III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : DES PROPOSITIONS D'AMÉLIORATION, UN NÉCESSAIRE ACCOMPAGNEMENT DE LA LOI
A. APPROUVER LES GRANDES ORIENTATIONS DU PROJET DE LOI
De nombreuses personnes entendues par votre rapporteur ont souligné que le projet de loi a été élaboré à l'issue d'une consultation exemplaire des différents acteurs publics et privés de la commande publique et ont jugé satisfaisants le consensus et les équilibres ainsi obtenus. A cet égard, la MAPPP semble avoir constitué une instance de travail et d'écoute particulièrement féconde.
Votre commission se félicite de cette « concertation constructive » et n'entend pas remettre en cause l'économie générale du texte soumis à notre assemblée.
Elle vous propose toutefois certaines améliorations (B) et souligne que le texte n'atteindra pleinement ses objectifs que s'il fait l'objet d'une politique de suivi et d'accompagnement ambitieuse (C).
B. LES AMÉLIORATIONS PROPOSÉES
Outre des amendements rédactionnels, de précision et de coordination, votre commission vous propose plusieurs amendements tendant à modifier sur le fond le projet de loi et à le compléter.
1. Préciser les conditions de recours aux contrats de partenariat
Favorable à l'élargissement des conditions de recours aux contrats de partenariat prévu aux articles 2 et 16 du projet de loi, votre commission ne souhaite pas remettre en cause les nouveaux critères retenus par le projet de loi (bilan avantages/inconvénients et dérogations sectorielles) mais vous propose néanmoins quelques modifications.
Tout d'abord, votre commission vous propose de faire référence à une situation imprévisible, et non pas imprévue , tant pour autoriser que l'évaluation préalable soit succincte que pour définir le critère de l'urgence. En effet, un peu plus restrictif, le terme « imprévisible » devrait permettre d'éviter que l'administration considère que tout projet dont l'utilité n'aura pas été préalablement anticipée par elle ne soit considéré comme correspondant à une situation imprévue.
Ensuite, votre commission vous propose d'encadrer davantage le recours sectoriel aux contrats de partenariat prévu par le projet de loi. Dans leur rédaction actuelle, les articles 2 et 16 prévoient en effet que, pour les secteurs définis comme prioritaires et donc réputés remplir la condition de l'urgence, des contrats de partenariat peuvent être passés, sous réserve que l'évaluation préalable ne soit pas manifestement défavorable. En conséquence, de tels contrats pourraient être conclus même si l'évaluation économique, financière, juridique et administrative du projet est défavorable .
Votre commission considère qu'il n'est pas souhaitable, en particulier dans un souci de bonne gestion des deniers publics, de laisser une telle disposition. Elle vous propose donc de prévoir que les contrats de partenariat pourront être passés dès lors que l'évaluation préalable n'est pas défavorable 25 ( * ) . Cette rédaction, qui n'exige pas une évaluation préalable favorable, laisse la possibilité de conclure des contrats de partenariat lorsque l'écart entre les avantages et les inconvénients n'apparait pas décisif.
Votre commission vous propose enfin un amendement tendant à étendre à la réduction des émissions de gaz à effet de serre des bâtiments publics la liste des secteurs prioritaires pour lesquels le critère de l'urgence est réputé rempli. En effet, dans le domaine de l'énergie, le projet de loi ne retient que l'amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments publics, ce qui ne couvre pas nécessairement toutes les solutions actuellement disponibles pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre alors que cela constitue un élément essentiel pour favoriser le développement durable.
2. Etendre les possibilités d'exploiter le domaine privé de la personne publique au-delà de la durée du contrat de partenariat
Votre commission vous propose un amendement à l'article 11 tendant à prévoir que la personne publique peut autoriser le partenaire privé à exploiter le domaine privé au-delà de la durée du contrat de partenariat . Cette solution a, en effet, le mérite d'élargir les opportunités de recettes complémentaires pour la personne privée et permet ainsi à la personne publique d'en tenir compte dans la rémunération qu'elle lui verse.
3. Supprimer le dispositif de cession de créance spécifique aux contrats de partenariat et aux BEH
Comme votre rapporteur a pu le constater au cours de ses auditions, le dispositif de cession de créance spécialement créé pour les contrats de partenariat et les BEH par l'ordonnance du 17 juin 2004, et codifié à l'article L. 313-29-1 du code monétaire et financier, n'a été que très exceptionnellement utilisé. Seuls quelques contrats, dont le contrat de partenariat relatif à la réhabilitation d'une partie de l'Institut national du sport et de l'éducation physique (INSEP), ont en effet été recensés comme prévoyant une telle cession de créance.
En effet, les partenaires publics et privés ont en réalité recours à la cession de créance prévue à l'article L. 313-23 du code monétaire et financier, dite « cession Dailly » et issue de la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises. Elle est considérée comme mieux connue et garantissant une certaine sécurité juridique du fait d'une jurisprudence étoffée. Elle a en outre une assiette plus large que cette cession de créance spécifique puisqu'elle permet de céder les créances relatives aux frais financiers.
Si l'article 29 du projet de loi propose d'indéniables améliorations, en particulier en clarifiant la notion de « coûts d'investissements » et en y intégrant les frais financiers intercalaires, il est toutefois apparu à votre rapporteur, au cours de ses auditions et à la lecture des nombreuses contributions écrites qu'il a reçues, que la cession de créance prévue par l'article L. 313-29-1 du code monétaire et financier ne devrait pas être davantage utilisée . La « cession Dailly » continuerait toujours à lui être préférée. La raison principalement avancée est le fait que cette cession de créance ne couvre pas les frais financiers.
C'est pourquoi votre commission vous propose de supprimer cette cession de créance spécifique, tout en reconnaissant qu'elle avait pour principal avantage de prévoir directement dans le contrat toutes les modalités de financement du projet, permettant ainsi à la personne publique de poser des conditions et garanties. Dès lors que les partenaires publics et privés continueront de lui préférer toujours la cession de créance professionnelle de droit commun, votre commission considère que cette cession de créance n'a pas lieu d'être.
4. Supprimer l'autorisation de dispense d'assurance dommages ouvrage
Comme affirmé lors de plusieurs auditions de votre rapporteur ainsi que dans de nombreuses contributions écrites qu'il a reçues, votre commission s'inquiète de la possibilité offerte au maître d'ouvrage -c'est-à-dire au partenaire privé de la personne publique- de ne pas souscrire d'assurance dommages ouvrage dans le cadre d'un contrat de partenariat.
Votre commission souscrit bien sûr à l'objectif de ce dispositif, à savoir assurer une neutralité financière entre les contrats de partenariat et les marchés publics, lesquels ne nécessitent pas d'assurance dommages ouvrage, dans la mesure où le maître d'ouvrage demeure la personne publique qui en est par principe exonérée. Elle est consciente du fait que cette assurance correspond à 0,7 % à 1,5 % du coût global du contrat de partenariat et que, pour les projets les plus importants financièrement, les partenaires privés éprouvent des difficultés à la souscrire.
Elle n'est pour autant pas convaincue par l'instauration d'une telle dispense . Celle-ci pourrait en effet mettre les personnes publiques, en particulier les collectivités territoriales, dans des situations délicates dès lors que le partenaire privé ne l'aurait pas souscrite et ne pourrait pas couvrir les éventuels dommages. Malgré le maintien de la garantie décennale, l'assurance dommages ouvrage a pour principal avantage de pouvoir être utilisée sans recherche de responsabilités. En outre, dès lors que cette assurance devient facultative, les cocontractants privés souhaitant la souscrire devraient éprouver des difficultés, les compagnies d'assurance pouvant la leur refuser.
Pour toutes ces raisons, votre commission vous propose de supprimer l'article 31 du projet de loi créant cette dispense d'assurance dommages ouvrage .
* 25 Le dispositif de droit commun prévoit que l'évaluation préalable doit être favorable.