EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. LA NUMÉRISATION DE TOUTES LES SALLES DE CINÉMA : UN DÉFI ENFIN RELEVÉ
Depuis plusieurs années, votre rapporteur exprime dans ses rapports successifs sur le secteur du cinéma, établis au nom de votre commission à l'occasion des projets de lois de finances, ses préoccupations relatives à la problématique de la numérisation des salles de cinéma.
Dès 2005, il évoquait ce défi de l'émergence du cinéma numérique et, en 2006, il évaluait son impact potentiel sur l'organisation de la filière du cinéma ainsi que les conflits d'intérêt en présence.
A. UN RAPPEL DES ENJEUX DE LA « RÉVOLUTION NUMÉRIQUE » : UN CONSTAT PARTAGÉ DÈS 2005
En effet, si la question est enfin en voie d'être traitée, votre rapporteur tient à rappeler que dès 2005, le constat relatif à l'urgence de décisions, tant au plan national qu'européen, était partagé et relayé par votre commission.
Le constat était bien identifié. Comme l'avait exposé votre rapporteur 4 ( * ) à l'époque : « La distribution est, bien entendu, directement concernée par l'émergence de la technologie numérique appliquée au cinéma. En effet, dans la chaîne des coûts de production et de diffusion d'un film, c'est la distribution qui prend en charge aujourd'hui le prix de la duplication des copies 35 mm et de leur transport vers les salles de cinéma. Dans l'hypothèse d'une diffusion numérique, notamment par le biais du satellite, c'est donc ce secteur qui ferait les économies les plus spectaculaires.
Mais pour autant, le modèle économique reste à identifier pour que les économies réalisées puissent être partagées par l'ensemble de la chaîne de production et de diffusion des films, l'objectif étant que, quels que soient les acteurs qui prendront en charge le financement de l'investissement initial, l'économie globale réalisée profite au cinéma, et que les moyens dégagés soient réinvestis dans le secteur. Il s'agit de créer les conditions pour que la pénétration du numérique dans la distribution des films permette une meilleure diffusion des films en France, notamment des films indépendants ou destinés aux circuits d'art et essai. La complexité du dossier réside dans le fait qu'un risque existe de voir le numérique favoriser mécaniquement les productions lourdes, si celui-ci est capté par les gros investisseurs, et qu'il nuise gravement à la diversité culturelle.
A l'inverse, il semble que l'utilisation des technologies numériques pour la diffusion de films pourrait autoriser de nouvelles souplesses de programmation et réduire la prise de risque unitaire. Dans tous les cas, le métier de diffuseur pourrait être profondément modifié par le développement de la technologie numérique.
Par ailleurs, il apparaît que certains freins au développement de la projection numérique en salles sont en passe d'être levés depuis mi-2005 :
- en premier lieu, le contexte normatif est en train d'être stabilisé (...) ;
- en second lieu, des déploiements d'équipements numériques ont été engagés dans différents pays. En Europe, 238 salles en Grande-Bretagne seront équipées d'ici fin 2007 et 100 l'ont déjà été, grâce à un soutien public, mais avec un risque de développer des réseaux à deux vitesses.
En outre, le réseau Europa-Cinémas a mis en place, en 2005, une aide plafonnée à 7 500 € par écran pour soutenir l'équipement des salles européennes ; ce soutien dépendra du nombre de séances numériques que les salles proposeront en faveur des films européens.
Enfin, des modèles économiques ont vu le jour aux États-Unis : des industriels équipent les salles et ils récupèrent progressivement leurs investissements en faisant payer aux distributeurs un surcoût sur le prix des copies numériques. 1 300 salles ont déjà été équipées, (...)
Il est essentiel de veiller à ce que de telles démarches n'entravent pas la liberté de certains acteurs de la filière.
Il est évident que l'émergence du cinéma numérique offre les moyens de « rebattre les cartes » entre les différentes catégories d'acteurs ; elle pourrait entamer gravement la liberté de certains (les exploitants) et, si l'on n'y prenait garde, nuire à la diffusion des films français, donc à la diversité culturelle. »
* 4 Voir le rapport pour avis n° 79 Tome 9 (2006-2007) de Serge Lagauche et Louis de Broissia sur la loi n° 2006-1666 de finances pour 2007.