II. UNE MISSION DONT LE PÉRIMÈTRE ET L'ARCHITECTURE ENTRAVENT L'EFFICACITÉ DU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE
A plusieurs reprises - lors de l'examen des projets de loi de finances pour 2006 6 ( * ) et 2007 7 ( * ) , ainsi que du projet de loi de règlement pour 2006 8 ( * ) -, votre rapporteure spéciale a souligné le manque de pertinence du périmètre et de l'architecture de la mission « Remboursements et dégrèvements ».
C'est pourquoi, votre commission des finances, à l'initiative de votre rapporteure spéciale a saisi, en octobre 2006, la Cour des comptes d'une demande d'enquête sur la gestion et l'efficacité des remboursements et dégrèvements d'impôts , en application de l'article 58-2° de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).
Le 3 octobre 2007, votre commission des finances a organisé une audition pour « suite à donner » à cette enquête, mettant en présence les magistrats de la première chambre de la Cour des comptes, les représentants de la direction du budget, de la direction générale des impôts (DGI), de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP) et de la direction générale des collectivités locales (DGCL). Ces travaux ont donné lieu à la parution d'un rapport de votre rapporteure spéciale 9 ( * ) .
A cette occasion, votre rapporteure spéciale s'est félicitée de la convergence des conclusions de la Cour des comptes avec la plupart des observations qu'elle avait précédemment formulées , ainsi que de l' engagement de M. Eric Woerth , ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, de « faire procéder à une étude dont le mandat sera de rendre l'information des parlementaires plus lisible en restructurant cette mission » 10 ( * ) , admettant ainsi indirectement les limites de la présente mission.
A. LES OBSERVATIONS CONVERGENTES DE LA COUR DES COMPTES
Rejoignant les observations antérieures de votre rapporteure spéciale, la Cour des comptes a souligné quatre aspects saillants de la mission « Remboursements et dégrèvements » .
1. L'hétérogénéité des dépenses auxquelles sont destinés les crédits de la mission
Cette hétérogénéité limite la capacité des gestionnaires à définir une stratégie cohérente . La Cour des comptes a proposé le classement des dépenses retracées par la mission en deux catégories principales : les dépenses « techniques », d'une part, et les dispositifs fiscaux visant à servir une politique publique déterminée, d'autre part.
L'hétérogénéité des crédits retracés par la mission « Remboursements et dégrèvements » Cette hétérogénéité résulte de deux éléments : - en premier lieu, l'origine de ces dépenses . Les remboursements et dégrèvements peuvent résulter d'une initiative du contribuable (procédures gracieuses ou contentieuses), de l'administration fiscale (dégrèvements dits « d'office » ou dégrèvements dits « d'origine législative ») ou du comptable public (admission en non valeur, demandes en sursis ou en décharge) ; - en second lieu, les conséquences de ces dépenses en termes de trésorerie . Les remboursements et dégrèvements peuvent donner lieu à un décaissement ou non (en cas d'impôt non recouvré ou d'admission en non valeur par exemple) ; l'effet d'un dégrèvement d'impôt local n'est pas identique pour l'Etat et les collectivités territoriales (il n'affecte pas le produit versé aux collectivités, mais diminue les recettes fiscales pour l'Etat). Les crédits de la mission peuvent néanmoins être regroupés en deux catégories principales : - d'une part, les dépenses « techniques » , c'est-à-dire celles liées aux modalités de recouvrement de certains impôts (remboursements de crédits de TVA, restitutions d'acomptes d'impôt sur les sociétés), à la restitution par l'administration de sommes indûment perçues auprès des contribuables ou aux dépenses d'ordre correspondant à des régularisations comptables (admissions en non valeur, remises de débet). Ces dépenses représentent plus des deux tiers des crédits de la mission ; - d'autre part, les dispositifs fiscaux mis en place pour servir une politique publique déterminée . Il s'agit, pour l'essentiel, de crédits d'impôts d'Etat (par exemple, la prime pour l'emploi ou le crédit d'impôt recherche) ou de dégrèvements d'impôts locaux. Source : d'après l'enquête de la Cour des comptes réalisée à la demande de votre commission des finances du Sénat sur la gestion et l'efficacité des remboursements et dégrèvements d'impôts |
2. Un périmètre et une nomenclature qui ne correspondent pas aux prescriptions de la LOLF
Le découpage de la mission et des programmes afférents ne répond pas à l'article 7 de la LOLF, qui dispose qu'« une mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie » et qu'« un programme regroupe les crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions ».
En effet, s'agissant de la mission , le critère de regroupement des crédits est la nature de la dépense, et non sa finalité.
S'agissant du découpage des programmes , le choix a porté sur la collectivité bénéficiaire du produit des impôts (Etat ou collectivités territoriales) et non sur la destination de la dépense.
3. Une ventilation en actions qui ne permet pas une identification claire des dépenses retracées
Le découpage en actions des deux programmes de la mission ne permet pas une identification claire des dépenses retracées au sein de la mission .
Si le découpage en actions du programme 200 , relatif aux impôts d'Etat, recouvre, pour partie, une répartition par grands impôts (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, TVA), l'action 5, « Autres produits directs, indirects et divers », regroupe, elle, sans autre logique que celle du « balai », l'ensemble des autres dispositifs .
Quant au programme 201 , relatif aux impôts locaux, il ne comporte aucune sous-action ventilant les remboursements et dégrèvements relatifs à chaque catégorie d'impôts , comme c'est le cas pour le programme relatif aux impôts d'Etat.
4. Des moyens rattachés à une autre mission
Le rattachement des moyens de gestion au programme 156 , « Gestion fiscale et financière de l'Etat et du secteur public local », de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », limite l'appréciation de l'efficience de la mission « Remboursements et dégrèvements ».
* 6 Rapport général n° 99 (2005-2006), tome III, annexe 24.
* 7 Rapport général n° 78 (2006-2007), tome III, annexe 24.
* 8 Rapport n° 393 (2006-2007), tome II.
* 9 Rapport d'information n° 8 (2007-2008).
* 10 Lettre du 27 septembre 2007 de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, adressée à notre collègue Jean Arthuis, président de votre commission des finances.