3. Les propositions de la Commission européenne
La Commission européenne a présenté le 12 mai 2010 une communication 28 ( * ) dans laquelle elle fait un certain nombre de préconisations concrètes de renforcement de la coordination économique et budgétaire. Ces préconisations n'impliqueraient pas de modification des traités et seraient donc susceptibles d'être mises en oeuvre à court terme.
De toute évidence, elles ne sont pas à la hauteur des enjeux.
a) Une mise en oeuvre du pacte de stabilité qui malgré son renforcement demeurerait nécessairement « politique »
Les propositions les plus importantes concernent le renforcement du pacte de stabilité. La Commission considère que de simples modifications de la législation secondaire, c'est-à-dire des règlements concernés 29 ( * ) , permettraient d'aller beaucoup plus loin que ce que prévoient explicitement les dispositions du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) 30 ( * ) .
Ainsi, sans modifier les traités, il serait possible :
- d'obliger les Etats membres à se doter d'un cadre budgétaire approprié, en particulier en ce qui concerne la pluriannualité 31 ( * ) ;
- d'accélérer la procédure, en particulier dans le cas des Etats membres contrevenant aux règles du pacte de manière répétée ;
- de prévoir des dépôts portant intérêts si l'Etat membre ne réduit pas suffisamment son déficit structurel en période économique favorable 32 ( * ) ;
- de subordonner le versement des financements communautaires (en particulier des fonds de cohésion) à l'application du pacte de stabilité.
Il ne s'agirait cependant pas de rendre l'imposition de sanctions automatique en cas de non respect du pacte. Le précédent du conseil Ecofin du 25 novembre 2003, qui a vu le Conseil refuser la proposition de la Commission de mettre la France en demeure de prendre certaines mesures 33 ( * ) , montre les limites structurelles du pacte de stabilité, dès lors que son application est de fait négociable. Par ailleurs, le TFUE ne permettrait pas de suspendre les droits de vote au Conseil d'un Etat qui ne respecterait pas ses engagements.
Enfin, il est peu probable que le projet d'obliger les Etats membres à se doter d'un cadre budgétaire approprié, en particulier en ce qui concerne la pluriannualité, se traduise par l'obligation d'adopter une programmation réellement contraignante.
b) La possibilité pour l'Eurogroupe de faire des recommandations en matière de politique économique
La Commission propose également de s'appuyer sur l'article 136 du TFUE - l'une des principales avancées du traité de Lisbonne, qui permet à l'Eurogroupe d'adopter des mesures concernant les Etats de la zone euro -, pour renforcer la coordination des politiques économiques.
Concrètement, l'Eurogroupe pourrait faire des recommandations précises aux Etats membres, sur la base de propositions de la Commission.
On peut cependant supposer que cette procédure resterait assez formelle. Par exemple, on imagine mal que l'Espagne, si ses partenaires avaient souligné les dangers de son modèle de croissance, aurait décidé de réduire le crédit à l'immobilier et de brider l'activité économique à moyen terme, pour éviter la situation actuelle, qui du reste résulte largement d'une crise financière imprévue née aux Etats-Unis.
* 28 Commission européenne, « Reinforcing economic policy coordination », communication au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Conseil économique et social et au Comité des régions, COM(2010) 250 final, 12 mai 2010.
* 29 Il s'agit des règlements (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques et n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs.
* 30 Les dispositions concernées du TFUE sont ses articles 121 et 126, relatifs respectivement aux programmes de stabilité et de convergence (volet « préventif » du pacte) et à la procédure pour déficit excessif (volet « coercitif » du pacte), ainsi que son protocole n°12 sur la procédure de déficit excessif.
* 31 La Commission estime qu'une telle disposition pourrait s'appuyer sur le protocole n°12 sur la procédure de déficit excessif.
* 32 Selon le Gouvernement, « comme le suggère la Commission dans sa communication du 12 mai 2010, ce nouvel article 136 du TFUE offre toutes les possibilités de renforcement de la coordination des politiques économiques en zone euro. Il n'est donc pas exclu qu'il puisse servir de fondement à des mécanismes de sanctions propres à la zone euro ».
* 33 Le Conseil a alors adopté des « conclusions », de nature intergouvernementale, non contraignantes et non prévues par les textes, et suspendu la procédure concernant les déficits excessifs, d'une manière non prévue par le pacte de stabilité.