B. UN IMPACT ÉCONOMIQUE ET FINANCIER INCERTAIN
L'impact économique et financier du « grand emprunt national » est par nature impossible à simuler, dès lors que ses modalités concrètes ne sont pas encore connues. Il est cependant possible d'apporter quelques éléments d'analyse.
A titre d'hypothèse de cadrage on suppose que les choses se passeront de la manière suivante. L'Etat emprunte en 2010 environ 30 milliards d'euros sur les marchés financiers, en une seule tranche. Ces 30 milliards d'euros sont ensuite injectés dans l'économie, d'une manière vraisemblablement progressive, qui pourrait s'étaler sur les années 2010 et 2011.
1. Une croissance du PIB qui pourrait être accrue de 0,25 point en 2010 puis 0,5 point en 2011
D'un point de vue économique, les dépenses concernées seront, semble-t-il, en quasi-totalité des dépenses d'investissement .
Bien que le grand emprunt n'ait pas vocation à constituer un plan de relance bis , il aura cependant comme effet de soutenir l'activité à court terme, par des dépenses dont le multiplicateur keynésien, proche de l'unité, est relativement élevé.
Cependant en pratique il est vraisemblable que le grand emprunt se substituera partiellement à des ressources privées. Le financement accordé par l'Etat aura alors pour effet de réduire le coût de financement des bénéficiaires : si l'on suppose que la ressource est accordée gratuitement par l'Etat, le montant réellement injecté dans l'économie sera de l'ordre de seulement 4 % de celui affiché.
Si l'on suppose, par convention, que les 2/3 des dépenses n'auraient pas été réalisées sans le grand emprunt, l'impact sur le PIB pourrait être d'environ 0,25 point en 2010 et 0,75 point en 2011.
Si le grand emprunt correspondait à une augmentation pérenne des dépenses, le PIB redescendrait ensuite progressivement à son niveau potentiel, mais tel n'est pas ce qui est prévu. La fin brutale de la stimulation budgétaire correspondrait à une impulsion budgétaire identique mais en sens inverse, qui réduirait la croissance de 0,5 point en 2013 et 0,25 point en 2014.
2. L'objectif affiché d'une augmentation de la croissance potentielle est beaucoup plus aléatoire
Cependant, l'objectif mis en avant est d'augmenter durablement le potentiel de croissance de l'économie, en rendant plus dynamique la productivité globale des facteurs.
C'est la raison pour laquelle les dépenses évoquées par MM. Alain Juppé et Michel Rocard lors de leur audition par votre commission des finances sont des dépenses de recherche et développement.
Ainsi, elles concernent, notamment, les biotechnologies, les nanotechnologies, les énergies nouvelles, les réseaux de télécommunications à très haut débit, la voiture électrique, les biocarburants de troisième génération, la prochaine génération d'avions de transport, la santé. En sens inverse, la commission du grand emprunt a rejeté l'idée de financer des travaux d'infrastructures, en particulier ferroviaires.
Il semble cependant peu probable que la croissance potentielle connaisse un net infléchissement après le grand emprunt. Un scénario où, par exemple, la croissance potentielle serait accrue de 0,5 point par an pendant 10 ans, semble optimiste.
a) Des sommes en jeu relativement faibles
Tout d'abord, contrairement aux apparences, les sommes en jeu sont modestes. Selon les dernières données d'Eurostat, les dépenses de R&D ont été en 2006 de 1,84 point de PIB dans l'Union européenne, et 2,09 points de PIB en France.
Si l'on suppose que les dépenses du grand emprunt sont également réparties entre 2010 et 2011, celui-ci a pour effet de porter transitoirement les dépenses de R&D de la France de 2 points de PIB à 2,75 points de PIB (voire seulement 2,5 points de PIB si l'on suppose qu'une partie des dépenses auraient été réalisées de toute façon) chacune de ces deux années. Malgré cet effort, les dépenses de R&D demeureraient donc inférieures à celles de nombreux pays, comme la Suède, la Finlande et le Japon (au demeurant en croissance quasiment nulle depuis le début des années 90), dont les dépenses de R&D sont, chaque année, supérieures à 3 points de PIB. A partir de 2012, les dépenses de R&D retrouveraient leur niveau habituel de 2 points de PIB.
Les dépenses de R&D en 2006
(en points de PIB)
Dépenses |
|
UE-27 |
1,84 |
Suède |
3,73 |
Finlande |
3,45 |
Allemagne |
2,53 |
Autriche |
2,49 |
Danemark |
2,43 |
France |
2,09 |
Belgique |
1,83 |
Royaume-Uni |
1,78 |
Pays-Bas |
1,67 |
Slovénie |
1,59 |
République tchèque |
1,54 |
Luxembourg |
1,47 |
Irlande |
1,32 |
Espagne |
1,2 |
Estonie |
1,14 |
Italie |
1,09* |
Hongrie |
1 |
Portugal |
0,83 |
Lituanie |
0,8 |
Lettonie |
0,7 |
Grèce |
0,57 |
Pologne |
0,56 |
Malte |
0,54 |
Slovaquie |
0,49 |
Bulgarie |
0,48 |
Roumanie |
0,45 |
Chypre |
0,42 |
Autres Etats |
|
Turquie |
0,58 |
Croatie |
0,87 |
Russie |
1,07* |
Chine |
1,34* |
Norvège |
1,52 |
Etats-Unis |
2,61 |
Islande |
2,77* |
Suisse |
2,9** |
Japon |
3,32* |
* 2005. ** 2004.
Source : Eurostat, « Science, technology and innovation in Europe », septembre 2009