Rapport n° 126 (2007-2008) de M. Robert del PICCHIA , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 12 décembre 2007
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INTRODUCTION
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CONCLUSION
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EXAMEN EN COMMISSION
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PROJET DE LOI
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ANNEXE - ÉTUDE D'IMPACT
N° 126
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008
Annexe au procès-verbal de la séance du 12 décembre 2007 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l' approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Suriname relatif à la coopération transfrontalière en matière policière ,
Par M. Robert del PICCHIA,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, André Boyer, Robert Hue, vice - présidents ; MM. Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, André Trillard, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mmes Paulette Brisepierre, Michelle Demessine, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, M. André Vantomme, Mme Dominique Voynet.
Voir le numéro :
Sénat : 115 (2007-2008)
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est saisi d'un projet de loi autorisant l'approbation de l'Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Suriname relatif à la coopération transfrontalière en matière policière.
Cet accord, signé le 29 juin 2006 à Saint Laurent du Maroni par le ministre de l'intérieur français et le ministre de la justice et de la police du Suriname, vise à renforcer les moyens mis au service de la lutte contre la délinquance transfrontalière dans une zone où la France et le Suriname partagent plus de 500 kilomètres de frontières, le long du fleuve Maroni.
Votre rapporteur exposera les enjeux de la coopération transfrontalière dans cette région avant d'évoquer les principales stipulations de l'Accord.
I. LES ENJEUX DE LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE DANS LA RÉGION DU MARONI
La géographie de la Guyane, marquée par de longues frontières fluviales difficilement contrôlables et la richesse de son sous-sol, expose ce département à des formes particulières de criminalité transfrontalières telles que l'orpaillage clandestin.
A. LA GUYANE, UN DÉPARTEMENT PARTICULIÈREMENT EXPOSÉ À LA PRESSION MIGRATOIRE
Comme la Guadeloupe et Mayotte, la Guyane est particulièrement exposée à la pression migratoire en raison d'une prospérité relative dans son environnement régional. Sur une population totale de 191 000 habitants, ce département compte actuellement 27 000 étrangers en situation régulière, pour la plupart haïtiens, surinamiens et brésiliens.
Le rapport de la Commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine 1 ( * ) notait ainsi :
« En Guyane, les mouvements de population se sont accentués à mesure que les différences de niveaux de vie se creusaient entre cette collectivité et les Etats de la région. Lors de son audition par la commission d'enquête, M. Philippe Leyssène, directeur des affaires économiques, sociales et culturelles au ministère de l'outre-mer, a ainsi rappelé que, selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), le produit intérieur brut par habitant de la Guyane représentait en 2002 treize fois celui du Surinam, quinze fois celui du Guyana et trente-neuf fois celui d'Haïti.(...) »
La France et le Suriname, dont la population est de 492 829 habitants partagent une frontière de 520 kilomètres, le long du fleuve Maroni.
La guerre civile dans ce pays au cours des années 80 a provoqué l'afflux en Guyane d'environ 10 000 réfugiés surinamiens. Un grand nombre est resté sur le territoire guyanais. Depuis la réouverture de la frontière en décembre 1991, les courants d'échanges traditionnels ont pu reprendre.
Depuis lors, l'objectif est de limiter l'économie transfrontalière clandestine tout en favorisant les échanges commerciaux, et de réguler le fort courant d'immigration en Guyane.
On estime à 40 000 le nombre d'étrangers en situation irrégulière sur le sol guyanais, en provenance, par ordre décroissant du Brésil, du Suriname, du Guyana, d'Haïti et de la République dominicaine. Dans certaines communes, le nombre de clandestins excède le nombre des habitants
En 2005, 5942 personnes ont été concernées par des procédures d'éloignement. Mais comme le relevait le rapport précité, « immenses, les frontières de la Guyane s'avèrent extrêmement difficiles à contrôler, même si le nombre des non admis est passé de 1.546 en 2001 à 6.570 en 2004. Leur perméabilité explique, selon la police aux frontières de Saint-Laurent du Maroni, qu'environ 40 % des personnes faisant l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière sont déjà connues des services de police. (...) ».
B. LA PROBLÉMATIQUE SPÉCIFIQUE DE L'ORPAILLAGE CLANDESTIN
15 000 clandestins s'adonneraient à l'orpaillage à l'intérieur du département guyanais et 25 000 seraient présents sur le littoral. En comparaison, 900 personnes seulement travaillent sur des sites d'orpaillage légaux, qui font l'objet d'une concession.
Ce trafic, dont la valeur est estimée entre 100 millions et 200 millions d'euros par an, est essentiellement le fait de chercheurs venus du Nord-Est du Brésil.
Les chercheurs d'or eux-mêmes sont souvent les victimes de trafics et de réseaux organisés. Appelés « garimpeiros », ils sont souvent issus des régions les plus pauvres du Brésil et travaillent dans des conditions indignes.
Cette activité clandestine alimente l'insécurité, la pollution, les risques sanitaires, dans un département d'outre-mer qui connaît, par ailleurs, des difficultés sociales et économiques importantes. L'orpaillage illégal est responsable, selon certaines estimations, de 50 % de la criminalité sur le département guyanais.
L'orpaillage clandestin détruit la forêt primaire amazonienne et nuit à la biodiversité. Il met en danger la santé des habitants, par l'utilisation de mercure qui pollue les eaux, et transforme les habitudes alimentaires des populations amérindiennes et bushinenge traditionnellement tournées vers la pêche.
Depuis le 1er janvier 2006, l'utilisation du mercure est interdite mais difficile à contrôler concrètement.
Devant ce pillage des ressources, très néfaste pour les structures de la société et l'environnement, les moyens de lutte contre la criminalité ont été renforcés.
II. LE RENFORCEMENT DES MOYENS DE LUTTE CONTRE LA CRIMINALITÉ
A. DES MOYENS OPÉRATIONNELS ET JURIDIQUES RENFORCÉS
Les effectifs de la police aux frontières s'élevaient à 224 fonctionnaires au 1 er janvier 2006. Ceux de la gendarmerie sont de 441 auxquels il faut ajouter cinq escadrons 2 ( * ) de gendarmes mobiles, dont deux, installés à Maripasoula, sont spécialement chargés de la lutte contre l'immigration et l'orpaillage clandestins.
Les moyens juridiques ont également été renforcés : la loi du 9 septembre 2002 permet la destruction des matériels saisis utilisés par les orpailleurs irréguliers et celle des aménagements. L'article 78-2 du code de procédure pénale permet aux officiers de police judiciaire de procéder à des contrôles des documents d'identité dans une zone de 20 kilomètres en deçà du littoral et des frontières terrestres, et dans une zone de 5 kilomètres, de part et d'autre de la route nationale 2, sur la commune de Régina.
Avec le Suriname, un accord de réadmission des personnes en situation irrégulière, non encore en vigueur, a été signé le 30 novembre 2004.
B. L'ACCORD DE COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE
L'accord soumis au Sénat complète ces moyens juridiques.
Signé à Saint Laurent du Maroni le 29 juin 2006, par le ministre de la police et de la justice du Suriname et M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, il vise à renforcer la lutte contre la délinquance transfrontalière en améliorant, au niveau local, la coopération entre les forces de sécurité des deux Etats.
L'accord concerne, pour la France, les forces de police et de gendarmerie compétentes dans l'arrondissement de Saint-Laurent du Maroni et, pour le Suriname, les forces compétentes dans les deux districts frontaliers. Il est applicable dans la zone frontalière définie comme le fleuve Maroni et une bande d'une largeur de deux kilomètres à partir de la rive du fleuve sur le territoire de chacune des parties.
Il prévoit que les agents des services compétents peuvent participer à des patrouilles conjointes dans cette zone. Les agents de l'autre Etat participent aux patrouilles en qualité d'observateurs. Revêtus de leur uniforme national, ils ne peuvent faire usage de leur arme de service qu'en cas de légitime défense.
L'accord permet également de détacher un agent pour une durée limitée au sein des équipes de l'autre partie. L'agent ainsi détaché ne peut effectuer d'intervention à caractère opérationnel mais contribue à la préparation et à l'exécution des opérations de remises d'étrangers en situation irrégulière et à la coordination de mesures conjointes de surveillance dans la zone frontalière et sur le fleuve Maroni.
Il favorise la coopération en prévoyant des réunions régulières des responsables d'unités et des échanges d'informations.
Les services compétents de chaque partie favorisent une formation linguistique. La langue officielle du Suriname, ancienne colonie des Pays-bas, est le néerlandais ; on y parle également l'anglais et le sranan tongo (créole à base d'anglais et de français).
CONCLUSION
L'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Suriname relatif à la coopération transfrontalière en matière policière donne un cadre juridique aux besoins quotidiens de coopération très concrète entre les forces de sécurité de part et d'autre du fleuve Maroni.
Il s'inscrit dans un contexte de renforcement des moyens de lutte contre une criminalité transfrontière spécifique qui affecte un département qui souffre de difficultés économiques et sociales importantes.
Votre commission vous recommande l'adoption du présent projet de loi.
EXAMEN EN COMMISSION
La commission a examiné le présent rapport lors de sa réunion du 12 décembre 2007.
A la suite de l'exposé du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi et proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.
PROJET DE LOI
(Texte proposé par le gouvernement)
Article unique 3 ( * )
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Suriname relatif à la coopération transfrontalière en matière policière, signé à Saint-Laurent-du-Maroni le 29 juin 2006 et dont le texte est annexé à la présente loi.
ANNEXE - ÉTUDE D'IMPACT4 ( * )
Il convient en premier lieu de souligner que l'article 2 de l'accord stipule que la coopération s'exerce « dans le respect de [...] la souveraineté respective et du rôle des autorités administratives et judiciaires territorialement compétentes [des Parties] », et par ailleurs « sans préjudice [...] du droit interne des Etats parties ». L'accord comporte par ailleurs, en son article 9, une clause de refus qui permettra à la France de refuser sa coopération si celle-ci était susceptible de « nuire à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public, aux règles d'organisation ou de fonctionnement de l'autorité judiciaire ou à d'autres intérêts essentiels de l'Etat ou de restreindre son droit national ».
Par ailleurs, les « patrouilles conjointes » prévues à l'article 3 ne permettent à un agent étranger d'y participer sur le territoire français qu'en qualité « d'observateur ». Ces agents ne seront donc pas autorisés à effectuer des actes de police qui impliqueraient l'usage de la contrainte et pourraient conduite à une privation de liberté.
Les autres articles concernent le détachement de fonctionnaires (article 4) ou des actions de coordination et d'échanges (articles 5 et 7). Ils ne soulèvent pas de difficultés juridiques particulières, compte tenu notamment des clauses de sauvegarde des articles 2 et 9.
Au vu de ces éléments, cet accord international, une fois introduit dans le droit interne par la loi en autorisant l'approbation, ne nécessitera pas de modification de l'ordonnancement juridique.
* 1 Voir le rapport de MM. Georges Othily et François-Noël Buffet n° 300 (2005-2006).
* 2 un escadron compte environ 120 gendarmes mobiles
* 3 Voir le texte annexé au document Sénat n° 115 (2007-2008)
* 4 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.