II. LE SYSTÈME HOSPITALIER À LA CROISÉE DES RÉFORMES

L'hôpital, public et privé, est un élément central de notre système de santé, ce qui lui est parfois reproché.

Cette réalité, fruit d'une longue tradition, se traduit dans les chiffres. Même si les dépenses hospitalières connaissent une lente décélération (elles représentaient, en 1982, 55 % des dépenses de santé), elles étaient encore, cependant, en 2008 le premier poste de la consommation de biens et de services médicaux (CSBM) : 75,2 milliards d'euros sur 170,5 milliards, soit 44 % du total, et les dépenses qu'il est prévu de consacrer aux établissements de santé devraient représenter 43,8 % des dépenses du champ de l'Ondam 2010.

L'accès à l'hôpital et l'excellence du système hospitalier demeurent des priorités de la politique de santé, dont la réalisation, surtout dans les circonstances présentes, suppose un important effort d'optimisation de l'offre de soins et de la dépense hospitalière.

La réforme engagée par le lancement en 2002 du plan Hôpital 2007 avait pour objet, dans cette perspective, de rénover la gestion et l'organisation de l'hôpital, de faciliter la restructuration et la planification de l'offre de soins, de relancer l'investissement.

Le passage à la tarification à l'activité (T2A), prévu par l'article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, est un levier essentiel de cette réforme.

Cependant, comme l'a souligné devant votre commission le Premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, la mise en oeuvre des différents volets du plan Hôpital 2007 n'a pas enclenché, comme on aurait pu l'espérer, de « cercle vertueux au service d'un projet de restructuration hospitalière » .

C'est le moins que l'on puisse dire. Mais ce n'est pas une raison pour renoncer à une réforme qui reste nécessaire et qui a sans doute surtout souffert d'un pilotage trop indécis.

Pour l'instant, cependant, cette réforme paraît enlisée, tandis que tous les avis - ceux du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, du conseil de la Cnam, de la Cour des comptes - convergent sur le constat que le potentiel d'efficience de l'hôpital reste assez largement en jachère.

Pour votre commission, il importe de sortir au plus tôt de cette situation.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 confirme la volonté gouvernementale de mener à bien la réforme de la tarification hospitalière. Il comporte aussi des mesures nouvelles en matière de maîtrise des dépenses hospitalières et prévoit les crédits nécessaires à la poursuite du plan Hôpital 2012.

Ces orientations générales rejoignent les préoccupations de votre commission.

Elle regrette en revanche la confirmation du report à 2018, annoncé au moment de la discussion du projet de loi HPST, de l'achèvement de la réforme tarifaire.

Si un délai s'impose effectivement pour mener à son terme dans de bonnes conditions la réforme de la tarification hospitalière, il faut fixer à ce délai un terme raisonnable - 2014 plutôt que 2018 - et le mettre à profit pour développer l'efficience du système hospitalier.

A. SORTIR DE L'ORNIÈRE LA RÉFORME DE LA TARIFICATION HOSPITALIÈRE

Desservie par un certain flou conceptuel, une méthodologie incertaine et un contexte financier très contraint, la mise en place de la T2A peut justifier le bilan sévère - précédé en 2006 d'un diagnostic lucide - dressé par le rapport de la Cour des comptes sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 4 ( * ) .

En effet, même si les difficultés constatées n'étaient pas toutes évitables, elles ont certainement eu, pour les établissements, des conséquences sérieuses et elles ont, surtout, freiné en partie la dynamique que la T2A avait précisément pour objet de favoriser.

Cependant, ces dommages collatéraux ne doivent pas occulter l'intérêt de la T2A, d'autant moins que sa mise en place commence à donner certains résultats.

Mais il est indispensable de clarifier à la fois le discours et la méthode. Ce qui suppose de remettre en perspective la logique de la réforme, de ne pas différer plus longtemps la « mise à plat » des problèmes qui restent à résoudre, et surtout de faire en sorte que leur analyse débouche rapidement sur des solutions.

1. Remettre en perspective la logique de la réforme

Comme le notait le rapport de la Cour des comptes sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 5 ( * ) , la réforme du financement du système hospitalier a été engagée alors que ses modalités étaient encore imprécises. On peut certes objecter à cette critique implicite qu'il aurait été difficile, surtout dans une situation qui imposait un passage rapide à la T2A, de se donner le loisir d'en définir à l'avance le scénario dans le détail - d'autant plus que les expériences étrangères montrent que le passage à la T2A nécessite inévitablement des ajustements successifs.

Il aurait cependant été utile de pouvoir aller un peu plus loin dans l'élaboration de la stratégie à mener, et surtout de disposer d'outils plus performants de collecte des données sur les coûts et d'analyses de ces données 6 ( * ) .

Ceci expliquant sans doute cela, l'imprécision des premiers jours ne s'est toujours pas totalement dissipée et entretient la confusion du débat sur les objets et les effets de la réforme, débat dont votre commission avait constaté, dès 2006, qu'il était mal maîtrisé par les pouvoirs publics 7 ( * ) .

a) Une réforme engagée dans des conditions peu propices mais qui était et reste indispensable

Le système de tarification à l'activité, qui s'applique, dans le monde et en Europe, à des systèmes de santé sans doute aussi différents les uns des autres qu'il est possible de l'être, n'a a priori aucune raison de devenir en France un ferment de destruction.

En revanche, il faut admettre que le système de soins français, durablement soumis aux effets délétères d'un régime de financement dominé par la logique de la reconduction historique, n'était guère préparé à tirer bénéfice de la T2A, dont l'efficacité dépend de l'analyse fine des coûts et des activités et des modalités techniques de la fixation des tarifs.

La réforme était urgente, mais elle arrivait sur un terrain peu préparé à la recevoir.

Il a donc fallu inventer les moyens de réaliser la tarification à la T2A sans avoir aucun des outils nécessaires.

* Une réforme engagée dans l'urgence et dans de mauvaises conditions

Jusqu'en 2003, les établissements publics et privés de santé étaient soumis à des systèmes de financement différents, celui des établissements publics et privés non lucratifs étant fondé sur le régime de la dotation globale tandis que les établissements privés à but lucratif percevaient le remboursement de prestations hospitalières dont les tarifs étaient fixés au niveau national. Dotation ou tarifs étaient ensuite répartie ou adaptés au niveau régional selon des critères assez peu dynamiques.

Au total, ce mode de financement dualiste se caractérisait par des rigidités financières, des inégalités régionales et, au bout du compte, par des inégalités intra et intersectorielles difficilement justifiables, préjudiciables à l'évolution de l'offre de soins et génératrices de sérieuses distorsions de concurrence.

L'échec des tentatives menées à la fin des années quatre-vingt-dix et au début des années 2000 pour améliorer la péréquation régionale des dotations 8 ( * ) et contenir la progression des dépenses budgétaires est à l'origine du choix, en 2003, du recours à la T2A, précédé d'une expérimentation prévue par la loi du 27 juillet 1999 portant création de la CMU.

Le RALFSS 2005 9 ( * ) de la Cour des comptes éclaire parfaitement les raisons et le contexte du passage à la T2A :

« Outre l'objectif de médicalisation du financement, le second objectif affiché de la réforme est celui "d'équité de traitement entre les établissements". Il vise la réduction des fortes disparités de ressources dont bénéficient les établissements de santé pour produire la même activité de soins et qui résultent principalement des dispositifs antérieurs de financement : bien qu'opposés dans leur logique - dotation globale de moyens d'un côté, paiement à la prestation de l'autre -, les modes d'allocation de ressources des secteurs public et privé lucratif ont eu pour résultat similaire de créer et de figer des rentes de situation à l'intérieur de chaque secteur et de maintenir un écart supposé très significatif entre les deux secteurs. »

Cette analyse explique aussi qu'il ait pu être difficile d'organiser des « convergences » quand les divergences étaient « supposées » plutôt que mesurées.

* Un processus évolutif

- La loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 a posé le principe du passage à la T2A, limité dans un premier temps aux activités de médecine, chirurgie obstétrique (MCO), qui devait permettre la « médicalisation » du financement, la responsabilisation des acteurs et une équité de traitement entre secteurs.

- La loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 en a ensuite précisé les étapes : la T2A devait - dans un premier temps - s'appliquer en 2012 au terme d'une période transitoire débutant en 2005. Elle a, surtout, introduit la notion de convergence des tarifs de toutes les catégories d'établissements, « dans la limite des écarts justifiés par les différences dans la nature des charges couvertes par ces tarifs ».

- La loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a précisé que la convergence devrait aller vers les tarifs les plus « efficients », c'est-à-dire les moins élevés et par conséquent ceux des cliniques à but lucratif, cette solution ayant été suggérée par l'Igas 10 ( * ) en raison de son caractère moins inflationniste que la convergence vers les coûts moyens qui avaient été également envisagée. Cette dernière a cependant prévalu pour la convergence « intrasectorielle ».

Sur le conseil de l'Igas, on a donc choisi les tarifs dits les plus « efficients », c'est-à-dire les moins coûteux pour l'assurance maladie, ceux des cliniques privées.

* Le manque d'outils adaptés

Une fois établie la doctrine de fixation des tarifs, il était nécessaire, faisait aussi remarquer l'Igas, disposer des informations nécessaires pour la mettre en oeuvre.

Le ministère de la santé n'en disposait pas et les tarifs pour 2006 ont dû être préparés sur la base «  de données limitées sur l'année 2003 » .

Il fallait néanmoins refondre les modalités de détermination du taux d'évolution des tarifs privés et publics et résoudre le problème de la monoparité des deux secteurs.

Enfin, la question de la définition des écarts de coûts potentiellement justifiables n'est toujours pas résolue.

Par la force des choses, la valorisation initiale des différentes composantes de la T2A s'est effectuée à partir des données disponibles, qui étaient peu satisfaisantes. C'était évidemment un handicap sévère, l'identification des coûts et la qualité de la méthode utilisée à cette fin ayant un impact important sur les résultats.

Pour les établissements privés, il avait été prévu de constituer une base de référence sous la forme d'un échantillon représentatif d'établissements sur lequel calculer les coûts de production des groupes homogènes de malades (GHM), mais elle n'existait pas à la fin de 2005.

Pour les établissements publics, existait l'échantillon d'établissements participant à l'échelle nationale de coût (ENC), mais une méthode complexe a été utilisée : le calcul des coûts complets par GHM a précédé le calcul de « pré-tarifs » par redistribution des coûts complets entre les GHS et les autres éléments de rémunération, puis celui des tarifs nationaux.

* Au total, les financements ont été répartis entre différentes composantes :

- les « tarifs » proprement dits, c'est-à-dire les groupes homogènes de soins (GHS), permettant de tarifer les séjours de groupes homogènes de malades (GHM), et dont on rappellera qu'ils ne recouvrent pas les mêmes charges dans le privé et le public ;

- les missions d'intérêt général et les aides à la contractualisation ;

- les médicaments et dispositifs particulièrement coûteux facturés en sus des séjours (les DMI-MO 11 ( * ) ) ;

- les forfaits rémunérant les soins d'urgence et les activités de greffe.

Divers coefficients géographiques tiennent compte des divergences de coûts (salariaux, immobiliers...) mais ils ne concernent que l'Ile-de-France, la Corse et l'Outre-mer.

Cette variété d'« enveloppes », qui existe dans d'autres pays et est parfaitement justifiée, de même que des incitations tarifaires, comme celles prévues pour encourager la chirurgie ambulatoire ou favoriser les réalisations de plans de santé.

Mais dans le cas français, ils correspondent aussi à des différences de structure des financements entre les secteurs peu susceptibles d'aller dans le sens de la convergence.

* Le rapport de septembre 2009 12 ( * ) de la Cour des comptes complète la description de cette singulière méthodologie en précisant que l'articulation entre coûts et tarifs « demeure très incertaine » .

Les tableaux ci-après, qui retracent l'évolution des différentes composantes de la T2A, montrent aussi que la part proprement « tarifaire » de la rémunération n'est pas celle qui a augmenté le plus vite.

Montant des deux sous-objectifs fixés par chaque LFSS
et leur répartition par sous-enveloppe depuis la mise en place de la T2A

En millions d'euros

2005

2006

2007

2008

2009

Objectifs
(rebasé)

Objectifs

Objectifs

Objectifs

Objectifs

Total champ objectifs hors champ non régulé, hors PMESPP

60 666,04

62 498,10

64 483,24

66 515,37

68 519,57

Etablissements de santé tarifés à l'activité

44 436,33

45 779,84

47 383,43

48 834,81

50 828,33

ODMCO

39 607,16

40 161,29

41 383,60

42 225,89

43 134,07

Part activité

35 811,09

36 069,51

36 861,75

37 319,90

37 644,88

Médicaments et DMI

2 945,49

3 212,40

3 602,26

3 962,48

4 339,52

Forfaits annuels

850,38

879,38

919,59

943,50

1 149,68

MIGAC

4 829,17

5 618,56

5 999,82

6 608,93

7 694,26

Autres dépenses relatives aux établissements de santé

16 229,72

16 718,26

17 099,82

17 680,56

17 691,24

Ondam

14 496,75

14 902,25

15 188,11

15 678,18

15 515,04

OQN PSY-SSR

1 732,97

1 816,01

1 911,71

2 002,38

2 176,19

Source : Atih

Montant des deux sous-objectifs fixés par chaque LFSS
et leur répartition par sous enveloppe depuis la mise en place de la T2A

En %

Part des différentes composantes (objectifs)

Total champ objectifs hors champ non régulé, hors PMESPP

2005

2006

2007

2008

2009

Etablissements de santé tarifés à l'activité

73,2 %

73,2 %

73,5%

73,4 %

74,2 %

ODMCO

89,1 %

87,7 %

87,3 %

86,5 %

84,9 %

Part activité

90,4 %

89,8 %

89,1 %

88,4 %

87,3 %

Médicaments et DMI

7,4 %

8,0 %

8,7 %

9,4 %

10,1 %

Forfaits annuels

2,1 %

2,2 %

2,2 %

2,2 %

2,7 %

MIGAC

10,9 %

12,3 %

12,7 %

13,5 %

15,1 %

Autres dépenses relatives aux établissements de santé

26,8 %

26,8 %

26,5 %

26,6 %

25,8 %

Ondam

89,3 %

89,1 %

88,8 %

88,7 %

87,7 %

OQN PSY-SSR

10,7 %

10,9 %

11,2 %

11,3 %

12,3 %

Source : Atih

b) La T2A pour quoi faire ?

* Un outil de « médicalisation du financement » qui favorise l'efficience

« La T2A est un système de financement des établissements de santé qui associe le paiement à l'activité réalisée, celle-ci étant définie par des épisodes de soins. » 13 ( * )

Outre son intérêt intrinsèque, la « médicalisation du financement » peut avoir, selon le document de travail précité de l'Irdes, trois avantages principaux :

- elle tend à assurer une plus grande transparence dans le financement des soins hospitaliers - puisqu'elle lie ce dernier à la production des soins ;

- elle est perçue comme équitable, dans la mesure où on paie le même prix pour un même service par tous les fournisseurs de soins - sous réserve naturellement de la fiabilité de la classification de l'activité en groupes tarifaires ;

- elle tend également à améliorer l'efficience à la fois de chaque établissement et de l'ensemble du système, en introduisant « une forme de compétition stimulant l'efficience dans un contexte où ces pressions compétitives étaient absentes jusqu'alors » 14 ( * ) .

Ainsi, la T2A pouvait apparaître comme un moyen efficace de sortir des modalités françaises de financement des établissements de santé, qui différaient entre les hôpitaux publics (et les établissements privés participant au service public) et les établissements privés à but lucratif, mais qui avaient en commun d'être fort éloignés d'un « financement médicalisé » et de ne guère favoriser l'efficience.

En revanche, « la T2A comme mode de paiement n'a aucune vocation à assurer une couverture optimale des besoins ni à améliorer la qualité des soins » .

*  Dès lors, il est nécessaire de prévoir à cette fin des mécanismes régulateurs additionnels , comme cela a été fait aux Etats-Unis.

* Il faut également veiller à prévenir les effets pervers qu'elle peut comporter . Ainsi, les expériences étrangères ont attiré l'attention sur certains risques potentiels concernant :

- la qualité des soins (les établissements pourront espérer maximiser leur activité en raccourcissant à l'excès les séjours ; en sélectionnant les patients les moins lourds ; en « surcodant » leur activité ou en fournissant des soins ou des prestations non indispensables mais permettant de classer les patients dans un groupe homogène de malades plus rémunérateur ;

- la maîtrise des dépenses, la T2A incitant à augmenter l'activité hospitalière et à créer des « effets d'offre », notamment pour développer la demande dans les domaines susceptibles d'être les plus rémunérateurs (hospitalisations de jour, chirurgie légère) ;

- la planification de l'offre : les établissements n'ont pas intérêt à s'installer dans les zones où il n'existe pas de demande susceptible de leur permettre de développer leur activité ni de la spécialiser dans les secteurs les plus « rentables ».

* Ces inconvénients potentiels peuvent être évités par des mesures incitatives ou par des contrôles : encore faut-il y veiller et mettre en place les mécanismes nécessaires.

Cela n'a pas toujours été perçu spontanément :

- ainsi, en ce qui concerne les planifications des soins, la Cour des comptes avait relevé en 2006 la nécessité de mieux articuler les outils de la planification hospitalière avec la T2A, soulignant que la « combinaison harmonieuse » entre la logique des objectifs quantifiés de l'offre de soins et la logique d'efficience de l'activité hospitalière « ne va pas de soi » ;

- par ailleurs, il est indispensable de mener une politique active de contrôle : à cette fin, la Cnam a programmé depuis 2006 des stratégies de contrôle tendant à dissuader la transgression des règles de facturation relatives à la T2A.

Chaque campagne retient un certain nombre de priorités. Celles retenues en 2008 ont porté sur certains séjours d'hospitalisation complète de nature variée (soins palliatifs, chirurgie de confort ou ophtalmologie, séjours comportant des complications et morbidités associées...), sur les actes et consultations externes facturés en hospitalisation à temps partiel, sur la facturation abusive d'accueils en urgence.

Au total, près de 190 000 séjours ont été contrôlés dans 424 établissements : 226 établissements publics et 198 établissements privés ; 221 établissements ont fait l'objet de notifications d'indus pour un montant total de près de 14 millions d'euros, et 57 établissements sont sanctionnables pour un montant total de 14,1 millions d'euros (le prononcé de ces sanctions financières est proposé aux ARH, et leur instruction nécessite certains délais : le résultat définitif de la campagne 2008 en ce domaine ne sera donc connu qu'à la fin de 2010) ;

- enfin, il faut aussi mettre en place des politiques de contrôle de la qualité des soins, à laquelle contribueront les obligations de publication d'indicateurs de qualité et de sécurité des soins ainsi que le dispositif d'évaluation et de diffusion de l'innovation prévu par la loi HPST.

2. Des débuts difficiles mais des évolutions encourageantes

Les trois constats qui introduisent le « bilan à mi-parcours » établi par la Cour des comptes paraissent sans appel pour la T2A « à la française » : un dispositif opaque, une gestion et un suivi des recettes des établissements insuffisants, des interrogations sur ses modalités d'évolution... On doit observer cependant que le difficile démarrage de la T2A est aussi partiellement imputable aux contraintes financières qui en ont imposé une gestion très serrée, et que quelques signes encourageants se manifestent, ce qui ne devrait pas inciter à prolonger trop une phase transitoire qui a déjà été bien longue.

a) Le poids des contraintes financières

Elles se sont traduites de diverses manières, renforçant les effets des « modifications incessantes et peu lisibles » de la tarification. Elles ont contribué aux effets négatifs constatés par la Cour des comptes : l'opacité du système, le manque de visibilité des établissements, qui aboutissait à retirer à la T2A ce qui devait être un de ses principaux avantages, à savoir l'incitation à une gestion dynamique des établissements.

Outre les charges financières entraînées par les plans Hôpital 2007 et Hôpital 2010, les contraintes financières ont résulté :

* du ralentissement de la croissance de l'Ondam , qui exigeait des établissements des efforts d'économies importants et qui n'étaient pas toujours réalisables ;

* de l' utilisation des crédits de la dotation annuelle complémentaire , primitivement destinée à faciliter la « convergence intrasectorielle » du secteur public mais qui, selon la Cour des comptes, a été utilisée comme une variable d'ajustement et a par ailleurs été frappée par des mesures de gel.

Elle a fini par être supprimée en 2008, le mécanisme du « coefficient de transition » du secteur privé ayant alors été étendu au secteur public. En outre, les tarifs nationaux du public ont été revus à la baisse avant l'application du coefficient de transition afin d'éviter les incitations à l'activité pouvant résulter de ce dispositif.

La Cour note que ce recalcul des tarifs, intervenu sans amortissement, a affecté les prévisions de recettes des établissements, qui n'ont pas alors semblé convaincus des présentations « fondées sur la métaphore des écluses ou des vases communicants » qui leur ont été prodiguées. D'autant moins sans doute que le bilan de l'évolution et de la répartition de la part T2A des deux secteurs se serait soldé par un « bénéfice » du secteur privé de 297 millions d'euros sur les exercices 2004 à 2008.

b) Des avancées encourageantes

En dépit du caractère quelque peu chaotique du passage à la T2A, l'année 2008 permet d'enregistrer deux constats positifs et deux avancées :

* La convergence intrasectorielle progresse à un rythme conforme aux prévisions, même s'il doit être observé que les effets de gamme et de taille peuvent aussi jouer sur les coûts de production des établissements à l'intérieur de chaque secteur.

La progression de la convergence intrasectorielle

Secteur privé

Année

Vitesse imposée

Vitesse observée

2005

14,29 %

14,29 %

2006

16,67 %

21,50 %

2007

20,00 %

23,55 %

2008

25,00 %

28,96 %

2009

33,33 %

38,13 %

Secteur public

Année

Vitesse imposée

Vitesse observée

2008

30,00 %

30,00 %

2009

33,33 %

34,29 %

* L'activité GHS a progressé en 2007 et 2008 dans le privé comme dans le public, mais avec un léger avantage pour ce dernier : 21,5 % et 2,5 % pour le public, contre - 0,7 % et 1,5 % pour le privé.

* L'entrée en vigueur de la nouvelle classification V11 a fait passer de 790 à 2290 le nombre des GHM, ce qui permet de distinguer quatre niveaux de GHS en fonction de la gravité des cas et permet donc de tarifer plus équitablement les cas les plus lourds.

*Des enveloppes de 760 millions d'euros et 100 millions d'euros en année pleine ont été débasées des tarifs pour être affectées respectivement aux établissements assurant la permanence des soins hospitaliers et accueillant des patients précaires.

3. Le report de la convergence

Même s'il ne faut pas minimiser l'ampleur des évolutions qu'elle exige, la mise en place de la T2A et le processus de convergence auraient duré huit années, si le délai prévu avait été maintenu. C'est déjà bien long, surtout lorsque les choses ne donnent pas le sentiment d'avancer beaucoup.

La suggestion de procéder parallèlement à une expérience de « convergence ciblée », de prime abord séduisante, doit toutefois être examinée en fonction de ses possibles répercussions sur le processus volontariste qu'il faut en priorité engager.

En effet, le débat sur la convergence intersectorielle « semble s'être poursuivi à l'identique, sans grand progrès sur les principaux thèmes visés dès le départ : la mesure des écarts entre les tarifs des seuls groupements homogènes de soins (GHS) et la mesure des écarts de coûts dus à la spécificité de chaque secteur (charges d'exploitation, en particulier de personnel, contenu de l'activité de soins et de service, différence des populations accueillies) » 15 ( * ) .

En tout cas, il semble à votre commission que, s'il faut un report, il faut le limiter à 2014, délai qui devrait être suffisant pour résoudre les questions qui doivent encore l'être, à savoir :

* l'harmonisation des charges couvertes par les GHS qui, dans le secteur privé, ne couvrent pas les honoraires des médecins, comme l'indique le tableau ci-après :

Comparaison des périmètres de charges couvertes par les tarifs

Secteur public

Secteur privé

Hors tarif

Inclus dans tarif

Inclus dans tarif

Hors tarif

Rémunérations personnels médicaux,
y compris charges sociales

Honoraires médecins
Exonération des charges sociales
en secteur I

Rémunération personnels non médicaux

Rémunérations personnels non médicaux

Liste en sus
médicaments/dispositifs médicaux implantables

Fournitures médicales, médicaments/dispositifs médicaux (hors listes)

Fournitures médicales, médicaments/dispositifs médicaux (hors listes)

Liste en sus médicaments/dispositifs médicaux implantables

Actes de biologie, d'imagerie, d'explorations fonctionnelles

Actes de biologie, d'imagerie, d'explorations fonctionnelles

Charges logistiques, hôtelières et générales

Charges logistiques, hôtelières et générales

* Les conclusions à tirer des seize études à réaliser pour évaluer les écarts de coûts justifiés entre les différents secteurs d'activité, études qui devraient toutes être terminées au plus tard en 2012.

* 4 RALFSS 2008, septembre 2009.

* 5 RALFSS 2005, septembre 2006.

* 6 On peut relever à cet égard que, jusqu'en 2009, les tarifs T2A appliqués aux établissements privés à but lucratif correspondaient aux moyennes des tarifs anciennement facturés à l'assurance maladie et non à des coûts réels observés. Pour les établissements publics, ces coûts ont été calculés à partir d'un échantillon d'une cinquantaine d'établissements participant à l'échelle nationale des coûts. Au Royaume-Uni, en revanche, l'information sur les coûts est recueillie dans la totalité des établissements. Il a été indiqué à votre rapporteur que cette méthode pouvait aussi comporter des inconvénients. On peut cependant douter que la seconde soit moins fiable que la première.

* 7 Rapport d'information sur les réformes du financement des établissements de santé, n° 298, 2005-2006.

* 8 Cette péréquation recourait déjà à une classification « économico-médicale », fondée sur le « programme de médicalisation du système d'information » (PMSI), permettant l'établissement d'une nomenclature de groupes homogènes de malades (GHM) ainsi que le calcul du point d'indice synthétique d'activité (ISA) et la modulation des budgets en fonction de l'activité des établissements.

* 9 Septembre 2006

* 10 «  Mission d'appui sur la convergence tarifaire public privé » rapport présenté par P. Aballea, P-L Bras et S. Seydoux, Igas, janvier 2006.

* 11 Dispositifs médicaux implantables et molécules onéreuses.

* 12 RALFSS 2008.

* 13 « Principes et système de la tarification à l'activité à l'hôpital » Z. Or et T. Renaud, document de travail de l'Irdes n° 23, mars 2009.

* 14 Document de travail de l'Irdes précité. Cet effet d'incitation à l'activité et à la « productivité » explique en particulier le succès du recours à la T2A pour résoudre les phénomènes de « file d'attente » au Royaume-Uni, en Australie ou au Danemark.

* 15 Cour des comptes, RALFSS 2008.

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