ANNEXE I - COMPTE RENDU DES TRAVAUX DE LA COMMISSION
Audition de M. Christian Blanc, secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre chargé du développement de la région capitale (mercredi 13 janvier 2010)
M. Jean-Paul Emorine , président , s'est tout d'abord réjoui qu'un grand nombre de sénateurs de la région parisienne puisse être étroitement associé à la discussion du projet de loi sur le Grand Paris, grâce à la constitution d'une commission spéciale.
M. Christian Blanc, secrétaire d'Etat chargé du développement de la région capitale , a ensuite présenté les grands axes du projet de loi.
Le projet du Grand Paris a l'ambition de conforter la place actuelle de Paris comme l'une des premières villes-monde, celles-ci ne se caractérisant pas par la taille de l'agglomération mais par leur capacité d'attractivité. Si Mexico n'est pas une ville-monde, New York, Londres, Tokyo, Paris le sont, et bientôt Shanghaï ou Los Angeles. Centre organisationnel mondial en matière politique, économique, carrefour mondial des transports, dont les nouvelles portes sont ses gares et ses plateformes aéroportuaires internationales, une ville-monde est le point de convergence des flux d'informations, de capitaux, de populations et un foyer culturel, scientifique, éducatif rayonnant dans le monde entier. Il s'agit donc de faire demain du Grand Paris une ville-monde, dont les portes seraient les aéroports internationaux, ses gares TGV, sa façade maritime du Havre et de Rouen, et qui soit une capitale mondiale de l'art de vivre au XXI ème siècle.
Le projet est global et inédit : économique, urbanistique, artistique, technologique et humain, dans le cadre d'une économie fondée désormais sur la connaissance et l'innovation, et la prise de conscience que tout développement doit désormais prendre en considération les exigences fixées tant à Kyoto qu'à Copenhague.
Dès sa création, au printemps 2008, le secrétariat d'Etat chargé du développement de la région capitale s'est trouvé devant l'immense difficulté d'imaginer Paris, la ville-monde française du XXI ème siècle, et de proposer une méthode permettant de mener un tel projet.
Les projections des travaux des dix équipes internationales d'architectes-urbanistes ont donné des premières images de cette ambition et le projet de loi propose d'établir les fondations du Grand Paris pour en amorcer concrètement la mise en oeuvre. Il ne comprend pas un descriptif précis et exhaustif de tous les champs concernés par le Grand Paris dans les décennies à venir. Plutôt que l'ancienne méthode de la planification à vingt ans, qui ne marche plus, il est proposé de laisser à la créativité collective le soin de faire évoluer le projet du Grand Paris en fonction des changements toujours plus rapides de la société.
À partir des atouts considérables de la région capitale, le projet de loi du Grand Partis tend à répondre à trois difficultés :
- les potentiels de la région capitale, moteur de l'économie française avec un tiers du PIB national, n'ont pas de visibilité mondiale, et sont donc insuffisamment attractifs, dans une économie mondialisée fortement concurrentielle ;
- la cohésion sociale de la région capitale est malmenée et la banlieue a été historiquement négligée ;
- le système de transports en métro et Réseau Express Régional (RER) est actuellement à la limite de la rupture.
Il est urgent d'agir pour corriger ces faiblesses, mais dans le cadre d'une stratégie à moyen terme, afin que les réponses apportées ne soient pas caduques le jour de leur mise en oeuvre. Les potentiels existants et ceux qu'il faut renforcer ont été cartographiés, permettant d'identifier une dizaine de territoires de développement stratégiques sur lesquels il s'agirait de porter l'effort, plutôt que de créer des pôles ex nihilo . L'objectif consiste à y libérer au mieux les énergies et donner toutes leurs chances de développement aux potentiels considérables existants. Par ailleurs, le projet de loi impulse un vigoureux élan au plateau de Saclay, vivier de la recherche et développement (R&D) pour qu'il devienne le coeur d'une « Silicon Valley » française, au service du pays tout entier.
Concernant les transports, il est proposé de créer un réseau de métro automatique de 130 kilomètres, rapide et sûr, en double boucle, mettant fin au radioconcentrisme du réseau, alors que 70 % des trajets sont effectués de banlieue à banlieue, et qui transportera quotidiennement autant de passagers que le métro parisien. Ce réseau donnera une plus grande efficacité au marché de l'emploi de la métropole urbaine de Paris. Avec une quarantaine de gares, qui desserviront directement des communes représentant environ 5 millions de personnes, ce nouveau réseau ne consiste ni à ne relier que des « champs de patates », ni à seulement permettre à des cols blancs de naviguer entre des pôles de compétitivité, mais répond à une nécessité et à de nouveaux équilibres à venir. Les transports, l'innovation et le développement des territoires sont donc au coeur d'une démarche globale.
Le premier outil mis en place par le projet de loi est l'établissement public « Société du Grand Paris », ayant une double vocation de transport et d'aménagement. Cet établissement public, piloté par l'Etat, repose sur une association, dans la prise de décision, des représentants des collectivités territoriales. Par ailleurs, le projet de loi crée l'établissement public de Paris-Saclay, de type nouveau, scientifique et technologique, qui, aux côtés de l'Etat et des collectivités territoriales, laisse une place importante dans sa gouvernance aux mondes scientifique, académique et économique. Un autre outil concerne les procédures, ramenées à trois ans au lieu de sept habituellement constatés dans des opérations similaires, tout en garantissant les délais réglementaires et les normes communautaires de consultation du public. Enfin, un nouveau modèle de contrat de développement territorial (CDT) entre l'Etat et les communes est mis en place pour réaliser un aménagement concerté, en sortant de la logique de parcellisation. Le partenariat est donc inscrit au coeur de cette démarche, afin de parvenir à un urbanisme de projet, adapté aux territoires et à leurs habitants, recréant de la ville sur la ville avec un plus grand souci d'harmonie et d'équilibre. Il s'agit enfin de donner un nouvel élan à la réflexion sur le logement dans le Grand Paris, qui est un enjeu crucial : sa situation de pénurie ou son inadéquation constitue un obstacle à l'attractivité de la région parisienne. Enfin, la croissance visée par le projet de loi, fondée sur l'économie de la connaissance, a pour objectif de faire de Paris la capitale mondiale de l'art de vivre.
Plus précisément, les synergies de la cité Descartes, à l'Est de Paris, autour des projets d'éco-construction, visent à faire de ce pôle de développement une vitrine de l'inventivité et du savoir-faire français, et à transformer la manière d'habiter des citoyens de la région capitale, en alliant la technologie et le souci d'un développement durable.
Les innovations technologiques concernent aussi la création et les industries de la création : l'image et les applications dans le domaine du cinéma, de l'animation, des jeux, des arts de la scène ou de la musique, la numérisation et la protection du patrimoine, la technologie appliquée aux fleurons de l'industrie d'art.
Mais il est nécessaire d'assurer une cohérence avec les activités traditionnelles. Ainsi, 2 300 hectares de terres à vocation agricole sont protégés à Saclay, comme sont protégés de la spéculation foncière les territoires propices à la création situés sur le territoire de la Plaine Saint-Denis.
L'objectif poursuivi est de mettre l'homme au coeur du projet avec un meilleur habitat, une ville plus harmonieuse, une métropole moins divisée, de meilleures conditions de transports, des opportunités de travail, d'études, de culture, plus nombreuses et plus accessibles à temps de transport équivalent, un désenclavement de zones oubliées et marginalisées. En particulier, le nord de Paris, dont la situation de ghettoïsation est intolérable, pourrait devenir une des chances de la région capitale. Le territoire de Pleyel est ainsi emblématique avec le projet d'une future gare internationale, reliant Paris au reste de l'Europe et aux aéroports internationaux et une perspective de développement majeure sur un territoire où coexistent 130 cultures d'origines ethniques différentes.
Les discussions constructives lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale ont permis de dégager un consensus autour de l'idée que la réussite du Grand Paris ne serait pas seulement celle d'une région, mais celle de toute la France. Disposer d'une ville-monde dynamique et attractive contribue puissamment à la croissance française, permet d'attirer de nouveaux talents dans la recherche et l'innovation, rend les liaisons de transports plus fluides, plus rapides non seulement dans la région parisienne, mais entre Paris et les régions et le reste du monde. Ces discussions ont permis aussi de mieux expliquer la nature des contrats de développement territorial (CDT), et de montrer les progrès qu'ils apportaient dans une logique de partenariat entre l'Etat et les communes ou groupements de communes, et non dans une logique de recentralisation.
Le projet du Grand Paris n'est en effet pas un projet de gouvernance de la région capitale, le Président de la République, le 29 avril 2009, ayant clairement indiqué qu'il s'agissait d'un projet de développement du Grand Paris, qui devait précéder la gouvernance et que des propositions concernant celle-ci ne pourraient être faites qu'ultérieurement. Au demeurant, de telles dispositions devraient être soumises d'abord au Sénat.
La discussion à l'Assemblée nationale a également permis de préciser le projet initial, concernant l'interconnexion du réseau de métro automatique avec le réseau existant, et sur le financement du nouveau réseau, indépendant des mesures améliorant et modernisant les infrastructures existantes, qui sont de la compétence de la Région. Le rôle de la Commission nationale du débat public (CNDP) dans l'organisation de la consultation du public, plusieurs millions de citoyens étant concernés, et la place accordée à l'expression des élus ont également été précisés. La place de l'Atelier International du Grand Paris a été confortée.
Un large débat s'est alors instauré.
M. Jean-Pierre Fourcade , rapporteur, s'est inquiété de quelques incohérences entre le discours du secrétaire d'Etat et le contenu du texte adopté par l'Assemblée nationale, et a souhaité faire six observations :
- concernant le financement du Grand Paris, si, a priori , l'investissement relève de l'Etat, les coûts d'entretien et de fonctionnement relèveront certainement des collectivités territoriales. En outre, quels moyens l'Etat pourra-t-il dégager pour financer ce projet ?
- de quelle manière le projet du Grand Paris s'articule-t-il avec les projets de la région d'Île-de-France, inscrits dans le schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF), avec ceux des grandes intercommunalités et avec les réseaux de transport existants ;
- si l'Assemblée nationale a précisé le régime des CDT qui vont permettre à l'établissement public « Société du Grand Paris » d'organiser l'aménagement dans les zones des nouvelles gares, des adaptations doivent encore être apportées et ces contrats ne doivent pas dériver vers des contrats léonins ;
- il est indispensable de mieux prendre en compte la problématique du logement, particulièrement importante en Île-de-France ;
- il convient également de mieux intégrer les propositions de l'atelier international du Grand Paris ;
- quelle est l'articulation entre le dernier titre du projet de loi consacré au plateau de Saclay et les autres titres dédiés au Grand Paris.
En réponse, M. Christian Blanc a apporté les précisions suivantes :
- l'Etat assurera le financement de la construction du réseau automatique à grande capacité en double boucle. Une dotation en capital, dont le Président de la République annoncera prochainement le montant, permettra à l'établissement public du Grand Paris de lever une série d'emprunts devant être remboursés sur une quarantaine d'années, pour couvrir ses besoins de financement. Ce schéma financier est semblable à celui utilisé dans le passé pour la construction du réseau métropolitain parisien. Le projet doit contribuer à créer des richesses nouvelles, et si la valorisation foncière permise par la création de nouvelles infrastructures est inconnue, les expériences de projets similaires en Allemagne ou en Grande-Bretagne, avec la nouvelle gare de Londres, laissent penser que cette valorisation foncière apporterait une forte contribution à l'amortissement financier des infrastructures ;
- si les infrastructures de transport ferroviaire seront financées par l'Etat, y compris le remboursement de la dette liée à l'investissement, les charges d'exploitation et d'entretien seront en revanche supportées par l'autorité organisatrice de transport, étant précisé que ces charges seront probablement très inférieures aux sommes investies par l'Etat. Par ailleurs, le Gouvernement veillera à garantir une parfaite connexion entre les nouvelles lignes et le réseau de transport existant et il s'engage à transférer à la région francilienne le matériel roulant affecté au nouveau réseau ;
- s'agissant de l'articulation entre le projet de loi et le schéma de développement de la région Île-de-France (SDRIF), il convient de rappeler que la loi dispose que ce schéma, élaboré par le conseil régional, doit être ensuite approuvé par le Gouvernement puis transmis au Conseil d'Etat avant d'entrer en vigueur. L'actuel schéma datant de 1994, une procédure de révision a été engagée en 2008, qui s'est heurtée au refus du Gouvernement de transmettre le projet de schéma à la Haute juridiction, au motif que le texte manquait d'ambition pour la région capitale. Suite au discours du Président de la République le 29 avril 2009, un accord avait été trouvé entre le président du conseil régional et le Gouvernement afin d'élaborer un schéma satisfaisant les intérêts des deux parties, mais le projet de texte n'a finalement pas été présenté en assemblée plénière du conseil régional comme il était prévu. Toutefois, la situation devrait évoluer favorablement à l'issue des élections régionales de mars prochain ;
- concernant les projets portés par les structures d'intercommunalité, l'objectif du Gouvernement est de les intégrer pleinement dans le projet d'ensemble du Grand Paris. Ainsi, le pôle scientifique et technique de la cité Descartes à Marne-la-Vallée, regroupant 12 000 chercheurs et ingénieurs spécialisés sur la question du développement durable, et dont la renommée est bien plus grande à l'international qu'en France, ne doit plus souffrir d'un manque de coordination et d'implication des élus locaux. Par ailleurs, une équipe d'experts s'attache à mettre en valeur les atouts du pôle de recherche et d'enseignement supérieur de Cergy-Pontoise Val-d'Oise, qui bénéficiera de la proximité du futur canal Seine Nord Europe ;
- quant aux contrats de développement territorial, qui constituent une nouveauté en droit français, ils seront fortement encouragés par le Gouvernement et ne se limiteront pas au développement économique des territoires traversés par les nouveaux réseaux de transport. L'opposition à l'Assemblée nationale a d'ailleurs publiquement salué l'intérêt de ces nouveaux contrats.
M. Laurent Béteille , soulignant que ce projet de loi répond à une préoccupation récurrente des Franciliens, a estimé que seul l'Etat a la légitimité et la capacité financière pour mener un chantier de cette envergure. Il s'est néanmoins interrogé sur la genèse du tracé de la double boucle et a fait part de sa surprise quant aux choix opérés au sud-est de Paris. A cette occasion, il a craint que le passage par la capitale pour rejoindre Orly demeure une obligation pour les habitants de l'Essonne même lorsque la double boucle sera réalisée.
Mme Nicole Bricq , secrétaire , rappelant que la question du financement du réseau de transport du Grand Paris est un enjeu essentiel, a souhaité connaître le montant exact de la dotation en capital du futur établissement public « Société du Grand Paris ». A cet égard, elle a indiqué que les travaux de la commission Carrez, auxquelles elle a participé, ont montré que les recettes issues de la valorisation foncière des terrains à proximité des futurs réseaux de transport francilien devraient rapporter moins d'un milliard d'euros. Par ailleurs, elle a craint que la répartition des rôles entre l'Etat et la région en matière d'infrastructures de transport préjuge des choix du Gouvernement sur la question de la réforme territoriale en Île-de-France. Elle a jugé inacceptable que l'autorité organisatrice des transports supporte les coûts d'entretien et d'exploitation du futur réseau, dont la conception et les caractéristiques techniques seront décidées uniquement par l'établissement public « Société du Grand Paris ». S'agissant du plan de mobilisation de la région francilienne, récemment voté après une très longue concertation, elle s'est interrogée sur l'articulation de ce plan et du projet de loi à moyen et long termes. Enfin, elle s'est opposée aux propos du secrétaire d'Etat au sujet de la cité Descartes, estimant que tous les élus locaux, notamment de Seine-et-Marne, ont toujours été conscients du potentiel exceptionnel de ce pôle.
M. Dominique Braye , soulignant l'urgence d'un projet ambitieux pour la région francilienne, a exhorté le Gouvernement à prendre des mesures pour construire de nouveaux logements afin de répondre aux attentes fortes des habitants. Saluant l'implication des députés sur cette question lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale, il a souhaité savoir si l'objectif, défendu par le Président de la République et le Premier ministre, de construire 70 000 logements par an dans la région capitale, sera maintenu et traduit dans les faits. Membre des Etats Généraux du logement en Île-de-France, il a rappelé que le préfet de région, à l'instar des autres participants, souhaite que des chantiers de construction de logements soient très rapidement lancés.
M. Philippe Dallier , a regretté que le projet de loi n'aborde pas les questions de gouvernance du Grand Paris et exprimé la crainte que la réforme des collectivités territoriales ne bloque la mise en place future du Grand Paris par l'obligation d'achever, d'ici au 31 décembre 2011, le schéma départemental de l'intercommunalité, même en petite couronne parisienne. A titre d'exemple, il a expliqué que l'absence de gouvernance pourrait contrarier les objectifs affichés, d'une part, de création de logements et de mixité sociale dans l'habitat, d'autre part, de désenclavement de territoires, citant le cas des communes de Clichy et Montfermeil concernées par trois projets concurrents : ceux du projet de loi, du conseil général de Seine-Saint-Denis et du syndicat des transports d'Île-de-France (STIF). En conséquence, il a souligné que l'absence de gouvernance pourrait aboutir à des décisions contraires au principe d'efficacité de la dépense publique.
Il a enfin redouté que le texte ne favorise le développement économique des seuls territoires autour des gares du futur métro.
M. Jacques Gautier a noté avec regrets que le projet de loi, en se focalisant sur la création d'un métro automatique en Île-de-France, semblait en retrait par rapport aux ambitions initiales du Président de la République en matière d'emploi et de logement. Il s'est toutefois réjoui que l'article 7 du projet de loi ouvre des perspectives intéressantes en permettant à l'établissement public « Société du Grand Paris » d'exercer des missions d'intérêt général allant au-delà de sa compétence en matière de transports.
En réponse aux intervenants, M. Christian Blanc a précisé que les trois objectifs ayant présidé à la création du Grand Paris étaient le développement des liaisons directes de banlieue à banlieue, la création d'un métro circulaire interconnecté avec la ligne 14 du métro parisien et la connexion des trois aéroports franciliens, à savoir ceux de Roissy, d'Orly et du Bourget.
Il a également rappelé les points suivants :
- il est nécessaire d'interconnecter le futur réseau du métro circulaire aux autres réseaux de transport public d'Île-de-France ;
- la mise en oeuvre du Grand Paris, projet structurant essentiel pour le développement national, justifie pleinement l'implication financière de l'Etat ;
- le projet de loi préserve les compétences du STIF en tant qu'autorité organisatrice de transports compétente pour fixer la tarification et financer elle-même et seule des projets, sauf dans le cadre du contrat de projets Etat-région qui prévoit une contribution de l'Etat sur des projets stratégiques précis ;
- s'agissant du phasage du projet, il est nécessaire de mettre en place les infrastructures de transports dans un délai de treize ans ;
- il est essentiel de valoriser les « clusters » de la région, tels que la Cité Descartes, encore insuffisamment connue des Franciliens ;
- l'objectif de création de 70 000 logements par an ne doit pas être imposé par l'Etat mais implique, au contraire, l'intervention volontaire des collectivités territoriales ;
- il est souhaitable de trouver un mode de gouvernance adapté aux spécificités fortes de la région capitale ;
- le projet du Grand Paris ne saurait se résumer aux territoires situés autour des 40 gares du futur métro ;
- certains articles du projet de loi visent d'autres préoccupations que le transport, en particulier l'article 7 concernant les compétences de la « Société du Grand Paris » ainsi que l'article 18 sur les contrats de développement territorial.
M. Jacques Mahéas s'est inquiété du sort réservé à l'est parisien dans le projet de loi, l'ouest lui paraissant favorisé. Il a regretté ainsi que la ville de Cergy-Pontoise, dans le Val-d'Oise, ait été préférée à celle de Neuilly-sur-Marne, en Seine-Saint-Denis, pour l'implantation du Centre national de conservation, de restauration et de recherches patrimoniales en Île-de-France.
Par ailleurs, selon lui, le projet de loi n'établit pas de liens suffisants entre le transport, l'emploi et le logement d'une part, le projet du Grand Paris et les projets des collectivités territoriales d'autre part, l'établissement public « Société du Grand Paris » et les communes franciliennes enfin. Il a également regretté que le financement des ambitions de ce projet ne soit pas clairement chiffré par le Gouvernement.
Mme Catherine Dumas a estimé nécessaire que la réalisation du Grand Paris donne lieu à une nouvelle « géographie culturelle » de l'Île-de-France. A ce titre, elle a souhaité connaître les intentions du Gouvernement quant à la mise en place d'un « pôle d'excellence de la création », sur le modèle des pôles de compétitivité, tel qu'elle l'a proposé dans son rapport sur les métiers d'art, d'excellence et du luxe et les savoir-faire traditionnels, remis au Premier ministre en septembre 2009.
M. Christian Cambon a souligné l'intérêt du projet de loi, en tant qu'il vise à définir un réseau de transport en commun qui relie les territoires franciliens sans obliger les voyageurs à transiter par la capitale. Cependant, il sera nécessaire de mettre ce projet en cohérence avec les différents projets de la région et des autres collectivités territoriales. En outre, il a fait observer la différence du tracé de la « double boucle » prévu à l'est avec celui qui est prévu à l'ouest, ce dernier s'avérant plus proche de Paris. Or, chaque jour, les automobilistes de l'est francilien rencontrent de très importantes difficultés de circulation. L'articulation du projet du Grand Paris aux projets locaux, comme celui de la gare du Val de Fontenay, contribuerait à y remédier.
D'autre part, il s'est fait l'écho de craintes, exprimées par les élus locaux, en ce qui concerne l'impact du projet de loi sur la maîtrise foncière et l'urbanisation des communes d'assiette des gares du futur métro automatique.
Mme Éliane Assassi a considéré que les habitants franciliens sont les « grands oubliés » du projet de loi. Ainsi, elle a déploré les lacunes du texte en matière de logement, en particulier en ce qui concerne le logement social, d'emploi et d'environnement. De même, la place réservée aux élus locaux dans les instances dirigeantes de l'établissement public « Société du Grand Paris » est insuffisante. Par ailleurs, eu égard à l'importance des fonds qui devront être mobilisés pour le financement du nouveau métro, elle s'est interrogée sur l'avenir des projets de la région d'Île-de-France pour la rénovation et le prolongement des lignes existantes de transport en commun. Enfin, quel sera l'impact de la réforme des collectivités territoriales sur le Grand Paris ?
M. Thierry Repentin a relevé que le Grand Paris intéresse l'ensemble des Français, et non seulement les habitants de l'Île-de-France, ne serait-ce que du fait des modalités de son financement par l'Etat. Il s'est demandé si d'autres métropoles françaises pourraient bénéficier de projets comparables. Par ailleurs, il a estimé que le ministre, dans ses interventions précédentes, était resté évasif sur une meilleure prise en compte de la question du logement dans le projet de loi. Dans quelle mesure le Gouvernement serait-il prêt à inscrire dans ce texte l'engagement du Président de la République sur la construction de 70 000 logements par an ? En particulier, comment seront traités les enjeux spécifiques, d'une part, du développement de l'habitat dans le pourtour des gares de la « double boucle » et, d'autre part, du logement étudiant ?
En réponse à ces interventions, M. Christian Blanc a indiqué que :
- le coût pour l'Etat des infrastructures prévues par le projet de loi s'élève à 21 milliards d'euros, auxquels s'ajouteront les investissements de la région d'Île-de-France, pour un financement global à hauteur de 35 milliards d'euros environ ;
- le projet du Grand Paris tend à « rééquilibrer » le territoire francilien, notamment l'est et l'ouest de la capitale, grâce au nouveau réseau de métro prévu ;
- la proposition d'un « pôle d'excellence de la création » trouve pleinement sa place dans ce cadre ;
- la cohérence du Grand Paris avec les projets de la région d'Île-de-France devra être recherchée, le moment venu, dans la mesure où les interlocuteurs du Gouvernement le voudront bien. Quoi qu'il en soit, le projet de loi n'affecte pas les compétences de la région et du STIF, de sorte qu'il ne revient pas à l'Etat d'organiser l'ensemble du maillage des transports publics franciliens ;
- un projet de l'envergure de celui du Grand Paris inspire nécessairement certaines craintes. Toutefois, le projet de loi laisse aux communes intéressées toute latitude pour s'associer à un contrat de développement stratégique : elles détermineront le périmètre comme les objectifs de ces nouveaux documents ;
- ce projet de loi, en particulier, constitue un atout essentiel pour le développement économique, social et culturel de la Seine-Saint-Denis ;
- les débats en commission et en séance publique pourront permettre, en tant que de besoin, de préciser le rôle des élus au sein de l'établissement public « Société du Grand Paris » ;
- la situation du Grand Paris, en Europe, n'est comparable qu'à Londres. Il s'agit, dans les deux cas, d'une « ville monde », caractérisée par l'ampleur de son potentiel d'attractivité. Toutefois, l'expérience du Grand Paris pourra certainement être mise à profit pour le développement d'autres régions françaises particulièrement dynamiques, par exemple la région Rhône-Alpes ;
- il serait envisageable de définir dans la loi des objectifs relatifs au logement en Île-de-France, pour autant que l'esprit contractuel qui est celui du projet soit respecté.
Audition de M. Jean-Paul Huchon, président du conseil régional d'Île-de-France et du Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) (mercredi 27 janvier 2010)
La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Paul Huchon, président du conseil régional d'Île-de-France et du Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF). M. Jean-Paul Huchon , rappelant que la région d'Île-de-France concentre 60 % des voyageurs français, a considéré que le projet de loi relatif au Grand Paris ne concerne pas seulement les élus franciliens mais constitue un enjeu d'intérêt national.
Ce projet aurait pu marquer un moment important dans le processus de décentralisation entamé dans les années 1980 et approfondi sous le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin. Mais des blocages sont apparus et ne sont toujours pas levés. L'opposition du conseil régional au projet de loi relatif au Grand Paris ne relève pas de considérations électorales mais repose sur des objections de fond qui ont été largement évoquées auprès du secrétaire d'Etat chargé du développement de la région capitale et devant le Parlement. Le développement de la région capitale n'est pas l'apanage du secrétariat d'Etat car le conseil régional a entrepris la révision, depuis cinq ans, du schéma de développement de la région Île-de-France (SDRIF) élaboré en 1994. Il convient d'ailleurs de rappeler que ce schéma, toujours en vigueur, n'a pas été complètement appliqué ces quinze dernières années, d'où un bilan globalement mitigé.
En prolongement d'un travail collectif avec l'ensemble des acteurs franciliens, le projet de révision du schéma a poursuivi de nombreux objectifs aussi différents que la création d'une métropole compacte, une meilleure articulation entre les grands territoires, le développement des centres de recherche ou encore une coordination accrue entre la région francilienne et les autres régions françaises. En particulier, le projet de schéma a été élaboré à partir d'un objectif ambitieux en matière de logement, à savoir la construction de 60 000 logements par an, soit un doublement du rythme actuel. A cet égard, M. Jean-Paul Huchon , président du conseil régional d'Île-de-France et du STIF, a rappelé que la question du logement était non seulement un enjeu social mais aussi un enjeu économique. En effet, les responsables des grandes entreprises du CAC 40 lui ont instamment demandé de promouvoir la construction de nouveaux logements afin d'accroître l'attractivité de la région francilienne. Le projet de schéma a également poursuivi comme objectif la fin de l'étalement urbain avec notamment la construction prioritaire de bureaux et de logements autour des gares.
Considérant que le projet de révision du schéma permettrait d'atteindre, en vingt ans, une qualité de service dans les petite et grande couronnes aussi satisfaisante que celle actuellement observée dans Paris intra muros , il a ensuite tenu à rappeler que ce document accordait la priorité aux transports collectifs à travers :
- la rénovation du réseau existant (en particulier le prolongement du RER E à l'ouest et l'amélioration de la ligne 13 du métro) ;
- la création de rocades Arcs Express (à long terme quatre rocades sont prévues, à court terme deux projets devraient rapidement être lancés à savoir l'Arc Express Sud reliant le Val-de-Marne et les Hauts-de-Seine, et l'Arc Express Nord raccordant la Seine-Saint-Denis à La Défense) ;
- le développement des transports collectifs en sites propres (grâce à des projets de bus à haute qualité de service et à neuf projets de tramway) ;
- les projets ambitieux de tangentielles, notamment, au nord, entre Bobigny et Sartrouville et, à l'ouest, entre Achères et Saint-Cyr-l'Ecole, pour lesquels la région participe, de manière générale, à hauteur de 70 % pour les infrastructures ;
- enfin, le raccordement du réseau TGV avec le réseau de voyageurs franciliens.
Rappelant que, avant de faire de Paris une « ville-monde », il fallait relever les défis d'une « ville à vivre », il a considéré que le projet de SDRIF répond aux préoccupations quotidiennes des Franciliens et il a constaté avec satisfaction que, à l'issue de l'enquête publique, les dix-neuf commissaires enquêteurs ont émis à l'unanimité un avis favorable sur ce sujet.
Ce document, adopté le 25 septembre 2008, par le conseil régional, a ensuite été transmis au Gouvernement comme l'impose la législation. Toutefois, à la suite de l'absence de réponse du Gouvernement, et afin de remédier à l'incertitude qui en découle pour les acteurs économiques de la région francilienne que déplorent aussi bien le MEDEF que le Conseil économique, social et environnemental, le conseil régional a décidé de déposer un recours devant le Conseil d'Etat.
Par ailleurs, il a rappelé que le plan de mobilisation de la région d'Île-de-France en matière de transports nécessitera 18 milliards d'euros environ, dont 12 à 13 milliards seront supportés par les collectivités territoriales, le solde devant être pris en charge par l'Etat qui, pour l'instant, n'a pas garanti sa participation, ni permis à ces collectivités d'emprunter sur les marchés financiers.
M. Jean-Paul Huchon , président du conseil régional d'Île-de-France et du STIF, a ensuite présenté ses griefs contre le projet de double boucle proposé par le projet de loi :
- de manière générale, ce texte traduit une « forme d'incompréhension de la décentralisation », et même « un déni de décentralisation » car il y a eu un défaut patent de concertation avec les élus locaux, et l'étude d'impact est inexistante ;
- alors que le Président de la République s'était montré favorable à un métro essentiellement aérien, le projet actuel donne sa préférence à un tracé essentiellement souterrain ;
- les difficultés liées à l'étalement urbain ne sont pas correctement prises en compte ;
- le maillage avec le réseau existant est insuffisant ;
- le projet du secrétariat d'Etat privilégie excessivement les relations entre zones de travail en reliant les pôles de compétitivité entre eux, contrairement au projet de SDRIF qui met l'accent sur les liaisons entre le domicile et le lieu de travail des Franciliens ;
- le financement de la double boucle n'est pas garanti, le grand emprunt national étant muet sur cette question, et il faut éviter un financement au travers d'une forme de spéculation foncière qui irait à l'encontre des objectifs de la région en termes de construction de logements ;
- le projet du secrétaire d'Etat chargé du développement de la région capitale n'est pas articulé avec le plan de mobilisation pour les transports, contrairement aux préconisations du rapport du député Gilles Carrez.
Puis, M. Jean-Paul Huchon a regretté que la distinction, au sein de la RATP, entre ses missions d'opérateur et de concepteur ne soit pas suffisamment claire. Soulignant la forte cohérence du réseau de transports publics en Île-de-France, enviée par les autres capitales européennes, il a rappelé la proposition qu'il a faite au Gouvernement d'abandonner l'idée de créer, ex nihilo , un établissement public de la « Société du Grand Paris », qui serait assimilé à un « clone de la RATP » au profit d'une modification du statut du STIF, qui est l'unique autorité organisatrice des transports en Île-de-France. Plus précisément, il propose la coexistence de deux conseils d'administration au sein de cette structure dont l'un serait exclusivement consacré au projet du Grand Paris et accorderait une place aux représentants de l'Etat dans la mesure où ce dernier finance l'intégralité des infrastructures de la double boucle. Le STIF a fait la preuve de son efficacité et le professionnalisme de son personnel n'est plus à démontrer.
Concernant les contrats de développement territorial (CDT), il a considéré que l'Etat était très largement en position de force, le préfet ayant la faculté de rendre obligatoires à terme ces contrats « léonins ». Par ailleurs, il a estimé que leur mise en conformité avec les règles d'urbanisme existantes prendra environ trois années, remettant ainsi fortement en cause leur raison d'être. Enfin, il a estimé que rien ne s'opposait à ce que les CDT soient intégrés dans le SDRIF.
S'agissant de la question du logement, il a constaté que l'établissement public foncier régional fonctionne correctement dans cinq départements et a permis de créer de nombreux logements et de multiples surfaces de bureaux.
Concernant le développement du plateau de Saclay, le conseil d'administration du STIF examinera le 7 février 2010 le projet de création d'une autorité organisatrice de transport déléguée sur cette zone, répondant ainsi aux préoccupations traduites par l'article 29 du projet de loi. A cette occasion, il a souhaité que le Sénat se penche sur cet article et mette fin à une « aberration » qui consiste à permettre à la loi d'empiéter sur les prérogatives du STIF.
En conclusion, il a souligné l'appréhension négative qu'il avait du projet de loi et a souhaité que, à l'issue des élections régionales de mars prochain, le Gouvernement relance le dialogue avec le conseil régional d'Île-de-France afin de faire aboutir le projet de révision du SDRIF.
M. Jean-Pierre Fourcade , rapporteur , a interrogé M. Jean-Paul Huchon sur quatre points :
- en réponse aux propos de M. Jean-Paul Huchon, estimant que l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale n'avait permis aucune amélioration, il a fait valoir que les députés avaient rendu le texte moins directif, évoquant l'articulation du Grand Paris et des projets de la région, le financement et le rôle des élus dans les contrats de développement territorial (CDT) ;
- la taxation des plus-values foncières liées à la réalisation des infrastructures peut-elle constituer une source importante de financement ?
- comment le tracé prévisionnel de la « double boucle » peut-il être mis en cohérence avec le plan de mobilisation dressé par la région ?
- s'agissant du SDRIF, un accord semblait possible au cours de l'été 2009 entre le conseil régional et l'Etat, sur la base d'une validation du SDRIF et de sa révision immédiate. Pourquoi n'a-t-il pas été possible d'aboutir ?
M. Jean-Paul Huchon a apporté les éléments de réponse suivants :
- les progrès enregistrés à l'Assemblée nationale ont été minces : les principes en matière de gouvernance n'ont pas été revus ; le SDRIF n'est toujours pas pris en compte par l'Etat ; aucune avancée n'a été faite en matière de logement, les CDT restent très contraignants pour les communes concernées ;
- sur le plan financier, aucune articulation entre le plan de mobilisation de la région et le « grand huit » n'est possible à ce jour, à moins que les propositions du rapport de M. Gilles Carrez ne soient mises en oeuvre. Sur le plan technique, c'est-à-dire sur le plan des tracés, alors qu'une concertation importante a eu lieu sur le projet « Arc Express » et qu'un accord a été trouvé tant sur le tracé que sur les villes traversées et sur les gares, le plan de M. Christian Blanc ne comprend aucune identification du tracé, des gares, ou même du matériel utilisé. Le tracé de la « double boucle » peut être rendu compatible avec le plan de mobilisation sur trois points : la prolongation d'Eole à l'ouest ; la prolongation de la ligne 14 jusque Saint-Ouen ; le projet Arc Express, même s'il n'y a pas encore de compatibilité sur le tracé ;
- une étude de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Île-de-France (IAURIF) a évalué à moins de 100 millions d'euros les recettes issues d'une taxation des plus-values foncières, le rapport de M. Gilles Carrez estimant quant à lui ces recettes aléatoires et surévaluées ;
- l'accord sur le SDRIF n'a pas été possible du fait d'une opposition de la majorité régionale, suite à des propos déplaisants du secrétaire d'Etat à l'encontre de la région. Le conseil régional a cependant été quasiment unanime pour déférer devant le Conseil d'Etat le refus de transmettre le SDRIF au Conseil d'Etat.
M. Yves Pozzo di Borgo a estimé que, entre 2001 et 2007, le taux de croissance de la région d'Île-de-France avait été nettement inférieur à celui d'autres grandes métropoles mondiales. Il a rappelé que le groupe centriste avait été le seul groupe du Conseil de Paris à s'être opposé au SDRIF en 2007, estimant qu'il ne s'appuyait pas sur une réelle ambition économique pour la région. Il a regretté que le développement économique de la région se soit toujours fait à partir du centre de Paris, saluant l'originalité du « grand huit » de ce point de vue : le SDRIF constitue selon lui un plan reposant sur l'existant, alors que le projet du Grand Paris constitue un pari sur l'avenir.
M. Christian Cambon a regretté le déséquilibre entre l'est et l'ouest parisiens, notamment en matière de transports et d'emplois. S'agissant du SDRIF, il a estimé que le Gouvernement lui reprochait son manque d'ambition économique ainsi que le refus de densification du noyau central. Il a indiqué que, s'il n'était pas séduit à 100 % par le projet relatif au Grand Paris qui porte avant tout l'ambition d'un grand réseau de transport pour Paris et la grande banlieue, le plan a le mérite d'offrir un potentiel de développement pour les grande et petite couronnes. Le Grand Paris doit cependant se combiner avec l'amélioration des réseaux de transport existants. A ce propos, il s'est interrogé sur la compatibilité du Grand Paris avec les projets régionaux.
Concernant le financement du projet, Mme Nicole Bricq a posé les deux questions suivantes :
- s'agissant de la participation de l'Etat au renouvellement des contrats de projet : ce dernier sera-t-il en mesure de dégager des financements à hauteur de l'hypothèse de M. Gilles Carrez ?
- quelle sera la capacité d'emprunt de la « Société du Grand Paris » ? Pourrait-elle demander un effort à la région ?
Après avoir qualifié d'ambitieux le discours du Président de la République du 29 avril 2009, M. Jean-Pierre Caffet a rappelé que le principal objectif du projet de loi était la croissance économique. Il a estimé que relier les différents pôles de développement d'Île-de-France ne serait pas vecteur de croissance.
S'agissant du logement, il a regretté le refus du secrétaire d'Etat d'avancer sur cette question essentielle, notamment au vu des objectifs de croissance et de créations d'emplois du projet. Par ailleurs, il a déclaré n'être point opposé au retour de l'Etat au sein des structures de gouvernance du STIF.
Après avoir rappelé que la majorité des collectivités territoriales des Yvelines avait rejeté le SDRIF car il ne prenait pas en compte certains projets importants en matière de transport, M. Dominique Braye a estimé que les problématiques de logement, de transports et d'emploi étaient intimement liées. Il a regretté l'absence de dispositions relatives au logement dans le projet, rappelant que le secrétaire d'Etat avait pris des engagements sur ce point à l'Assemblée nationale. Enfin, il a souligné que les CDT visaient à une mise en compatibilité et non à une mise en conformité des documents d'urbanisme, processus pouvant durer de six à huit mois.
Soulignant qu'il était nécessaire de trouver un équilibre entre emploi et logement, M. Jacques Mahéas a relevé que certaines zones de la Seine-Saint-Denis n'étaient pas reliées par le réseau de transport à certains pôles d'emploi comme Roissy ou Marne-la-Vallée et il a indiqué comprendre la réaction de certains élus de ce département suite à l'annonce de l'éventuelle réalisation d'une telle liaison via la « double boucle ». Enfin, s'agissant de la liaison Noisy-le-Sec-Sucy-en-Brie par la SNCF, il a regretté que rien ne soit encore décidé et souligné qu'un consensus était nécessaire sur ce projet.
Considérant, à son tour, que le fait de relier les pôles de compétitivité entre eux ne suffirait pas à créer de la croissance, Mme Dominique Voynet a souligné que, pour permettre la création de nombreux emplois, une offre de logement adaptée devait être offerte. En conséquence, elle a mis en avant les nécessaires diversité et mixité en matière de logement. Elle a estimé que la faiblesse du projet de loi était qu'il ne répondait pas à la tension existante entre les préoccupations actuelles en matière de transport et un projet de long terme. Enfin, elle a regretté l'inadaptation des procédures d'autorisation en matière d'urbanisme commercial.
Après avoir exprimé la crainte que ce projet ne conduise à centraliser les richesses en Île-de-France, Mme Brigitte Gonthier-Maurin a rappelé le contenu de l'article 10 du projet de loi qui vise à ce que les réserves foncières puissent être entamées, y compris à titre gratuit, par la « Société du Grand Paris ». Elle a estimé que le projet conduirait à la mise en concurrence de territoires entre eux, à la création de nouvelles zones de non-développement et qu'il serait donc, comme d'autres réformes menées par le Gouvernement, la source de nouvelles inégalités.
En réponse à l'ensemble des intervenants, M. Jean-Paul Huchon a apporté les éléments de réponse suivants :
- le SDRIF ne comporte aucun objectif en matière de taux de croissance mais des objectifs en matière de taux d'emploi par département validés par chaque département. En extrapolation, ils correspondent à un objectif de croissance de 2 %. Il a rappelé que le taux de croissance francilien a toujours été supérieur au taux national. Il s'est déclaré sceptique quant à l'impact en matière de croissance de la mise en lien des pôles de développement, soulignant par ailleurs le potentiel de développement de la Seine-Saint-Denis. Estimant impossible de développer la région en laissant certains territoires à l'abandon, il a indiqué que le polycentrisme était le choix fait dans le cadre du SDRIF ;
- le SDRIF doit être adapté sur la base des conclusions du rapport de M. Gilles Carrez qui permet de financer le plan de mobilisation. Il a estimé indispensable d'améliorer les lignes existantes, à l'exemple des investissements de la région en faveur de la ligne Éole, avant de créer un nouveau réseau desservant des pôles de développement potentiels ;
- le président du conseil régional ne préside le STIF que depuis mars 2006, alors que la gouvernance en matière de transport a été marquée par l'inertie et l'incurie pendant les trente années précédentes ;
- les CDT peuvent être utilisés dans le cadre du SDRIF avec des cahiers des charges précis. Il a indiqué réfléchir à un pacte avec les maires bâtisseurs, visant à leur donner la priorité en facilitant la construction d'équipements, notamment scolaires et sociaux, indispensables ;
- le SDRIF présente l'avantage d'être prescriptif : l'Etat doit donc prendre ses responsabilités ;
- un syndicat semblable au STIF pourrait utilement être créé dans le domaine du logement s'il était doté de pouvoirs règlementaires. En matière de respect de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), la région devrait disposer d'un pouvoir réglementaire, du fait de l'absence d'action des préfets en la matière ;
- à la fin de la construction du « grand huit », l'Etat remettra en gestion l'équipement au STIF, mais sans aucune garantie sur l'étanchéité du financement de l'investissement.
Audition de MM. Jacques Jean-Paul Martin et Michel Teulet, vice-présidents, et de M. Gilles Catoire, secrétaire général, de l'Association des maires d'Île-de-France (mercredi 27 janvier 2010)
Puis, la commission a procédé à l'audition de MM. Jacques Jean-Paul Martin et Michel Teulet, vice présidents de l'Association des maires d'Île-de-France (AMIF), et de M. Gilles Catoire, secrétaire général de cette association . Après avoir prié les membres de la commission spéciale de bien vouloir excuser l'absence de M. Claude Pernes, président de l'Association des maires d'Île-de-France, M. Michel Teulet , vice-président de l'AMIF a tout d'abord précisé que l'AMIF, regroupant la quasi-totalité des 1 281 maires de la région, était une association pluraliste d'élus et n'avait donc pas de position unique. Il a cependant relevé deux points de consensus au sein de cette association dans le cadre de la réflexion sur le Grand Paris : le rôle irremplaçable des maires dans la mise en place de ce projet et la nécessaire solidarité qui doit permettre de remédier, par des ajustements, aux inégalités présentes dans les territoires. Le montant de la taxe professionnelle, émanant, dans la petite couronne, à 80 % de Paris et du département des Hauts-de-Seine et à 20 % du Val-de-Marne et de la Seine-Saint-Denis, est révélateur de ce phénomène de déséquilibres économiques entre les territoires.
Il a ensuite apporté un certain nombre de précisions :
- ces déséquilibres résultent, pour la plupart d'entre eux, des différents aménagements de développement économique intervenus dans le passé, certains territoires « interstitiels » n'en ayant pas bénéficié au même degré ;
- la région d'Île-de-France constitue intrinsèquement une force justifiée par sa vocation de capitale européenne ;
- les pôles de développement doivent prendre en compte ces espaces interstitiels et les déséquilibres entre les zones est et ouest de la région ;
- la solidarité financière doit jouer entre les différents territoires d'autant plus que les salariés des entreprises versant la taxe professionnelle viennent généralement de ces espaces interstitiels ;
- l'unité doit présider à un développement économique harmonieux sur l'ensemble du territoire régional.
M. Gilles Catoire , secrétaire général de l'AMIF , a ensuite évoqué plusieurs points :
- les enjeux du débat sur le Grand Paris sont également des enjeux nationaux, qui concernent la France entière, mais aussi internationaux, dans la mesure où l'Île-de-France présente une attractivité économique importante dans le cadre plus vaste d'une compétition internationale ;
- la nécessité ou non de consacrer une loi spécifique à la région d'Île-de-France ;
- le paradoxe qui ressort de la reprise en main de l'Etat centralisé au niveau du Grand Paris alors que, dans le même temps, les populations des départements et territoires d'outre-mer sont consultées, pour toute modification structurelle, en vertu des articles 72 et 73 de la Constitution ;
- le retard manifeste dans l'organisation territoriale de l'Île-de-France ainsi que dans la mise en place des agglomérations et de l'intercommunalité - hormis les villes nouvelles - qui a plus souvent traduit des conditions d'opportunités plutôt que des logiques fortes ;
- l'absence de consensus politique pour un éventuel regroupement de départements alors qu'on observe un niveau important de coopération entre élus de sensibilités différentes ;
- l'établissement public du Grand Paris réserve une part trop restreinte aux collectivités par le biais d'un représentant unique au sein de son conseil de surveillance ;
- la loi sur le droit au logement opposable (DALO) est inapplicable à ce jour en Île-de-France avec des programmes de démolition-reconstruction dans le cadre du programme de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) qui s'échelonnent sur cinq ans, et le logement n'occupe qu'une place marginale dans les contrats de collectivités ;
- l'AMIF souhaite être réellement partie prenante de la mise en oeuvre des projets d'aménagement confiés à la « Société du Grand Paris ».
M. Jacques Jean-Paul Martin , vice-président de l'AMIF, a ensuite présenté ses observations :
- la restructuration des transports en Île-de-France, notamment à Paris et dans la petite couronne, est une nécessité et il faut plutôt privilégier des voies radiales à des rocades ;
- le constat d'un déplacement de la notion de centralité de Paris à la banlieue doit conduire à réfléchir aux déplacements inter et intra-banlieues ;
- si la proposition portée par la « Société du Grand Paris » (SGP) répond à des besoins très forts en matière de transports, il faut veiller à ce que sa mise en oeuvre ne soit pas décevante : à cet égard, il est indispensable de ne pas se cantonner au projet initial sur l'organisation de la future rocade automatique avec une quarantaine de stations et une vitesse moyenne de plus de 60 km/h, qui, s'il permet de relier des territoires entre eux, ne suffit pas à développer des territoires déjà denses et qui cherchent à créer de l'emploi là où habitent les gens ; ce projet en l'Etat peut laisser penser que la rocade automatique permettra la liaison entre les aéroports et les territoires de projets plutôt que l'irrigation de tous les territoires ;
- le système de transports mis en place ne doit pas conforter la situation actuelle qui fait des villes de proche banlieue ou de la petite couronne des réservoirs d'habitat au service de territoires de projets ;
- les questions d'inter-stations, de rapidité et de tracé du métro en banlieue doivent être étudiées avec soin ;
- il est satisfaisant que l'Etat participe à un projet qui concerne en réalité tout le territoire, mais un juste équilibre doit être trouvé entre la participation de l'Etat et celle des collectivités, notamment des intercommunalités ;
- les rôles respectifs de l'Etat et des collectivités territoriales dans les contrats de développement territorial sont à préciser dans le sens d'un partenariat complet pour la valorisation du foncier des territoires à développer ;
- l'AMIF souhaite obtenir des précisions sur les rôles respectifs de la « Société du Grand Paris » et la collectivité concernée dans les domaines du droit d'expropriation, des indemnisations, du prix du foncier ;
- un éclairage doit également être apporté sur la valorisation de ces territoires pour déterminer s'il s'agit de valoriser l'activité principalement, ou bien, de façon équilibrée, l'activité et le logement ;
- il existe des déséquilibres en termes de taux d'emploi entre les communes de la petite couronne et Paris et le système de transports mis en place ne doit pas favoriser les transhumances ;
- un tracé de la rocade situé entre 7 et 9 kilomètres du périphérique permettrait la valorisation de la petite couronne ;
- le problème de la liaison du pôle de développement de Val de Fontenay doit être pris en compte, en essayant de relier ce pôle au système de transports conduisant à Marne-la-Vallée ;
- le tracé proposé par la SGP à l'est de Paris permet de désenclaver les territoires à condition qu'il ne se fasse pas au détriment de secteurs déjà porteurs de développement comme celui de Val-de-Fontenay ;
- Orbival a demandé à ce que la tangentielle nord soit prolongée au-delà de Val-de-Fontenay pour rejoindre Orly par le sud de l'Île-de-France ;
- le tracé est intéressant à condition de relier à l'est comme à l'ouest, les pôles de développement à cette rocade rapide et que le maillage soit bien pris en compte par le biais de gares d'interconnexion.
M. Jean-Pierre Fourcade , rapporteur , s'est félicité d'entendre le point de vue des maires exprimé par l'AMIF et a ensuite souhaité connaître le point de vue des intervenants sur quatre sujets :
- le rôle des maires, des intercommunalités et des départements au sein des structures de la « Société du Grand Paris », et également au sein de l'établissement public de Saclay ;
- le périmètre des domaines concernés par les contrats de développement territorial ;
- la question d'une taxation des plus-values immobilières liées au financement des infrastructures ;
- l'articulation du plan de mobilisation du conseil régional et de celui de la future rocade automatique en ce qui concerne les méthodes de financement et le niveau des tarifs mis en place.
Lui répondant, M. Michel Teulet a exprimé son inquiétude sur plusieurs points :
- il existe un risque que le schéma de transports mis en place par la « Société du Grand Paris » ne favorise le développement économique des gares sans réussir à créer des pôles et des zones d'activité économique entre elles ;
- la participation des collectivités territoriales au financement de ces projets doit éviter d'accentuer les déséquilibres entre les territoires.
Les contrats territoriaux doivent être adaptés à chaque cas, à l'exemple de Monfermeil-Clichy où l'implantation d'une gare doit permettre non seulement de désenclaver, mais aussi d'irriguer le territoire pour éviter un réenclavement ultérieur.
Mme Nicole Bricq a souhaité savoir si ces contrats territoriaux devaient donner lieu à l'établissement d'un cahier des charges.
M. Jacques Jean-Paul Martin a indiqué que chaque contrat devrait effectivement être adapté au territoire de la gare traversée par le transport. La valorisation du foncier qui en résulte ne doit pas bénéficier en intégralité à la « Société du Grand Paris » mais être partagée avec la collectivité d'accueil.
Les conclusions du rapport de M. Gilles Carrez sur le financement du projet de transports du Grand Paris sont très pertinentes, mais il ne faut pas perdre de vue les objectifs de facilité et de liberté de déplacement pour tous les usagers à des prix intéressants.
Le plan de mobilisation de la région d'Île-de-France doit rapidement requalifier et moderniser les transports en commun qui sont aujourd'hui indignes, et il doit être coordonné avec le futur métro automatique, dans une logique de fructueuse complémentarité.
M. Gilles Catoire a souhaité que l'article 8 du projet de loi, concernant la composition du conseil de surveillance de l'établissement public « Société du Grand Paris », prévoir deux représentants, respectivement pour les communes et pour les intercommunalités. La réflexion sur le mode de financement à travers un péage urbain doit être poursuivie. Il s'est également interrogé sur la compatibilité de l'article 15 du projet de loi, prévoyant la délégation de la maîtrise d'ouvrage, avec la législation européenne.
M. Christian Cambon a indiqué qu'il était aujourd'hui nécessaire d'ajouter des gares afin d'apporter des améliorations sensibles au tissu territorial interstitiel en termes de développement économique. Il s'est interrogé sur les améliorations que le Sénat pouvait apporter dans la répartition des responsabilités entre les maires et la « Société du Grand Paris », et il a souhaité savoir si les projets futurs d'aménagement autour des gares devaient être principalement axés sur le logement ou sur le développement économique.
Mme Dominique Voynet s'est demandé pourquoi les territoires en question devraient participer financièrement à ces projets qui relèvent de la responsabilité de l'Etat, puisqu'il s'agit de créer un réseau reliant des pôles de développement économique de niveau mondial. Elle a souhaité obtenir des précisions sur le rôle exact qui serait assigné aux maires dans ce projet ainsi que sur l'articulation prévue entre l'Etat, la « Société du Grand Paris » et les territoires, notamment pour ceux où les pôles seraient créés ex nihilo et où il n'y a pas, par définition, de tradition de concertation.
M. Michel Teulet a indiqué que, en dépit de la montée en puissance de l'intercommunalité, la commune devait conserver la maîtrise des questions d'urbanisme et d'aménagement.
Il a souhaité que le futur métro automatique contribue à corriger les déséquilibres est-ouest de la région d'Île-de-France dans le domaine du logement et du développement économique.
M. Jacques Jean-Paul Martin a fait valoir que les contrats de développement territorial devaient prévoir le partage de la valorisation foncière entre l'Etat et les collectivités territoriales. Il a jugé souhaitable que les communes ne délèguent pas aux établissements publics de coopération intercommunale la compétence en matière d'aménagement.
M. Gilles Catoire a mis en avant le risque qu'en se focalisant sur la question du logement, le contrat de développement territorial ne relègue au second plan le nécessaire développement économique du territoire.
M. Michel Teulet a plaidé pour que l'Association des maires de France, eu égard à sa forte représentativité, fasse partie du conseil de surveillance de la « Société du Grand Paris ».
M. Jacques Gautier s'est interrogé, d'une part, sur le périmètre qui serait retenu pour les contrats de développement territorial, d'autre part, sur la possible hostilité de la population à l'implantation des gares du futur métro automatique.
M. Michel Teulet a fait valoir que le périmètre devrait être adapté à la réalité des territoires concernés, et que, s'il était en effet possible de prévoir une mobilisation de certaines communes contre la création de gares dans un coeur de ville fortement urbanisé, la plupart d'entre elles voyaient dans l'arrivée d'une gare un formidable outil de développement et d'attractivité.
Audition de M. Christian de Portzamparc, architecte, membre de l'Atelier du Grand Paris (mercredi 3 février 2010)
La commission a procédé à l' audition de M. Christian de Portzamparc, architecte, membre de l'Atelier du Grand Paris .
A titre liminaire, M. Christian de Portzamparc a souligné la difficulté d'établir une synthèse des projets de développement pour le Grand Paris présentés à l'initiative du Gouvernement, en avril 2009, à la cité de l'architecture et du patrimoine, par dix équipes d'architectes urbanistes.
Puis il a indiqué que le Grand Paris constitue, de son point de vue, un « projet de civilisation » majeur. En effet, l'enjeu consiste à passer de « l'époque des villes » à « l'époque des villes monde » qu'il a définies comme les « métropoles têtes de réseau dans le réseau international des villes » , alors que la « cyber-économie » et l'exigence de rendement à court terme sont devenues les moteurs du développement mondial.
Il a fait observer qu'en Asie, au Brésil ou aux Etats-Unis d'Amérique, l'aménagement urbain a été délaissé, pendant le dernier quart de siècle, afin de rentabiliser le plus rapidement possible les investissements immobiliers. En outre, la dématérialisation des échanges permise par l'Internet tend à faire négliger les contraintes physiques d'aménagement et d'urbanisme. Ainsi, la ségrégation sociale et le déficit en réseaux de transports, préjudiciables à la qualité de vie des habitants comme à la protection de l'environnement, lui paraissent résulter directement du modèle contemporain d'une « économie accélérée ».
Il a reconnu que l'Île-de-France ne se trouve pas dans cette situation. Toutefois, les architectes qui ont collaboré au projet du Grand Paris ont cherché à éviter de semblables impasses. Ils ont souhaité promouvoir le « mieux vivre » des habitants, sans négliger les nécessités du développement économique et les enjeux de la compétition internationale entre grandes capitales.
Le projet élaboré par l'équipe de M. Christian de Portzamparc a été bâti à partir du « fait métropolitain » existant, qu'il a analysé en comparant la structure de développement des métropoles modernes à celle d'un « rhizome ». En effet, les liaisons urbaines, et particulièrement les transports, tendent à s'ordonner entre pôles d'activité spécialisés (centres d'affaires, parcs d'exposition, aéroports...). Le schéma de développement traditionnel des villes, à partir de leur seul centre historique, en forme de « tache d'huile », n'a plus cours.
M. Christian de Portzamparc a mis l'accent sur le caractère stimulant de la compétition entre architectes. Il a d'ailleurs précisé que, pendant ce travail, des échanges fructueux ont pu être menés avec des élus locaux. Le projet du Grand Paris a suscité une convergence de vues, par delà les appartenances politiques, quant aux enjeux en cause et aux problèmes à traiter.
En particulier, alors que le territoire francilien s'avère discontinu et hétérogène, il a fallu déterminer les zones d'habitat et d'activité en prenant en compte les exigences environnementales. Certaines équipes d'architectes ont poursuivi un objectif de « compacité » de la ville, pour éviter le recours trop fréquent aux transports. Celle de M. Christian de Portzamparc, à l'inverse, a élaboré un projet d'aménagement « en archipel », afin que les interstices ménagés entre les zones denses permettent à ces dernières, ultérieurement, de se développer en s'élargissant. Chaque territoire doit être mis à même d'accueillir, en même temps, de l'activité, de l'habitat et des équipements collectifs.
En tout Etat de cause, il a attiré l'attention sur la nécessité d'éviter de reproduire la situation d'enclavement que connaissent actuellement certains territoires de l'Île-de-France, par exemple des zones d'entrepôts ou des cités d'habitation, mal desservis et coupés du reste du territoire par les axes de transports rapides, autoroutes et voies ferrées. Faisant référence à la mythologie de la Grèce ancienne, il a ainsi appelé à « réconcilier Hestia et Hermès », comme le symbole d'une ville où on peut tout à la fois s'installer et se déplacer.
Il a alors fait part des réactions que le projet de loi a pu susciter parmi les architectes ayant travaillé sur le projet du Grand Paris. Ces derniers, d'abord, dans la mesure où ils avaient envisagé un projet structurel d'ensemble pour la « ville monde », se sont émus que ce projet de loi se borne à établir, pour l'essentiel, un nouveau réseau de métro. Au demeurant, ils ont peiné à comprendre le processus que le Gouvernement entend suivre pour la mise en oeuvre du Grand Paris en tant que projet plus global. Par ailleurs, des inquiétudes ont été exprimées, parmi eux, en ce qui concerne les caractéristiques du futur réseau de métro lui-même.
En premier lieu, selon M. Christian de Portzamparc , un réseau aérien, qui faciliterait l'« appropriation » du nouveau métro par le public, serait plus pertinent qu'un réseau souterrain.
En second lieu, les architectes estiment que le tracé de ce nouveau réseau, qui n'est pas encore arrêté, doit procéder, à la fois, d'études approfondies des réalités locales, pour se garder des erreurs d'aménagement commises par le passé, et d'une vision d'ensemble, afin d'assurer la cohérence du dispositif. L'Atelier du Grand Paris, en collaboration avec l'APUR (Atelier parisien d'urbanisme) et l'IAURIF (Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région d'Île-de-France), et en concertation avec les élus locaux, devrait mener une réflexion en ce sens. Conformément au voeu du secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre chargé du développement de la région capitale, il s'agit de dépasser le stade des différents projets d'architectes, présentés en avril 2009, pour formuler des propositions opérationnelles.
Cependant, M. Christian de Portzamparc a insisté sur les délais importants qui seront requis, eu égard à l'ampleur du projet, pour que le Grand Paris voit effectivement le jour. Il est certain que ce projet évoluera, dans le temps même de sa mise en oeuvre, à l'image de tous les grands projets urbains de l'histoire.
M. Jean-Pierre Fourcade , rapporteur , a souhaité savoir si l'Atelier du Grand Paris, dans le projet de loi modifié par l'Assemblée nationale, paraissait à M. Christian de Portzamparc suffisamment associé au débat public qui est prévu. Par ailleurs, il s'est enquis des possibilités d'articulation du tracé du futur métro automatique du Grand Paris avec les réseaux de transport existants.
En réponse sur le premier point, M. Christian de Portzamparc a indiqué que les architectes membres de l'Atelier du Grand Paris, au sein du conseil scientifique, n'auront pas vocation à se substituer aux décideurs que sont les élus locaux et l'Etat. En outre, il a fait valoir que l'Atelier du Grand Paris constitue, avant tout, un espace de discussion et que le rôle des architectes, dans ce cadre, doit être conçu comme un appui à la vision d'ensemble requise par le Grand Paris, pour conserver une cohérence entre les projets locaux. Du reste, il n'est pas certain que soient disponibles les crédits nécessaires à la rémunération d'architectes, notamment dans l'hypothèse où ces derniers devaient être recrutés par la voie d'un appel à projets européen.
Sur la demande de précision du rapporteur, M. Christian de Portzamparc a indiqué que M. Jean Nouvel, architecte, ne participe pas personnellement, à ce stade, à l'Atelier du Grand Paris.
En ce qui concerne l'articulation entre le futur réseau de métro du Grand Paris et les réseaux existants de transports, dont il a souligné la nécessité, il a évoqué différentes hypothèses de sites propices à des interconnexions. Ainsi, au nord de Paris, le pôle constitué par les gares du Nord et de l'Est, troisième noeud ferroviaire européen, peut sembler pertinent a priori, mais il s'avère environné d'un tissu urbain très dense, qui n'offre pas les perspectives de développement nécessaires. Lui-même a proposé le site d'Aubervilliers, le secrétaire d'Etat au développement de la région capitale a évoqué celui de Pleyel et rien n'est encore décidé.
M. Philippe Dallier a fait valoir que la juxtaposition des projets d'aménagement, en Île-de-France, à laquelle on assiste actuellement, rend aléatoire la cohérence d'ensemble du Grand Paris. Pourtant, alors que le périmètre des intercommunalités est déterminé, non en fonction de la cohésion des territoires, mais selon des critères politiques, une vision globale, à l'échelle de la métropole, est nécessaire. Il s'agit de pouvoir organiser la répartition de la richesse créée lors de la mise en oeuvre des différents projets, notamment par le développement des pôles où seront implantées les gares du futur réseau de métro automatique.
M. Jean-Pierre Caffet a jugé que les propos de M. Christian de Portzamparc confirmaient que le projet de loi relatif au Grand Paris a été élaboré de façon improvisée. Il est difficile, à ses yeux, de relier le projet d'un nouveau réseau de métro aux travaux demandés aux architectes par le Gouvernement. Le rôle que l'Atelier du Grand Paris sera appelé à jouer dans ce cadre, d'ailleurs, reste encore incertain. Il s'est interrogé sur la pertinence du tracé qui semble avoir été retenu pour la « double boucle », en particulier sous l'aspect de la cohérence avec les projets de la région d'Île-de-France, et sur les lacunes du projet de loi dans le domaine du logement.
M. Dominique Braye a considéré que l'enjeu du Grand Paris, fondamentalement, tient à la nécessité de remédier aux déséquilibres structurels qui affectent l'Île-de-France. A cet effet, trois leviers de développement doivent être utilisés : la mobilité à travers les transports publics, le logement et l'emploi. Or, le projet de loi ne concerne que le premier de ces aspects. Par conséquent, ne faut-il pas considérer que le texte proposé par le Gouvernement ne constitue qu'un premier pas vers la « ville-monde » que Paris doit devenir, et que d'autres projets seront indispensables pour atteindre cet objectif ?
M. Jacques Mahéas a souligné les nombreuses difficultés que soulève la réalisation du Grand Paris. De nouvelles idées font leur apparition, par exemple en ce qui concerne le périmètre géographique du projet. Il faut veiller à l'équilibre entre les territoires franciliens, alors que l'est, selon lui, est moins favorisé que l'ouest par le projet actuel, de même qu'à la répartition adéquate, dans chaque zone, entre l'emploi, le logement et les services publics. Il a souhaité que cette dernière orientation puisse se trouver inscrite dans le projet de loi. Par ailleurs, il s'est interrogé sur le montant financier que le Gouvernement serait en mesure d'allouer à un éventuel appel européen à projets d'architectes.
Mme Éliane Assassi a salué le travail fourni par les architectes pour le Grand Paris, tout en déplorant que les élus locaux et la population aient été insuffisamment consultés en la matière. Par ailleurs, elle a fait part de sa crainte que certains élus se concentrent sur la réalisation de leurs projets, au plan local, sans prendre en considération les exigences du Grand Paris en termes de complémentarité et de cohérence d'ensemble.
M. Michel Teston a relevé que, compte tenu des besoins de financement associés aux investissements, d'une part, du Grand Paris et, d'autre part, du plan de mobilisation des transports de la région d'Île-de-France, les deux projets ne pourront être menés de front. Il y aura nécessité d'opérer un « phasage » des réalisations et de s'assurer que les tronçons de voies pertinents seront bien construits les premiers.
En réponse aux différents intervenants, M. Christian de Portzamparc a indiqué que :
- les enjeux de gouvernance, pour le Grand Paris, sont cruciaux. Il est impératif, en effet, de pouvoir assurer la cohésion de l'ensemble du projet. La difficulté, la région en la matière, tient à l'organisation décentralisée d'Île-de-France. Mais il reviendra aux responsables politiques de déterminer la physionomie de cette gouvernance, non aux architectes ;
- les progrès de l'urbanisme, selon l'expérience, sont toujours lents et se font par à-coups. La bonne démarche consiste à se fonder sur les situations concrètes existantes et non, comme on a pu le faire naguère, sur des modèles théoriques mis en pratique pour le meilleur et le pire ;
- la réalisation du Grand Paris, projet très ambitieux, exigera du temps. Pour commencer, il donnera lieu à « un certain désordre », lié notamment à la profusion des projets. Les décideurs, le cas échéant éclairés par l'Atelier du Grand Paris, devront procéder aux arbitrages requis et s'attacher à dégager la cohérence indispensable. Dans cette perspective, il est vraisemblable que le projet de loi relatif au Grand Paris, tel que le Parlement l'examine actuellement, ne constitue qu'un premier texte législatif.
Audition de M. Benoist Apparu, secrétaire d'Etat, chargé du logement et de l'urbanisme, auprès du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat (mercredi 3 février 2010)
La commission spéciale a ensuite procédé à l' audition de M. Benoist Apparu , secrétaire d'Etat chargé du logement et de l'urbanisme .
Après avoir rappelé que l'objectif du projet du Grand Paris était que la « région capitale » soit capable de rivaliser avec les dix grandes capitales mondiales, M. Benoist Apparu, secrétaire d'Etat chargé du logement et de l'urbanisme, a souligné que ce projet comporte une multitude de dimensions, dont seule une partie est traitée par le projet de loi. Ainsi, parallèlement, le groupement d'intérêt public (GIP) - L'Europe des Projets architecturaux et urbains (EPAU) a été réactivé et doté de trois millions d'euros pour mener des études sur la « région capitale ». 10 millions d'euros devraient par ailleurs être attribués aux différents établissements publics existants.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'Etat chargé du logement et de l'urbanisme, a ensuite dressé un Etat des lieux du logement en Île-de-France. Cette région est marquée par une forte tension du fait des écarts de prix très importants entre logement social et logement privé. Plus de 50 % des logements sociaux à Paris sont loués à moins de 3,3 €/m 2 , le plafond maximum PLS a été relevé en août dernier d'environ 9 €/m 2 à 12,38 €/m 2 et le prix moyen des loyers du secteur privé atteint quant à lui 21 €/m 2 .
Le solde migratoire de la région n'est positif que pour les jeunes, étudiants ou avec un premier emploi mais l'Île-de-France reste une terre inhospitalière pour les familles.
Depuis quinze ans, il existe un décalage entre la production et l'offre de logements. La production moyenne s'est maintenue sur cette période entre 35 000 et 45 000 logements : en 2009, 50 000 permis de construire ont ainsi été délivrés dans la région et 35 000 logements ont été mis en chantier. La part de construction de logements dans la région dans la production nationale est quant à elle passée de 17,1 % en 1995 à 10,7 % en 2009.
Face au déficit structurel de logements en Île-de-France, M. Benoist Apparu, secrétaire d'Etat chargé du logement et de l'urbanisme , a indiqué que l'objectif devait être de construire annuellement 70 000 logements, dont la moitié de logements sociaux. Le Gouvernement a également lancé une réorientation de la production de logements sociaux, à l'échelle nationale : 120 000 logements sociaux ont été financés en 2009 dont 75 % situés dans les zones moyennement ou faiblement tendues et 25 % dans les zones tendues ; l'objectif est de passer, dans ces dernières, à 30 % en 2010 et 35 % en 2011.
Au-delà, une mobilisation de l'ensemble des acteurs du logement est indispensable : la production de logements privés doit être accrue et les produits d'accession à la propriété plus efficaces.
Il convient également de prendre en compte la situation des classes moyennes, qui n'arrivent pas à se loger, notamment à Paris. Pour ces publics doivent être mis en place des produits intermédiaires.
La production de logements sociaux doit aussi traduire une offre réellement nouvelle. A Paris, l'Etat et les collectivités territoriales financent ainsi 6 000 logements sociaux : pour 3 000 d'entre eux, il s'agit d'une véritable production nouvelle et pour les 3 000 d'acquisition-réhabilitation. Ces dernières opérations concernent à 80 % des logements occupés. L'offre nouvelle finale est donc limitée ce qui ne correspond pas aux besoins. Il est indispensable de limiter les acquisitions-réhabilitations aux logements vides.
En matière d'urbanisme enfin, il a estimé que le Grand Paris visait à passer d'un urbanisme de norme à un urbanisme de projet, afin de définir un projet global sur un territoire, en évitant une juxtaposition de zones.
Après avoir rappelé que la thématique du logement avait été abordée à deux reprises lors des débats sur le projet de loi à l'Assemblée nationale, à l'occasion de l'examen des articles 1 er et 18, M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur , a estimé que le volet logement était trop faible dans le texte. Relevant que l'objectif du Gouvernement était de doubler l'effort actuel de production dans la région, il a noté que cet objectif devait s'appuyer sur des instruments juridiques précis. Il a ensuite interrogé le ministre sur les points suivants :
- est-il favorable à la fixation dans la loi d'un objectif chiffré de production de logement ? Qu'en est-il s'agissant d'un objectif comprenant plusieurs paliers ?
- est-il favorable à l'inscription dans la loi d'objectifs précis en matière de logement et de logement social pour les contrats de développement territorial (CDT) ?
- s'agissant des communes de la région soumises à l'article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains mais n'ayant pas atteint 20 % de logements sociaux, est-il envisageable de leur imposer des obligations plus strictes ?
S'agissant de la « charge » du ministre quant aux opérations d'acquisition-réhabilitation menées à Paris, il a estimé qu'elle n'était pas fondée, la disponibilité d'immeubles entièrement vides étant faible. Il s'est cependant interrogé sur la possibilité de ne considérer comme logements sociaux que les logements vacants issus d'opérations d'acquisition-réhabilitation.
En réponse à ces questions, M. Benoist Apparu, secrétaire d'Etat chargé du logement et de l'urbanisme , a apporté les éléments de réponse suivants :
- l'inscription dans le projet de loi d'un objectif de construction de logements présente un intérêt réel, même si cela aurait peu de portée normative. Cet objectif pourrait être inscrit à l'article 1 er qui fixe les grands principes mais il paraît difficile d'aller plus loin en « phasant » les objectifs ;
- il faut préserver l'approche contractuelle des CDT, qui pourront comprendre des objectifs de production de logement, sans que la loi impose aux CDT de prévoir des objectifs précis ;
- il faut pouvoir fixer des obligations renforcées de construction de logements sociaux pour les communes concernées par les CDT ne respectant pas les objectifs de la loi SRU ;
- les opérations d'acquisition-réhabilitation de logements occupés ne répondent pas à la crise du logement en Île-de-France, et il n'est pas acceptable qu'un taux important de ces opérations d'acquisition-réhabilitation concerne des logements occupés.
Après avoir noté le caractère sombre mais réaliste de l'Etat des lieux dressé par le ministre, M. Thierry Repentin a souligné que nombre de sénateurs considéraient que le volet logement du projet de loi était insuffisant. La fixation d'un objectif de production de logements doit s'accompagner de dispositifs incitatifs, voire coercitifs, et assortis d'objectifs territorialisés, à défaut de quoi la fixation d'un objectif global serait inefficace.
A propos des déclarations du ministre quant au rachat de logements vacants en Île-de-France, la « Société du Grand Paris » sera-t-elle compétente en la matière ? Le Gouvernement souhaite-t-il augmenter le niveau de la taxe sur les logements vacants, voire permettre aux maires de devenir propriétaires par expropriation de logements vacants depuis longtemps ?
S'agissant de l'urbanisme, il a regretté que la question de l'habitat ne soit pas prise en compte dans les zones à proximité des gares. Le financement d'infrastructures à partir de la valorisation foncière pourrait avoir pour effet d'exclure la construction de logements sociaux dans ces secteurs. Le Sénat avait imaginé des dispositifs de soutien à cette dernière, la plus value foncière n'étant par exemple pas taxée pour un propriétaire dès lors qu'il construit de tels logements.
S'agissant de la ville de Paris, cette dernière consacre près de 600 millions d'euros par an au logement social et cet engagement doit être comparé avec l'ensemble des crédits consacrés par le Gouvernement à la politique du logement. En tout Etat de cause, le retard en matière de logements sociaux est plus difficile à combler à Paris qu'en province.
M. Yves Pozzo di Borgo a tout d'abord rappelé que l'Île-de-France représente 29 % du PIB national contre seulement 10 % de la construction de logements. Il a indiqué que, tout en se situant résolument dans l'opposition municipale, il ne pouvait que relever les difficultés en matière de disponibilité du foncier et la lourdeur des procédures existant à Paris.
Il a relevé par ailleurs que 78 % de la population parisienne touche moins de 2 800 euros, ce qui explique une large part des difficultés existant en matière de logement.
Après s'être réjouie que le logement soit évoqué dans le cadre du Grand Paris, Mme Catherine Procaccia a regretté que le ministre ait axé son propos sur la situation de la ville de Paris. Elle s'est exprimée contre le dépôt d'un nouveau projet de loi en matière de logement et a souligné la nécessité de tenir compte des axes de transport et des gares : en Île-de-France, certaines communes soumises à la loi SRU sont très mal desservies par les réseaux de transport.
M. Philippe Dallier a estimé qu'un nouveau texte portant sur la question de la gouvernance était indispensable. Il a considéré que l'objectif de 70 000 logements ne pourrait être atteint dans le seul cadre des CDT et que le projet tendait, non pas à ce que Paris devienne une métropole à dimension internationale, mais qu'elle le reste. Il a relevé le caractère absurde de la gouvernance en matière de logement : le SDRIF fixe des objectifs aux départements alors que ce sont les maires qui sont en charge de la construction de logement.
La réforme de la gouvernance est un préalable, et le Sénat a adopté, à son initiative, dans le cadre de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (MOLLE) un dispositif - non repris par l'Assemblée nationale - tendant à la mise en place d'un plan de développement du Grand Paris sur la zone dense. Ce plan aurait pu être opposable aux maires, avec des objectifs chiffrés territoire par territoire.
M. Dominique Braye a relevé que le projet du Grand Paris visait à régler certains problèmes structurels (logement, mobilité, ségrégation sociale et territoriale, emploi) de l'Île-de-France mais que le projet de loi ne concernait en l'Etat que le volet transports.
A propos des promesses formulées à l'Assemblée nationale par M. Christian Blanc, un objectif de 70 000 logements sans moyens juridiques n'aura aucune portée et il est nécessaire de territorialiser cet objectif en fonction des possibilités des communes. Une loi spécifique sur le logement en Île-de-France est indispensable.
Dans le contexte de pénurie de logements sociaux, on ne peut que dénoncer les pratiques de certaines communautés de communes de Seine-Saint-Denis qui limitent le taux d'effort en matière de loyer et surloyer à 15 % du revenu.
En réponse, M. Benoist Apparu, secrétaire d'Etat au logement et à l'urbanisme, a apporté les précisions suivantes :
- la proposition de loi du groupe socialiste discutée au Sénat en novembre 2009 tendait à augmenter la taxe sur les logements vacants, mais cette augmentation peut induire des effets d'aubaine : la taxe ne doit donc pas être supérieure à la taxe d'habitation sur un logement vacant. L'engagement a été pris de modifier le décret de 1998 portant sur les agglomérations concernées par cette taxe, mais d'ores et déjà les communes peuvent instaurer leur propre taxe ;
- le cas des opérations d'acquisition-réhabilitation sur des logements occupés est absurde, puisqu'une part importante des financements publics n'aboutit pas à une offre nouvelle ;
- la ville de Paris consacre 600 millions d'euros à l'ensemble du logement et pas seulement au logement social, la politique de l'Etat en matière de logement s'élevant à 35 milliards d'euros ;
- le taux de rotation constitue un enjeu central à Paris : il y atteint 3,5 %, soit un niveau très faible par rapport au reste de la région d'Île-de-France (5 %) ;
- il faut recréer de la fluidité dans le parcours locatifs, le surloyer devant d'ailleurs inciter à la rotation ;
- la politique des loyers des bailleurs sociaux doit également être revue, car ces derniers prennent en compte l'année de la construction du logement et non pas le type d'habitat ou le niveau de revenu ;
- une nouvelle loi sur le logement ne paraît pas opportune ;
- dans les zones couvertes par des CDT, près de 10 000 logements pourraient être construits dans les années à venir ;
- en matière de gouvernance, si les collectivités territoriales perdent la décision en matière de construction de logements, les financements risquent de se tarir. Une gouvernance régionale en matière de logement paraît donc complexe à mettre en oeuvre ;
- l'idée d'un plan de cohésion sociale territorialisé dans les régions tendues en matière de logement sur les trois prochaines années pourrait être intéressante ;
- le loyer et le surloyer ne peuvent représenter un taux d'effort de plus de 25 %. Les bailleurs sociaux peuvent certes fixer des taux plus bas, mais un taux de 15 % est contreproductif ;
- la territorialisation des objectifs en matière de construction paraît difficile à mettre en oeuvre mais les CDT pourront cependant fixer des objectifs de construction de logement ;
- les difficultés de la région d'Île-de-France sont également liées au faible nombre de programmes locaux de l'habitat (PLH), et il faut encourager les communes seules à élaborer des PLH pour y remédier.
En réponse à M. Thierry Repentin qui avait attiré son attention sur les dispositions en matière d'urbanisme de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit en cours de discussion au Parlement, M. Benoist Apparu , secrétaire d'Etat au logement et à l'urbanisme , a indiqué être vigilant quant à la cohérence entre les différents textes comportant des dispositions sur ce sujet : les projets de loi sur le « Grenelle II », la modernisation de l'agriculture et de la pêche, le Grand Paris ainsi que la proposition de loi évoquée.
Audition de M. Pierre Mongin, président de la Régie Autonome des Transports Parisiens (mercredi 17 février 2010)
La commission spéciale a procédé à l' audition de M. Pierre Mongin , président de la régie autonome des transports parisiens (RATP).
Rappelant qu'à l'occasion du renouvellement de son mandat de président de la RATP en juillet dernier, le Président de la République lui avait assigné une feuille de route ambitieuse, il a mis en exergue trois priorités pour la RATP : demeurer une entreprise leader dans le domaine de la qualité et de l'innovation de service, être un acteur majeur de la mise en oeuvre des projets de transport du Grand Paris et jouer un rôle exemplaire en termes de développement durable.
La RATP est le témoin privilégié et l'acteur de la mobilité en Île-de-France, qui est devenue l'une des préoccupations prioritaires des Franciliens. Disposant du troisième réseau mondial de transport après celui de New-York et Tokyo, la Régie transporte 10 millions de personnes par jour sur l'ensemble de ses réseaux et assure 80 % des voyages effectués en transports collectifs. A l'instar des autres aires urbaines de France, le temps consacré au transport demeure stable depuis 25 ans, aux environs de 80 minutes par jour, tandis que la longueur du trajet a augmenté de près de 27 %, grâce à la productivité globale du système de transport, avec environ 17 kilomètres parcourus par jour et par personne. Néanmoins, l'Île-de-France se distingue par une proportion importante de trajets longs, puisque plus du quart des habitants ont un temps de parcours supérieur à 45 minutes, contre moins de 10 % dans les autres grandes aires urbaines. Les besoins de déplacements de banlieue à banlieue sont en forte progression et représentent 70 % des déplacements mécanisés. Compte tenu de la structure radiale du réseau francilien, près de 10 % des déplacements empruntant le métro aux heures de pointe le matin sont des liaisons banlieue-banlieue, ce taux atteignant 15 % sur la ligne 13.
Toutefois, il existe aujourd'hui une crise de la mobilité. En effet, à ces mêmes heures de pointe, plus de 15 interstations présentent des conditions de congestion (4 voyageurs par mètre carré), et près de 50 d'entre elles n'offrent que peu de marges de manoeuvre. Cette crise s'explique en grande partie par un accroissement de la distance entre le logement et l'emploi et par un déficit d'investissements dans les transports en commun depuis trente ans, comme l'a d'ailleurs reconnu le Premier ministre lui-même, le 8 janvier 2009, dans les ateliers de la RATP à Rueil-Malmaison. Par ailleurs, déplorant le retard considérable pris pour achever les projets d'autoroutes A86 et A104, M. Pierre Mongin a considéré que le déficit d'investissement en infrastructures routières avait également pénalisé la RATP et la SNCF.
En dépit de toutes ces contraintes, la RATP a répondu activement à la demande croissante de mobilité des Franciliens. Entre 2001 et 2007, le trafic a progressé de 9,3 %, soit 250 millions de voyages annuels en plus, représentant l'équivalent des voyageurs utilisant les réseaux de Bordeaux et Marseille réunis, et plusieurs solutions ont été apportées pour répondre à ces défis : densification des circulations en heure creuse, augmentation de l'offre à parc constant, ou encore prolongement des circulations le soir.
Puis il a souligné le rôle essentiel que joue la Régie depuis trois ans comme force de proposition sur le projet de transport du Grand Paris. Ce projet reprend en effet les grandes orientations esquissées par le projet dit « Métrophérique ». Le métro automatique est le seul mode qui permette, d'une part, de faire coïncider en temps réel l'offre et la demande et, d'autre part, d'optimiser la gestion des échanges grâce aux façades de quais. Mais le projet du secrétaire d'Etat offre néanmoins des potentialités de développement plus larges grâce à la « double boucle » qui crée un maillage nouveau en grande couronne. De fait, la fréquentation d'un réseau bouclé est supérieure à celle d'un réseau linéaire isolé, de l'ordre de 40 %. L'interconnexion du nouveau réseau avec le réseau existant constitue un enjeu essentiel et la ligne 14 du métro permettra de limiter la saturation croissante des autres lignes de métro et de RER. Le débat public, organisé à l'initiative du Syndicat des transports en Île-de-France (STIF) sur le prolongement au nord de la ligne 14 pour soulager la ligne 13, prend d'ailleurs en compte le projet du Grand Paris.
S'agissant du nombre de gares sur le tracé de la double boucle, M. Pierre Mongin a estimé que le chiffre avancé de quarante constituait un minimum. Rappelant qu'un Parisien génère quotidiennement dans le cadre de ses déplacements presque deux fois moins de rejets de gaz à effet de serre qu'un habitant de petite couronne et plus de trois fois moins qu'un habitant de grande couronne, il a salué l'effet bénéfique sur l'environnement qu'induira le nouveau réseau.
Ensuite, M. Pierre Mongin a indiqué que la double boucle permettrait de rapprocher les territoires franciliens car le réseau de transport du Grand Paris n'est pas « plaqué » sur le réseau existant. Il a par exemple rappelé que le quartier de la Défense serait à moins de 30 minutes de tout le nord des Hauts-de-Seine et l'ouest de la Seine-Saint-Denis, et à moins de 15 minutes des communes de Clichy, St-Ouen, et d'une partie de la Seine Saint-Denis.
Il a également mis en exergue l'excellence des ingénieurs de la Régie, qui ne connaît pas d'équivalent à l'étranger. Jouissant d'un savoir-faire reconnu à l'international, les 1.200 ingénieurs de la RATP, spécialistes dans les différents domaines d'ingénierie du transport public, ont contribué notamment à la conception du métro de Dubaï et de la Canarsie Line à New York. Quels que soient les candidats retenus pour l'exploitation du nouveau réseau et la construction du matériel roulant, le projet du Grand Paris aura un effet éminemment positif sur l'économie française. Il a conclu son propos en indiquant que la RATP participera pleinement au débat public sur ce projet, qui est la condition de son succès, en prenant en compte les intérêts de toutes les parties prenantes.
M. Jean-Pierre Fourcade , rapporteur , s'est interrogé sur le coût prévisionnel de la double boucle, aussi bien dans son volet investissement que dans son volet exploitation. Il s'est en outre montré circonspect quant aux dispositions de l'article 14 du projet de loi qui risquent d'aboutir à conférer à la RATP un quasi-monopole pour les marchés de maîtrise d'oeuvre, d'études et d'assistance nécessaires à la réalisation des infrastructures et des matériels. Enfin, il s'est demandé si le prolongement de la ligne 14 du métro parisien était, selon la RATP, indispensable, et a souhaité connaître le rôle de cette ligne dans la double boucle.
M. Pierre Mongin a apporté les éléments de réponse suivants :
- la double boucle devrait coûter entre 22 et 25 milliards d'euros étalés sur quinze ans ;
- il ne faut pas sous-estimer les coûts de fonctionnement induits par la nouvelle infrastructure ;
- une gestion rigoureuse des politiques tarifaires dans les transports en commun conduit, quelle que soit l'orientation politique du Gouvernement en place, à une augmentation supérieure d'un point à l'évolution de l'inflation ;
- la valorisation foncière peut constituer une source de financement non négligeable, à condition de ne pas la transformer en un impôt confiscatoire. A cet égard, il convient d'explorer d'autres pistes de fiscalité spécifique, comme la taxe sur les bureaux ;
- le péage urbain ne peut pas, à court terme, être instauré en Île-de-France ;
- la taxe sur les poids lourds, également appelée écotaxe, permettra de lever des sommes importantes ;
- toutes les nouvelles lignes de transport en Île-de-France sont désormais ouvertes à la concurrence ;
- l'article 14 du projet de loi pose comme principe la concurrence pour l'ensemble des marchés de maîtrise d'oeuvre, d'études et d'assistance, mais il prévoit par exception que ces marchés soient passés avec la RATP, la SNCF ou Réseau ferré de France (RFF), si des raisons liées à la sécurité, à l'interopérabilité, ou à la continuité du service public l'exigent ;
- toutefois, les dispositions de cet article ne sont pas pleinement satisfaisantes pour la RATP qui souhaiterait une maîtrise d'ouvrage partagée avec la « Société du Grand Paris » (SGP), s'inspirant du mécanisme régissant les relations entre le syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) et la RATP, mis en place dans la loi du 8 décembre 2009, dite « organisation et régulation du transport ferroviaire » ;
- le prolongement de la ligne 14 du métro au nord et au sud est indispensable, et jouera un rôle essentiel dans la réussite et le bon fonctionnement de la double boucle.
Mme Nicole Bricq s'est demandé si la double boucle permettra véritablement un meilleur maillage du territoire que le système radial traditionnel. En outre, elle a craint que le nouveau réseau ne prenne pas suffisamment en compte les flux domicile-travail.
M. Denis Badré a mis en avant la nécessité d'articuler de façon cohérente les besoins à court terme des usagers franciliens (qu'il s'agisse de la rénovation du RER B, de la ligne 13 ou encore, de la desserte de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle ou du plateau de Saclay) et l'ambition à long terme du projet du secrétaire d'Etat. Par ailleurs, il a déploré la confusion institutionnelle qui règne en Île-de-France en matière de transport puisque le STIF est en relation constante avec la RATP, la SNCF, RFF et bientôt avec la « Société du Grand Paris ».
M. Philippe Dallier , rappelant que le tracé du projet Métrophérique de la RATP était moins éloigné du centre de Paris que celui du projet du secrétaire d'Etat, s'est interrogé sur l'intention du Gouvernement et sur le nombre pertinent de gares sur la double boucle.
M. Christian Cambon , soulignant que le Val-de-Marne n'était pas suffisamment concerné par le tracé de la double boucle, a également déploré les conditions de circulation très difficiles imposées aux usagers de la ligne 13 et du RER A. En outre, il a rappelé que le trajet entre la cité Descartes et le périphérique parisien pouvait parfois dépasser 1 h 30, voire 2 h 00, ce qui nuit à l'image de ce pôle scientifique et technique. Enfin, il a voulu connaître les projets de la RATP en matière de réseaux de surface pour les zones qui ne seront pas ou insuffisamment desservies par la double boucle.
M. Jacques Gautier , déplorant la saturation de nombreuses gares franciliennes, a voulu savoir si d'autres projets de transports seront engagés avant la réalisation de la double boucle. Il s'est également interrogé sur le futur régime juridique des lignes de rabattement, et notamment la possibilité pour les élus locaux de ne plus dépendre exclusivement de la RATP.
M. Jean-Pierre Caffet s'est interrogé sur la pertinence et l'utilité d'une telle double boucle dans une économie moderne et mondialisée, qui remplace de plus en plus les déplacements physiques par des moyens de communication dématérialisés. Par ailleurs, il a souhaité savoir si la RATP disposait de statistiques sur la proportion des trajets des franciliens consacrés aux flux domicile-travail. Enfin, il s'est interrogé sur le phasage entre les investissements de la double boucle et ceux du plan de mobilisation.
M. Yves Pozzo di Borgo a souhaité connaître les flux prévisibles entre les 40 gares de la double boucle.
M. Philippe Dominati a déploré la saturation actuelle, inquiétante, du réseau de transport pour Paris intramuros et sa petite couronne, et a souhaité connaître les investissements prévus pour y remédier. Il s'est ensuite demandé pourquoi, au lieu de créer ex nihilo la « Société du Grand Paris », le Gouvernement n'avait pas fait le choix de recapitaliser la RATP. Il s'est, en outre, interrogé sur le devenir du projet de liaison Paris- Roissy CDG Express.
M. Pierre Mongin a apporté les éléments de réponse suivants :
- les flux domicile-travail représentent 40 % des déplacements en Île-de-France et seulement 25 % dans Paris intramuros ;
- les besoins urgents des usagers franciliens ne doivent pas s'opposer aux enjeux à long terme de développement et d'attractivité de la région francilienne ;
- il revient aux décideurs politiques d'établir le phasage entre les investissements liés au plan de mobilisation et ceux relatifs au Grand Paris ;
- la « Société du Grand Paris » a une mission de projet et disparaîtra dès que le projet du Grand Paris sera réalisé ;
- la RATP porte déjà une dette très importante, qualifiée d'« orpheline » par la Cour des comptes ;
- le territoire de Seine-Saint-Denis doit être mieux desservi par les transports en commun ;
- toutes les nouvelles lignes de transport, y compris celles de bus, seront soumises à la concurrence ;
- la création d'une nouvelle infrastructure de transport en commun permet en règle générale de redéployer le parc de bus de la RATP.
Mme Bariza Khiari s'est demandé si la faiblesse du taux de trajet domicile-travail à Paris ne s'expliquait pas par le grand nombre de touristes utilisant les transports en commun dans la capitale et M. Pierre Mongin a confirmé cette hypothèse.
Audition de M. Gilles Carrez, parlementaire en mission sur le financement du projet de transports du Grand Paris (mercredi 17 février 2010)
La commission spéciale a ensuite entendu M. Gilles Carrez , parlementaire en mission sur le financement du projet de transports du Grand Paris .
M. Gilles Carrez a tout d'abord souligné que le rapport qu'il a rendu, fin septembre 2009, au Premier ministre, ne concerne que la dimension « transport » du Grand Paris. Dans cette approche, toutefois, il s'est efforcé de bien prendre en compte les autres aspects du projet, opérations d'aménagement et construction de logements. Pour l'élaboration de ce rapport, il a constitué un groupe de travail associant l'ensemble des parties prenantes, notamment l'Etat, la région d'Île-de-France, le syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) et les opérateurs de transport, ainsi que des élus, de toutes appartenances politiques et franciliens comme provinciaux.
La rédaction du rapport a reposé sur les cinq règles de méthode suivantes :
- le projet de transport pris en considération doit répondre aux besoins urgents de l'Île-de-France en même temps qu'il engage l'avenir ;
- les besoins de financement de ce projet doivent être analysés en termes tant d'investissement que de fonctionnement, en vue d'affecter à chaque catégorie de dépenses des ressources propres ;
- toutes les ressources de financement possibles doivent être recherchées, afin de ne négliger aucune piste ;
- les efforts contributifs du monde économique, des usagers des transports en commun, des contribuables et des entreprises de transport doivent être proportionnés et équitables ;
- l'emprunt ne doit être utilisé qu'à proportion des capacités de remboursement.
Sur le fondement, d'une part, de l'identification, par les services de l'Etat, des besoins en transports et, d'autre part, du projet de nouveau métro associé au développement du Grand Paris, M. Gilles Carrez a établi un phasage des travaux à réaliser. Une première phase, pour la période 2010-2025, inclurait notamment :
- plusieurs opérations relevant des contrats de projets Etat-région (CPER), certaines se trouvant déjà inscrites dans le contrat en cours d'exécution, couvrant la période 2007-2013, dont le prolongement du réseau Eole à l'ouest ;
- la reconfiguration des lignes C et D du réseau de RER ;
- un programme de rénovation et d'acquisition du matériel roulant et la mise en accessibilité du réseau pour les personnes à mobilité réduite ;
- enfin, la réalisation d'une première partie du métro automatique, dont le bouclement de la nouvelle rocade de métro et le prolongement de la ligne 14, au sud, jusqu'à Orly et, au nord, jusqu'à Pleyel voire Le Bourget. Il n'a pas été préjugé de la solution qui sera retenue pour desservir Roissy. En outre, deux variantes possibles ont été prises en considération en ce qui concerne la partie orientale du tracé.
M. Gilles Carrez a fait valoir la cohérence de la première phase de réalisation du volet « transport » du Grand Paris ainsi conçue. D'une part, elle tend à préparer les opérations d'aménagement et de construction de logements à venir, nécessairement liés au réseau de transports. D'autre part, elle ne perd pas de vue l'objectif d'achever, au terme d'une seconde phase, soit après 2025, la « double boucle » du tracé prévu.
Le besoin de financement de cette première phase a été évalué 43,2 milliards d'euros en dépenses de fonctionnement, réparties comme suit :
- 32,2 milliards d'euros pour les charges d'exploitation, dont un besoin de 24,1 milliards induit par la seule « dérive » du socle de fonctionnement du réseau existant, sous l'hypothèse d'un rythme annuel de + 1,8 point au-dessus de l'inflation en moyenne sur la période (contre + 2,3 points entre 2000 et 2008), et un besoin complémentaire de 8,1 milliards lié aux nouvelles réalisations ;
- 9,2 milliards d'euros au titre du programme de rénovation et d'acquisition du matériel roulant et 1,8 milliard pour la mise en accessibilité du réseau.
Pour financer ces dépenses, quatre ressources pourraient être mobilisées :
- la modernisation du versement transports, par l'actualisation du zonage existant et l'augmentation des taux. La mesure, compte tenu de la croissance économique, permettrait de dégager 11,9 milliards d'euros sur la période 2010-2025. M. Gilles Carrez a reconnu le caractère « difficile » de cette réforme sur le plan politique, mais il a considéré celle-ci comme légitime, dès lors que l'amélioration de l'offre de transport contribue directement à renforcer la compétitivité des entreprises ;
- le renouvellement de la politique tarifaire des transports publics, qui passerait notamment par une revalorisation des tarifs, selon un rythme ne dépassant pas celui du pouvoir d'achat des ménages, et une révision du zonage actuel. Sur la période 2010-2025, 16,5 milliards d'euros pourraient ainsi être dégagés. M. Gilles Carrez , tout en admettant que ces mesures étaient également délicates à mettre en oeuvre, a estimé nécessaire d'enrayer la dégradation des recettes tarifaires observée ces dernières années ;
- les gains de productivité réalisés par les opérateurs, qui seraient rétrocédés à due proportion au système de transport, sur la base des contrats liant ces opérateurs au STIF ;
- le recours à l'emprunt, M. Gilles Carrez présentant l'hypothèse d'un financement intégral, par ce moyen, du matériel roulant et de la mise en accessibilité du réseau, soit 11 milliards d'euros. Le coût de l'opération, sur la période 2010-2025, serait limité à 6 milliards d'euros, l'emprunt permettant en effet de décaler dans le temps les besoins de financement.
La couverture du besoin de financement résiduel en fonctionnement (9,8 milliards d'euros) imposerait une croissance des contributions de la région d'Île-de-France et des départements franciliens, donc un effort supplémentaire des contribuables, à un rythme de 4,2 points au-dessus de l'inflation sur la période considérée.
En ce qui concerne l'investissement, le besoin de financement de la première phase de réalisation a été évalué à 24,4 milliards d'euros, ainsi décomposés :
- d'une part, 12,7 milliards d'euros pour la réalisation de la première partie du métro automatique, dont 7,7 milliards pour la rocade de métro et 5 milliards pour le prolongement de la ligne 14 ;
- d'autre part, 2,8 milliards d'euros pour la reconfiguration du réseau de RER, dont 1,8 milliard pour le prolongement d'Eole et un milliard pour les lignes C et D, ainsi que 8,9 milliards d'euros au titre d'opérations inscrites dans les CPER.
Ces besoins pourraient être couverts par six catégories de ressources principalement :
- la poursuite de l'effort budgétaire consenti dans le cadre des CPER, évalué à 6,4 milliards d'euros sur la période 2010-2025 ;
- la modernisation des ressources fiscales assises sur les bureaux, notamment par l'actualisation des tarifs et du zonage. Ainsi révisée, la taxe sur les locaux à usage de bureaux, de commerce et de stockage permettrait de dégager 5,3 milliards d'euros, sur la période et la redevance sur la création de bureaux, 2 milliards d'euros ;
- l'augmentation de la contribution des usagers de la route, orientation que M. Gilles Carrez a fait valoir comme conforme aux principes fixés dans le cadre du Grenelle de l'environnement. En premier lieu, le relèvement dans la région d'Île-de-France de la taxe kilométrique sur les véhicules de transport de marchandises (« éco-redevance poids lourds », qui doit entrer en vigueur en 2013), à hauteur de 30 %, justifié par la congestion du trafic automobile, engendrerait un produit de 1,3 milliard d'euros sur la période considérée. En second lieu, une revalorisation du montant des amendes de stationnement forfaitaires de 11 à 20 euros procurerait une ressource complémentaire de 0,6 milliard d'euros sur cette période. M. Gilles Carrez a rappelé que le STIF reçoit 50 % du produit de ces amendes, la région 25 % ;
- la création d'une taxe spéciale d'équipement « Grand Paris ». Calibrée pour un produit annuel de 100 millions d'euros, cette taxe représenterait un coût de 20 euros par an, en moyenne, pour un ménage francilien redevable des taxes foncières et d'habitation. Elle rapporterait 1,6 milliard d'euros sur la période 2010-2025 ;
- la création d'une taxe additionnelle à la taxe de séjour en Île-de-France. Cette ressource, estimée à 30 millions d'euros par an, engendrerait 0,5 milliard d'euros sur la période ;
- un emprunt, à hauteur de 9,3 milliards d'euros, afin de couvrir le besoin résiduel en dépenses d'investissement. Compte tenu de la proposition d'emprunter 11 milliards d'euros pour financer les dépenses de fonctionnement, le recours à l'emprunt pour le projet de transports du Grand Paris, au total, s'élèverait ainsi à 20,3 milliards d'euros.
La seconde phase de réalisation du projet, prévue après 2025, permettrait le bouclage de l'ensemble. Elle comprendrait, notamment, la construction de la liaison La Défense-Versailles-Saclay-Orly, qui représente un coût d'investissement de 4,5 milliards d'euros. M. Gilles Carrez a estimé que cette seconde phase pourrait être financée sans difficulté particulière.
Il a précisé que, dans le but d'optimiser les coûts, il conviendrait de placer le système de transport francilien dans une situation concurrentielle, afin de réaliser des gains de productivité. En outre, le recours aux contrats de partenariats public-privé sur la conception et la construction des ouvrages permet de maîtriser les coûts et les délais de réalisation.
Par ailleurs, l'articulation de l'action de l'Etat avec celle des collectivités territoriales constitue un impératif pour la réussite du projet. Pour cette raison, le plan de financement proposé n'intègre pas les ressources qui pourront être tirées de la valorisation foncière. Il faut laisser aux collectivités territoriales la liberté d'affecter cette ressource aux projets de leur choix, équipements publics ou logements sociaux en particulier ; l'Etat ne devrait pas décider unilatéralement d'une forme de « préemption » de la valorisation foncière en faveur du réseau de transport. Les futurs contrats de développement territorial, créés par le projet de loi relatif au Grand Paris, pourront constituer le cadre des accords à trouver sur ce point.
M. Jean-Pierre Fourcade a fait observer que la présentation de M. Gilles Carrez ne concernait pas directement le projet de loi. Il s'est demandé si le chiffrage du coût de fonctionnement induit par la mise en service des nouvelles infrastructures de transports, à hauteur de 8,1 milliards d'euros, n'est pas excessif.
M. Charles Revet a estimé qu'une part de l'engorgement des transports, en Île-de-France, tient à la convergence de l'ensemble des voies du réseau ferroviaire vers la capitale. Le nouveau schéma de transport projeté permettra-t-il d'améliorer la situation ?
M. Christian Cambon a relevé que le plan de financement proposé par M. Gilles Carrez prévoit un appel à l'emprunt relativement limité, compte tenu de l'ampleur des besoins de financement identifiés. Ce choix procède-t-il de la prise en considération de l'Etat des finances publiques ou d'une stratégie d'optimisation financière ?
Mme Nicole Bricq s'est interrogée sur la possibilité de rééquilibrer les contributions respectives des ménages et des entreprises dans le financement des transports collectifs franciliens, en considérant le décalage qui s'est formé, en la matière, dans le passé. En outre, elle a souhaité des précisions sur le montant des ressources qu'il est possible d'attendre de la valorisation foncière induite par le projet du Grand Paris.
M. Thierry Repentin a jugé « courageuses » les propositions de M. Gilles Carrez concernant la hausse des contributions publiques et le relèvement du versement transports. Il s'est enquis des possibilités d'employer au financement du nouveau réseau, d'une part, le produit de péages urbains et, d'autre part, une taxe spéciale d'équipement qu'institueraient les collectivités territoriales et non un établissement public foncier.
Mme Catherine Procaccia a souhaité connaître l'articulation entre elles des procédures de débat public que doit conduire, sur les différents projets de transports en commun recensés aujourd'hui en Île-de-France, la Commission nationale du débat public.
M. Philippe Dominati s'est demandé si des gains de productivité significatifs pourraient être dégagés par les opérateurs de transport, alors que la « dérive » du socle de fonctionnement du réseau existant s'avère considérable. Par ailleurs, il a souligné le caractère discutable de la prééminence de l'Etat au sein du système de gouvernance prévu par le projet de loi, eu égard à l'importance de la contribution attendue de la part des collectivités territoriales pour le financement du Grand Paris.
M. Yves Pozzo di Borgo s'est interrogé sur l'incidence de l'automatisation du futur réseau de métro du Grand Paris sur ses coûts de fonctionnement.
En réponse aux différents intervenants, M. Gilles Carrez a indiqué que :
- le coût du futur réseau de transport prévu par le projet du Grand Paris et celui de la mise à niveau du réseau existant ne doivent pas être dissociés. En effet, d'une part le projet de nouveau métro n'est pertinent que sous la condition d'un maillage avec le réseau actuellement en place, d'autre part, les coûts liés à l'exploitation de ces deux réseaux ne pourront être dissociés dans la pratique. Aussi, le chiffrage des besoins de financement, en matière de fonctionnement, qui figure dans son rapport au Premier ministre, intègre l'ensemble de ces coûts ;
- l'automatisation du futur réseau de métro, par rapport à un réseau qui ne serait pas automatique, permet une économie des coûts de fonctionnement de l'ordre de 50 % ;
- le recours à l'emprunt, dans la première phase de réalisation du projet de transport, couvre les trois quarts des besoins de financement du nouveau métro au stade de la première phase. Une marge existe, néanmoins, en faveur d'un appel plus important à l'emprunt ;
- les ressources qu'il sera possible de dégager, au profit du projet du Grand Paris, de la valorisation foncière, si l'Etat s'abstient de décider unilatéralement de l'affectation de celle-ci, dépendront en grande partie des choix des collectivités territoriales. Dans ce contexte, il est difficile d'estimer le produit afférent, qui pourrait être de l'ordre d'un milliard d'euros, deux milliards au plus. Les importantes réserves foncières que détient Aéroports de Paris, par exemple, pourraient être mobilisées ;
- il n'est pas envisageable, en pratique, de rattraper le décalage qui s'est instauré, avec les années, entre la contribution des ménages et celle des entreprises dans le financement des transports publics d'Île-de-France. Cependant, dans le cadre du financement du projet du Grand Paris, l'effort demandé aux ménages et celui requis des entreprises devront être équitables l'un par rapport à l'autre. Le plan de financement proposé répond à cette exigence en prévoyant de mettre 13 milliards d'euros à la charge des usagers des transports, à partir de l'évolution des tarifs, déduction faite du remboursement de la carte orange par les employeurs et des aides directes des collectivités aux ménages, et 14,5 milliards d'euros à la charge des entreprises, à partir de l'évolution du versement transports, à laquelle viendrait s'ajouter le remboursement de la carte orange par les employeurs ;
- l'obligation d'organiser des débats publics sur les différents projets de transports franciliens existants induit, pour la Commission nationale du débat public, de réelles difficultés d'articulation et de calendrier.
Audition de MM. Guillaume Pepy, président de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et Jean-Pierre Farandou, directeur général de SNCF, Proximités (mercredi 17 février 2010)
La commission spéciale a enfin entendu MM. Guillaume Pepy, président de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), et Jean-Pierre Farandou, directeur général de SNCF Proximités .
M. Jean-Pierre Fourcade , rapporteur, a tout d'abord interrogé le président de la SNCF sur sa position concernant :
- le projet de loi tel que modifié par l'Assemblée nationale ;
- la complémentarité entre le réseau de transport automatique et les services de la SNCF en région Île-de-France ;
- l'article 14 du projet de loi qui permet à la « Société du Grand Paris » de recourir aux compétences de la SNCF -mais aussi à celles de la RATP et de Réseau ferré de France (RFF)- au moyen de contrats passés de gré à gré.
Enfin, il a souhaité savoir comment la SNCF envisageait la question, très importante, de l'articulation entre le réseau à grande vitesse et celui du Grand Paris.
M. Guillaume Pepy a apporté les éléments de réponse suivants :
- le projet du Grand Paris a pour immense mérite de proposer une vision à long terme du développement de la région parisienne ;
- sur les deux enjeux de transports traités par le projet de loi -la double boucle et la desserte du plateau de Saclay-, c'est la RATP qui est concernée au premier chef, mais les deux entreprises publiques souhaitent fortement travailler ensemble dans le cadre de leur ambition commune, le service aux usagers ;
- la question de la grande vitesse, qui n'est pas abordée par le projet de loi, est essentielle, l'interconnexion des lignes à grande vitesse étant un atout essentiel de la France par rapport à d'autres pays : elle doit faciliter l'accès des Français et des européens à la région parisienne, d'une part, et permettre aux Franciliens d'accéder à la grande vitesse sans avoir à passer par Paris, d'autre part ;
- il apparaît nécessaire, à horizon de dix à quinze ans, de créer trois nouvelles gares TGV dans la région : la Défense, pour faciliter son rayonnement international, Orly, aujourd'hui très bien placée mais très mal desservie et, au Nord, le Bourget ou Pleyel ;
- le projet du Grand Paris devrait être complété par un volet sur le fret ferroviaire afin d'engager la France dans le transport écologique de marchandises ;
- la réussite du projet résidera dans la qualité du maillage, étant entendu que, comme l'a indiqué le Président de la République dans son discours du 29 avril 2009, 70 % des hausses de trafic se concentreront sur le réseau existant : les gares constituent donc un élément-clé de ce projet, de même que la qualité des interconnexions.
M. Jean-Pierre Fourcade , rapporteur, ayant demandé quelle était la métropole régionale caractérisée par la meilleure articulation entre le TGV et le transport régional, M. Guillaume Pepy a estimé qu'il s'agissait en réalité de Paris, grâce au contournement de la capitale par la ligne à grande vitesse. Indiquant que, à Londres, la SNCF avait ouvert un service de banlieue sur une ligne à grande vitesse, conduisant à un raccourcissement de 60 % du temps de trajet, il a jugé essentiel que le réseau à grande vitesse soit utile aux Franciliens. Estimant indispensable le prolongement, au-delà de la Défense, de la ligne venant du Havre, il a indiqué que plusieurs solutions existaient - un tunnel jusqu'à Roissy, l'utilisation de l'infrastructure du métro automatique ou un « barreau » permettant une liaison au Nord de l'Île-de-France jusqu'à Roissy. A cet égard, il a fait valoir que toute infrastructure construite aujourd'hui devra être utilisée par plusieurs types de train à terme.
M. Laurent Béteille s'est interrogé sur l'articulation entre les navettes rapides et le maillage des réseaux.
Après avoir souligné que le plan de transport de la région devait être caractérisé par un parfait maillage avec le réseau à grande vitesse, M. Michel Teston s'est interrogé sur les moyens de relier le futur TGV normand avec le réseau ferroviaire à grande vitesse tout en desservant la région parisienne et a estimé qu'un « barreau » situé au nord de Paris était indispensable pour relier le nord et l'ouest de la France. S'agissant de la circulation de TGV ou de TER sur le réseau à grande vitesse, il a relevé que les différences de vitesse posaient des problèmes de circulation en cas d'utilisation importante des sillons.
Après avoir demandé une estimation du nombre de personnes venant de Normandie qui seront concernées par la nouvelle ligne à grande vitesse, M. Charles Revet a souhaité savoir si la double boucle permettrait d'éviter le passage par Paris et quelles étaient les perspectives en matière de développement du transport par voie ferroviaire des marchandises en provenance du port du Havre.
M. Christian Cambon a souligné que les Franciliens avaient une image relativement dégradée de la SNCF, liée à l'Etat des lignes de RER, notamment la ligne D, et s'est félicité de la priorité accordée à la réhabilitation des lignes existantes.
Après avoir demandé des précisions sur la localisation prévisionnelle de la gare d'Orly, M. Denis Badré a jugé que la desserte de la Défense était une priorité et il a souhaité connaître la position de la SNCF sur la gare la plus adaptée pour l'arrivée de Charles-de-Gaulle Express, entre les gares Saint-Lazare, de l'Est ou du Nord.
Evoquant la liaison Charles-de-Gaulle Paris et Charles-de-Gaulle La Défense, M. Philippe Dallier a souhaité savoir « qui s'occupe de quoi ». Relevant l'existence de projets divergents pour la desserte de Roissy, il a évoqué celui d'une liaison spécifique, d'une part, et celui d'une liaison Normandie-Val-de-Seine, d'autre part, et a demandé quelle serait l'option retenue, entre le projet de double boucle et celui d'une liaison spéciale pour l'aéroport.
M. Yves Pozzo di Borgo a jugé que la réflexion sur la grande vitesse et celle sur le fret n'apparaissaient pas dans le projet du Grand Paris et il a souhaité connaître la position de la SNCF sur ces points.
Après avoir fait part de son attachement à la desserte d'Orly, Mme Catherine Procaccia a demandé s'il était d'ores et déjà possible que les lignes de TGV soient utilisées par différents types de trains pour mieux desservir les Franciliens.
En réponse aux différents intervenants, M. Guillaume Pepy a apporté les précisions suivantes :
- l'amélioration des trajets de la vie quotidienne, pour laquelle l'Île-de-France a accumulé du retard par rapport aux autres régions, est une priorité de la SNCF ;
- la réalisation de la double boucle est indissociable de la mise en oeuvre d'un plan d'urgence pour améliorer les RER, réaliser les tangentielles et renouveler le matériel : la SNCF a déjà financé 100 millions d'euros et 200 à 250 millions restent à venir dans le cadre du contrat de projet Etat-région pour la rénovation du RER D et le RER B devra aussi être entièrement rénové avant 2012. En outre, le Président de la République a confirmé la prolongation du RER E vers la Défense et le Mantois, les financements consacrés à ces travaux devant impérativement être sanctuarisés ;
- la SNCF transporte chaque jour 300 000 voyageurs en TGV, pour 3 millions et demi dans des trains de la « vie quotidienne » (TER, RER ...), dont 2,8 millions en Île-de-France ;
- le RER D a connu une hausse de 40 % de trafic en six ans, sur une ligne qui était déjà saturée ;
- le projet du Grand Paris a permis une prise de conscience de tous les problèmes existants sur le réseau francilien actuel ;
- le département des Hauts-de-Seine ne peut rester durablement à l'écart du réseau français et européen de grande vitesse ;
- l'interconnexion des TGV ne peut être utilisée, en l'Etat, par le fret, du fait des différences de gabarit et de règles de sécurité ;
- il est nécessaire de créer une gare d'interconnexion aéroport/réseau ferré à Orly et un pôle multimodal à la Défense ;
- le Gouvernement a demandé que la ligne Charles-de-Gaulle Express soit financée et celle-ci pourrait être ouverte en 2015-2017 ;
- le RER B doit être réservé aux utilisateurs du quotidien plutôt qu'à la desserte de Roissy et s'arrêter à toutes les gares ;
- les TGV ne peuvent aujourd'hui s'arrêter dans les gares franciliennes pour faire du cabotage, du fait d'un nombre trop réduit de quais et de la configuration des gares ; cette question pourrait opportunément être revue dans un schéma directeur de la grande vitesse en Île-de-France ;
- la SNCF est très défavorable au terminus à La Défense d'une ligne venant de Normandie, la priorité étant au contraire son raccordement au réseau français et européen à grande vitesse.
En conclusion, M. Guillaume Pepy a souhaité insister sur les points suivants :
- il n'existe pas de lutte de compétences entre la SNCF et la RATP ;
- la priorité, s'agissant de la double boucle, réside dans son maillage ;
- la question du fret doit être examinée.
En réponse à MM. Philippe Dallier, Yves Pozzo di Borgo et Charles Revet , qui souhaitaient des précisions complémentaires, M. Guillaume Pepy a indiqué que :
- les lignes existantes de TGV ne sont pas utilisables pour les autres trains de voyageurs et ceux de marchandises mais celles à venir le seront, notamment la liaison normande dont l'utilisation pourra être mixte ;
- il n'existe pas aujourd'hui de réponse unique à la question de la pertinence à long terme du choix d'un métro automatique, au regard notamment de la vitesse ;
- le projet Charles-de-Gaulle Express préexistait à celui de la double boucle et le Gouvernement estime qu'il devrait être réalisé pour offrir une liaison directe entre l'aéroport et la ville.
En réponse à une question de M. Jean-Pierre Fourcade , rapporteur, M. Guillaume Pepy a indiqué qu'une arrivée de la liaison Charles-de-Gaulle Express en gare Saint-Lazare ou Montparnasse pouvait être une idée séduisante mais serait extrêmement coûteuse.
Audition de MM. Bertrand Delanoë, maire de Paris, Pierre Mansat, adjoint chargé de Paris métropole et des relations avec les collectivités territoriales d'Île-de-France, et de Mme Anne Hidalgo, première adjointe chargée de l'urbanisme et de l'architecture (mercredi 24 février 2010)
La commission spéciale a entendu M. Bertrand Delanoë, maire de Paris, Mme Anne Hidalgo, première adjointe chargée de l'urbanisme et de l'architecture , et M. Pierre Mansat, adjoint chargé de Paris-métropole et des relations avec les collectivités territoriales d'Île-de-France.
M. Bertrand Delanoë, maire de Paris , a souligné avoir renforcé les investissements concernant la métropole parisienne et les transports en Île-de-France depuis 2001. Désireux de créer une dynamique de travail commune avec tous les élus concernés, indépendamment de leur orientation politique, ainsi qu'une relation de confiance avec l'ensemble des collectivités voisines de Paris, il a rapporté qu'une centaine d'entre elles était favorable à la création de Paris-métropole, syndicat mixte compétent en matière de logement, de transport et d'aménagement urbain, dont la gouvernance va être renforcée.
Il a rappelé que, depuis neuf ans, il a cherché à développer des transports alternatifs à l'automobile dans Paris et les collectivités riveraines, en veillant à prendre prioritairement en compte les enjeux de déplacement entre la capitale et la petite couronne, ainsi que de banlieue à banlieue. La ville de Paris verse désormais 350 millions d'euros au syndicat des transports d'Île-de-France (STIF), contre 100 seulement avant 2007.
Appelant de ses voeux un partenariat avec l'Etat, ainsi que des relations ouvertes et respectueuses entre ce dernier et les collectivités, il a rappelé avoir défendu la proposition du « penser ensemble » lors de la tenue de l'Atelier international du Grand Paris, dont il a souligné que les projets seraient cofinancés par la capitale.
Regrettant, d'une façon générale, que le projet de loi ne s'inscrive pas dans une telle approche, qu'il avait pourtant relevée dans le discours du Président de la République du 29 avril 2009, ainsi que dans une réunion de travail ayant eu lieu six jours auparavant, il a déploré que le projet de loi se limite globalement aux transports. Appelant à plus d'ambition, il a estimé indispensable que ce texte vienne compléter les projets de court terme déjà élaborés et financés potentiellement par les collectivités territoriales à hauteur de 12 milliards d'euros. Ainsi, il s'est dit favorable à un projet de transport en grande couronne, dont il a néanmoins souligné l'imprécision du coût, à condition qu'il soit complémentaire de ceux couvrant les zones d'habitat dense et qu'il relie les pôles économiques de ces zones.
Préférant l'expression de « métropole parisienne » à celle de « Grand Paris », il s'est inquiété du contenu du projet de loi tel que voté en première lecture par l'Assemblée nationale, et a placé ses espoirs dans son examen par le Sénat.
M. Jean-Pierre Fourcade , rapporteur , a tout d'abord relevé dans le texte des éléments de progrès, tels que le financement par l'Etat, au moyen de l'emprunt national, du futur métro automatique en rocade, ou encore l'élaboration des contrats de développement territorial, illustrant le partenariat entre l'Etat et les collectivités territoriales. En outre, il a souhaité que le projet de loi intègre un schéma de développement du TGV permettant de mieux relier la métropole parisienne aux différents points du territoire national, mais également au reste de l'Europe.
Il a interrogé le maire de Paris sur le tracé du projet de métro en rocade, son articulation avec le pôle du plateau de Saclay, le contenu des contrats de développement territorial et la prise en considération des problématiques liées au logement.
Estimant que le tracé du métro en rocade devait être articulé avec les projets déjà développés par les collectivités, et jugeant que la concertation sur ce point devrait permettre d'atteindre un consensus, M. Bertrand Delanoë a cependant insisté sur la nécessité de ne pas multiplier les consultations, au risque de retarder la prise de décision. Appelant à un enrichissement du schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF), y compris par les départements, il a mis en avant l'indispensable cohérence métropolitaine et régionale des contrats de développement territorial, regrettant à cet égard l'absence de référence à Paris-métropole dans le projet de loi. Enfin, il s'est dit favorable au développement du pôle de Saclay, à condition toutefois qu'il ne donne pas lieu à un transfert à son profit d'établissements ou d'organismes actuellement situés à Paris ou dans les Hauts-de-Seine.
Mme Anne Hidalgo, première adjointe chargée de l'urbanisme et de l'architecture, a déploré que le projet de loi oppose deux logiques en matière de transports, l'une favorisant la desserte des zones denses et l'autre une liaison à grande vitesse entre des sites stratégiques, alors qu'il est essentiel de les rendre compatibles. Craignant que la valorisation foncière attendue dans les espaces proches des gares et destinée à financer le projet entraîne la relégation des logements sociaux dans les zones plus reculées, elle a critiqué l'absence des sciences sociales dans le pôle de Saclay, à l'encontre de la démarche d'intégration transversale retenue dans la majorité des universités de renommée mondiale.
M. Pierre Mansat, adjoint chargé de Paris métropole et des relations avec les collectivités territoriales d'Île-de-France, a regretté l'absence d'un maillage territorial à la fois dense et fin, en matière de transport, dans le projet de loi. Estimant que le mode de financement devait prendre en compte les coûts d'exploitation de la double boucle, il a jugé que le texte ne permettait pas de hiérarchiser les différentes priorités.
Se félicitant de ce que le débat sur le Grand Paris ait été lancé au mois de septembre 2009 au sein du conseil municipal de la Ville de Paris, et relevant les propos alors sévères du maire à son encontre, M. Yves Pozzo di Borgo a noté que des progrès avaient été réalisés, grâce à la bonne volonté de l'ensemble des acteurs. Estimant que la démarche de construction de grands pôles urbains allait créer une véritable dynamique en faveur des villes et du logement social, il a jugé nécessaire de coordonner le contenu du projet de loi avec les projets déjà existants en ce domaine. Enfin, il a interrogé l'intervenant sur l'évolution possible de son appréciation du projet de loi.
Relevant le climat constructif des relations entre Paris et ses communes riveraines, M. Christian Cambon a anticipé un surcroît de pouvoir de l'Etat, dans la mesure où la création de grandes infrastructures régionales nécessiterait un pilotage plus centralisé. Stigmatisant à cet égard l'incapacité de la région durant ces quinze dernières années à faire aboutir de nouveaux projets, il a appelé à résoudre prioritairement les problèmes actuels, notamment s'agissant du réseau RER. Voyant dans la densification du noyau central, prévue par le SDRIF, la source d'un engorgement des transports, il a questionné l'intervenant sur les améliorations qu'il souhaiterait y apporter. Enfin, il s'est interrogé sur la capacité de Paris-métropole à assurer une gouvernance efficace des collectivités qu'il regroupe.
Après avoir salué la continuité des propos du maire de Paris avec ceux de ses prédécesseurs sur certains sujets, M. Philippe Dominati a regretté l'absence de propositions de sa part, notamment sur le plan institutionnel. Le maire de Paris est-il favorable à la liberté d'organiser des transports collectifs en surface en dehors du monopole de la société d'Etat ? Est-il favorable à la normalisation du statut de la capitale par rapport au droit de commun ? Quelles sont ses propositions s'agissant du périmètre du Grand Paris ?
M. Jean-Pierre Caffet a déclaré avoir identifié, au terme des auditions menées tant par la commission spéciale que par le rapporteur, deux sujets particulièrement importants :
- les contrats de développement territoriaux (CDT) : comment les utiliser ? Comment respecter la libre administration des communes ? Comment répartir la richesse créée par les aménagements ? Comment assurer la cohérence des CDT avec les documents existants, notamment le SDRIF ? Comment faire en sorte que les territoires concernés puissent construire des logements, notamment sociaux ?
- l'articulation entre le « double huit », le plan de mobilisation du conseil régional et le maillage : si le Gouvernement a annoncé que l'Etat financerait l'intégralité du projet, aucune garantie n'a été formulée s'agissant du financement de l'articulation entre les différents réseaux.
M. Philippe Dallier a indiqué partager le point de vue du maire de Paris sur le projet de loi. Ce projet est parcellaire, il se contente d'évoquer les questions de transport et du développement des territoires où seront implantées les gares. Certains sujets essentiels ne sont pas évoqués : le logement, le partage de la richesse fiscale ou encore la cohésion urbaine et sociale.
La méthode adoptée par le ministre est certes efficace mais elle ne permet pas l'émergence d'une véritable vision métropolitaine : les questions centrales de gouvernance sont remises à plus tard et les négociations sont menées bilatéralement avec certains maires. Cette situation montre que sans outil de gouvernance, les projets les plus importants ne peuvent être mis en oeuvre : personne n'est aujourd'hui légitime pour parler au nom de la métropole.
S'agissant des possibilités d'amender le présent projet de loi, qu'attend exactement le maire de Paris du Sénat ?
M. Jean-Léonce Dupont a souligné que la réflexion sur le Grand Paris trouvait un écho en Normandie. Jacques Attali a en effet souligné que la consécration de Paris comme « ville monde » était conditionnée par sa capacité à être reliée à la mer. Sur ce sujet, il faut préférer à la liaison Paris-Rouen-Le Havre la liaison entre Paris et l'ensemble de la façade maritime. Les réflexions sur le Grand Paris doivent donc rejoindre les réflexions menées aujourd'hui par les deux Normandie, et la capitale doit rechercher des synergies non seulement avec Rouen et Le Havre mais aussi avec Caen.
M. Michel Teston a relevé plusieurs lacunes du projet de loi : outre la nécessité du maillage et de la complémentarité entre le plan de mobilisation et le projet du Grand Paris, la poursuite de l'interconnexion en région parisienne du réseau ferroviaire à grande vitesse et les flux en matière de fret ne sont pas pris en compte. Ainsi, rien n'est prévu pour que la région d'Île-de-France puisse s'engager dans le transport écologique des marchandises.
Un projet de transport ne doit pas seulement porter sur la mise en place d'infrastructures de qualité mais également sur la capacité à les relier à l'ensemble du réseau ferroviaire.
A la suite de ces interventions, M. Bertrand Delanoë, maire de Paris , a apporté les éléments de réponse suivants :
- les améliorations du projet de loi pourraient porter sur la reconnaissance du SDRIF par l'Etat après les élections régionales, la prise en charge par l'Etat non seulement du financement du « double huit » mais également de son fonctionnement qui, dans le projet actuel, est laissé à la charge du STIF, ce qui entraîne un accroissement des coûts additionnels inacceptable pour les collectivités territoriales;
- le financement du service public par le secteur privé n'est pas souhaitable, même si l'intervention du privé ne doit pas être rejetée par principe : le projet CDG Express doit ainsi aboutir ;
- la décision du Conseil constitutionnel qui a permis à Paris de rentrer dans le droit commun s'agissant de l'ouverture des commerces le dimanche doit être saluée ;
- l'Etat s'est longtemps désintéressé de Paris et le projet de loi ne repose pas sur la bonne méthode : il faut mettre en place un véritable partenariat entre l'Etat et les collectivités territoriales. La nomination du directeur de l'Atelier international du Grand Paris sans consultation de la mairie de Paris constitue un contre-exemple regrettable ;
- s'agissant de la gouvernance, la mise en place d'une communauté urbaine autour de Paris n'est pas envisageable à court terme. Une nouvelle étape peut en revanche être franchie en matière de gouvernance à partir de Paris-métropole, en s'appuyant sur des décisions et des réalisations concrètes ;
- le plan de mobilisation de la région et le rapport Carrez doivent être pris en compte par le Sénat lors de l'examen du projet de loi ;
- s'agissant de la Normandie, les liens entre Paris et la façade maritime sont essentiels et aucune ville ne doit être exclue dans la mise en oeuvre des synergies ;
- l'accessibilité à Paris de toute la France et de toute l'Europe est un enjeu essentiel. L'arrivée des grandes lignes TGV dans le centre de Paris est de ce point de vue un atout, qui ne doit pas être remis en cause par l'intéressant projet d'ouverture d'une gare TGV en Seine-Saint-Denis.