II. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE ET LE POSITIONNEMENT DES DIFFÉRENTS ACTEURS
La politique agricole commune a, parmi ses objectifs, celui de stabiliser les marchés. Elle met donc en oeuvre différents outils :
- le soutien des prix : intervention par achat public sur le marché intérieur, nécessitant dans le même temps l'existence d'outils de régulation aux frontières que sont les restitutions aux exportations et les droits de douanes à l'importation ;
- les instruments de gestion de l'offre, mis en oeuvre initialement pour lutter contre les excédents : gel des terres et quotas ;
- les instruments, plus récents, de soutien direct au revenu : aides couplées et découplées.
Les deux premiers de ces outils sont aujourd'hui en question dans le cadre du « bilan de santé », essentiellement pour deux productions : les grandes cultures et le lait.
Les négociations sur ces points impliquent une relation triangulaire entre la Commission européenne, qui a pris l'initiative en avançant des propositions de révision des textes communautaires, les États membres, représentés par leurs ministres de l'agriculture au sein des Conseils idoines, et le Parlement européen qui, s'il n'a pas encore de pouvoir de codécision, émet sur le sujet un avis écouté.
A. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE
La Commission européenne a lancé la phase de discussion et de négociation sur le « bilan de santé » de la PAC en rendant publique, en novembre de l'année dernière, une communication où elle exposait sa vision de la PAC et où elle avançait des premières pistes d'ajustement.
L'affinement de ce document est intervenu en mai de cette année, après six mois d'échanges autour de ces éléments de débat, par la publication de propositions législatives davantage formalisées.
1. La communication du 20 novembre 2007
Présentée comme un ajustement des réformes de 2003 permettant de moderniser la PAC et de la mettre en position de relever de nouveaux défis, la communication de la Commission européenne publiée le 20 novembre 2007 s'articule autour de trois grands axes.
Tout d'abord, la simplification du régime de paiement des aides européennes à l'agriculture dans le sens de la réforme intervenue en 2003. À ce titre, la Commission propose notamment :
- l'abandon de paiements calculés sur la base des rendements historiques au profit d'un système fondé sur un taux plus uniforme ;
- l'augmentation du taux de découplage, avec un maintien des aides couplées dans des régions où la production est modeste mais revêt une importance particulière sur les plans économique et environnemental ;
- une réduction progressive du taux de soutien pour les grosses exploitations, lorsque le total des aides dépasse un niveau déterminé ;
- l'augmentation de la superficie minimale donnant droit au soutien de l'Union européenne, actuellement fixée à 0,3 hectare ;
- une révision des normes de la conditionnalité, par la suppression des obligations superflues, mais aussi par le rajout de nouvelles contraintes concernant les problématiques émergeantes.
Ensuite, la Commission propose d'aménager les instruments de soutien du marché pour les adapter à une Union européenne à 27. Derrière ce terme d'« aménagement », se cache en réalité une volonté, de la part de la Commission, de réduire le périmètre des outils d'intervention. Elle propose ainsi :
- de ne maintenir le système de l'intervention que pour la filière « blé tendre » ;
- de supprimer définitivement le mécanisme du gel obligatoire des terres, en le compensant par des mesures environnementales ;
- de mettre fin aux quotas laitiers à l'horizon 2015 en les augmentant progressivement d'ici là et en prévoyant des mesures d'accompagnement pour certaines régions qui éprouveraient des difficultés à demeurer compétitives.
Enfin, la Commission entend permettre à l'agriculture de répondre aux défis de demain en accentuant notamment l'effort consenti en faveur du développement rural.
Parmi ces défis, la Commission évoque la gestion des risques, la lutte contre les changements climatiques, la gestion de la ressource en eau, l'exploitation optimale des possibilités liées aux bioénergies et la préservation de la biodiversité.
Constatant que les mesures d'incitation pour améliorer l'action des agriculteurs en la matière auront un coût, elle estime que la politique de développement rural en serait l'instrument de financement le mieux adapté.
Elle propose à ce titre d'augmenter le taux de modulation, soit concrètement le pourcentage prélevé sur les paiements directs de toutes les exploitations percevant plus de 5.000 euros par an et versé au budget du développement rural. Ce taux passerait ainsi progressivement de 5 % à l'heure actuelle à 13 % en 2013.
Enfin, la Commission propose d'examiner si le régime d'aide aux cultures énergétiques est toujours nécessaire compte tenu des nouveaux éléments favorisant la production de biocarburants, comme les objectifs obligatoires en matière de bioénergies ou le niveau élevé des prix.