EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er - (article 85 de la loi n° 2009-1673 de finances pour 2010) - Suppression de la fiscalisation des indemnités journalières versées au victimes d'accident du travail

Objet : Cet article tend à supprimer la fiscalisation des indemnités journalières adoptées dans le cadre de la loi de finances pour 2010.

I - Le dispositif proposé

Cet article supprime l'article 85 de la loi de finances pour 2010 afin de revenir à l'état antérieur du droit et à la non-fiscalisation des indemnités servies au titre de la branche AT-MP.

II - La position de votre rapporteure

Votre rapporteure considère que la fiscalisation des indemnités du travail aboutit à diminuer les sommes perçues par les victimes de dommages causés par le travail, ce que ne subissent pas les autres victimes de dommages dont les rentes et indemnités sont exonérées de l'impôt sur le revenu en application de l'article 885 K du code général des impôts. Instaurer une telle inégalité revient à nier le caractère de dommage au préjudice subi par les salarié(e)s qui se trouvent pourtant en situation de subordination par rapport à l'employeur et n'ont eu, de ce fait, pas d'autre choix que de participer aux activités qui ont été la cause de leur préjudice.

De surcroît, la fiscalisation des indemnités journalières servies au titre de la branche AT-MP est contraire à la position, plusieurs fois exprimée, de la commission des affaires sociales du Sénat qui s'est opposée à cette mesure quand elle était proposée par sa commission des finances.

Votre rapporteure estime par ailleurs qu'il serait symboliquement important de montrer l'attachement du Sénat à la protection des salarié(e)s au moment où leurs droits sociaux sont progressivement érodés et où augmente le phénomène de mal-être au travail.

III - La position de votre commission

Votre commission maintient l'appréciation du Sénat sur le dispositif équilibré d'imposition voté en décembre 2009 et qui ne s'applique qu'à une partie des indemnités journalières servies et non aux rentes permanentes. Elle souligne que le Conseil constitutionnel a validé cette disposition qui tient compte de la double nature des indemnités journalières et que les partenaires sociaux n'ont pas estimé que la mesure avait un effet sur le fonctionnement de la branche AT-MP. Elle est donc défavorable à cet article.

Article 2 (art. L. 410-1(nouveau) du code de la sécurité sociale) - Réparation intégrale des préjudices causés par un accident du travail ou une maladie professionnelle

Objet : Cet article tend à insérer dans le code de la sécurité sociale un article additionnel prévoyant la réparation intégrale des préjudices causés par un accident du travail ou une maladie professionnelle.

I - Le dispositif proposé

Cet article tend à insérer en tête du Livre IV du code de la sécurité sociale consacré aux accidents du travail et maladies professionnelles, un chapitre nouveau composé d'un article unique posant le principe d'une indemnisation intégrale des préjudices causés par un accident du travail ou une maladie professionnelle.

II - La position de votre rapporteure

Votre rapporteure estime que l'écart entre l'indemnisation intégrale due au titre de la responsabilité civile et l'indemnisation forfaitaire servie par le régime AT-MP n'a plus de justification autre que financière. L'évolution du droit et de la jurisprudence a en effet singulièrement réduit l'avantage que représentait pour les salarié(e)s la présomption d'imputabilité qui légitimait la réparation forfaitaire. La présomption d'imputabilité peut également s'analyser, ce que tend à montrer la jurisprudence de la Cour de Cassation, comme une conséquence de l'autorité patronale à laquelle sont soumis les salarié(e)s et qui découle du contrat de travail.

Dès lors, il est parfaitement possible de la maintenir tout en allant au bout de la logique assurantielle amorcée par la loi de 1898 et adoptée pour les autres branches de le sécurité sociale. En effet, il n'y a pas lieu de prévoir une indemnisation partielle dès lors que le risque est mutualisé entre les employeurs. L'indemnisation intégrale étant la seule forme de réparation réellement juste face au préjudice subi, c'est elle qu'il faut retenir puisqu'aucun impératif d'intérêt général ne s'y oppose.

III - La position de votre commission

Votre commission a déjà eu l'occasion d'aborder à plusieurs reprises la question du passage à un régime de réparation intégrale au titre de la branche AT-MP 12 ( * ) . Elle ne peut que rappeler les arguments alors avancés : « le passage à la réparation intégrale devrait (...) faire peser sur les salariés de nouvelles exigences de preuve, ce qui ne serait pas nécessairement à leur avantage » ; plus encore, pareille mesure, si elle était imposée par le législateur, risquerait « d'affaiblir le paritarisme dans la gestion de la branche AT-MP » et ce, alors même que les partenaires sociaux ont écarté l'idée de la réparation intégrale dans leur accord du 12 mars 2007 ; enfin, le coût de cette mesure paraît prohibitif étant donné le déficit de la branche AT-MP.

Votre commission est donc défavorable à cet article.

Article 3 (art. L. 431-1 du code de la sécurité sociale) - Précision des préjudices compris dans l'indemnisation et précision des personnes admises au bénéfice d'un dédommagement au titre du préjudice moral

Objet : Cet article énumère les préjudices indemnisés par la branche dans le cadre d'une réparation intégrale et précise les personnes bénéficiaires d'une indemnisation en cas de décès de la victime.

I - Le dispositif proposé

Cet article introduit un nouvel alinéa 4 bis dans l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale qui précise les prestations servies par le régime AT-MP. Cet alinéa se compose de deux parties :

- la première reprend les différents types de préjudices dégagés par la jurisprudence et ouvrant droit à indemnisation dans le cadre d'une réparation intégrale ;

- la seconde précise qu'en cas de décès, les ayants droit visés aux articles L. 434-7 et suivants du même code, ainsi que les ascendants et descendants qui ne bénéficient pas d'une rente, ont droit à une réparation au titre du préjudice moral.

II - La position de votre rapporteure

Votre rapporteure estime nécessaires ces précisions dans la logique de l'article précédent. La réparation des différents préjudices mentionnés correspond à l'indemnisation intégrale envisagée comme l'un des scénarios possible par le rapport Laroque de 2004 pour un coût estimé de 3 milliards d'euros. Même si ce coût peut paraître important eu égard au budget de la branche AT-MP, environ 10 milliards d'euros dont 7,3 milliards de prestations directes, votre rapporteure souligne que le fait de faire peser ces dépenses sur la branche est un choix de nature politique qu'elle assume. En effet, en l'absence de prise en charge par la branche, les différents préjudices, et singulièrement ceux liés au recours à une tierce personne ou aux aménagements résultant d'une incapacité permanente, sont supportés par les départements au titre des prestations compensatrices du handicap. Sont donc pris en charge par la collectivité nationale des coûts qui relèveraient, dans le cadre d'un contentieux de la responsabilité civile, de l'employeur. Il s'agit là d'une dépense que l'ensemble des citoyens n'a pas à supporter et les départements à budgéter car elle ne relève pas, par nature, de la solidarité nationale.

Votre rapporteure reconnaît toutefois que la rédaction de cet article pourrait être précisée pour viser non pas les types de préjudices indemnisés mais la nature des différents frais pris en charge.

III - La position de votre commission

Votre commission est défavorable à cet article qui n'est que l'application du principe de la réparation intégrale auquel elle s'oppose en dehors d'un accord entre partenaires sociaux.

Article 4 (art. L 434-2 du code de la sécurité sociale) - Utilisation pour le calcul des rentes du véritable taux d'incapacité, dit aussi « taux médical »

Objet : Cet article tend à remplacer le calcul des rentes à partir d'un taux minimal par le véritable taux d'incapacité, dit aussi « taux médical ».

I - Le dispositif proposé

Cet article modifie les deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article L. 434-1 du code de la sécurité sociale relatif au mode de calcul des rentes servies par le régime AT-MP au titre d'une incapacité permanente. Il supprime la référence au taux minimal d'incapacité fixé à 10 % par l'article R. 434-1 du code. Dès lors, toute incapacité permanente ou cumul d'incapacités permanentes ouvrent droit à une rente égale au salaire annuel multiplié par le taux d'incapacité. Est également supprimée par cet article la possibilité de moduler la rente en fonction de la gravité de l'incapacité.

II - La position de votre rapporteure

Votre rapporteure estime cet article cohérent avec l'objectif d'une réparation intégrale. Il n'y a, en effet, pas de différence de nature entre un taux d'incapacité inférieur ou supérieur à 10 %, qui justifie l'octroi d'une rente au-delà de ce seuil, et son absence en deçà.

Une première estimation, par la branche AT-MP, du coût de cette mesure l'établit à environ 2,98 milliards d'euros, résultant à hauteur de 2,2 milliards de la suppression de la possibilité de moduler le taux de la rente en fonction de la gravité de l'incapacité. Il s'agit là d'un choix politique que votre rapporteure assume, tout en admettant que la rédaction de cet article pourrait utilement être précisée.

III - La position de votre commission

Votre commission est défavorable à cet article , qui porterait l'indemnisation en France à un niveau qui n'existe dans aucun pays européen, en raison de son coût prohibitif.

Article 5 (art. L. 433-2 du code de la sécurité sociale) - Augmentation du montant des indemnités journalières

Objet : Cet article fixe le montant des indemnités journalières au salaire net journalier perçu.

I - Le dispositif proposé

Cet article modifie l'article L. 433-2 du code de la sécurité sociale relatif au calcul de l'indemnité journalière. Il en propose une nouvelle rédaction qui fixe le montant de l'indemnité au salaire net journalier par opposition au système actuel qui prévoit que les indemnités sont de 60 % du salaire journalier de base jusqu'au vingt-huitième jour et de 80 % au-delà, en application de l'article R. 434-1 du même code.

II - La position de votre rapporteure

Votre rapporteure est favorable à cet article qui est cohérent avec la volonté d'indemnisation intégrale. Une première estimation de son coût par la branche AT-MP l'établit à environ 160 millions d'euros.

III - La position de la commission

Votre commission est défavorable à cet article qui substitue, de manière inopportune, le législateur à la négociation entre les partenaires sociaux gestionnaires de la branche.

Article 6 (art. 39 du code général des impôts) - Maintien du montant des cotisations accidents du travail et maladies professionnelles versées par les employeurs dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés

Objet : Cet article tend à maintenir les cotisations versées au titre de la branche AT-MP dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés.

I - Le dispositif proposé

Cet article modifie l'article 39 du code général des impôts relatif à l'assiette de l'impôt sur les sociétés pour y maintenir les cotisations dues au titre du régime AT-MP.

II - La position de votre rapporteure

Votre rapporteure estime que la réintégration, dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés, des 10 milliards d'euros de cotisations versées au titre du régime AT-MP aurait pour vertu d'augmenter les recettes de l'Etat, et donc de participer à la compensation des sommes déjà versées par les départements en raison de la non-réparation intégrale du préjudice par le régime AT-MP. Par ailleurs, cette mesure serait de nature à renforcer l'incitation, pour les entreprises, à adopter des mesures de prévention.

III - La position de la commission

Votre commission est défavorable à cet article qui vient contrarier les décisions prises par les partenaires sociaux gestionnaires du régime en matière de tarification et risque d'avoir de nombreux effets pervers en rendant le contentieux plus avantageux que la cotisation au régime.

Article 7 - Gage

Objet : Cet article gage les dépenses résultant de la proposition de loi.

I - Le dispositif proposé

Cet article entend gager les pertes de recettes et les dépenses résultant de la proposition de loi sur les revenus du patrimoine et les revenus des placements, visés respectivement par les articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale.

II - La position de votre rapporteure

Votre rapporteure est favorable à cet article qui fait peser les conséquences financières d'une meilleure indemnisation des victimes du travail sur les revenus du capital qui bénéficient d'une fiscalité allégée.

III - La position de la commission

Par cohérence avec sa position sur l'ensemble des articles de la proposition de loi, votre commission est défavorable à cet article . Elle souligne par ailleurs que les augmentations de dépense de plus de 6 milliards d'euros résultant de la proposition de loi ne peuvent être gagées.

* 12 Cf. Rapport d'information n° 37 tome I (2005-2006) - 26 octobre 2005 de Gérard Dériot et Jean-Pierre Godefroy, « Le drame de l'amiante en France : comprendre, mieux réparer, en tirer des leçons pour l'avenir », fait au nom de la mission commune d'information.

Page mise à jour le

Partager cette page