B. LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE JUSTICE DONNE LA PRIORITÉ À LA LIBRE PRESTATION DE SERVICES SUR LA RÉGULATION PUBLIQUE

En 1998, la Cour de justice a ouvert une seconde voie d'accès aux soins transfrontaliers programmés. A la différence de celle prévue par le règlement de 1971, la voie jurisprudentielle repose sur une avance des frais médicaux par le patient, qui est ensuite remboursé par son Etat d'affiliation.

1. L'application du principe de libre prestation de service aux soins de santé

Conformément à sa philosophie juridique, la Cour a privilégié dans sa jurisprudence les droits des individus, en l'occurrence en matière de santé, à ceux des Etats membres.

Estimant que les soins de santé, ambulatoires comme hospitaliers, sont des services comme les autres, elle a jugé qu'ils sont à ce titre soumis au principe de libre prestation des services posé à l'article 49 du traité CE. Elle considère donc qu'à partir du moment où un patient souhaite être soigné à l'étranger et avance les frais médicaux, il est en droit d'obtenir auprès de son Etat d'affiliation le remboursement des dépenses médicales engagées à hauteur de ce qu'aurait pris en charge cet Etat s'il y avait été soigné 8 ( * ) .

La différence avec la voie réglementaire porte donc sur deux points : d'une part, le patient doit avancer les frais et demander ensuite leur remboursement, alors qu'ils sont directement pris en charge dans le cadre du règlement ; d'autre part, il n'est pas obligé, en contrepartie, de demander d'autorisation préalable à son Etat d'affiliation, sauf pour les soins hospitaliers, alors que la prise en charge immédiate est conditionnée à l'obtention de cette autorisation dans la procédure réglementaire.

2. Les conditions de légalité de l'autorisation préalable pour les soins hospitaliers

Prenant en considération l'ensemble des articles du traité, et notamment l'article 152 qui reconnaît aux Etats membres la capacité de choisir librement l'organisation et le mode de financement de leur système de santé, la CJCE n'a pas appliqué aveuglément le principe de libre prestation de service aux soins de santé.

Elle a ainsi reconnu aux Etats membres le droit, pour les soins hospitaliers uniquement et à plusieurs conditions, de maintenir une obligation d'autorisation préalable pour obtenir le remboursement des soins.

Cette obligation doit avoir pour « objectif de garantir sur le territoire de l'Etat concerné une accessibilité suffisante et permanente à une gamme équilibrée de soins hospitaliers de qualité 9 ( * ) ».

Elle peut également être justifiée par « la volonté d'assurer une maîtrise des coûts et d'éviter, dans la mesure du possible, tout gaspillage des ressources financières, techniques et humaines 10 ( * ) ».

Quelle que soit sa justification, le régime d'autorisation préalable doit être proportionné et « fondé sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l'avance, de manière à encadrer l'exercice du pouvoir d'appréciation des autorités nationales afin que celui-ci ne soit pas exercé de manière arbitraire. Un tel régime d'autorisation administrative préalable doit de même reposer sur un système procédural aisément accessible et propre à garantir aux intéressés que leur demande sera traitée dans un délai raisonnable et avec objectivité et impartialité, d'éventuels refus d'autorisations devant en outre pouvoir être mis en cause dans le cadre d'un recours juridictionnel 11 ( * ) ».

Si le refus d'une autorisation préalable peut être enfin fondé sur l'existence d'une liste d'attente destinée à planifier l'offre hospitalière en fonction de priorités nationales, le délai d'attente doit être acceptable au vu de l'état clinique du patient 12 ( * ) .

* 8 Affaire C-158/96, Raymond Kohl contre Union des caisses de maladie, 28 avril 1998. Depuis cet arrêt, la Cour recourt systématiquement au même raisonnement dans ses arrêts relatifs aux soins transfrontaliers.

* 9 Affaire C-157/99, B.S.M. Smits épouse Geraets et Stichting Ziekenfonds VGZ, 12 juillet 2001.

* 10 Idem.

* 11 Idem.

* 12 Affaire C-372/04, The Queen, à la demande de Yvonne Watts, contre Bedford Primary Care Trust, Secretary os State for Health, 16 mai 2006.

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