur l'état de l'amortissement de l'investissement des exploitants.
Ainsi, l'alinéa 12 prévoit que la contribution n'est plus requise une fois que la couverture du coût des équipements de l'établissement concerné est assurée. Il est, en effet, logique que la contribution n'ait plus à être versée au terme de la transition numérique.
Néanmoins, la contribution n'ayant pas vocation - comme l'indique son nom a contrario - à couvrir l'intégralité du coût de l'investissement, il sera tenu compte, pour évaluer le degré de couverture de ce coût, des autres financements, notamment d'éventuelles aides publiques (du CNC ou des collectivités territoriales notamment).
Le texte prévoit un terme au dispositif, que la transition numérique soit complètement achevée ou non, avec une double fourchette :
- au maximum dix ans après l'installation des équipements ;
- en tout état de cause, pas au-delà du 31 décembre 2021.
Il s'agit ainsi de limiter la durée de cette transition coûteuse, dans le respect de la réalité observée par le CNC s'agissant à la fois des montants des contributions des distributeurs, des investissements dans les salles et des contrats déjà conclus.
L'alinéa 13 fixe les nécessaires conditions de la transparence du déroulement de l'opération à l'égard des distributeurs. Le suivi de l'état d'amortissement des équipements numériques sera assuré, les contrats conclus entre distributeurs et exploitants ou entre distributeurs et intermédiaires relatifs au versement de la contribution, ainsi que ceux relatifs au financement des équipements, conclus entre exploitants et intermédiaires, devant fixer les conditions dans lesquelles les distributeurs seront informés - directement par les exploitants ou indirectement par les intermédiaires - du coût restant à couvrir.
Précisons qu'en application de l'article L. 213-18 (alinéa 17), le Médiateur du cinéma pourra, en cas de litige, requérir toute information nécessaire, en particulier lesdits contrats.
Par ailleurs, en cas de litige, ces informations sur l'état de l'amortissement, comme les contrats relatifs aux contributions numériques, seront portés à la connaissance du Médiateur du cinéma.
Cette transparence apparaît de nature à rassurer les distributeurs sur la légitimité de la poursuite du versement de leur contribution.
Afin que tous les distributeurs, quelle que soit leur taille, soient à même de prendre connaissance et de vérifier la sincérité de ces informations, sans avoir nécessairement à recourir à un audit externe, l'alinéa 14 prévoit que l'exploitant comme le distributeur puissent demander le concours du CNC pour l'analyse des rendus de compte sur le financement et le remboursement de l'équipement numérique. En outre, le président du CNC pourra demander communication de tout renseignement ou document utile.
Cette rédaction de compromis devrait permettre de répondre aux inquiétudes légitimes des professionnels en la matière. Certains ont exprimé auprès de votre rapporteur le souhait que ces informations soient systématiquement transmises au CNC. Cependant, il ne serait pas satisfaisant de « noyer » le CNC sous un flot d'informations qui seraient inutiles si les professionnels n'exprimaient pas le besoin d'un tel soutien. En outre, les contrats passés entre sociétés étrangères n'auraient pas pu y être assujettis.
B - L'article L. 213-17 (alinéa 15 du texte) : exiger équité, transparence et objectivité pour la négociation du montant de la contribution
L'article L. 213-17 est essentiel car il vise à répondre aux plus grandes inquiétudes exprimées par les professionnels, compte tenu des rapports de force parfois très rudes qui caractérisent ce secteur :
- d'une part, la crainte - surtout des acteurs de petite taille - que la négociation du contrat portant sur la contribution soit en quelque sorte liée à celle du contrat relatif à la diffusion d'un film (taux de location ou conditions de programmation). Ceci nuirait bien entendu au respect à la fois de la liberté de programmation de l'exploitant et de la liberté du choix du plan de sortie d'un film par le distributeur, ainsi qu'au maintien de la diversité de l'offre cinématographique. Ce risque est réel, le CNC ayant observé que le montant des contributions variait essentiellement selon la durée d'engagement ;
- d'autre part, la crainte de certains distributeurs que l'économie réalisée par le passage à la projection numérique soit entièrement captée par les exploitants.
Pour empêcher la réalisation de ces risques, le texte prévoit que la négociation du montant de la contribution entre les parties devra être effectuée « à des conditions équitables, transparentes et objectives ».
Cette formule, classique, constitue en quelque sorte une règle de bonne conduite à respecter par les professionnels.
Le critère d'équité peut être apprécié par le traitement semblable qui doit être logiquement réservé à des salles comparables.
Quant aux critères de transparence et d'objectivité, ils pourraient être considérés comme satisfaits dès lors que, par exemple, les offres de contrats seront proposées sur la base de critères généraux déterminés à l'avance, liés à la durée, au calendrier d'exposition au public du film, etc.
L'article précise que ces critères doivent notamment permettre de fixer un montant de contribution « inférieur à la différence entre le coût de la mise à disposition d'une oeuvre sur support photochimique et celui de la mise à disposition d'un film sous forme de fichier numérique ». En effet, le distributeur a vocation à garder une partie de l'économie réalisée grâce au passage à la projection numérique.
Là aussi, les calculs afférents devront être réalisés dans le respect des critères susmentionnés, notamment en toute transparence.
Précisons qu'en application de l'article L. 213-18, le Médiateur du cinéma pourra être saisi en cas de litige relatif à l'application du présent article.
C - L'article L. 213-18 (alinéas 16 et 17 du texte) : renforcer les missions du Médiateur du cinéma
? Le droit en vigueur
Autorité administrative indépendante instituée en 1982 , le Médiateur du cinéma est chargé, en application des articles L. 213-1 à L. 213-8 du code du cinéma et de l'image animée, d'une mission de médiation et de conciliation préalable pour « tout litige relatif à l'accès des exploitants d'établissements de spectacles cinématographiques aux oeuvres cinématographiques et à l'accès des oeuvres cinématographiques aux salles, ainsi que, plus généralement, aux conditions d'exploitation en salle de ces oeuvres, qui a pour origine une situation de monopole de fait, de position dominante ou tout autre situation ayant pour objet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence et révélant l'existence d'obstacles à la plus large diffusion des oeuvres cinématographiques conforme à l'intérêt général ».
La notion de « plus large diffusion » peut viser à la fois les lieux d'exploitation comme la durée d'exploitation d'un film. Celle « d'intérêt général » vise notamment la diversité de l'offre de films, de leur distribution et de leur exploitation en salle, les conditions de la concurrence et du pluralisme de l'expression cinématographique.
Précisons que l'ordonnance du 6 novembre 2009 est venue renforcer sensiblement les pouvoirs du Médiateur du cinéma : outre qu'elle précise sa mission de médiation et de conciliation préalable à tout litige relatif à l'exploitation d'un film, elle lui permet aussi désormais d'être saisi pour tout litige relatif aux conditions d'exploitation des oeuvres liées au contrat (comme la durée d'exposition du film ou le choix de la salle) ou à la modification de la chronologie des médias. Le Médiateur est désormais chargé de la mise en oeuvre des engagements de programmation. S'il reste un conciliateur, l'ordonnance lui reconnaît aussi un rôle dans la régulation du secteur et assure l'articulation entre ses missions et le droit de la concurrence.
En cas d'échec de la conciliation, le Médiateur dispose d'un pouvoir d'injonction. Dans les deux mois suivant la saisine, il peut prendre une décision qui s'impose aux parties et met fin au litige. En outre, il dispose d'un pouvoir de saisine de l'Autorité de la concurrence en cas de constatation de pratiques anticoncurrentielles.
Le Médiateur est l'objet d'un nombre croissant de saisines. D'une petite dizaine par an lors de sa création, ce sont à présent plus de 90 dossiers qui sont officiellement ouverts chaque année : difficultés d'accès aux films, problèmes de concurrence entre salles indépendantes et grands circuits, questions tarifaires, conflits entre entreprises privées et entreprises soutenues par les pouvoirs publics, litiges liés à des initiatives à caractère non commercial, conséquences de la modernisation ou de l'extension du parc cinématographique sur une zone de chalandise, cartes illimitées ou encore mise en oeuvre des dispositifs scolaires.
Près des deux tiers des cas qui lui sont soumis trouvent une issue positive, que ce soit par conciliation ou injonction. La médiation est rapide : les réunions de conciliation se tiennent dans les jours qui suivent les demandes, permettant ainsi de suivre au plus près l'actualité cinématographique et les « sorties » du mercredi.
Depuis sa création, cette autorité administrative indépendante s'est imposée comme l'un des acteurs importants du paysage cinématographique français. Par ses médiations et injonctions, il contribue, de manière discrète mais efficace, au règlement des conflits et participe à la régulation du marché. Par ses avis et ses recommandations, il veille au respect des règles du jeu et du droit de la concurrence. Le Médiateur du cinéma joue ainsi un rôle essentiel en faveur de la préservation de la diversité de l'offre cinématographique.
Le décret n° 83-86 du 9 février 1983 précise qu'il est nommé pour un mandat de quatre ans renouvelable. Cette nomination intervient par décret pris après avis de l'Autorité de la concurrence et sur le rapport du ministre de l'économie et des finances et du ministre chargé du cinéma. Il est choisi parmi les membres du Conseil d'État, de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes.
? Le texte adopté par l'Assemblée nationale
L'article L. 213-18 tend à élargir le rôle du Médiateur du cinéma :
- au cas de conflit sur les modalités et sur le principe même du versement de la contribution ;
- au cas de litiges relatifs au montant de la contribution.
Il pourra donc être saisi par les parties à ce titre, sur le fondement de l'article L. 213-1 du code, c'est-à-dire dans le cadre de sa mission de conciliation préalable.
Précisons que les compétences du Médiateur concernant le « film », mais non le « hors film », un litige sur une contribution due pour la diffusion d'évènements « hors film » relèverait du droit commun de l'arbitrage ou de la compétence du juge du contrat, selon le choix des parties.
Par ailleurs, l'alinéa 17 rend obligatoire la communication au Médiateur de « tout renseignement ou document qu'il estime utile », notamment :
- des contrats relatifs au montant et aux conditions de versement de la contribution numérique (prévus au II de l'article L. 213-16) ;
- et des contrats de concession des droits de représentation cinématographique (visés à l'article L 213-14). Cette précision a été adoptée par l'Assemblée nationale à l'initiative de MM. Patrick Bloche et Franck Riester, avec le soutien de M. Christian Kert et avec l'avis favorable de la commission et du ministre.
Il s'agit ainsi de mieux garantir l'étanchéité complète entre les négociations menées autour de la fixation du montant de la contribution numérique et celles entourant les conditions de location des films, le Médiateur du cinéma pouvant notamment s'assurer du respect de l'article L. 213-19.
A défaut, on ne pourrait exclure une entente orale dans le cadre de la location du film prévoyant des clauses illégales sans que celles-ci ne soient visibles dans le contrat détaillant la fixation de la contribution numérique. Pour éviter ce risque, le Médiateur pourra donc demander la transmission du contrat de location du film.
Cette disposition vient donc compléter celles du décret du 9 février 1983 précité, qui permet déjà au Médiateur du cinéma de requérir toutes les précisions qu'il estime nécessaires afin de lui permettre de mener à bien ses missions.
Au cas présent, et outre les contrats susmentionnés, le Médiateur pourrait notamment souhaiter disposer d'éléments comptables de la part des exploitants (aides publiques obtenues pour le financement des équipements numériques, taux de remboursement de ces derniers, etc.), comme des distributeurs (frais de copie en photochimique et en numérique, par exemple), ou encore des tiers intermédiaires.
D - L'article L. 213-19 (alinéa 18 du texte) : garantir l'étanchéité entre le contrat relatif à la contribution numérique et le contrat de location d'un film
Ainsi qu'il a été dit précédemment, le dispositif présente le risque d'un effet pervers majeur : le déplacement du rapport de force entre distributeurs et exploitants, du dispositif de contribution numérique vers le terrain habituel des négociations commerciales liées au placement d'un film.
C'est pourquoi cet article a pour vocation de garantir l'autonomie de chacun des acteurs : la programmation des salles pour les exploitants et le plan de sortie des films pour les distributeurs. Il s'agit là de la condition sine qua non de la préservation de la diversité de l'offre cinématographique.
A cette fin, il impose la distinction absolue entre les deux types de contrats , en prohibant toute pratique et en frappant de nullité toute clause contractuelle qui ferait dépendre les choix de distribution ou de programmation en salles des films, ou leur taux de location 14 ( * ) , des conditions de fixation ou de versement de la contribution numérique. Si l'existence d'une telle clause était constatée par le juge, elle serait donc censée n'avoir jamais existé.
E - L'article L. 213-20 (alinéas 20 à 22 du texte) : créer un « comité de concertation professionnelle » chargé d'élaborer des recommandations de bonne pratique
? Le droit en vigueur
Les professionnels ont exprimé le souhait de pouvoir se concerter afin d'assurer au mieux le passage de la technologie photochimique à la technologie numérique, sans pour autant être en infraction par rapport au droit de la concurrence.
En effet, l'équilibre entre régulation concertée et droit de la concurrence s'avère parfois difficile à trouver.
Rappelons ainsi qu'en 1999, un code de bonne conduite 15 ( * ) avait été adopté, qui pouvait servir de référence pour la mise en oeuvre des diverses politiques tarifaires des salles de cinéma. Le Conseil de la concurrence s'était saisi d'un dossier relatif à la situation de la concurrence dans le secteur de l'exploitation des salles de cinéma portant sur cet accord. Et, le 10 octobre 2006, le Conseil avait exprimé des préoccupations de concurrence relatives à plusieurs dispositions du code de bonne conduite et à leur mise en oeuvre.
Ce code ayant été ainsi invalidé, une mission sur le thème « cinéma et droit de la concurrence » avait été confiée, par les ministres respectivement chargées de l'économie et de la culture et de la communication, à Mme Anne Perrot et à M. Jean-Pierre Leclerc. Son objectif était d'explorer tout moyen permettant de restaurer une forme de régulation des pratiques tarifaires des exploitants et de leur relation aux distributeurs, qu'assurait en partie le code de bonne conduite précité et remis en cause par le Conseil de la concurrence, cette régulation pouvant passer par la mise en oeuvre de normes de droit sectoriel adaptées aux particularités du marché du cinéma.
C'est dans le cadre d'une telle démarche que s'inscrit le présent article.
? Le texte adopté par l'Assemblée nationale
L'article L. 213-20 prévoit la faculté pour le président du CNC de réunir un comité de concertation professionnelle, dont la mission consistera à élaborer des recommandations de bonne pratique permettant de satisfaire à un triple objectif, dans le cadre de la projection numérique, consistant à assurer :
- la plus large diffusion des oeuvres cinématographiques conforme à l'intérêt général ;
- le maintien de l'aménagement culturel du territoire ;
- ainsi que la diversité des films et des salles de cinéma.
La notion d'intérêt général est importante car elle caractérise bien l'objet de cette nécessaire concertation. Cette instance de dialogue ne sera pas, a contrario , une entente à vocation commerciale.
L'alinéa 20 prévoit que ce comité sera composé de représentants :
- des syndicats professionnels représentatifs des exploitants ;
- des syndicats professionnels représentatifs des distributeurs.
Précisons que la représentativité des organisations professionnelles du secteur est définie par les usages.
L'alinéa 21 permet au président du CNC, « en tant que de besoin », de convier à des réunions du comité les organisations professionnelles représentatives d'autres acteurs du secteur. Cette faculté pourra, en effet, être ponctuellement utile pour traiter des sujets auxquels d'autres acteurs du secteur - notamment les producteurs ou les auteurs - seraient partie prenante.
Enfin, l'alinéa 22 stipule que la composition et l'organisation du comité de concertation professionnelle seront précisées par décision du président du CNC. Il s'inscrit dans le cadre des compétences du président du CNC fixées par le 2° de l'article L. 111-3 du code, qui dispose que cette autorité « fixe, lorsque ceux-ci le prévoient, les modalités réglementaires d'application des textes relatifs au cinéma et autres arts et industries de l'image animée ».
Le comité pourra donc être institué dans de brefs délais.
F - L'article L. 213-21 (nouveau) (alinéas 23 à 25 du texte) : exiger, dans un souci de transparence, la transmission des informations relatives au fonctionnement des équipements numériques
Cet article a été adopté par la commission de l'Assemblée nationale sur initiative conjointe de son rapporteur et de M. Marcel Rogemont, dans un souci de transparence.
Il impose la transmission des journaux de fonctionnement des équipements de projection numérique, plus communément appelés « logs », aux distributeurs et au CNC.
Ces données sont donc un facteur de transparence et l'amélioration de l'information du distributeur est indispensable dans le cadre du nouveau dispositif législatif prévu. L'obligation de communication de l'ensemble de ces données au CNC permettra de donner une visibilité complète sur l'utilisation des équipements numériques et facilitera la mission de contrôle du CNC.
L'alinéa 25 confie au président du CNC le soin de fixer les modalités la périodicité de transmission de ces données, tant aux distributeurs qu'à lui-même.
G - L'article L. 213-22 (nouveau) (alinéa 26 du texte) : imposer le respect des normes ISO
Introduit dans la proposition de loi initiale par la commission de l'Assemblée nationale à l'initiative de son rapporteur, cet article soumet au respect des normes internationales ISO pertinentes, les équipements de projection numérique et les fichiers ou données numériques, leurs conditions d'utilisation et les journaux de fonctionnement, mentionnés dans le texte.
Par conséquent, la contribution numérique ne sera due que pour les équipements respectant ces normes internationales.
Par ailleurs, le respect de cette disposition permettra d'assurer l'interopérabilité puisqu'ainsi, l'ensemble des maillons de la chaîne et des matériels utilisés respecteront les normes en vigueur.
H - L'article L. 213-23 (nouveau) (alinéas 27 et 28 du texte) : subordonner les aides sélectives du CNC pour la numérisation des salles au respect d'engagements de programmation
Cet article a été introduit à l'initiative du rapporteur de la commission de l'Assemblée nationale et complété par un amendement présenté par M. Marcel Rogemont et les membres du groupe socialiste.
Il soumet à la souscription d'engagements de programmation toute aide sélective du CNC destinée à contribuer au financement de l'équipement numérique des salles.
Il complète donc le dispositif d'aides du CNC 16 ( * ) créant des aides sélectives pour aider certains exploitants au passage à l'équipement numérique de leurs salles.
De tels engagements de programmation ont pour objet d'assurer la diversité de l'offre cinématographique et la plus large diffusion des oeuvres cinématographiques, conformément à l'intérêt général. Ils sont déjà exigés par la région Ile-de-France et par le projet européen du programme Media concernant l'aide des salles au numérique. Ce dernier prévoit un engagement à diffuser, dans les cinémas bénéficiaires de l'aide, 51 % d'oeuvres produites sur le territoire de l'Union européenne.
En effet, il est essentiel si l'on veut que les nouveaux équipements numériques des exploitants ne conduisent pas à modifier en profondeur la programmation, que les aides destinées à financer l'équipement numérique soient conditionnées par la prise d'engagements de programmation, qui pourront faire l'objet d'un contrôle du Médiateur du cinéma dans les conditions prévues par les articles L. 212-19 à L. 212-25 du code du cinéma et de l'image animée et des textes pris pour leur application.
L'alinéa 28 prévoit que ces engagements de programmation seront contrôlés pendant une durée de 5 ans à compter de la date de la dernière aide financière allouée pour cet équipement numérique.
Votre rapporteur souscrit pleinement à cette disposition.
III - La position de votre commission
Votre commission soutient pleinement la rédaction proposée pour l'article 1 er du texte. La poursuite de la concertation avec les professionnels ainsi qu'avec le CNC a ainsi permis d'aboutir à un meilleur équilibre entre les intérêts de chacun des acteurs et d'assurer une prise en compte satisfaisante de l'intérêt général.
En l'occurrence, votre commission attache beaucoup d'importance à ce que le nouveau dispositif, avec ses différents volets - comme présentés dans la première partie du présent rapport - permette le maintien du maillage de notre territoire en salles de cinéma et de la diversité de l'offre cinématographique dont notre pays peut s'enorgueillir.
? S'agissant du champ d'application du dispositif de la contribution numérique, les amendements adoptés par l'Assemblée nationale à la proposition de loi initiale permettent de soumettre à la contribution numérique tous les programmes diffusés en salle, quelle que soit leur nature. Votre commission partage le souhait qu'en soient néanmoins exclus :
- les bandes annonces, car elles contribuent à la promotion du cinéma ;
- le court et le moyen métrage, en raison de leur économie fragile, tout du moins à l'heure actuelle ;
- les films de longue durée non inédits, car ils visent notamment la diffusion des films de patrimoine et sont, pour partie, destinés à un public scolaire.
? S'agissant de la programmation du « hors film », votre commission souhaite qu'un équilibre soit trouvé entre :
- d'une part, la volonté que la salle de cinéma ne soit pas détournée de sa vocation première, à savoir la diffusion d'oeuvres cinématographiques dans toute leur diversité. Telle est sa raison d'être, cet objectif justifiant d'ailleurs le dispositif d'aides à l'exploitation ;
- d'autre part, le souhait de saisir l'opportunité donnée par les nouvelles technologies numériques pour mieux diffuser le spectacle vivant sur les territoires et pour renforcer l'attractivité des petites salles, notamment en zone rurale.
En tout état de cause, le « hors film » doit représenter une activité complémentaire subsidiaire, de nature à enrichir l'offre notamment culturelle des salles, sans exclure les oeuvres cinématographiques de leur premier lieu de diffusion.
Or, ainsi que votre rapporteur l'a déjà souligné dans ses rapports sur le secteur du cinéma, élaborés pour votre commission à l'occasion de l'examen des projets de lois de finances, de nombreux films trouvent difficilement à être diffusés en salles, compte tenu notamment de la richesse de l'offre cinématographique. La rotation des films étant extrêmement rapide, la faible durée de programmation d'un film détériore ses conditions d'exposition (jusqu'à 3,5 fois).
Cette première fenêtre d'exposition d'un film au public est pourtant fondamentale et elle conditionne largement sa carrière sur les autres modes d'exploitation ultérieurs, dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler la « chronologie des médias ». En revanche, la diffusion en salles d'événements sportifs ou culturels représente un marché annexe. Ce dernier n'en est pas moins très attractif pour les exploitants, compte tenu notamment des prix facturés pour de tels événements, très sensiblement plus élevés que ceux des films.
Pour toutes ces raisons, votre commission souhaite que le décret qui fixera le cadre de ces projections de « hors film » soit clair et équilibré.
? Votre commission attache, par ailleurs, beaucoup d'importance à l'article L. 213-17 qui pose le principe d'une négociation du montant de la contribution numérique à des conditions équitables, transparentes et objectives. En effet, il est essentiel que les professionnels opèrent une totale et claire distinction entre l'évaluation du montant de la contribution numérique (qui dépend notamment du besoin de financement de l'exploitant et de l'économie du distributeur) et la négociation commerciale relative à la diffusion d'un film en salle (qui porte notamment sur le taux de location et les conditions de programmation du film et dépend du potentiel commercial du film ou de la salle).
? Outre le CNC, deux institutions garantiront la bonne mise en place et le caractère équitable du dispositif :
- le comité de concertation professionnelle, prévu par l'article L. 213-20, les acteurs concernés assumant donc une responsabilité majeure à cet égard. Votre commission se réjouit que la notion « d'aménagement culturel du territoire » ait été introduite à l'initiative de notre collègue député François Asensi, au titre des objectifs devant inspirer les travaux de ce comité ;
- et le Médiateur du cinéma dont les pouvoirs sont élargis en application de l'article L. 213-18.
Cette institution a fait ses preuves. Elle permet une régulation souple, rapide et efficace du secteur. En outre, votre rapporteur tient à saluer les qualités d'impartialité et les compétences du Médiateur, unanimement reconnues par les professionnels concernés.
Cependant, il souhaite qu'il puisse bénéficier d'un renforcement de ses moyens , compte tenu de l'alourdissement de sa charge de travail qu'entraineront ses nouvelles missions. Le CNC - qui continuera bien entendu, lui aussi, à accompagner le dispositif avec toute la compétence qui est également la sienne - devrait pouvoir mettre à sa disposition le personnel nécessaire.
? La question du formalisme du contrat de location de films
L'une des questions largement débattues entre votre rapporteur et les professionnels concerne une spécificité du secteur : les contrats de location de films conclus chaque début de semaine entre exploitants et distributeurs le sont très généralement par voie orale .
Il n'y avait, jusqu'à l'ordonnance n° 2009-1358 du 5 novembre 2009, pas de règles quant à la formalisation de la relation commerciale entre exploitants et distributeurs à l'occasion de la représentation d'un film en salles.
Certes, une décision réglementaire n° 68 du 25 mars 1993 du CNC relative aux contrats écrits, récemment abrogée à l'occasion de la refonte du droit sectoriel par l'ordonnance n° 2009-901 du 24 juillet 2009, imposait que les contrats de concession des droits de représentation cinématographique - c'est-à-dire les contrats de location - soient constatés par un écrit comportant, au minimum, certaines mentions obligatoires.
Mais cette réglementation , qui pouvait donner lieu en théorie à l'application de sanctions administratives, est restée inappliquée , les professionnels ayant pris l'habitude, avec l'accroissement du nombre de sorties en salles et l'accélération corrélative de l'exploitation des oeuvres cinématographiques, de ne recourir au contrat écrit que de manière exceptionnelle.
Certes, le code civil n'impose pas un tel formalisme. En effet, son article 1101 stipule que : « Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose. » Et son article 1108 n'impose pas de forme particulière pour la validité d'une convention, les quatre conditions essentielles qu'il fixe à cet égard étant : « le consentement de la partie qui s'oblige ; sa capacité de contracter ; un objet certain qui forme la matière de l'engagement ; une cause licite dans l'obligation . » Le consentement suppose la rencontre d'une offre et d'une acceptation. En principe, l'acceptation de l'offre suffit à former le contrat sans qu'aucune forme ne soit nécessaire.
Si un contrat oral est donc juridiquement valide, il n'en reste pas moins qu'il rend plus difficile la preuve de l'intégrité des consentements, c'est-à-dire le fait qu'ils soient donnés par des volontés libres et éclairées, et au cas présent, le respect du nouveau dispositif.
En effet, comment s'assurer du respect des dispositions de l'article L. 213-19, qui vise à garantir l'étanchéité entre le contrat relatif à la contribution numérique et le contrat de location d'un film, si ce dernier n'est pas formalisé par écrit ?
En outre, le retour à l'exigence d'un écrit a déjà été préconisé comme pouvant constituer l'une des réponses à certaines pratiques abusives existant dans le secteur de l'industrie cinématographique par le rapport « Cinéma et concurrence » de Mme Anne Perrot et de M. Jean-Pierre Leclerc, remis en mars 2008 aux ministres de la culture et de l'économie. Le Médiateur du cinéma a également formulé la même recommandation, afin d'améliorer la transparence entre les différents opérateurs économiques du secteur et, par là même, faciliter la résolution des litiges.
Pour autant, les professionnels ont fait valoir la multiplicité des transactions, chaque semaine, pour plus de 5 400 écrans et la nécessité de ne pas formaliser l'immense majorité des relations commerciales qui ne posent pas de difficulté. En outre, une majorité des professionnels concernés ont indiqué à votre rapporteur y être opposés pour des raisons tenant, outre à ces considérations matérielles - qui devraient toutefois être surmontables - mais surtout à la réalité des rapports de force en présence.
Dès lors, votre commission n'a pas souhaité, à ce stade, aller au-delà des termes de l'ordonnance du 5 novembre 2009 , laquelle se borne à imposer que le contrat de concession conclu entre le distributeur et l'exploitant d'établissement de spectacles cinématographiques comporte certaines stipulations, sans imposer l'écrit comme condition de validité du contrat. Si le contrat oral reste admis, une formalisation du contrat de concession, comportant les stipulations prévues par l'ordonnance, pourra permettre aux parties, en cas de litige portant sur les conditions d'exploitation de l'oeuvre en salle, de s'en prévaloir à titre probatoire devant le médiateur du cinéma dans le cadre de sa nouvelle compétence en matière contractuelle ou, le cas échéant, devant les juridictions civiles et commerciales.
C'est pourquoi votre commission se réjouit des compléments apportés à l'article L. 213-18. Le fait de permettre au Médiateur du cinéma d'exiger le contrat de location de film en cas de litige lié au nouveau dispositif de contribution numérique, devrait fortement inciter les professionnels à respecter les prescriptions réglementaires et à favoriser une plus grande transparence des conditions de location des films. Votre commission en forme le voeu.
Le contrat pourra en effet constituer, dans ce cadre, un outil efficace d'administration de la preuve. En outre, à l'inverse, la pratique différenciée d'un même opérateur selon la partie avec laquelle il contracte pourrait témoigner, dans certains cas, de situations concurrentielles déséquilibrées. Le texte, tout en étant pragmatique, donne ainsi aux professionnels des outils adaptés pour les cas litigieux.
En outre, le rapport d'application de la loi prévu par l'article 6 de la proposition de loi devra permettre d'évaluer l'évolution des pratiques en la matière.
Votre commission a adopté l'article 1 er sans modification.
* 10 Le décret n° 99-130 du 24 février 1999 relatif aux aides du CNC définit les oeuvres de longue durée comme des oeuvres dont la durée de projection est supérieure à une heure. La distribution du court métrage n'est pas soumise à contribution compte tenu de la fragilité de son économie.
* 11 Les oeuvres projetées en numérique sont, au préalable, enregistrées sur le serveur relié au projecteur de chaque salle.
* 12 Précisons que les usages professionnels la considèrent comme la date de sortie indiquée sur le matériel publicitaire (affiches et bandes annonces).
* 13 La transmission de « données » permet notamment le « streaming », système de visionnage en direct au fil de l'arrivée des données, sans que le fichier entier ne soit stocké sur le serveur.
* 14 Le « taux de location » d'un film correspond au « taux de la participation proportionnelle aux recettes d'exploitation » mentionné aux articles L. 213-9 à L. 213-11 du code du cinéma et de l'image animée.
* 15 Accord du 6 janvier 1999 intitulé « code de bonne conduite sur les politiques promotionnelles des salles de cinéma », conclu entre la Fédération nationale des distributeurs de films, la Fédération nationale des cinémas français, la Chambre syndicale des producteurs et exportateurs de films français (désormais dénommée la Chambre syndicale des producteurs de films) et le Syndicat des producteurs indépendants.
* 16 Voir les développements dans la première partie du présent rapport.