EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. LE CADRE JURIDIQUE DE LA SOLIDARITÉ DANS LE DOMAINE DE L'ALIMENTATION EN EAU DES PARTICULIERS
A. L'ORGANISATION DU SERVICE D'ALIMENTATION EN EAU ET DE L'ASSAINISSEMENT DES PARTICULIERS
1. La compétence d'organisation des services d'eau et d'assainissement s'exerce au niveau des communes
a) Le principe de la compétence communale
Avant la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques (LEMA), les communes disposaient d'un monopole de fait quant à l'exercice de la compétence de l'eau puisqu'elles seules pouvaient délivrer les autorisations d'occupation du domaine public indispensable pour l'établissement des réseaux de distribution d'eau potable et de collectes des eaux usées. Toutefois, aucun texte ne conférait juridiquement aux communes une compétence exclusive en matière de distribution d'eau .
La LEMA a consacré la compétence exclusive des communes pour produire et distribuer l'eau potable . L'article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose ainsi que : « Les communes sont compétentes en matière de distribution d'eau potable. Dans ce cadre, elles arrêtent un schéma de distribution d'eau potable déterminant les zones desservies par le réseau de distribution. Elles peuvent également assurer la production d'eau potable, ainsi que son transport et son stockage. Toutefois, les compétences en matière d'eau potable assurées à la date de publication de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques par des départements, des associations syndicales autorisées ou constituées d'office ne peuvent être exercées par les communes sans l'accord des personnes publiques concernées ».
b) Un service public à caractère industriel et commercial en gestion directe ou déléguée
L'article L. 2224-7-1 du CGCT définit précisément le service public de la gestion de l'eau , à savoir la distribution d'eau potable et le cas échéant, la production d'eau potable ainsi que son transport et son stockage.
La LEMA, dans une disposition codifiée à l'article L. 2224-11 du CGCT, a qualifié les services publics d'eau, de services publics à caractère industriel et commercial (SPIC) 7 ( * ) . Le Conseil d'État a eu l'occasion de réaffirmer 8 ( * ) que le service de production d'eau potable constituait un SPIC, et selon une jurisprudence constante, il en est de même de la distribution d'eau potable. Cette qualification vaut d'ailleurs quel que soit le mode de gestion.
Les communes disposent toutefois du choix du mode de gestion du service public de l'eau , cette gestion pouvant être soit directe, soit déléguée. Là encore la jurisprudence administrative a eu l'occasion de d'affirmer la liberté de choix du mode de gestion de leur réseau par les collectivités bénéficiaires.
Eu égard à leur qualification de SPIC, les services d'eau peuvent être gérés selon deux formes lorsque la collectivité a fait le choix de la gestion directe :
- la régie dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière est un établissement distinct de la collectivité qui l'a créée. Elle peut alors posséder un patrimoine propre constitué des biens dont la dote cette collectivité. Elle est administrée par un conseil d'administration. Le service de l'eau est géré de façon autonome, le budget et les tarifs étant votés par le conseil d'administration de la régie ;
- la régie dotée de la seule autonomie financière bénéficie d'une individualisation budgétaire et comptable au sein de sa collectivité d'origine. Elle dispose d'un budget propre mais non d'un patrimoine distinct de celui de la collectivité. Elle est placée sous l'autorité du maire ou président de la collectivité, représentant légal et ordonnateur de la régie.
Lorsque la collectivité a opté pour une délégation de service public du service de production d'eau potable , celle-ci prend la forme d'un contrat de délégation de service public 9 ( * ) (concession ou affermage) par lequel la personne publique transfère la mission de maîtrise d'ouvrage portant sur les ouvrages désignés au contrat. Les travaux d'entretien courant ont vocation à être mis à la charge du délégataire, et il en va de même de la majorité des travaux de renouvellement. Le risque d'exploitation pèse sur l'exploitant, puisque la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation.
2. La composition du prix de l'eau et les modulations possibles
a) Les principes s'imposant au budget de l'eau
Les budgets des SPIC doivent être équilibrés en recettes et en dépenses. Dès lors, le budget du service de distribution d'eau doit obligatoirement être séparé du budget général de la commune .
Ce principe d'individualisation budgétaire se justifie par la nécessité d'évaluer le coût du service fourni à l'usager, lequel correspond à la contribution qui est demandée à ce dernier pour le service rendu.
De même, au titre du principe de l'équilibre budgétaire, selon lequel le budget de l'eau doit être équilibré en recettes et en dépenses , les communes ne peuvent prendre en charge dans leur budget général les dépenses afférentes aux services de l'eau, et ceci afin d'éviter de faire payer le contribuable à la place de l'usager.
b) La composition du prix de l'eau
L'article L. 2224-12-4 du CGCT décompose le prix de l'eau selon une facturation dite du « binôme » :
- une partie fixe correspondant à une redevance d'abonnement au service ;
- et une partie variable dépendant du volume d'eau consommé.
La logique d'une telle mesure est que la tarification du service public de la distribution d'eau potable doit être proportionnée aux volumes consommés. Cet article institue en outre, dans un but social, un plafonnement de la part fixe, celui-ci devant ainsi favoriser l'accès à l'eau. Un arrêté du 6 août 2007 définit les modalités de calcul du plafond de la part de la facture d'eau non proportionnelle au volume d'eau consommé.
La fourniture à titre gratuit d'eau potable est en principe interdite . Depuis l'entrée en vigueur de la disposition de la LEMA, codifiée à l'article L. 2224-12-1 du CGCT, la fourniture gratuite d'eau potable aux administrations ou aux bâtiments publics est prohibée alors qu'elle était par le passé autorisée.
La fourniture gratuite d'eau pour la lutte contre les incendies est la seule exception qui demeure , l'article L. 2224-12-1 prévoyant en effet dans son dernier alinéa qu'il n'est pas applicable aux consommations d'eau des bouches et poteaux d'incendie placés sur le domaine public.
c) Les modulations du prix de l'eau autorisées par la loi
L'article L. 2224-12-4 du CGCT, introduit par l'article 57 de la LEMA, prévoit dans son quatrième paragraphe la possibilité pour le conseil municipal ou l'assemblée délibérante du groupement de collectivités territoriales de moduler les tarifs du service public de l'eau selon les saisons , « dans les communes où l'équilibre entre la ressource et la consommation d'eau est menacé ».
Depuis la LEMA, il est également possible, à compter du 1 er janvier 2010, pour les communes ou leurs groupements d'instaurer une tarification progressive du prix de l'eau . Ainsi, sous réserve des règles de plafonnement du montant de la part fixe, le montant de la facture d'eau calculé en fonction du volume réellement consommé peut être établi, soit sur la base d'un tarif uniforme au mètre cube, soit sur la base d'un tarif progressif, dans le respect de l'article 9 de la directive européenne du 23 octobre 2000 10 ( * ) , relatif à la récupération des coûts des services liés à l'utilisation de l'eau.
En revanche, les possibilités de tarification dégressive ont été strictement encadrées par la LEMA . Ce n'est en effet que dans l'hypothèse où plus de 70 % du prélèvement d'eau ne fait pas l'objet de règles de répartition des eaux qu'un tarif dégressif peut être établi par le conseil municipal ou l'assemblée délibérante du groupement de collectivités territoriales.
* 7 L'article L. 2224-11 dispose que : « les services publics d'eau et d'assainissement sont financièrement gérés comme des services à caractère industriel et commercial ».
* 8 Conseil d'État, 28 juin 2006, Syndicat intercommunal d'alimentation en eau de la moyenne vallée du Gier.
* 9 Dans le domaine de l'eau potable et de l'assainissement, les conventions de délégation de service public ne peuvent avoir une durée supérieure à vingt ans, sauf examen préalable par le trésorier-payeur général, à l'initiative de l'autorité délégante, des justificatifs de dépassement de cette durée (article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales).
* 10 Directive n° 2000/60/CE du 23/10/2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.