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Rapport n° 478 (2009-2010) de M. Jacques GAUTIER , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 19 mai 2010

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N° 478

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 mai 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , autorisant la ratification de la convention du Conseil de l' Europe pour la protection des enfants contre l' exploitation et les abus sexuels ,

Par M. Jacques GAUTIER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Etienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jean-Pierre Bel, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Philippe Paul, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

1521 , 1660 et T.A. 283

Sénat :

407 (2008-2009) et 479 (2009-2010)

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser la ratification de la convention du Conseil de l'Europe pour la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels, signée à Lanzarote le 25 octobre 2007.

Cette convention, qui s'ajoute aux quelques deux cents accords, conventions ou protocoles adoptés dans le cadre du Conseil de l'Europe, n'est pas le premier instrument international tourné vers la protection et l'intégrité de l'enfance face à des phénomènes tels que la prostitution, la pornographie ou les violences sexuelles. La convention relative aux droits de l'enfant de 1989, ainsi que le protocole relatif à la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants qui la complète, avaient notamment déjà traduit les préoccupations de la communauté internationale à cet égard.

La convention adoptée par le Conseil de l'Europe constitue néanmoins un pas supplémentaire significatif dans l'action internationale en faveur des enfants. En effet, elle vise leur protection contre l'exploitation et les abus sexuels quelles qu'en soient les formes ou les motivations et elle comporte un important volet pénal de nature à préciser et renforcer les législations des Etats parties.

Votre rapporteur analysera brièvement les raisons qui ont conduit le Conseil de l'Europe à adopter cette convention avant d'en présenter les principales dispositions et d'évoquer leur incidence pour la France.

I. POURQUOI UNE CONVENTION DU CONSEIL DE L'EUROPE POUR LA PROTECTION DES ENFANTS CONTRE L'EXPLOITATION ET LES ABUS SEXUELS ?

C'est après avoir fait procéder par un comité d'experts à l'analyse approfondie des instruments internationaux en vigueur dans le domaine de la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle que, suivant les propositions de celui-ci, le comité des ministres du Conseil de l'Europe a décidé l'adoption d'une nouvelle convention.

A. PLUSIEURS INSTRUMENTS INTERNATIONAUX VISENT À PROTÉGER LES ENFANTS CONTRE L'EXPLOITATION ET LES VIOLENCES SEXUELLES

La vulnérabilité des enfants face à l'exploitation et aux violences sexuelles a retenu l'attention des organisations internationales depuis plus d'une vingtaine d'années, du fait d'une prise de conscience croissante de phénomènes tels que la prostitution enfantine, mais aussi de l'apparition de formes nouvelles d'atteinte à l'intégrité physique et morale des enfants comme la « cyberpornographie ».

Selon l'UNICEF, deux millions d'enfants dans le monde seraient victimes d'exploitation sexuelle. Plus d'un million de photographies représentant de 10 000 à 20 000 enfants victimes d'abus sexuels seraient en circulation.

La convention relative aux droits de l'enfant adoptée le 20 novembre 1989 par la résolution 44/25 de l'Assemblée générale des Nations unies constitue l'instrument de référence de la protection internationale des droits de l'enfant.

Définissant l'enfant, dans son article premier, comme tout être humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable, elle rassemble des principes et obligations universellement reconnus et énonce les différents droits de l'enfant : le droit à la survie de tous les enfants, partout et en tout temps ; leur droit de réaliser leur potentiel ; d'être protégés contre les préjudices, les mauvais traitements et l'exploitation ; et de participer pleinement à la vie familiale, culturelle et sociale.

La convention garantit ces droits en établissant des normes relatives aux soins de santé, à l'éducation et aux services sociaux dont doivent bénéficier les enfants. Ces normes sont les critères qui permettent d'évaluer les progrès accomplis et les États qui ratifient la convention s'engagent à élaborer leurs politiques en tenant compte de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Cette convention a été ratifiée par la quasi-totalité des Etats. Elle prévoit expressément la prohibition de l'exploitation sexuelle des enfants, de leur vente et de leur traite dans ses articles 34 et 35 qui disposent respectivement :

- « les États parties s'engagent à protéger l'enfant contre toutes les formes d'exploitation sexuelle et de violence sexuelle... » ;

- « les États parties prennent toutes les mesures appropriées sur les plans national, bilatéral et multilatéral pour empêcher l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants à quelque fin que ce soit et sous quelque forme que ce soit ».

La convention relative aux droits de l'enfant a été complétée par un protocole facultatif sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants adopté le 25 mai 2000 par l'Assemblée générale des Nations unies. Il s'agit d'un instrument à vocation répressive par lequel les Etats parties s'engagent à incriminer certains comportements liés à la vente d'enfants, la prostitution enfantine et la pornographie impliquant les enfants, ainsi qu'à mettre en place une coopération judiciaire destinée à faciliter les poursuites, les activités criminelles concernées ayant souvent un caractère transnational.

La répression de la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, est également l'un des buts poursuivis par le protocole additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, adopté par l'Assemblée générale le 15 novembre 2000.

La convention n° 182 de l'Organisation internationale du travail (OIT) pour l'élimination des pires formes de travail des enfants , adoptée à l'unanimité par la conférence générale de l'OIT le 17 juin 1999, définit dans son article 3 « l'utilisation, le recrutement ou l'offre d'un enfant à des fins de prostitution, de production de matériel pornographique ou de spectacles pornographiques » comme l'une des pires formes de travail des enfants.

Le Conseil de l'Europe a également adopté deux conventions abordant directement cette problématique. La convention du 23 novembre 2001 sur la cybercriminalité prévoit spécifiquement, dans son article 9, l'incrimination de la pédopornographie en cas d'utilisation d'un système informatique. Elle donne une définition de la pédopornographie et demande aux Etats parties d'ériger en infractions pénales l'offre, la mise à disposition, la distribution, la diffusion, l'acquisition et la possession de matériel pédopornographique. La convention du 16 mai 2005 sur la lutte contre la traite des êtres humains accorde pour sa part une importance particulière aux enfants qui en sont victimes.

L' Union européenne a quant à elle adopté deux décisions-cadres relatives à la lutte contre la traite des êtres humains (décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil du 19 juillet 2002) et à la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie (décision-cadre 2004/68/JAI du Conseil du 22 décembre 2003).

B. LA VOLONTÉ DU CONSEIL DE L'EUROPE D'ÉLABORER UN INSTRUMENT EXHAUSTIF

Le Conseil de l'Europe a réaffirmé son engagement en faveur de la protection des enfants contre toute forme de violence dans le plan d'action adopté par les Chefs d'Etat et de gouvernement lors de leur sommet de Varsovie en mai 2005.

Le comité des ministres a adopté au mois de mars 2006 le mandat spécifique mettant en place un comité d'experts chargé de procéder à un examen de la mise en oeuvre des instruments internationaux en vigueur dans le domaine de l'exploitation des enfants contre les abus sexuels et, si nécessaire, des instruments relatifs à la coopération juridique, en vue d' évaluer la nécessité d'un nouvel instrument international juridiquement contraignant , doté d'un mécanisme de suivi, ou d'un instrument non contraignant, et de préparer la cas échéant un tel instrument.

Le comité d'experts a conclu à la nécessité d'un tel instrument et en a préparé la rédaction à partir de septembre 2006.

Le principal argument à l'appui d'une nouvelle convention tenait à ce que les conventions ou protocoles en vigueur visaient essentiellement à protéger les enfants contre des agissements commis à des fins commerciales ou lucratives. Or, selon le comité d'experts, cette approche ne couvre qu'une partie des abus commis à l'encontre de l'intégrité physique ou psychique d'un enfant. Ces abus peuvent notamment intervenir en dehors de toute relation ou motivation d'ordre financier, par exemple dans le milieu familial ou l'environnement social proche.

C'est ce constat qui a motivé l'élaboration d'une nouvelle convention axée sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels, quelles qu'en soient les formes ou les motivations.

II. LE DISPOSITIF DE LA CONVENTION POUR LA PROTECTION DES ENFANTS CONTRE L'EXPLOITATION ET LES ABUS SEXUELS ET SES INCIDENCES POUR LA FRANCE

La convention pour la protection des enfants contre les exploitations et les abus sexuels a été signée par les ministres de la justice du Conseil de l'Europe le 25 octobre 2007 à Lanzarote.

La Convention comporte 50 articles. Certains d'entre eux ont essentiellement valeur de recommandation, par exemple dans les domaines des politiques préventives, de l'assistance aux victimes ou du déroulement des procédures pénales. En revanche, le chapitre VI édicte des dispositions précises en matière pénale, qui ont vocation à être reprises dans la législation des Etats parties.

A. LES DISPOSITIONS À CARACTÈRE PÉNAL

Le coeur de la convention est constitué par son chapitre VI, qui comporte 12 articles relatifs au droit pénal matériel.

Il s'agit de faire en sorte que tous les Etats parties à la convention érigent certains agissements en infractions pénales. L'intérêt de ces dispositions est double. D'une part, combler les lacunes qui peuvent exister dans les législations pénales des différents Etats membres du Conseil de l'Europe. D'autre part, harmoniser les incriminations, afin de faciliter les poursuites et la coopération judiciaire dans l'espace européen.

Sont ainsi érigés en infractions pénales :

- les abus sexuels ;

- certains comportements encourageant ou favorisant la prostitution enfantine ;

- certains comportements en matière de pédopornographie ;

- certains comportements se rapportant à la participation d'un mineur à des spectacles pornographiques ;

- la corruption de mineurs.

L'article 18 définit précisément l'abus sexuel en distinguant deux cas : les actes commis envers un enfant qui n'a pas atteint la majorité sexuelle (15 ans en France) et ceux commis, quel que soit l'âge de l'enfant, lorsqu'il est fait usage de la contrainte, de la force ou de menaces, ou lorsque la personne abuse d'une position reconnue de confiance, d'autorité ou d'influence sur l'enfant.

Certaines incriminations sont complétées pour tenir compte du rôle croissant d'internet, que ce soit dans la sollicitation de mineurs, par le biais des sites d'échange, ou de la diffusion et du téléchargement d'images mettant en scène des mineurs.

B. LES AUTRES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION

La convention édicte un certain nombre de recommandations générales, en particulier sur la sensibilisation des personnes travaillant au contact des enfants, sur la possibilité de signaler aux services de protection de l'enfance les soupçons d'exploitation ou d'abus sexuels ou sur l'assistance aux victimes.

Elle comporte également des recommandations en matière de procédure pénale, notamment afin qu'elles prennent en compte la vulnérabilité particulière des enfants qui y sont confrontés. Des mesures adaptées aux enfants sont ainsi destinées à garantir leur protection au cours de la procédure, par exemple lors des auditions.

La convention énonce des principes généraux devant régir la coopération internationale.

Elle met en place un mécanisme de suivi, sous la forme d'un comité chargé de veiller à la mise en oeuvre de la convention, mais également d'un principe d'échanges d'informations et de bonnes pratiques.

C. LES INCIDENCES DE LA CONVENTION SUR LE DROIT FRANÇAIS

Le Gouvernement indique dans l'exposé des motifs du projet de loi que le droit français est d'ores et déjà conforme aux obligations résultant de la convention, étant précisé que celle-ci ouvre la possibilité de ne pas appliquer tout ou partie de certaines incriminations spécifiquement mentionnées aux articles 20, 21 et 24.

Le code pénal français ne prévoit ni ne réprime la tentative de sollicitation d'un mineur à des fins sexuelles, ni la tentative de consultation et de possession d'images pédopornographiques. Mais ces deux incriminations figurent expressément parmi celles qu'aux termes de la convention les parties peuvent se réserver le droit de ne pas les appliquer.

La ratification de la convention ne crée donc pas d'obligation juridique d'introduire ces incriminations dans notre droit pénal.

CONCLUSION

La convention du Conseil de l'Europe pour la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels se distingue des instruments internationaux qui étaient jusqu'à présent consacrés à cet objectif essentiel. En effet, elle prend en compte l'ensemble des formes d'exploitation ou d'abus sexuels dont sont victimes les enfants, quelles qu'en soient les modalités ou les motivations. Elle définit également de manière extrêmement précise les infractions pénales qui doivent être associées à ces comportements.

Cette convention peut donc constituer un outil efficace d'amélioration des législations pénales en amenant les Etats parties à les compléter ou les préciser.

La convention a été signée à ce jour par 38 1 ( * ) des 47 Etats membres du Conseil de l'Europe. Parmi eux, 5 Etats - l'Albanie, le Danemark, la Grèce, les Pays-Bas et Saint-Marin - l'ont déjà ratifiée. Les cinq ratifications requises, aux termes de l'article 45 de la convention, pour permettre son entrée en vigueur sont désormais atteintes et cette entrée en vigueur interviendra le 1 er juillet prochain pour les Etats ayant déposé leurs instruments de ratification.

Le code pénal français comporte déjà la plupart des incriminations prévues par cette convention, mais sa ratification par notre pays n'en reste pas moins nécessaire en vue de soutenir le rôle de la convention dans l'amélioration des législations européennes, mais également de renforcer nos politiques dans tous les domaines où cela paraîtrait nécessaire ou utile.

C'est pourquoi votre commission vous demande d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 19 mai 2010, sous la présidence de M. Josselin de Rohan, président, la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent projet de loi.

Suivant l'avis du rapporteur, elle a adopté le projet de loi et proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

* 1 Andorre, l'Arménie, la Bosnie-Herzégovine, la Hongrie, la Lettonie, Malte, la République tchèque, la Russie et la Suisse n'ont pas encore signé la convention.

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