b) Des réactions politiques rapides mais en ordre dispersé
Les soupçons de spéculation ont suscité de vives et promptes réactions des responsables politiques. Dans un courrier adressé le 10 mars 2010 à MM. Luis Zapatero et Manuel Barroso , les dirigeants de l'Allemagne, la France, la Grèce et le président de l'Eurogroupe ont demandé que la Commission « diligente le plus rapidement possible une enquête déterminant le rôle et l'impact de la spéculation sur CDS sur les obligations des Etats européen s », qui pourrait le cas échéant conduire à envisager des mesures telles qu' « imposer une période minimale de détention des CDS , l'interdiction des transactions spéculatives sur les CD S et l'interdiction de l'achat de CDS qui ne sont pas utilisés à des fins de couverture ».
L'Allemagne a récemment pris les devants , le 19 mai 2010, en décidant unilatéralement d'interdire, avec effet immédiat et pour une durée d'un an, les ventes à découvert « nues » d'actions des dix plus importantes institutions financières et d'obligations d'Etat de la zone euro, et les CDS souverains non couverts (par détention de la dette de référence) sur ces mêmes obligations. Ainsi que l'a annoncé le ministre allemand des finances le 25 mai, les interdictions afférentes aux titres obligataires et aux CDS pourraient être pérennisées et le régime étendu (au moins à titre provisoire) à toutes les ventes nues à découvert d'actions comme aux dérivés de change (marché plus large que celui des dérivés de crédit) sur l'euro qui ne sont pas destinées à des opérations de couverture. Ce projet est d'ores et déjà critiqué par les professionnels, sans doute ceux qui tirent le plus grand profit du statu quo .
Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, et Jean-Pierre Jouyet, président de l'AMF, ont rappelé que la France n'avait pas levé les mesures exceptionnelles d'interdiction des ventes à découvert sur les actions de sociétés financières, prises par l'AMF le 19 septembre 2008 48 ( * ) , et que la Commission européenne devait formuler ses propositions de législation sur les ventes à découvert d'ici la fin de l'année 2010. En outre, l'AMF n'a pas constaté de circonstances exceptionnelles sur le marché français des obligations souveraines en euros, en particulier françaises.
Il est cependant probable que les autorités allemandes ont pris leur décision en parfaite connaissance de cause , et ont donc entendu à la fois manifester une certaine impatience devant la lenteur des progrès de la législation européenne, régler des difficultés intérieures liées à certains investisseurs, et donner des gages politiques après les élections en Rhénanie du nord-Westphalie. On ne peut que comprendre et approuver une telle initiative.
* 48 Faute de cadre européen sur les ventes à découvert, les régulateurs nationaux ont en effet adopté séparément des mesures de restriction au plus fort de la crise à l'automne 2008.