LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Sur la proposition du gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté, en seconde délibération, un amendement majorant de 2,7 millions d'euros les crédits du programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'Etat » .
Cet amendement tire la conséquence d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale 20 ( * ) , qui pérennise les dégrèvements de redevance audiovisuelle pour « les personnes handicapées », soit 25.000 foyers concernés en 2008.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 24 octobre 2007, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale, sur la mission « Remboursements et dégrèvements ».
A titre liminaire, Mme Marie France Beaufils, rapporteure spéciale , a rappelé que la commission, à son initiative, en application de l'article 58-2° de la LOLF, avait saisi la Cour des comptes d'une demande d'enquête sur la gestion et l'efficacité des remboursements et dégrèvements. Le 3 octobre 2007, une audition s'était tenue, « pour suite à donner » à cette enquête. Elle s'est félicitée des propositions de réforme sur lesquelles cette audition avait débouché.
Puis elle a indiqué que cette mission constituait la plus importante du budget de l'Etat en termes de volume de crédits : plus de 83 milliards d'euros pour 2008, décomposés en 67 milliards d'euros pour le programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'Etat » et 16 milliards d'euros pour le programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux ». A titre de comparaison, elle a signalé que les crédits demandés pour la mission « Enseignement scolaire » se montaient à 59 milliards d'euros.
Elle a précisé que 80 % des crédits de la mission se rapportaient aux remboursements et dégrèvements d'impôts d'Etat. Ils couvraient surtout des dépenses « techniques », liées aux modalités de recouvrement de certains impôts.
Elle a relevé que les crédits de la mission enregistraient une augmentation, de 8,7 % par rapport à 2007 et de 15 % par rapport à l'exécution de 2006. Cette hausse, outre un effet d'évolution « spontané », traduisait principalement :
- d'abord, la réévaluation du montant des remboursements et dégrèvements en 2007, à hauteur de 3 milliards d'euros ;
- ensuite, des mesures d'aménagement de droits présentées dans le projet de loi de finances pour 2008 ou votées antérieurement, en particulier l'élargissement du plafonnement des impositions directes instauré par loi du 21 août 2007 relative au travail, à l'emploi et au pouvoir d'achat. Ces mesures induisaient des remboursements à hauteur de près d'un milliard d'euros ;
- enfin, pour 2,8 milliards d'euros, l'impact sur les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux de la réforme de la taxe professionnelle votée en loi de finances initiale pour 2006, dont la mise en oeuvre interviendrait en 2008.
Compte tenu du niveau de ces dépenses et de leur dynamisme, elle a souhaité que les remboursements et dégrèvements associés à des politiques publiques définies soient couverts, dans l'avenir, par la norme de dépense.
Elle a mis en exergue deux caractéristiques de la mission :
- d'une part, l'hétérogénéité des dépenses, les unes étant de nature « technique », tandis que les autres participaient de diverses politiques publiques ;
- d'autre part, la méconnaissance du principe, posé par la LOLF, d'un regroupement des crédits par finalité, cette mission rassemblant des crédits en fonction de la nature des dépenses.
Dans ce contexte, une réforme lui paraissait indispensable. Toutefois, elle a souhaité en examiner toutes les conséquences budgétaires et juridiques, afin d'éviter que le changement d'architecture ne nuise à la lisibilité budgétaire et, par conséquent, au pouvoir du Parlement.
Evoquant les axes de cette réforme, elle en a pointé les difficultés. Elle a notamment souligné les obstacles à la ventilation dans d'autres missions des crédits relatifs aux dispositifs fiscaux appuyant une politique publique.
Dans la mesure où la LOLF exige l'isolement de ces crédits, en raison de leur nature évaluative, sur des programmes spécifiques, elle a proposé de ne ventiler, à court terme, que les crédits correspondant à des dispositifs de taille suffisante pour créer de nouveaux programmes, afin d'éviter un « émiettement ». Dans cette perspective, eu égard aux règles de recevabilité des amendements parlementaires, elle a proposé de supprimer les crédits relatifs à la prime pour l'emploi et au crédit d'impôt recherche, afin d'inviter le gouvernement à réinscrire ces crédits dans les missions « Travail et emploi » et « Enseignement supérieur et recherche ».
S'agissant des remboursements et dégrèvements d'impôts locaux, elle a présenté l'alternative suivante. Si l'on considère les dispositifs en cause comme un soutien aux collectivités territoriales, l'ensemble des crédits du programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux » pourrait être rattaché à la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Si, au contraire, on privilégie la vocation sociale ou économique de ces dispositifs, il conviendrait de répartir les crédits du programme entre les différentes missions correspondantes.
De son point de vue, la seconde de ces hypothèses est la mieux fondée, car les dégrèvements d'impôts locaux constituent essentiellement une mesure d'accompagnement de politiques fiscales décidées par l'Etat, et non par les collectivités territoriales. Afin de porter ce débat en séance publique, elle a proposé un amendement visant à supprimer les crédits du programme.
Deux autres réformes de l'architecture de la mission « Remboursements et dégrèvements » lui paraissent souhaitables. La première consiste à créer, par amendement, un nouveau programme retraçant les remboursements de crédits de TVA. Ces crédits, en effet, représentent plus de la moitié des crédits de la mission dans sa configuration actuelle.
La seconde réforme tend à affiner le découpage de l'action « balai », intitulée « Autres produits directs, indirects et divers », figurant au sein du programme relatif aux remboursements et dégrèvements d'impôts d'Etat. Elle a appelé le gouvernement à réaliser cette modification.
Elle a enfin souligné la médiocrité du dispositif de mesure de la performance.
En premier lieu, pour chaque programme, la mesure de la performance se trouve exclusivement axée sur la qualité du service rendu aux usagers, et ne s'appuie que sur un objectif de rapidité de traitement des remboursements.
En deuxième lieu, les valeurs cibles fixées, pour chacun des indicateurs, en 2008 et en 2009, se révèlent moins élevées que les réalisations enregistrées en 2005 et en 2006.
En troisième lieu, ces indicateurs ne couvrent qu'une faible part des dépenses retracées par la mission. En particulier, aucun indicateur n'est associé au financement de la prime pour l'emploi ou aux dégrèvements de la taxe professionnelle.
Dans ce cadre, elle a préconisé trois améliorations :
- d'une part, étendre la mesure de la qualité du service rendu aux usagers à une partie plus importante des dépenses retracées par la mission, et compléter l'objectif de rapidité d'exécution par un objectif centré sur la fiabilité et la régularité des opérations ;
- d'autre part, mesurer le coût de la gestion des dispositifs de remboursements et dégrèvements au moyen des outils adéquats, notamment une comptabilité analytique ;
- enfin, évaluer l'efficacité socio-économique des dégrèvements et remboursements relevant de politiques publiques spécifiques.
Sur ce dernier point, elle a reconnu l'existence de difficultés techniques et fonctionnelles, car cette mission ne retrace qu'une partie de la dépense fiscale, et l'information dont dispose l'administration fiscale reste limitée aux montants financiers, ainsi qu'à certaines caractéristiques des contribuables. Cependant, les expériences de collaboration entre le ministère chargé de l'économie et des finances et les autres ministères techniques, en matière de crédit d'impôt recherche notamment, prouvent qu'il est possible d'instaurer une mesure de l'efficacité socio-économique des dispositifs en cause.
Un débat s'est alors instauré sur les amendements proposés par Mme Marie France Beaufils, rapporteure spéciale , dont elle a souligné le caractère d'amendements « d'appel ».
Mme Nicole Bricq, rapporteure sépcial , s'est interrogée sur la pertinence de présenter des amendements de suppression de crédits inscrits sur une mission en vue de voir ces crédits réaffectés dans une autre mission.
M. Jean Arthuis, président , a rappelé que les règles de recevabilité des amendements parlementaire n'autorisaient pas, en l'occurrence, d'autre moyen d'intervention. Il reviendrait au gouvernement, le cas échéant, de tirer les conséquences de l'adoption de ces amendements.
Mme Marie France Beaufils, rapporteure spéciale , a signalé l'existence de précédents en la matière, et a insisté sur la nécessité d'obtenir du gouvernement qu'il engage les réformes souhaitables de cette mission.
M. Jean Arthuis, président , a ajouté qu'une clarification de la présentation budgétaire des remboursements et dégrèvements était en effet, à ses yeux, impérative. Cette conclusion s'était imposée à l'issue de l'audition « pour suite à donner » à l'enquête de la Cour des comptes.
Par ailleurs, il a suggéré que les dégrèvements de taxe d'habitation soient, à l'avenir, rattachés à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », et les dégrèvements et crédits d'impôts afférents à la taxe professionnelle à la mission « Développement et régulation économiques ».
Après que la commission eut adopté, à l'unanimité, les trois amendements proposés par la rapporteure spéciale, elle a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements » ainsi modifiés.
Réunie le jeudi 22 novembre 2007, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a confirmé sa position, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale.
* 20 Article 62 (nouveau) rattaché au compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », adopté sur l'initiative de notre collègue député Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial, avec l'avis favorable du gouvernement.