II. COMPTE-RENDU DES AUDITIONS CONSACRÉES À LA DETTE PUBLIQUE ET AUX COMPTABILITÉS NATIONALES (31 MARS 2010)

A. AUDITION DE MM. PAUL CHAMPSAUR, PRÉSIDENT DE L'AUTORITÉ DE LA STATISTIQUE PUBLIQUE, ET JEAN-PHILIPPE COTIS, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'INSEE

M. Jean Arthuis , président, a exprimé ses interrogations sur la fiabilité des statistiques européennes en matière de finances publiques.

M. Jean-Philippe Cotis, directeur général de l'INSEE , a indiqué qu'Eurostat, « clef de voûte » du système statistique européen, joue un double rôle d'impulsion et de régulation. Il est juge de l'exactitude des comptes des Etats membres. Il est actuellement très impliqué dans l'audit des finances publiques grecques.

M. Jean Arthuis , président, s'est interrogé sur l'existence de règles communautaires harmonisées dans le domaine des finances publiques.

M. Jean-Philippe Cotis a indiqué que le règlement (CE) n° 2223/96 du conseil du 25 juin 1996 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans la Communauté, dit « SEC 95 », permet aux Etats membres de disposer d'un référentiel commun. Les problèmes de la Grèce, dont les statistiques de finances publiques ont connu des révisions importantes en 2004 et en 2009, proviennent des insuffisances de sa comptabilité publique.

M. Jean-Jacques Jégou s'est interrogé sur la capacité d'Eurostat à porter un jugement pleinement informé sur la situation des finances publiques des Etats membres.

M. Jean-Philippe Cotis et M. Paul Champsaur, président de l'Autorité de la statistique publique, ont souligné que, si les experts d'Eurostat ont des conversations approfondies avec les comptables nationaux des Etats membres, ceux-ci s'appuient sur les données de la comptabilité publique, qu'Eurostat n'a pas de raison de remettre en cause si eux-mêmes n'expriment pas de doutes à leur sujet. Or, il est souvent difficile au comptable national de porter un jugement sur les données de la comptabilité publique sur lesquelles il se fonde.

M. Jean Arthuis , président, a jugé « stupéfiant » que les comptabilités publiques diffèrent d'un Etat membre à l'autre.

M. Paul Champsaur a indiqué que la qualité de la comptabilité publique dépend en particulier des pouvoirs du Parlement en matière de contrôle des comptes publics. Par ailleurs, si les comptes de l'Etat sont en général bien tenus, cela est souvent plus problématique dans le cas des autres administrations publiques, comme les administrations publiques locales : collectivités territoriales en France, Länder en Allemagne, régions en Espagne.

M. Jean-Philippe Cotis a souligné que les difficultés spécifiques de la Grèce proviennent du fait que, avant les réformes en cours, les services statistiques étaient de fait sous le contrôle du Trésor, lui-même subordonné au pouvoir politique, et n'étaient donc pas indépendants.

M. Jean Arthuis , président, a considéré que les critères d'admission dans la zone euro doivent comprendre l'existence d'un organe statistique fiable dans le pays candidat.

M. Yann Gaillard s'est demandé s'il est arrivé à Eurostat de valider des statistiques de finances publiques erronées émanant de la Grèce.

M. Jean-Philippe Cotis a indiqué que cela s'est effectivement produit en 2009.

M. Jean Arthuis , président, s'est interrogé sur la capacité d'un Etat membre à dissimuler réellement à ses partenaires l'état de ses finances publiques.

M. Paul Champsaur a indiqué que, lorsqu'il était directeur général de l'INSEE, les relations avec les services statistiques grecs étaient plus compliquées qu'avec ceux des autres Etats membres. Cependant, il n'était alors pas possible d'affirmer avec certitude que les statistiques grecques étaient faussées. Par ailleurs, on ne considérait pas alors la fiabilité des données transmises par cet Etat comme un sujet important.

M. Jean-Jacques Jégou a souligné que la situation a changé, le manque de confiance dans les statistiques grecques pouvant avoir des conséquences pour l'ensemble de la zone euro.

M. François Rebsamen a estimé qu'Eurostat accorde une grande confiance aux Etats.

M. Jean-Philippe Cotis a souligné qu'il ne s'est posé de réel problème que dans le cas de la Grèce, et que celui-ci provient des dysfonctionnements du système grec de comptabilité publique.

M. Jean Arthuis , président, a rappelé la soulte de France Télécom, qui a permis de réduire optiquement le déficit de 0,45 point de produit intérieur brut (PIB) en 1997, alors que la France voulait se « qualifier » pour l'euro, mettant ainsi en péril les relations franco-allemandes.

M. Paul Champsaur a estimé que, à cette époque, Eurostat s'est efforcé de faire en sorte que les différentes opérations soient traitées de façon identique dans les grands Etats et que, de ce point de vue, le système a bien fonctionné.

M. Jean Arthuis , président, a évoqué le recours de certains Etats, comme l'Italie, à la titrisation, pour alléger optiquement le poids de leur déficit.

M. Paul Champsaur a indiqué que les Etats utilisent deux grands procédés pour améliorer la présentation de leurs comptes : changer le périmètre considéré, et modifier la répartition temporelle des recettes ou des dépenses.

M. Jean Arthuis , président, a envisagé d'accroître le rôle des banques centrales indépendantes dans le domaine des statistiques relatives aux finances publiques.

M. Jean-Philippe Cotis a exprimé un certain scepticisme à cet égard, soulignant que, en revanche, les banques centrales jouent un rôle important dans le domaine des statistiques monétaires et financières.

M. Paul Champsaur a souligné que le rôle des banques centrales des Etats membres dans le domaine statistique est variable, celui de la banque centrale belge étant nettement plus important que celui de la Banque de France.

M. Jean Arthuis , président, s'est interrogé sur les mesures à prendre afin que les problèmes de la Grèce ne se reproduisent pas.

MM. Jean-Philippe Cotis et Paul Champsaur ont, une nouvelle fois, souligné la nécessité de disposer d'une comptabilité publique fiable. Cela implique en particulier que les organismes chargés d'élaborer les statistiques soient indépendants du pouvoir politique. M. Paul Champsaur a rappelé que, lorsqu'il était directeur général de l'INSEE, il a consacré d'importants efforts à l'amélioration des comptes de la sécurité sociale.

M. Jean Arthuis , président, s'est interrogé sur la qualité des organismes statistiques de certains Etats susceptibles de rejoindre la zone euro.

M. Paul Champsaur a estimé que le Parlement doit être le garant de la transparence de tous les comptes publics, et du bon fonctionnement des instituts statistiques. Lors de la récession de 1993, alors que la publication de certains chiffres pouvait être politiquement délicate, l'INSEE a fait l'objet de pressions, auxquelles il n'a pas cédé.

M. François Rebsamen s'est demandé dans quelle mesure il est possible de faire pression sur un institut statistique, par exemple en réduisant ses effectifs.

M. Paul Champsaur a jugé que cela est théoriquement possible bien que, à sa connaissance, cela ne se soit pas produit. Par ailleurs, des gains de productivité considérables ont été réalisés dans le domaine statistique, grâce à l'informatique.

M. Jean Arthuis , président, s'est interrogé sur la possibilité pour les instituts statistiques de calculer des provisions, en particulier en ce qui concerne les futures retraites des fonctionnaires.

M. Paul Champsaur a rappelé qu'il n'existe pas d'obligation de constituer ce type de dotation et considéré que le calcul de provisions, qui exige d'émettre certaines hypothèses, relève plus du domaine des études que de celui de la statistique.

M. Jean-Philippe Cotis a souligné que, si le rapport de la commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social, remis en 2008 au Président de la République par MM. Joseph Stiglitz, Amartya Sen et Jean-Paul Fitoussi, recommande d'améliorer les mesures chiffrées relatives aux conditions environnementales, il juge excessivement difficile d'attribuer à l'environnement naturel une valeur monétaire.

M. Jean Arthuis , président, a fait part de l'intention de la commission de réfléchir à la manière d'améliorer les statistiques du commerce international. Elle appréciera le concours de l'INSEE en ce domaine.

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