CHAPITRE II - LES CATÉGORIES DE JEUX ET PARIS EN LIGNE SOUMIS À AGRÉMENT
ARTICLE 5 - Définition des notions de pari et de jeu en ligne, d'opérateur de jeux et de paris en ligne, de joueur et de parieur en ligne, et de compte de joueur en ligne
Commentaire : le présent article définit plusieurs notions relatives à l'offre de jeux sur Internet : les notions de pari et de jeu en ligne, d'opérateur de jeux et de paris en ligne, de joueur et de parieur en ligne, et de compte de joueur en ligne.
I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Après avoir fixé, dans un premier chapitre, les dispositions relatives à l'ensemble du secteur des jeux d'argent et de hasard, le présent projet de loi définit, dans le présent article, différentes notions spécifiques à l'offre de jeu en ligne .
A. LA NOTION DE PARI ET DE JEU EN LIGNE
Le I du présent article définit, tout d'abord, les notions de paris et de jeux en ligne. Ces notions sont essentielles puisqu'elles participent à la délimitation du périmètre de l'ouverture à la concurrence proposée par l'article premier du présent projet de loi.
Le présent article pose une double définition des paris et jeux en ligne :
- d'une part, une définition positive : sont concernés les paris et les jeux dont « l'engagement passe exclusivement par l'intermédiaire du réseau informatique Internet » , et ce quel que soit le moyen de communication électronique utilisé, à savoir aujourd'hui principalement les micro-ordinateurs, les téléphones portables connectés à Internet ou encore le modem ADSL « Asymetric Digital Subscriber Line » permettant d'offrir des services de téléphonie et de télévision ;
- d'autre part, une définition négative : sont exclus les paris et jeux dont l'engagement a été « enregistré aux moyens de terminaux destinés exclusivement ou essentiellement à la prise de paris ou de jeux et mis à la disposition des joueurs dans des lieux publics ou des lieux privés ouverts au public ». Sont ici visés les terminaux électroniques - que ces derniers soient connectés ou non au réseau Internet - qui pourraient être implantés, par des opérateurs agréés, dans des réseaux physiques concurrents de la FDJ et du PMU. Il s'agit ici de préserver le monopole des opérateurs « en dur ».
B. LA NOTION D'OPÉRATEUR DE JEUX OU DE PARIS EN LIGNE
Le II du présent article définit, quant à lui, la notion d'opérateur de jeux ou de paris en ligne selon trois principaux critères :
1) L'opérateur est, tout d'abord, défini comme « toute personne », physique ou morale en l'absence de précision, dont l'offre de jeux ou de paris en ligne constitue une activité « habituelle » , ce qui écarte une entreprise, par exemple un groupe de médias, qui offrirait occasionnellement des jeux et des paris en ligne.
Comme il le précisera à l'occasion du commentaire de l'article 10 du présent projet de loi, votre rapporteur est réservé sur la possibilité, offerte par le présent article et surtout l'article 10 du présent projet de loi, d'accorder des agréments à des personnes physiques , en tant que représentants d'entreprises individuelles, même si les nombreuses obligations imposées aux candidats devraient de facto impliquer une exclusion de telles entités qui solliciteraient l'agrément.
2) L'opérateur doit ensuite « proposer au public des services de jeux et de paris en ligne comportant des enjeux de valeur monétaire ». Les jeux gratuits sont en effet autorisés.
3) Enfin, l'opérateur et le joueur, ou le parieur, doivent être liés par « un règlement constitutif d'un contrat d'adhésion au jeu » , précisant les modalités de jeux et de paris proposés par l'opérateur. Ce règlement devra être conforme à des règles définies par décret, pour chaque catégorie de paris et de jeux autorisés, tel que le prévoient les articles 8 et 9 du présent projet de loi. L'ARJEL veillera a posteriori à la conformité de ces règlements selon l'article 25 du présent projet de loi.
C. LA NOTION DE JOUEUR, DE PARIEUR EN LIGNE ET DE MISE
Le III du présent article définit la notion de joueur ou de parieur en ligne. Cette expression doit s'entendre comme toute personne qui accepte le contrat d'adhésion précité proposé par l'opérateur de jeux ou de paris en ligne .
Le même paragraphe précise, par ailleurs, la notion de mise : il s'agit de toute somme d'argent engagée par un joueur, y compris celle provenant de la remise en jeu d'un gain . Les prélèvements fiscaux et sociaux définis par le présent projet de loi, assis sur l'ensemble des mises, s'appliqueront donc également aux gains des joueurs réinvestis par ces derniers sous forme de nouvelles mises.
D. LA NOTION DE COMPTE DE JOUEUR EN LIGNE
Enfin, le III du présent article définit la notion de compte de joueur en ligne. Il s'agit du compte que l'opérateur de jeu est tenu d'ouvrir pour chaque joueur. Cette définition entraîne deux conséquences :
- d'une part, un joueur ne disposera que d'un compte par opérateur, même si celui-ci propose plusieurs types de jeux ou de paris ;
- d'autre part, un joueur pourra disposer de plusieurs comptes jeu ouverts auprès de différents opérateurs.
Le III du présent article précise en outre le contenu de ce compte de jeu . Celui-ci doit retracer :
- les mises et les gains liés aux jeux et paris ;
- les mouvements bancaires qui y sont liés ;
- le solde des avoirs du joueur auprès de l'opérateur.
Le compte de jeu est un élément essentiel qui participe de la traçabilité des opérations de jeux en ligne et de l'activité du joueur .
II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Outre plusieurs amendements rédactionnels, notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, a adopté un amendement tendant à substituer à la notion de « réseau informatique Internet », qui ne renvoie à aucune définition juridique, celle de « service de communication au public en ligne », consacrée par la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique .
A l'initiative de nos collègues députés Nicolas Perruchot et Jacques Myard, l'Assemblée nationale a ensuite adopté, avec l'avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement, un amendement tendant à remplacer le terme de « mouvements bancaires » par celui de « mouvements financiers ». Cette substitution tend à permettre la mise en conformité du projet de loi avec la directive sur les services de paiement qui a été récemment transposée en droit français par une ordonnance du 15 juillet 2009. Cette directive crée en effet un nouveau statut d'établissement de paiement, marquant la fin du monopole des établissements de crédit sur les services de paiement. Or ces établissements, qui appartiennent à la nouvelle catégorie juridique des prestataires de services de paiement, sont des entités non bancaires.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le présent article ouvre le chapitre du présent projet de loi consacré aux dispositions spécifiquement applicables à l'offre de jeu en ligne.
Il s'agit d'un article essentiel puisqu'il permet, tout à la fois :
- de préciser le périmètre de l'ouverture à la concurrence proposé par le présent projet de loi : sont concernés uniquement les opérateurs qui proposent des jeux et des paris par l'intermédiaire d'Internet et non par le biais de terminaux informatiques installer dans des réseaux physiques, ce qui préserve le monopole actuel des jeux « en dur » ;
- de poser le cadre général devant garantir la traçabilité des opérations de jeux et des mouvements financiers associés : le présent article définit les informations que le compte joueur doit contenir, définition qui sera précisée dans le cadre de l'article 12 du présent projet de loi ;
- de poser certains principes relatifs à la protection des joueurs : la relation opérateur de jeu / joueur repose sur un contrat d'adhésion soumis pour avis à l'ARJEL ;
- enfin, de définir l'assiette des prélèvements fiscaux et sociaux créés ou réaménagés par le présent projet de loi : ces derniers sont assis sur l'ensemble des mises et s'appliqueront donc également aux gains des joueurs réinvestis par ces derniers sous forme de nouvelles mises.
Votre rapporteur approuve l'ensemble des dispositions prévues par le présent article.
Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article sans modification.
ARTICLE 6 - Autorisation du pari hippique en ligne
Commentaire : le présent article autorise les opérateurs agréés par l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) à organiser la prise de paris hippiques en ligne, par dérogation aux dispositions de l'article 4 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux.
I. LE DROIT EXISTANT PRÉVOIT DÉJÀ UN RÉGIME D'AUTORISATION DÉROGATOIRE
Aux termes des articles 2, 4 et 5 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux, il ne peut être dérogé que sous de strictes conditions au principe général d'interdiction et de répression pénale des paris hippiques .
Ainsi seules sont autorisées les courses de chevaux ayant pour but exclusif l'amélioration de la race chevaline et organisées par des sociétés dont les statuts sociaux ont été approuvés par le ministre chargé de l'agriculture .
Ces sociétés de courses sont également les seules autorisées à organiser le pari mutuel sur les courses de chevaux . La collecte des enjeux sur les champs de courses a donc pris le nom de Pari mutuel hippodrome (PMH) .
Mais ces sociétés de courses peuvent également, depuis la loi du 16 avril 1930 portant fixation du budget général de l'exercice 1930-1931, enregistrer les paris à l'extérieur des hippodromes , exclusivement sous une forme mutuelle, grâce à un service commun, le Pari mutuel urbain (PMU) . Celui-ci est un groupement d'intérêt économique (GIE), au sens de l'article L. 251-6 du code de commerce.
Créé en 1931, le PMU compte ainsi aujourd'hui 54 membres . Il s'agit des deux sociétés dites « mères » (France Galop et la Société d'encouragement à l'élevage du cheval français), ainsi que de 52 sociétés de courses, dites « de province ».
Aux termes de la loi du 2 juin 1891 précitée seul le pari sous une forme mutuelle est autorisé . Ce type de pari repose sur le principe suivant : les parieurs ne jouent pas contre un organisme mais les uns contre les autres . Les sommes jouées sont réparties entre les gagnants, en fonction du rapport calculé, après déduction des prélèvements opérés par l'organisateur et des prélèvements fiscaux et sociaux. C'est donc la répartition des mises sur les différents chevaux qui établit la cote de chacun d'entre eux, à la différence du pari à cote fixe.
La mutualisation est la forme de paris sur les courses hippiques la plus répandue dans le monde . D'après les informations transmises par le Gouvernement à votre rapporteur, elle représenterait ainsi 80 % de l'ensemble des paris hippiques. Elle est également en France, mais aussi dans d'autres Etats membres de l'Union européenne, la forme exclusive des paris sur les courses de chevaux.
Votre rapporteur souligne la forte tradition que représente en France ce mode spécifique d'organisation des paris sur les courses de chevaux. Marqué par le rôle central du PMU, ce modèle a, en outre, permis le financement efficace de la filière hippique à la faveur du reversement du résultat net du PMU aux deux sociétés mères ainsi qu'aux autres sociétés de courses. Cette filière, financée grâce à l'exploitation des paris, est en effet composée aujourd'hui de plus de 12.000 éleveurs et de près de 3.000 entraîneurs.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ CONSISTE À PERMETTRE À DE NOUVEAUX OPÉRATEURS DE FOURNIR UNE OFFRE LÉGALE DE PARIS HIPPIQUES EN LIGNE
Le présent article vise à définir un nouveau régime d'autorisation des paris hippiques en ligne .
Le I du présent article propose ainsi de créer une nouvelle dérogation à la loi du 2 juin 1891 précitée, en faveur de tout opérateur ayant reçu préalablement l'agrément de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL). Le régime de délivrance de cet agrément est précisé à l'article 16 du présent projet de loi.
S'inspirant du dispositif existant pour le PMU , l'article prévoit que les paris hippiques organisés par les opérateurs en ligne agréés ne pourront porter que sur une liste de courses établie selon des modalités définies par voie réglementaire.
L'exposé des motifs du projet de loi apporte à ce sujet une précision notable. Cette liste devrait en effet être établie par arrêté du ministre chargé de l'agriculture sur la proposition des sociétés mères de courses de chevaux.
Le II du présent article impose la forme mutuelle , déjà définie à l'article 2 du présent projet de loi, pour l'organisation de la prise de paris hippiques.
L' ancrage de ce modèle dans la tradition nationale justifie que l'ouverture des paris hippiques en ligne soit, comme pour les paris du réseau physique, limitée à la forme mutuelle.
En outre, le présent article précise que la forme mutuelle des paris hippiques n'empêche pas que les opérateurs en ligne agréés proposent des mécanismes d'abondement des gains . Sans remettre en cause le caractère mutuel des paris, ces mécanismes permettent de diversifier l'offre de jeux.
III. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
A l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur au fond, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement dit « rédactionnel » mais à l'incidence notable . Il s'agit ainsi de prévoir que la liste des courses sur lesquelles peuvent porter les paris hippiques organisés par les opérateurs en ligne agréés concerne des réunions de courses et non pas de simples courses.
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur se déclare favorable aux présentes dispositions qui permettent principalement d'apporter une nouvelle dérogation aux dispositions portant prohibition de l'exploitation des paris sur les courses de chevaux , dans le but de permettre à de nouveaux opérateurs de fournir une offre légale de paris hippiques en ligne .
Il approuve tout particulièrement le maintien de l'autorisation exclusive des paris hippiques en la forme mutuelle . Outre sa conformité à notre tradition nationale, cette forme de paris limite les risques de corruption. En effet, les paris à cote fixe, comme tous les jeux de contrepartie, accroissent par nature les risques de manipulation des résultats voire des épreuves sportives elles-mêmes, à l'instar de courses truquées ou arrangées.
Par ailleurs et même si votre rapporteur se félicite du rôle essentiel joué par le PMU auprès de la filière hippique, il souligne que l'ouverture du marché des courses à de nouveaux opérateurs devra se faire dans le respect du droit de la concurrence .
Les images des courses devront, par exemple, faire l'objet d'une mise à disposition auprès de l'ensemble des opérateurs agréés de paris hippiques en ligne . Les informations transmises à votre rapporteur par les deux sociétés mères de courses de chevaux, propriétaires des droits sur les images et les données des courses, apparaissent rassurantes de ce point de vue, puisqu'une telle mise à disposition, par le biais de conventions, est bien prévue. Elle fera suite à l'entrée en vigueur du présent projet de loi. Le site « pmu.fr » devrait ainsi être soumis à un régime équivalent à celui de ses concurrents.
S'agissant, en outre, de l'absence de mutualisation des masses engagées auprès des différents opérateurs, il semble qu'elle ne constitue pas une infraction au droit de la concurrence. En effet, le présent projet de loi ne prévoit pas d'ouvrir aux nouveaux opérateurs la masse des paris du PMU, mais l'expérience montre que les taux de redistribution peuvent être attractifs même avec des masses modestes . De plus, les niveaux de gains ne dépendent pas seulement des sommes engagées , surtout que le nombre de gagnants tend à être proportionnel au nombre de parieurs. Enfin, votre rapporteur observe que les nouveaux opérateurs devront surtout innover dans l'offre de paris hippiques : les écarts entre les masses n'empêcheront pas l'inventivité, en matière commerciale, des concurrents de l'opérateur « historique » des paris hippiques.
Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission a adopté cet article sans modification.
ARTICLE 7 - Autorisation des paris sportifs en ligne
Commentaire : le présent article autorise les opérateurs agréés à organiser des paris sportifs en ligne.
I. L'AUTORISATION DES PARIS SPORTIFS EN LIGNE
A. UNE NOUVELLE DÉROGATION À LA LOI PORTANT PROHIBITION DES LOTERIES
Le I du présent article tend à autoriser la prise de paris sportifs en ligne , par dérogation aux dispositions des articles 1 er et 2 de la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries et de l'article 1 er de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard.
Il convient de rappeler que de nombreuses dérogations au principe de prohibition des loteries existent déjà. Certaines figuraient d'ailleurs dans le texte-même de la loi du 21 mai 1836 précitée. Cela concerne :
- des loteries d'objets mobiliers exclusivement destinées à des actes de bienfaisance, à l'encouragement des arts ou au financement d'activités sportives non lucratives, lorsqu'elles auront été autorisées par le préfet du département où est situé le siège social de l'organisme bénéficiaire et, à Paris, par le préfet de police. ;
- des lotos de tradition locale, encore appelés « rifles », « quines » ou « poule au gibier », permis seulement en cercle restreint, par des mises et pour des lots de faible valeur (dont le montant ne peut excéder un montant fixé par arrêté) et dans une finalité sociale, culturelle sportive ou d'animation ;
- des loteries foraines ;
- des loteries locales pour l'acquisition de matériel d'incendie ;
- de la loterie nationale (aujourd'hui Française des jeux) ;
- des paris sportifs (« loto sportif ») organisés par la Française des jeux.
B. L'ENCADREMENT DES PRISES DE PARIS SPORTIFS
Le I du présent article apporte, d'autre part, deux restrictions à l'autorisation des prises de paris de sportifs en ligne :
- l'une concernant les personnes habilitées à prendre de tels paris. Ce droit serait réservé aux personnes titulaires de l'agrément prévu à l'article 16 du présent projet de loi ;
- l'autre portant sur les catégories de compétitions sur lesquelles peuvent porter les paris, lesquelles seraient définies par l'ARJEL . L'exposé des motifs est clair tant sur les modalités que sur l'objectif poursuivi. Ainsi, l'ARJEL prendrait sa décision après avoir reçu l'avis du ministre chargé des sports et, pour les compétitions organisées en France, de la fédération sportive concernée, de façon à « garantir un degré suffisant de fiabilité quant à la régularité du déroulement des épreuves supports des paris ».
D'autre part, aux termes de la version initiale du II du présent article, les paris sportifs ne pourraient porter que sur le résultat final des compétitions sportives ou sur celui des différentes phases de jeu de ces compétitions, ce second type de résultat devant avoir une incidence sur l'issue de la rencontre . Toujours selon l'exposé des motifs, il s'agit d'éviter les formes de paris dans lesquelles le savoir-faire des parieurs ne peut entrer en ligne de compte ou qui peuvent faire l'objet de manipulations quant à l'issue de leur résultat. Il revient, là encore, à l'ARJEL de fixer, selon des modalités définies par voie réglementaire, pour chaque sport et après avis de la fédération concernée, les types de résultats supports des paris.
En revanche, le texte de cet article étant muet à ce sujet, les paris sportifs pourront être proposés en forme mutuelle mais également en forme de pari à cote . Cette dernière forme de pari étant considérée comme plus attractive, elle devrait logiquement conquérir une forte proportion du marché.
II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
La commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté :
- à l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement assouplissant la définition phases de jeux pouvant servir de support aux paris sportifs . Désormais, dans la nouvelle rédaction du II de cet article, il n'est plus fait mention des résultats finaux des compétitions sportives ni des phases de jeu de ces compétitions susceptibles d'avoir une incidence sur leur issue . Seule subsiste la phrase disposant que les types de résultats supports des paris ainsi que les phases de jeux correspondantes sont fixés, pour chaque sport, par l'ARJEL suivant des modalités définies par voie réglementaires ;
- à l'initiative du Gouvernement, un amendement ajoutant un III au présent article et introduisant une disposition miroir à ce qui est prévu au II de l'article 6 du présent projet loi à propos des paris hippiques. Ainsi, pour les paris sportifs de forme mutuelle, les opérateurs de paris en ligne auraient la faculté d'utiliser des mécanismes d'abondement des gains, sous réserve que cette pratique demeure ponctuelle et n'ait pas pour effet de dénaturer le caractère mutuel des paris.
De plus, en séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel proposé par le rapporteur.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur est, bien entendu, favorable à la libéralisation des paris sportifs en ligne , qui est l'un des objets-mêmes du présent projet de loi.
Le coeur du dispositif repose sur l'agrément des opérateurs autorisés à proposer de tels paris, selon les dispositions de l'article 16, commenté ci-après. Le « pari » de l'Etat consiste donc à ce que le marché des paris sportifs en ligne soit aux mains de sociétés encadrées de manière idoine, afin que la libéralisation ne se fasse pas au détriment des objectifs d'intérêt général poursuivis par la France, en particulier en termes de lutte contre l'addiction.
Votre rapporteur partage cette vision, qui explique l'assouplissement introduit par l'Assemblée nationale au sujet des phases de jeu pouvant servir de support aux paris . En effet, il ne s'agit pas qu'une vision trop restrictive aboutisse à ce que certains parieurs recherchent des types de paris qui ne pourraient être proposés que par des opérateurs illégaux (relatifs, par exemple, au nombre d'aces dans une partie de tennis ou au nom du meilleur buteur d'un match de football). Cependant, il est nécessaire de viser des éléments faisant appel au savoir-faire du parieur et ne pouvant aisément se truquer (à l'inverse, par exemple, de la couleur de la chemise d'un joueur de tennis ou de la minute du premier corner d'un match de football).
Le dispositif envisagé, couplé à celui de l'article 52 incluant la délégation des paris dans le champ du droit d'exploitation de l'organisateur de la compétition (c'est-à-dire, le plus souvent, à une fédération ou à une ligue délégataire de service public), peut sembler un garde-fou suffisant, au moins dans un premier temps.
Cette question, qui relève d'un équilibre entre des nécessités contradictoires, pourra être revue lors du bilan de la loi qui devra être fait dix-huit mois après sa promulgation.
Décision de votre commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission a adopté cet article sans modification.
ARTICLE 8 - Règles applicables à la prise de paris en ligne
Commentaire : le présent article définit les conditions dans lesquelles les opérateurs agréés peuvent proposer des paris en ligne.
I. L'ENCADREMENT DE LA PRISE DE PARIS EN LIGNE
A. UNE PRISE DE PARI EFFECTUÉE DIRECTEMENT SUR LE SITE DE L'OPÉRATEUR
Le I du présent article tend à limiter l'autorisation des paris en ligne sur les épreuves hippiques ou sportives à l'organisation et à la prise de paris enregistrés en compte par transfert de données numériques :
- exclusivement par l'intermédiaire d'un service de communication au public en ligne ;
- et à l'initiative du joueur connecté directement au site de l'opérateur agréé .
De manière concrète, ces dispositions ne visent que des paris passant par le réseau Internet (et non, par exemple, par des réseaux de téléphonie mobile). De plus, elles excluent toute possibilité d'intermédiation, le joueur devant être connecté directement au site de l'opérateur agréé. Il n'y a donc pas de moyens de « biaiser » l'exclusivité dont doivent jouir les personnes ayant obtenu l'agrément de l'ARJEL.
B. LE PLAFONNEMENT DU TAUX DE RETOUR AUX PARIEURS
Le II du présent article renvoie à un décret la définition des catégories de paris sportifs et hippiques autorisés, les principes régissant leurs règles techniques ainsi que la proportion maximale des mises reversées en moyenne aux joueurs par catégories de paris .
Ce dernier point est d'une importance particulière. En effet, il revient à poser le principe d'un plafonnement du taux de retour aux joueurs ou aux parieurs (TRJ ou TRP).
II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Outre un amendement de coordination du rapporteur, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de nos collègues députés et avec les avis favorables de la commission et du Gouvernement, deux amendements tendant à mieux préciser la notion de TRJ ou de TRP .
Le II du présent article vise ainsi désormais la « proportion maximale des sommes reversée en moyenne aux joueurs par rapport aux sommes engagées par type d'agrément ». Cette nouvelle rédaction n'englobe donc plus les seules mises des parieurs, ce qui rendait la législation contournable, mais également les éventuels abondements des comptes joueurs par les opérateurs au travers d'offres promotionnelles, de participations gratuites à des paris, etc.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur approuve l'encadrement prévu par le présent article pour les paris sportifs ou hippiques.
Comme indiqué ci-dessus, les dispositions du I garantissent l'exclusivité de la relation des opérateurs agréés avec les joueurs établis en France.
Et, surtout, l'affirmation d'un plafonnement du TRJ est nécessaire . Ce point a fait l'objet de nombreux échanges, pendant la préparation de ce texte, entre le Gouvernement et la Commission européenne, cette dernière ayant crû y distinguer un moyen de préserver la position des opérateurs historiques des jeux en France.
Or la définition d'un TRJ « raisonnable » est doublement nécessaire :
- d'une part, pour limiter l'intérêt d'utiliser les jeux de hasard dans le cadre d'opérations de blanchiment d'argent. En effet, pour de fortes sommes d'argent misées sur un grand nombre de paris, (1-TRJ) tend à représenter le taux de perte du joueur et donc, le cas échéant, le « coût du blanchiment » par ce moyen ;
- d'autre part et surtout, pour prévenir les risques d'addiction au jeu .
Certes, ce dernier point reste discuté. D'un point de vue économique, le joueur est un agent à « rationalité limitée ». Par définition, il joue alors même que son espérance de gain est négative. Mais il est davantage incité à jouer lorsque le TRJ proposé est plus attractif, ce qu'ont montré plusieurs études. A titre d'exemple, dans l'étude « Gambling as a rational addiction », publiée dans le Journal of gambling studies , l'économiste Pamela Mobilia a montré, à partir des rapports annuels de 148 hippodromes britanniques répartis sur trente ans (de 1957 à 1987) que l'élasticité à la demande du TRJ est supérieure à l'unité. Plus précisément, pour une augmentation permanente de 2 % du TRJ, une augmentation de la demande de 6,8 % est constatée sur le long terme.
En outre, d'autres études ont bien mis en lumière le processus du jeu pathologique. « Chez la plupart des personnes concernées, le parcours de la dépendance depuis son apparition jusqu'à sa guérison est, dans les grandes lignes, le même. Cette carrière de joueur » comporte trois phases : une première phase positive (phase de gain), une phase critique d'accoutumance (phase de perte) et une phase de dépendance (phase de désespoir) ». Si, selon cette étude, un gain important par rapport au revenu du joueur peut être l'élément déclencheur d'un jeu problématique, « un taux de redistribution très élevé permet ensuite de jouer longtemps, c'est-à-dire de s'adonner à longue durée à l'activité qui provoque la dépendance. Un faible taux de redistribution est, en revanche, moins attrayant ».
Dès lors, un bornage « raisonnable » du TRJ, qui devrait être de l'ordre de 85 %, semble être une mesure proportionnée , d'autant que la rédaction du présent article n'impose le plafonnement que d'un TRJ moyen. Il n'interdit donc pas de pratiquer un TRJ plus élevé, à titre promotionnel, notamment à l'occasion d'événements très médiatisés. Ce dispositif ne devrait donc pas empêcher l'ouverture du marché ni l'émergence de nouveaux acteurs, mais il devrait être de nature à prévenir la survenue de comportements addictifs.
Votre commission, sur la suggestion de votre rapporteur propose simplement, afin de préciser encore la rédaction issue de l'Assemblée nationale, de viser la proportion maximale des sommes « versée », au lieu de « reversée », de façon à assurer que les sommes ne correspondant pas à des gains (reversés) mais à des « bonus » (versés aux joueurs) sont bien incluses dans la définition du TRJ .
Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.
ARTICLE 9 - Autorisation des jeux de cercle en ligne
Commentaire : le présent article autorise les opérateurs agréés par l'ARJEL à proposer des jeux de cercle en ligne.
I. L'AUTORISATION DES JEUX DE CERCLE EN LIGNE
A. UN CADRE GÉNÉRAL PROCHE DES RÈGLES ENCADRANT LES PARIS EN LIGNE
Le I du présent article tend à déroger aux dispositions de l'article 1 er de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard en autorisant les jeux de cercle en ligne
Seules les personnes titulaires de l'agrément par l'ARJEL prévu à l'article 16 pourraient organiser de tels jeux . Ceci rejoint les dispositions de l'article 7 du présent projet de loi pour ce qui concerne les paris hippiques et sportifs en ligne.
Par ailleurs, aux termes du III du présent article, les mises doivent être enregistrées en compte par transfert de données numériques par l'intermédiaire d'un service de communication au public en ligne, c'est-à-dire par le réseau Internet . De plus, l'enregistrement de ces mises doit être effectué à l'initiative du joueur concerné, connecté directement au site de l'opérateur agréé . Là encore, comme en ce qui concerne les paris, l'intermédiation n'est donc pas permise.
B. QUELS JEUX AUTORISER ?
Le IV du présent article renvoie à un décret la fixation de la liste des jeux de cercle autorisés ainsi que les principes régissant leurs règles techniques.
Cependant, le II du présent article pose les principes sur lesquels devra s'appuyer le décret : pourront ainsi être autorisés en ligne les jeux de cercle « constituant des jeux de répartition reposant sur le hasard et sur le savoir-faire dans lesquels le joueur, postérieurement à l'intervention du hasard, décide, en tenant compte de la conduite des autres joueurs, d'une stratégie susceptible de modifier son espérance de gain ».
Parmi les jeux de hasard faisant intervenir le savoir-faire des joueurs, seuls les jeux de cercle seront autorisés dans le cadre du présent projet de loi, c'est-à-dire les jeux dans lesquels les joueurs jouent les uns contre les autres, et non les jeux de contrepartie dans lesquels les joueurs jouent contre l'opérateur.
Pour davantage de clarté, votre rapporteur rappelle, dans l'encadré suivant, la classification des jeux d'argent qu'il avait établie dans son rapport d'information de février 2002 sur les jeux d'argent et de hasard en France.
Les divers types de jeux d'argent a) Les jeux de contrepartie exclusivement pratiqués dans les casinos En l'absence de toute définition légale, on peut dire que ce sont ceux où le joueur affronte l'établissement et non les autres joueurs.
Ce sont : les jeux de dés (comme le craps), les
jeux de roues (comme la boule, le 23, les roulettes française,
américaine et anglaise) et les jeux de cartes (black-jack, 30 et
40, punto banco, etc.).
b) Les jeux de commerce exclusivement pratiqués dans les cercles
Aux termes des dispositions de l'article 126 de
l'annexe IV au code général des impôts, aucun pari ne
peut être engagé sur les chances d'un joueur, le
prélèvement au profit de la cagnotte est réduit à
un droit fixe par joueur et par séance et aucun jeu de hasard ne
doit être pratiqué dans l'établissement.
Dans les jeux de commerce, le joueur défend sa propre chance alors que l'on mise, dans les jeux de hasard, sur les chances d'un tiers. c) Les jeux de hasard pratiqués dans les cercles et les casinos
Ces jeux sont autorisés dans certains cercles aux termes
de l'instruction du 15 juillet 1947.
Source : commission des finances |
La définition des jeux autorisés par le II du présent article est donc très restrictive. Selon les renseignements recueillis par votre rapporteur, l'autorisation ne devrait concerner, en pratique, dans un premier temps, que le poker en ligne, et même seulement deux variantes déjà autorisées dans les casinos et les cercles de jeu.
II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Outre un amendement de coordination du rapporteur, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de nos collègues députés Jacques Myard et Yves Censi, et avec les avis favorables de la commission et du Gouvernement, un amendement tendant à compléter le II de cet article de façon à limiter l'autorisation des jeux de cercle en ligne aux joueurs jouant via des sites d'opérateurs titulaires de l'agrément prévu à l'article 16 .
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur approuve, bien entendu, l'esprit de cet article, l'ouverture des jeux de cercle en ligne étant l'un des objets mêmes du présent projet de loi.
Il relève, d'une part, que le champ des jeux autorisés sera restreint, et que les catégories de jeux les plus addictives, c'est-à-dire les jeux de contrepartie, en particulier la roulette, ne seront pas autorisées en ligne.
De plus, l'Assemblée nationale a apporté davantage d'assurance encore en limitant l'autorisation des jeux de cercle en ligne aux joueurs jouant via des sites d'opérateurs agréés par l'ARJEL. Il s'agit de garantir l'identification de chaque joueur et d'empêcher que des robots participent à ces jeux.
Votre rapporteur partage cette préoccupation. Il considère néanmoins que cette mesure, qui aboutit à limiter les « tables virtuelles » aux seuls opérateurs agréés en France, est trop restrictive, ce qui pourrait restreindre de manière excessive le cercle des joueurs. Le même niveau d'encadrement pourrait sans doute être atteint en élargissant le périmètre des sites aux joueurs jouant par l'intermédiaire de sites établis dans un Etat ou territoire dont l'autorité de jeux ou paris a conclu une convention avec l'ARJEL en application du V de l'article 25. La rédaction précise de telles dispositions est, certes, délicate car il serait préférable de limiter l'autorisation d'ouvrir les « tables virtuelles » à la tenue de certains événements particuliers (« grands » tournois de poker). Néanmoins, une réflexion en ce sens doit être conduite d'ici l'examen de ce texte en séance publique.
Décision de votre commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission a adopté cet article sans modification.