3. Consolider la place de la France dans la recherche européenne
a) Une position honorable, mais des résultats contrastés selon les types d'opérateurs
Vos rapporteurs spéciaux ont effectué un contrôle budgétaire sur la recherche européenne avec notre collègue Denis Badré, rapporteur spécial en charge des affaires européennes qui rend compte d'une partie des conclusions, relatives à la gouvernance de la recherche en Europe, dans son rapport spécial consacré à l'article 33 du présent projet de loi de finances (évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes). Ils s'attacheront donc à livrer ici leurs observations relatives à la position de la France dans l'obtention de crédits européens en faveur de la recherche et du développement.
Au terme du 6 ème programme cadre de recherche et développement technologique (PCRDT), qui a couvert la période 2003-2006, la France s'est vue attribuer 2 milliards d'euros de contributions communautaires, soit en moyenne 500 millions d'euros par an. Cela représente environ 13 % des 15,9 milliards d'euros attribués dans le cadre du PCRDT et cela place notre pays en 3 ème position derrière l'Allemagne (18 %) et le Royaume-Uni (14 %). Il est à noter que ce retour de 13 % est en deçà de notre contribution au budget de l'Union (13,3 %) mais est presque au niveau de notre retour global sur le total des dépenses de l'Union européenne (13,8 %).
Comme l'indique le graphique ci-dessus, au bout d'un an, le 7 ème PCRDT part sur les mêmes bases dans un contexte de baisse de la part de fonds européens versés aux « grands pays » de l'Union. Ainsi, avec 600 millions d'euros de fonds reçus, la France est toujours troisième mais avec une part de seulement 11,6 % des crédits perçus , derrière l'Allemagne (17,5 %) et le Royaume-Uni (12,9 %).
Bref bilan du premier appel à projets du Conseil européen de la recherche (CER) Au sein du 7 ème PCRDT, un point particulier mérite d'être fait sur les résultats du premier appel à projets du Conseil européen de la recherche (CER) destinés aux « jeunes chercheurs », c'est-à-dire de 2 à 9 ans après soutenance de la thèse de doctorat). La Commission doit octroyer une bourse aux 300 meilleurs projets retenus sur les 9.167 qui lui ont été présentés au cours de l'année 2007. Concernant la nationalité des jeunes « cerveaux » retenus, les Français en ont eu 32 (10,7 %) et arrivent ainsi troisièmes derrière les Allemands (40) et les Italiens (35) mais devant les Britanniques (29). S'agissant des pays dans lesquels ces « cerveaux » doivent mener leur projet, les Britanniques passent largement en tête avec 58 projets (19,3 %) devant la France, deuxième, avec 39 projets (13 %) et les Allemands (33 projets). Notre pays apparaît donc comme attractif pour les plus brillants des jeunes chercheurs européens puisqu'il devrait accueillir davantage de projets qu'il n'a de nationaux retenus. Source : représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne |
La position de la France n'est donc pas « déshonorante ». Cependant, il existe un fort contraste entre des organismes pleinement immergés dans cette logique de compétition européenne et d'autres qui, s'ils peuvent être performants, apparaissent moins tournés vers l'Europe .
Ainsi, la France ne compte pas moins de 4 des 10 premiers « grands participants » (selon la terminologie officielle) qui ont obtenu des fonds du 6 ème PCRDT : le Centre national de la recherche scientifique (CNRS, premier), le Commissariat à l'énergie atomique (CEA, quatrième), Thales SA (huitième) et l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM, dixième). On pourrait même ajouter l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), seizième dans ce classement. Ainsi, le CNRS a obtenu 274,9 millions d'euros de crédits en participant à 853 projets, dont 244 en tant que meneur.
A l'inverse, si vos rapporteurs spéciaux ne disposent pas de statistiques sur les retours du 6 ème PCRDT dans les universités françaises, il ressort des réponses du gouvernement à leur questionnaire budgétaire qu'en 2005, les établissements d'enseignement supérieur opérateurs de l'Etat (universités et assimilés) n'avaient obtenu que 58,6 millions d'euros de crédits en provenance de l'Union européenne ; plus de la moitié d'entre eux avaient perçu moins de 100.000 euros et 80 (sur 192) n'avaient rien perçu du tout. De même, les lauréats français de l'appel à projets du CER sont presque tous issus des organismes de recherche. Sans caricaturer une situation qui mériteraient d'être atténuée par plusieurs facteurs objectifs, un tel constat invite à la réflexion et engage à proposer des pistes d'amélioration.
b) Les pistes d'amélioration
Tout d'abord et c'est là l'essentiel, il est nécessaire que la « culture de projet », modèle sur lequel fonctionne l'Europe, irrigue l'ensemble des acteurs de la recherche française . Si tel n'a pas toujours été le cas, il faut reconnaître les progrès réalisés de ce point de vue . La création de l'ANR et sa montée en puissance au sein du paysage de la recherche nationale n'y est évidemment pas étrangère. De plus, le « plan carrières », annoncé le 20 octobre 2008 par Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, et qui vise à récompenser financièrement les meilleurs enseignants-chercheurs et à faire revenir en France de brillants post-doctorants expatriés, va dans le même sens d'un plus grand élitisme, ce qui est nécessaire pour réussir dans la recherche.
Ensuite, il apparaît nécessaire de développer un « réflexe Europe » chez les opérateurs français, en particulier au sein des universités . En effet, les grands organismes publics de recherche, comme le CNRS, ont des cellules dédiées qui informent les intéressés des projets en cours au niveau de l'Europe et qui peuvent assister les chercheurs dans le « montage » d'un dossier présenté au PCRDT. Toutefois, les documents transmis par le gouvernement à vos rapporteurs spéciaux montrent une prise de conscience de ce problème et un engagement de l'Etat, d'une part, pour mieux informer l'ensemble des acteurs de la recherche des possibilités offertes par le PCRDT et de ses modalités de fonctionnement (notamment avec des réunions d'information en régions) et, d'autre part, pour aider au montage de dossiers. Cela va dans le bon sens et cet effort doit être poursuivi.
Enfin, même si la mobilité en Europe est déjà une réalité de l'enseignement supérieur, il faut aller encore plus loin dans le développement de réseaux et de partenariats avec des pairs afin de pouvoir présenter des projets communs ayant davantage de chances d'être retenus par la Commission.
C'est à ces trois conditions que la position de la France pourra être maintenue, et même qu'elle pourra progresser.