IV. LA PROPOSITION DE LOI : UNE PROTESTATION CONTRE LA PASSIVITÉ DU GOUVERNEMENT DANS LA DÉFENSE DES SERVICES SOCIAUX EN EUROPE
A. AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE, RIEN N'EST ENTREPRIS POUR FAIRE ÉVOLUER L'ENCADREMENT DES AIDES D'ÉTAT
1. La réglementation en vigueur
Du point de vue du droit communautaire, le problème des Sieg est en réalité, pour l'essentiel, celui des aides d'Etat. En effet, la mise en place d'un service public, notamment dans le domaine social, se traduit dans la majorité des cas par le versement d'une subvention publique à l'opérateur qui en est chargé.
Or, la légalité de ces subventions est contrôlée par la Commission et la CJCE, qui ne les acceptent que si celles-ci remplissent des conditions strictement définies.
On l'a vu, ces conditions, communément dénommées paquet « Monti-Kroes », sont fixées par plusieurs décisions et règlements de la Commission inspirés de la jurisprudence de la CJCE.
Les aides dont le montant est inférieur à 200 000 euros sur trois ans, c'est-à-dire les aides dites « de minimis » , ne font l'objet d'aucun encadrement particulier. En revanche, celles d'un montant supérieur doivent, pour ne pas être considérées comme contraires au traité et donc illégales, satisfaire aux trois exigences suivantes :
- la structure bénéficiaire doit effectivement être chargée de l'exécution d'obligations de service public clairement définies ;
- les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis, de façon objective et transparente ;
- la compensation ne peut pas dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public ;
Or, force est de constater que cette réglementation est inadaptée à la vie associative et économique de la majorité des communes : son respect requiert des compétences juridiques et la mise en place d'une comptabilité analytique qui ne sont accessibles qu'aux opérateurs et collectivités de taille moyenne ou au-delà.
En outre, les coûts engendrés par la réglementation sont, de l'avis de l'association des maires de France (AMF) et de l'assemblée des départements de France (ADF), à la fois élevés et absurdes : les fonds mobilisés en frais administratifs viennent en déduction des subventions versées aux associations, alors que le respect de la procédure ne change rien, de fait, aux choix et pratiques des communes et départements.
Le Gouvernement lui-même semble conscient de ces difficultés, puisque dans son rapport triennal sur les conditions de mise en oeuvre des règles du paquet « Monti-Kroes » en mars 2009, il signalait à la Commission « le décalage extrêmement important qui existe entre les préoccupations des collectivités publiques lorsqu'elles organisent les ressorts de leur compétence et la façon dont le droit européen appréhende ces services ». Il indiquait même que les incompréhensions entre les pouvoirs publics français et les autorités communautaires sur ce sujet « sont source d'insécurité juridique, mais également de coûts importants ».
Pourtant, depuis un an et demi, cette fermeté de ton dans les propos ne s'est traduite par aucune action concrète . D'après l'ensemble des personnalités auditionnées par votre rapporteur, le Gouvernement n'a entrepris aucune démarche, ni officielle ni officieuse, pour faire évoluer la réglementation des aides d'Etat en Europe .