3. Une tutelle sectorielle et compartimentée
Depuis qu'il a été chargé par votre commission des finances de suivre le secteur des jeux d'argent et de hasard, et en particulier depuis son premier rapport d'information publié en février 2002, votre rapporteur n'a pu que constater et déplorer un grand morcellement des compétences de l'Etat . Elles relèvent ainsi de pas moins de cinq ministères et d'une Commission supérieure des jeux , qui sous l'égide du ministère de l'intérieur rend des avis (pratiquement toujours suivis par le ministre) sur les autorisations et renouvellement d'exploitation des casinos et des machines à sous.
Une nouvelle structure, le Comité consultatif pour l'encadrement des jeux et du jeu responsable ( COJER ), a également été créée en juin 2006 et est en particulier chargé de rendre un avis sur les nouveaux jeux de la Française des jeux, son plan d'action commerciale annuel et les mesures qu'elle prend pour prévenir le jeu excessif et favoriser le jeu responsable. La création de cette structure a pu illustrer un nouveau mode de para-régulation , de nature consultative mais portant sur de nouveaux pans de la régulation publique.
Cet émiettement est le fruit d'une approche historiquement compartimentée , par type de jeu ou pari, et de l'attachement des ministères à leurs prérogatives et leur coeur de compétences : la préservation des recettes fiscales pour le ministère du budget, le maintien de la sécurité publique pour le ministère de l'intérieur, et le développement de la filière équine pour le ministère de l'agriculture.
Avec la création de l'ARJEL par le présent projet de loi, ce sont ainsi pas moins de huit structures qui participent à la régulation d'un secteur dont l'importance économique est réelle mais n'est pas résolument déterminante pour la croissance du pays, alors même que l'impact des jeux sur les comportements et la santé publique est mal connu, faute de disposer d'études épidémiologiques.
Indépendamment de cette approche sectorielle, les jeux font l'objet de mesures transversales d'interdiction aux mineurs, d'encadrement de la publicité et de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme . En application de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier, les dirigeants de tous les établissements du secteur des jeux sont ainsi soumis aux mêmes obligations de prévention et de lutte contre le blanchiment que les établissements financiers.
4. Une fiscalité lourde et complexe
Les jeux d'argent et de hasard autorisés sont soumis à un régime fiscal touffu et complexe , en particulier les casinos et les jeux de la Française des jeux, qui de manière générale participe au foisonnement des textes régissant ce secteur. Ce traitement fiscal spécifique est le fruit de la sédimentation historique de textes disparates et dont la base juridique a pu dans certains cas être fragile (s'agissant plus particulièrement des prélèvements sur les casinos). Il procède à la fois de la volonté de l'Etat de matérialiser un régime d'exception au regard des atteintes potentielles à l'ordre public et de profiter davantage de la « manne » de ce secteur.
Selon les prélèvements, l'assiette est constituée du produit brut des paris ou jeux, des sommes misées ou, plus rarement, des gains (le prélèvement est alors dû par le joueur). En outre, des prélèvements non fiscaux et sectoriels sont opérés au profit :
- du budget général de l'Etat (prélèvement sur la Française des jeux, soit 1,7 milliard d'euros en 2008) ;
- des communes d'implantation des casinos , par rétrocession de 10 % du prélèvement progressif de l'Etat sur le produit brut des jeux (PBJ) et application d'un prélèvement au titre du cahier des charges liant la commune au casino. Les prélèvements de l'Etat et des communes ne peuvent toutefois excéder 80 % du PBJ ;
- du sport amateur et de haut niveau , un prélèvement sur les sommes misées sur les jeux de la Française des jeux étant effectué au profit du Centre national de développement du sport (CNDS) ;
- et de la filière équine , par reversement de l'intégralité du résultat net annuel du PMU aux sociétés de courses et actions d'encouragement à l'élevage.
Ce régime fiscal est décrit dans les commentaires des articles 39 et 46 du présent projet de loi. Il a représenté environ 4,6 milliards d'euros en 2008 , dont 80 % provenant de jeux et paris qui resteront soumis au régime des droits exclusifs, auxquels s'ajoutent les financements de la filière équine (736,4 millions d'euros en 2008) et du CNDS (225 millions d'euros en 2008), soit environ 5,56 milliards d'euros au total. Ces prélèvements représentent environ 15,1 % des mises (36,7 milliards d'euros) enregistrées sur les jeux autorisés en 2008.
Les opérateurs de jeux sont également soumis à des prélèvements au profit des organismes de sécurité sociale au titre de la contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, soit 658 millions d'euros en 2008 , dont 380 millions d'euros pour les « opérateurs historiques » et 278 millions d'euros pour les casinos.