b) Des projets qui, dès lors qu'ils ne peuvent être financés par le marché, sont aussi les plus risqués
Ensuite, il n'est pas certain que l'Etat soit plus capable que le marché d'identifier les projets d'avenir.
Le grand emprunt renouerait avec la logique des « Trente Glorieuses », quand l'Etat cherchait à orienter le développement technologique national.
Le tableau ci-après montre que les principaux programmes de la période 1962-1989 ont coûté environ 18 milliards d'euros, soit un montant proche de celui envisagé pour le grand emprunt. Sur ce montant, 13 milliards d'euros, soit plus de 70 %, ont financé des impasses (Concorde, Plan Calcul, Minitel).
Les grands programmes (1962-1989)
Source : Jean-Louis Beffa, « Pour une nouvelle politique industrielle », rapport au Président de la République, 2005
En tout état de cause, il convient d'être attentif au fait qu'un afflux brutal de fonds publics n'est pas forcément une incitation à la bonne gestion dans la mesure où cela peut conduire à des décisions hâtives et à mettre de l'argent dans des opérations insuffisamment étudiées.
c) Une compatibilité avec le droit communautaire à confirmer
La compatibilité avec le droit communautaire des dépenses que doit financer le grand emprunt est par ailleurs à confirmer.
On peut rappeler à cet égard le précédent de l'Agence de l'innovation industrielle (AII), établissement public créé en 2005 sur les recommandations d'un rapport de M. Jean-Louis Beffa et qui, dans l'incapacité juridique de mener les actions souhaitées, a finalement dû être intégré à OSEO en 2007.
En effet, la Commission européenne a encadré l'action de l'AII de fortes contraintes en passant systématiquement les projet au crible afin de déterminer si le financement de l'agence ne constituait pas une aide d'Etat indue . Il en a résulté une dénaturation du concept même de l'AII , laquelle devait assurer le plus rapidement possible un financement complémentaire d'amorçage pour des projets innovants, les retards engendrés par les procédures de la Commission pénalisant gravement lesdits projets à l'aune de la concurrence internationale.
Ainsi, dans son commentaire de l'article du projet de loi de finances pour 2008 attribuant le reliquat de la dotation de l'Etat versée à l'AII à OSEO, votre rapporteur général écrivait : « Cette position de l'Union européenne était tout à fait prévisible. On ne s'étonnera que davantage de la décision prise il y a deux ans, sur la base d'un rapport remis au Président de la République d'alors par un haut responsable apparemment resté fidèle aux conceptions traditionnelles des grands corps d'ingénieurs de l'Etat et peu conscient des contraintes européennes ».