B. LES MESURES D'EFFICENCE DE LA DÉPENSE EN EHPAD PRÉVUES PAR LE PROJET DE LOI DE FINANCEMENT
1. La récupération sur les tarifs soins des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes des dépenses d'assurance maladie indûment prise en charge sur l'enveloppe « soins de ville »
Le recours à des professionnels de santé libéraux en Ehpad, fréquent et nécessaire, peut donner lieu à des pratiques irrégulières au regard des règles de financement qui imposent que ces professionnels soient défrayés sur la dotation soins de l'établissement, notamment :
- certains professionnels, médicaux ou paramédicaux, facturent délibérément une prestation à la personne pensionnaire de l'Ehpad alors qu'ils sont par ailleurs défrayés par l'établissement sur sa dotation soins ; ils sont ainsi payés deux fois ; ces cas de fraude manifeste supposent une complicité de l'établissement et font déjà l'objet d'un traitement pénal dans le cadre de la législation en vigueur ;
- par ailleurs, dans certains Ehpad, il peut arriver qu'un professionnel de santé continue, éventuellement avec la complicité de l'établissement, à se faire rémunérer selon la procédure habituelle en exercice libéral (le patient présente sa carte vitale ou se fait rembourser auprès de sa caisse primaire), alors que les prestations délivrées devraient être couvertes par le forfait soins (parce que le professionnel est salarié de l'établissement ou parce que l'établissement a adopté le tarif global qui lui impose de passer une convention avec les professionnels de santé libéraux exerçant auprès de ses pensionnaires afin que leurs prestations soient prises en charge par ledit tarif global ou bien encore est au tarif partiel et reçoit des infirmières libérales qui interviennent en son sein).
Dans les deux cas 31 ( * ) , la charge du financement des soins, qui devrait être assumée par l'Ehpad, est reportée sur l'Ondam « soins de ville », voire est couverte deux fois, par l'Ondam « soins de ville » et par l'Ondam « personnes âgées » (dans le premier des deux cas).
L'article 43 du projet de loi de financement confère une base légale aux procédures de récupération que les caisses d'assurance maladie veulent pouvoir lancer afin de recouvrer les sommes indûment versées et imputées sur l'enveloppe « soins de ville ». La situation plus particulièrement visée, selon l'exposé des motifs, est la seconde : celle où le professionnel de santé intervenant en Ehpad continue d'être payé en soins de ville alors qu'il devrait émarger à la dotation « soins » de l'établissement.
Le dispositif, inséré dans un nouvel article L. 133-4-4 du code de la sécurité sociale, s'organise comme suit :
- l'organisme d'assurance maladie constate qu'il a payé sur l'enveloppe « soins de ville » une prestation en principe couverte par le forfait soins de l'Ehpad ;
- une action en recouvrement est alors lancée ; elle s'ouvre par l'envoi à l'établissement d'une notification du montant réclamé ; les délais de prescription sont ceux en vigueur pour l'ensemble des cotisations et prélèvements de sécurité sociale, c'est-à-dire trois ans à compter de la date de paiement à la personne de la somme en cause ;
- l'Ehpad peut cependant contester le caractère indu de la somme réclamée ; la commission de recours amiable de la caisse-pivot 32 ( * ) est alors compétente pour traiter des réclamations relatives aux sommes en cause ;
- la caisse-pivot déduit ensuite les sommes en cause des versements ultérieurs qu'elle effectue au titre du forfait soins de l'Ehpad concerné ;
- un décret simple fixera, par ailleurs, les modalités de reversement des sommes ainsi non allouées aux organismes d'assurance maladie victimes du préjudice (dans le cas où la caisse-pivot ne serait pas elle-même l'organisme ayant subi le préjudice).
* 31 On peut également envisager un troisième cas : celui où la personne âgée bénéficie d'une « permission » pour quitter temporairement l'Ehpad et recourt à des soins de ville pendant cette période. Ce cas est cependant exclu du champ de l'article qui ne mentionne que les personnes résidant en Ehpad.
* 32 En application de l'article L. 174-8 du code de la sécurité sociale, les forfaits soins sont versés par la caisse primaire d'assurance maladie dans la circonscription de laquelle est implanté l'Ehpad, pour le compte de l'ensemble des régimes obligatoires d'assurance maladie. Toutefois, par convention entre les régimes, ce rôle peut être rempli par une caisse relevant d'un autre régime (par exemple, régime des mines, mutualité sociale agricole), lorsque dans un Ehpad le nombre de ses ressortissants est le plus élevé. La caisse « payeuse » (CPAM ou autre) est communément appelée caisse-pivot.