C. QUELLE RÈGLE D'ÉQUILIBRE DES FINANCES PUBLIQUES ?
Lors de la conférence sur le déficit du 28 janvier 2010, le Président de la République a souhaité que la France se dote d'une règle d'équilibre pour l'ensemble de ses administrations publiques 23 ( * ) . Un groupe de travail présidé par M. Camdessus, ancien directeur général du FMI, doit rendre ses conclusions en avril prochain.
1. Une règle qui n'est justifiée que si elle entend l'équilibre au sens d'un solde que l'on détermine
Votre rapporteur général considère qu'une telle règle n'est justifiée que si elle entend l'équilibre au sens d'un solde que l'on détermine 24 ( * ) , et non d'une absence de besoin de financement.
En effet, on considère habituellement que le déficit public doit être fixé en fonction de l'objectif de ratio dette/PIB que l'on se fixe pour une échéance donnée. Par exemple, pour ramener ce ratio de 90 % à 50 % en 20 ans, avec une croissance du PIB en valeur de l'ordre de 4 %, il suffit que le déficit public ne soit pas supérieur à 1 point de PIB.
Un objectif d'équilibre du solde public n'a de sens que si l'on souhaite entraîner la disparition de la dette publique, ce qui ne paraît pas économiquement utile, et bouleverserait les marchés financiers.
2. Une règle qui doit être non manipulable
Votre rapporteur général considère que la règle doit être non manipulable.
En effet, l'expérience montre que les gouvernements successifs cherchent à s'émanciper à court terme des règles qu'ils édictent pour le long terme, et à manipuler les indicateurs. L'exemple des programmes de stabilité, dont aucun n'a été respecté depuis dix ans, montre bien cet état de fait. Dans la première moitié des années 2000, alors que le dynamisme des recettes publiques était faible, et que par conséquent le déficit structurel évoluait défavorablement, le gouvernement a estimé qu'il convenait de remplacer cette notion par celle d' « effort structurel », qui prenait en compte le seul impact des mesures discrétionnaires. Puis la notion de déficit structurel est revenue en grâce quand les recettes se sont remises à augmenter spontanément plus rapidement que le PIB. Avant la réforme du pacte de stabilité en 2005, la France avait l'habitude de minorer son déficit public en recourant à des mesures exceptionnelles, comme des « soultes ». Plus récemment, le Gouvernement a choisi d'interpréter les règles de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 relatives aux niches fiscales et sociales et aux mesures nouvelles sur les recettes de l'Etat et de la sécurité sociale d'une manière qui les vide d'une grande part de leur contenu.
Dans les années qui viennent, la distinction entre les parts conjoncturelle et structurelle du déficit sera de fait impossible, faute de consensus sur le niveau structurel du PIB. Comme votre rapporteur général l'a souligné dans de précédents rapports, si la crise a réduit le PIB structurel, cela signifie que le déficit structurel a augmenté. Il est vraisemblable que si l'on adoptait une approche en termes d'équilibre structurel, les gouvernements successifs seraient enclins à exagérer la part conjoncturelle de leur déficit.
* 23 « Je souhaite que nous allions encore plus loin et que la France se dote d'une règle d'équilibre pour l'ensemble de ses administrations publiques. C'est ce sur quoi nous allons travailler. Les Allemands sont parvenus à un accord transpartisan sur ce sujet. C'est ce que nous allons essayer de faire. Nous avons demandé à Michel Camdessus de présider un groupe de travail sur cette question. Il devra se poser des questions comme : l'objectif de retour à l'équilibre doit-il être 2020, comme les Allemands l'ont fixé ? Quelles sont les modalités du rétablissement ? ».
* 24 Selon l'article 1er de la LOLF, « les lois de finances déterminent, pour un exercice, la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'Etat, ainsi que l'équilibre budgétaire et financier qui en résulte ».