B. MAINTENIR LA COMPÉTENCE DES ASSEMBLÉES DÉLIBÉRANTES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES POUR APPRÉCIER L'UTILITÉ PUBLIQUE DES DÉPENSES D'UN GESTIONNAIRE DE FAIT
Votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de maintenir la compétence des assemblées délibérantes des collectivités territoriales pour apprécier, sous le contrôle du juge administratif, l'utilité publique de dépenses ayant donné lieu à gestion de fait .
L'article 16 bis du projet de loi, introduit par l'Assemblée nationale sur proposition de M. Charles de Courson, tente d'apporter une réponse à des difficultés réelles.
Il est vrai que, dans certains cas, l'utilité publique des dépenses a pu être refusée, à la suite d'une alternance politique, pour des considérations étrangères à leur objet. Il est également vrai que les délais de jugement des recours introduits devant les juridictions administratives contre les délibérations des assemblées locales allongent la durée d'ensemble des procédures juridictionnelles relatives à des gestions de fait.
Les dispositions proposées reviennent cependant à transférer au juge financier une compétence actuellement dévolue aux assemblées délibérantes locales, alors même que :
- le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales pourrait y faire obstacle ;
- les élus locaux ont parfois l'impression désagréable que les chambres régionales des comptes exercent un contrôle de l'opportunité de leurs dépenses, dans le cadre de leur mission d'examen de la gestion des collectivités territoriales ;
- le pouvoir du Parlement à l'égard des gestions de fait concernant les deniers de l'Etat, qui s'exerce dans le cadre de la loi de règlement, ne serait pas remis en cause.
Pour toutes ces raisons, votre commission considère que la question devrait faire l'objet d'un examen d'ensemble dans le cadre de la réforme annoncée des missions des juridictions financières et des règles relatives à la responsabilité des gestionnaires publics.
A cette occasion, et pour réduire la durée des contentieux, il pourrait par exemple être envisagé de donner au Conseil d'Etat compétence pour apprécier en premier et dernier ressort la légalité des délibérations des assemblées locales relatives à la reconnaissance d'utilité publique de dépenses ayant donné lieu à gestion de fait.
C. HARMONISER LES DÉLAIS DE PRESCRIPTION
Jusqu'en 2002, l'action en responsabilité contre les comptables publics et les comptables de fait était soumise au délai de droit commun de la prescription extinctive de 30 ans.
Depuis la loi n° 2001-1248 du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes, le code des juridictions financières dispose que l'action en déclaration de gestion de fait est prescrite pour les actes constitutifs de gestion de fait commis plus de dix ans avant la date à laquelle la juridiction financière en est saisie ou s'en saisit d'office. Votre commission des lois et le Sénat dans sa majorité avaient proposé un délai de cinq ans, l'Assemblée nationale un délai de douze ans. Un compromis fut trouvé en commission mixte paritaire sur le délai de dix ans.
S'agissant des comptables patents, la loi n° 2001-1276 du 28 décembre 2001 de finances rectificative pour 2001 a complété l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 afin de prévoir que « le premier acte de la mise en jeu de la responsabilité [du comptable] ne peut plus intervenir au-delà du 31 décembre de la dixième année suivant celle au cours de laquelle le comptable a produit ses comptes au juge des comptes ou, lorsqu'il n'est pas tenu à cette obligation, celle au cours de laquelle il a produit les justifications de ses opérations ». Cette prescription décennale a ensuite été réduite à six ans par l'article 125 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004.
Le 21 novembre 2007, le Sénat a adopté une proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile, présentée par notre collègue M. Jean-Jacques Hyest, président de votre commission des lois, à la suite des travaux d'une mission d'information de votre commission sur le régime des prescriptions civiles et pénales, qui tend à retenir, autant que possible, un délai de cinq ans en matière de prescription extinctive.
Dans un souci d'harmonisation, votre commission vous propose de ramener à cinq ans la durée des délais de prescription des actions tendant à engager la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics et des comptables de fait .
Dans la mesure où le rythme des contrôles des juridictions financières est le plus souvent quadriennal, leurs méthodes de travail ne devraient pas en souffrir.
Les règles de prescription applicables aux infractions pénales qu'un gestionnaire de fait pourrait avoir commises resteraient inchangées.
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Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, votre commission a adopté le projet de loi relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes.