5. Les « mauvaises dettes » des banques, une bombe à retardement ?
Il ne faut par ailleurs pas perdre de vue les difficultés des banques.
La loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie a mis en place deux mécanismes de refinancement et de recapitalisation des banques, au travers de la Société de financement de l'économie française (SFEF), chargée d'accorder des prêts aux banques en se finançant grâce à la garantie de l'Etat, et de la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE), qui a souscrit à des titres super-subordonnés et des actions de préférence des principaux groupes bancaires français. Les autres Etats européens ont mis en place des dispositifs analogues, par lesquels ils se portaient directement ou indirectement garants des banques.
Bien que les difficultés des banques soit quelque peu éclipsées par la crise de la dette publique, il serait erroné de croire que le problème a disparu . En particulier, des défauts d'Etats ou des restructurations de dette publique auraient inévitablement des répercussions sur le système bancaire européen, les difficultés des banques les plus fragiles risquant par contagion de déstabiliser le marché interbancaire et les autres établissements. Les mises en place du dispositif d'aide à la Grèce et du mécanisme européen de stabilisation s'expliquent largement par la nécessité d'éviter qu'un tel phénomène se produise. Par ailleurs, une nouvelle récession en Europe, consécutive par exemple à des politiques budgétaires trop restrictives menées simultanément dans l'ensemble de la zone euro, pourrait entraîner le défaut de nombreux débiteurs privés.
Ainsi, on observe actuellement un regain de tensions sur le marché monétaire , qui, bien qu'il n'atteigne pas les sommets vus après la faillite de Lehman Brothers en septembre et octobre 2008, n'en est pas moins significatif 26 ( * ) , comme le montre le graphique ci-après.
Ecarts de taux à trois mois BOR/OIS
Les taux BOR ( Interbank Offered Rate ) - EURIBOR et LIBOR - sont les taux de référence du marché monétaire. Les swaps de taux d'intérêts OIS ( overnight index swaps ) sont les swaps par lesquels une contrepartie paie un taux fixe tandis que la seconde reçoit un taux variable, le taux overnight (entre J et J+1 ; à savoir le taux EONIA en euro, le taux Fed Fund effectif en dollar). Le taux fixe du swap correspond à l'anticipation du taux EONIA ou du taux Fed Fund effectif sur la durée du swap. L'écart de taux BOR/OIS sert d'indicateur des tensions du marché monétaire.
Source : d'après la Banque de France
Certains économistes 27 ( * ) estiment qu'il faut identifier rapidement les maillons faibles du système bancaire européen, grâce à des tests de résistance (« stress tests ») dont les résultats seraient publiés , de manière analogue à ceux réalisés aux Etats-Unis au premier semestre 2009, afin de pouvoir recapitaliser rapidement les banques les plus fragiles, comme cela a été le cas dans ce pays. Les conséquences du défaut éventuel d'un Etat seraient alors minimisées.
Il n'existe cependant pas d'organisme réellement chargé de superviser les banques au niveau de l'Union européenne ou de la zone euro, les compétences de la future Autorité bancaire européenne n'étant pas équivalentes à celles des régulateurs nationaux. Par ailleurs, il importe d'harmoniser au plan européen les méthodologies et modalités de publication de ces tests. Enfin, l'intérêt individuel des Etats est de minimiser les difficultés de leurs propres banques, afin de ne pas les fragiliser davantage.
* 26 Le 10 octobre 2008, le spread BOR-OIS dollar 3 mois a atteint 366 points de base, contre 31 points de base le 26 mai 2010; le spread BOR-OIS euro 3 mois a atteint 193 points de base le 13 octobre 2008 contre 31 points de base le 26 mai 2010.
* 27 Nicolas Véron, « EU inaction on banks grows ever costlier », institut Bruegel, 18 mai 2010.