5. L'assiette des mutuelles, institutions de prévoyance, entreprises d'assurance et de réassurance
a) Un régime substantiellement sous-amendé par le Gouvernement
Un quatrième régime est prévu par le VI de l'article 1586 quinquies , précité, pour les entreprises d'assurance et de réassurance régies par le code des assurances, et selon l'assimilation habituelle, les mutuelles et leurs unions régies par le livre II du code de la mutualité (soit celles qui pratiquent des opérations d'assurance, de réassurance et de capitalisation) et les institutions de prévoyance régies par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale ou par le titre VII du livre VII du code rural.
Il représente pour une large part une actualisation du régime actuel, en retenant les notions du plan comptable du secteur des assurances et de la capitalisation . Eu égard à leur vocation assurantielle, ces entreprises sont en effet soumises à des obligations comptables et prudentielles spécifiques et doivent constituer des provisions techniques destinées à couvrir leurs engagements. Ces actifs sont placés et s'ajoutent aux produits proprement assurantiels que sont les cotisations et primes perçues.
Ce régime a été substantiellement sous-amendé par le Gouvernement pour apporter les aménagements suivants :
- éliminer la double-imposition des parts de réassurance ;
- appliquer la solution doctrinale mise en place pour les établissements de crédit s'agissant de l'exclusion, au sein des produits de placement, de 95 % des dividendes relatifs aux placements dans des entreprises liées ou avec lien de participation, et des plus ou moins-values de cessions de titres de participation et d'immeubles d'exploitation. Le compte des produits de placement est en effet très large et il est apparu nécessaire de préciser les éléments exclus de l'assiette ;
- exclure, comme pour les autres entreprises, les quotes-parts de résultats d'opérations faites en commun ;
- confirmer la déductibilité de la valeur ajoutée des participations aux résultats, dès lors qu'il s'agit d'une provision technique ;
- et préciser explicitement la liste des charges qui ne sont jamais déductibles de la valeur ajoutée , compte tenu des particularités du plan comptable des assurances.
Extrait des débats en séance à l'Assemblée nationale 89 ( * ) Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie . Auparavant, je remercie M. de Courson d'avoir bien voulu retirer ses sous-amendements sur la valeur ajoutée des assurances, au bénéfice de ceux du Gouvernement. Les quatre sous-amendements que je défends visent à préciser les règles de calcul de la valeur ajoutée des sociétés d'assurance et de réassurance, des mutuelles et des institutions de prévoyance. Le sous-amendement n° 741 traite de la réassurance ; le sous-amendement n° 742, des plus et moins-values de cession des titres de participation et des immeubles d'exploitation ; les sous-amendements nos 743 et 744, tiennent compte de la particularité du plan comptable des assurances. La double imposition des parts de réassurance, qui ressortait du texte initial, est éliminée. Afin d'harmoniser la situation des établissements de crédit et des sociétés d'assurance, nous proposons que les plus et moins-values de cessions de titres de participations et d'immeubles d'exploitation soient exclues du calcul de la valeur ajoutée. Dans le même esprit, pour harmoniser la valeur ajoutée des sociétés d'assurance et celle de la généralité des entreprises, des banques et des sociétés financières, les quotes-parts de résultats sur opérations faites en commun sont également exclues de la valeur ajoutée. Cette notion est définie par le plan comptable général. Par ailleurs, il est normal que les sociétés d'assurance bénéficient de la même disposition que les sociétés financières que je viens d'évoquer. Enfin, le plan comptable des assurances comporte une particularité qui consiste à enregistrer les charges par nature dans des comptes transitoires, pour les ventiler ensuite dans des comptes par destination, ce qui peut poser des problèmes de traçabilité des charges et risque de diminuer le produit de la cotisation complémentaire. Il paraît donc nécessaire que le texte comporte la liste des charges qui ne sont pas déductibles de la valeur ajoutée. Ces précisions, à caractère technique, tiennent au fait que le plan comptable des assurances est distinct du plan comptable qui s'applique à toutes les entreprises, et que le calcul de la valeur ajoutée des assurances obéit à des règles particulières. Les sous-amendements ne visent pas à réduire l'assiette de la taxation, mais à préciser ce que celle-ci doit prendre en compte. M. le président . Quel est l'avis de la commission ? M. Gilles Carrez, rapporteur général . Avis favorable. |
b) La définition du chiffre d'affaires
Le chiffre d'affaires comprend ainsi :
- les primes ou cotisations et les autres produits techniques , qui correspondent au « coeur de métier » des assurances et sont aujourd'hui pris en compte ;
- les commissions reçues des réassureurs , comme dans la situation actuelle. La part des réassureurs afférente aux variations des provisions pour sinistres à payer et des autres provisions techniques n'est en revanche plus exclue de l'assiette, contrairement au projet originel du Gouvernement ;
- les produits non techniques , à l'exception de l'utilisation ou de reprises des provisions. Ces produits se rapportent en effet à une activité normale et courante des assurances. En revanche seules les provisions techniques sont prises en compte dans le calcul du chiffre d'affaires et de la valeur ajoutée, ce qui exclut les reprises sur provisions ;
- et les produits des placements , à l'exception des reprises de provisions pour dépréciation, des plus-values de cession et de 95 % des dividendes afférents aux placements dans des entreprises liées ou avec lien de participation (ce qui correspond à la terminologie du plan comptable des assurances), des plus-values de cession d'immeubles d'exploitation et des quotes-parts de résultat sur opérations faites en commun.
Ces exclusions procèdent de l'alignement sur le régime des établissements de crédit , dans une logique d'équité au sein du secteur financier. L'exclusion des plus-values de cession de titres tend cependant à entrer en contradiction avec la jurisprudence dégagée par le Conseil d'Etat dans ses arrêts SA La Mondiale du 31 décembre 2008 et Axa France Vie du 27 juillet 2009.
c) La définition de la valeur ajoutée
Le chiffre d'affaires retenu pour le calcul de la valeur ajoutée est celui précédemment défini, majoré :
- des subventions d'exploitation, comme dans le droit existant ;
- de la production immobilisée, à hauteur des seules charges qui ont concouru à sa formation et qui sont déductibles de la valeur ajoutée. Cette disposition maintient le régime actuel par validation de la solution doctrinale du BOI 6 E-11-05 du 21 octobre 2005 ;
- et des transferts, dans la mesure où le compte correspondant du plan comptable des assurances recouvre des transferts afférents à des produits de placement, pris en compte dans le chiffre d'affaires.
Sont ensuite retranchés de ce chiffre d'affaire divers éléments comptables, qui traduisent le maintien de la situation actuelle sauf dans le cas particulier des provisions pour risque d'exigibilité . Ces éléments sont :
- les prestations et frais payés, les achats, les autres charges externes et les autres charges de gestion courante ;
- les variations des provisions pour sinistres ou prestations à payer et des autres provisions techniques, y compris les provisions pour risque d'exigibilité (constituées pour faire face à des risques difficilement prévisibles), pour la seule partie qui n'est pas admise en déduction du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés en application du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts. Cette fraction est en effet considérée comme une provision pour dépréciation, en application de l'instruction fiscale BOI 4 B-2-02 du 25 septembre 2002 ;
- la participation aux résultats ;
- et les charges des placements à l'exception des moins-values de cession des placements dans des entreprises liées ou avec lien de participation et des moins-values de cessions d'immeubles d'exploitation.
Sont enfin précisées dans une « clause-balai » les charges qui ne peuvent jamais être déduites de la valeur ajoutée , en reprenant pour une large part les exceptions prévues au 4 du I de l'article 1586 quinquies pour la généralité des entreprises :
- par analogie avec les éléments non déductibles de la rubrique des « services extérieurs » qui figure dans le régime de droit commun : les loyers ou redevances afférents aux biens corporels pris en location ou en sous-location pour une durée de plus de six mois ou en crédit-bail ainsi que les redevances afférentes à ces immobilisations lorsqu'elles résultent d'une convention de location-gérance. Lorsque les biens pris en location par le redevable sont donnés en sous-location pour une durée de plus de six mois, les loyers sont retenus à concurrence du produit de cette sous-location ;
- les charges de personnel ;
- les impôts, taxes et versements assimilés, à l'exception des taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées, des contributions indirectes, de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques et de la taxe carbone sur les produits énergétiques, qui sont également déductibles dans le régime de droit commun ;
- les quotes-parts de résultat sur opérations faites en commun ;
- les charges financières afférentes aux immeubles d'exploitation ;
- les dotations aux amortissements d'exploitation ;
- et les dotations aux provisions autres que les provisions techniques.
* 89 Compte rendu des débats de l'Assemblée nationale, deuxième séance du 22 octobre 2009.